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06/06/2012 | FRANCE | N°10/05502

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 06 juin 2012, 10/05502


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 06 Juin 2012

(n° 08 , 05 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/05502



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 28 Mai 2010 par le conseil de prud'hommes de Paris, section encadrement, RG n° 08/14304





APPELANTE

SA EMC

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Frank WISMER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0107 subs

titué par Me Muriel DELUMEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : P107







INTIME

Monsieur [E] [B]

[Adresse 12]

[Localité 1]

représenté par Me Nicolas PINTO, avocat au barre...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 06 Juin 2012

(n° 08 , 05 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/05502

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 28 Mai 2010 par le conseil de prud'hommes de Paris, section encadrement, RG n° 08/14304

APPELANTE

SA EMC

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Frank WISMER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0107 substitué par Me Muriel DELUMEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : P107

INTIME

Monsieur [E] [B]

[Adresse 12]

[Localité 1]

représenté par Me Nicolas PINTO, avocat au barreau de PARIS, toque : K0026 substitué par Me Annabelle SEVENET, avocat au barreau de PARIS,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Avril 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Christine ROSTAND, présidente

Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller

Madame Monique MAUMUS, conseillère

Greffier : Madame Chantal HUTEAU, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Christine ROSTAND, présidente et par Madame Caroline CHAKELIAN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Paris en formation de départage du 28 mai 2010 ayant :

- condamné la SA EMC à payer à M. [E] [B] les sommes suivantes :

' 52.992 euros à titre de dommages-intérêts pour défaut de cotisation au régime général de retraite de la sécurité sociale,

' 2.190 euros d'indemnité pour perte de droit à pension,

' 2.500 d'indemnité pour préjudice moral,

avec intérêts au taux légal partant de son prononcé,

' 1.200 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs autres demandes,

- condamné la SA EMC aux dépens.

Vu la déclaration d'appel de la SA EMC reçue au greffe de la cour le 23 juin 2010 ;

Vu l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 7 mars 2012 ayant ordonné la réouverture des débats à l'audience du 10 avril 2012 pour recevoir de la part de M. [E] [B] un complément d'information sur ses prétentions ;

Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 10 avril 2012 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens de l'EPIC EMC, venant aux droits de la SA EMC, qui demande à la cour d'infirmer le jugement critiqué, de débouter en conséquence M. [E] [B] de toutes ses demandes, et de le condamner à lui payer la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 10 avril 2012 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens de M. [E] [B] qui demande à la cour :

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SA EMC, aux droits de laquelle vient l'EPIC EMC, à lui payer la somme de 52.992 euros à titre de dommages-intérêts correspondant au montant du rachat des trimestres non cotisés,

- de l'infirmer concernant les indemnités retenues au titre de la perte de droit à pension ainsi que du préjudice moral et, statuant à nouveau sur ces chefs de demandes, de condamner l'EPIC EMC à lui régler les sommes suivantes :

' 99,54 euros d'indemnité mensuelle correspondant au manque à gagner sur la pension de retraite mensuelle perçue à compter du 1er août 2007 jusqu'au prononcé d'une décision définitive, soit a minima 5.375,16 euros représentant le calcul du manque à gagner arrêté sur la période du 1er août 2007 au 31 janvier 2012, somme à parfaire sur la période à compter du 1er février 2012,

' 15.000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral.

- y ajoutant sur la somme sollicitée de 52.992 euros, d'ordonner la capitalisation des intérêts au taux légal.

- de condamner l'EPIC EMC à lui régler la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA COUR

M. [E] [B] a été recruté le 2 février 1977 en qualité d'ingénieur commercial par la Société Commerciale des Potasses et de l'Azote (SCPA) aux droits de laquelle vient l'EPIC EMC, avec un stage probatoire d'un an du 1er mars 1977 au 28 février 1978, et moyennant une rémunération mensuelle de 6.000 francs durant son temps d'activité en France ou de 50.000 francs CFA lors de ses « séjours Outre-mer ».

Dans cette même lettre d'engagement, l'employeur a précisé qu'à l'issue de ce stage probatoire, en cas de résultats satisfaisants, il sera « intégré dans les cadres de la Société et détaché pour une durée de 5 à 6 ans auprès d'une (de ses) filiales Outre-mer ou à l'étranger ».

M. [E] [B] produit aux débats un certificat de travail émanant de la SCPA (pièce 1) qui reprend ses différentes affectations professionnelles :

' du 1/3/1977 au 19/11/1982, « détaché » à la Société Sénégalaise d'Engrais et de Produits Chimiques à [Localité 6] (Sénégal),

' du 20/11/1982 au 15/6/1990, « détaché » à la Société Tropicale d'Engrais et de Produits Chimiques à [Localité 4] (Côte d'ivoire),

' du 16/6/1990 au 15/5/1994, « détaché » à la Société Réunionnaise d'Engrais et de Produits Chimiques et à la Société Industrielle des Engrais de la Réunion,

' du 16/5/1994 au 14/1/1998, « détaché » à la Société Ader à [Localité 7] (Cameroun),

' du 15/1/1998 au 30/4/1999, « détaché » à la Société Baconco à [Localité 9] Ville (Viêt-Nam).

A l'audience des débats, il a été précisé que la SCPA était la société mère des différentes sociétés filiales dans lesquelles M. [E] [B] a exercé son activité professionnelle à l'étranger (Afrique de l'Ouest, Asie du Sud Est) et en Outre-mer (Ile de la Réunion).

***

Pour s'opposer aux demandes de M. [E] [B] qui relève du seul statut de travailleur expatrié, l'EPIC EMC indique que :

' le détachement, qui entraîne le maintien de l'affiliation du salarié au régime de sécurité sociale française, suppose la réunion de certaines conditions posées par l'article L.761-2 du code de la sécurité sociale (caractère temporaire de la mission effectuée à l'étranger, exercice d'une activité salariée pour le compte de l'employeur français d'origine, maintien de la rémunération par celui-ci qui s'acquitte des cotisations sociales afférentes à cette même rémunération), et répond à un formalisme réglementaire précis (décret n°77-1367 du 12 décembre 1977, arrêté du 22 mars 1978) en ce qu'il procède de la seule décision de l'employeur, ce qui ne correspond pas à la situation de l'intimé n'avançant en définitive aucun élément de preuve d'un détachement ;

' la situation de M. [E] [B] correspond en réalité à celle de l'expatriation au sens de l'article L762-1 du même code qui n'emporte aucune obligation pour l'employeur d'affilier ses collaborateurs expatriés au régime de sécurité sociale française, puisque dans ce cas seule une affiliation volontaire de ceux-ci à la Caisse des Français de l'Etranger (CFE) peut leur permettre de conserver des droits au titre des régimes sociaux français, peu important la mention erronée de « détaché » figurant sur le certificat de travail produit dès lors que l'appelant a reçu régulièrement de la part de la SCPA divers documents d'information sur le régime de l'expatriation correspondant à la réalité de sa situation si l'on se reporte à ses différents contrats de travail conclus avec les entreprises concernées, contrats de travail exclusifs de tout lien de subordination maintenu avec la SCPA durant toutes ces années, outre le fait qu'il existe sur ce point des conventions bilatérales conclues par la France avec le Sénégal et la Côte d'ivoire.

Pour considérer au contraire qu'il relève du régime du détachement, M. [E] [B] répond que :

' la SCPA a bien pris la décision de le détacher dans ses filiales situées à l'étranger et Outre-mer depuis son embauche en février 1977,

' il est restée avec la SCPA dans un lien de subordination sans interruption,

' ce choix du détachement imposait à son employeur de cotiser pour son compte au régime général de sécurité sociale française en application de l'article L.761-1 du code de la sécurité sociale et conformément au règlement spécial interne en son article 4,

' les conventions bilatérales conclues avec le Sénégal et la Côte d'ivoire ne fixent pas de conditions sur le détachement et l'expatriation tout en rappelant bien que le salarié détaché reste soumis au régime français de sécurité sociale,

' la conclusion des contrats de travail locaux n'a aucune incidence sur le choix initial de la SCPA de lui appliquer le régime du détachement,

' le manquement de l'employeur à son obligation de conseil et de renseignement en la matière lui a causé un préjudice après avoir cessé de cotiser pour son compte au régime général à compter du 1er février 1978, préjudice dont il demande réparation à concurrence de ses prétentions énoncées dans le dispositif de ses écritures.

L'article L.761-1 du code de la sécurité sociale renvoie aux travailleurs « détachés temporairement à l'étranger » par leur employeur et qui demeurent soumis à la législation française de sécurité sociale.

L'article L.761-2, alinéa 1er, du même code vise les travailleurs non concernés par l'article L.761-1 qui « détachés temporairement à l'étranger par leur employeur pour y exercer une activité salariée ou assimilée, rémunérée par cet employeur, sont soumis à la législation française de sécurité sociale à la condition que l'employeur s'engage à s'acquitter de l'intégralité des cotisations dues ».

Le décret n°77-1367 du 12 décembre 1977 précise à son article 2 que la demande au titre du bénéfice des dispositions de l'article L.769 du code précité, devenu l'article L.761-2, est adressée à la caisse d'affiliation du salarié par l'employeur qui doit s'engager expressément à s'acquitter de l'intégralité des cotisations dues au titre du régime général français de sécurité sociale.

L'arrêté du 22 mars 1978 indique par ailleurs quels sont les renseignements administratifs que l'employeur doit fournir à la caisse d'affiliation du salarié détaché à l'étranger quand il demande le maintien de ce dernier dans la législation française de sécurité sociale.

L'accomplissement de ces formalités donne lieu à l'établissement d'une attestation de détachement à l'étranger qui officialise les droits du salarié détaché à l'étranger au regard du régime français de sécurité sociale.

Force est de constater que M. [E] [B] n'est pas en mesure de produire l'attestation de détachement à l'étranger dans la mesure où la SCPA n'a pas usé de la possibilité qui lui était donnée de déposer une demande à cette fin auprès de la caisse d'affiliation compétente.

L'option du détachement au bénéfice des salariés expatriés reste en effet une simple faculté pour l'employeur dans la mesure où ne sont obligatoirement affiliés au régime français de sécurité sociale que les personnes résidant ou exerçant leur activité professionnelle sur le territoire français.

Le détachement en tant que qualification juridique au regard du code de la sécurité sociale est d'autant moins admissible en l'espèce que M. [E] [B] a conclu ses contrats de travail - pour ceux qui ont été produits aux débats - avec des entreprises étrangères - sénégalaise / SSEPC, ivoirienne / STEPC, camerounaise / ADER - qui l'ont directement rémunéré en contrepartie de la prestation exécutée sous leur contrôle exclusif, sur place, sans aucune intervention a priori de l'appelante, et en soumettant leur collaboration au droit local.

Il s'en déduit que M.[E] [B], contrairement à ce qu'il prétend, ne peut pas revendiquer à bon droit la qualité de salarié détaché au sens des textes susvisés, nonobstant les formulations maladroitement employées par l'appelante (« détaché », « détachement ») mais restant inopérantes en toute hypothèse.

***

La situation de M. [E] [B] relevait précisément de l'expatriation, à défaut de détachement possible, dans le cadre des dispositions de l'article L.762-1 du code de la sécurité sociale qui prévoit la faculté pour le salarié concerné, notamment, d'« adhérer à l'assurance volontaire contre le risque vieillesse », en pratique, par une affiliation volontaire à la Caisse des Français de l'Etranger (CFE), ou l'adhésion à un régime d'assurance privée de leur choix.

L'EPIC EMC prouve, par les documents qu'il verse aux débats (ses pièces 6, 7, 8), avoir en son temps informé de manière complète et loyale l'intimé des règles applicables aux salariés expatriés, de sorte qu'il ne peut lui être reproché aucun manquement à ses obligations de renseignement et de conseil.

Le jugement, qui a retenu le statut de salarié détaché, sera en conséquence infirmé en toutes ses dispositions et M. [E] [B] sera débouté de l'ensemble de ses demandes.

Aucune circonstance d'équité ne commande qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile et M. [E] [B] sera condamné aux entiers dépens tant de première instance qu'en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe.

- Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

- Statuant à nouveau, déboute M. [E] [B] de l'ensemble de ses demandes.

- Y ajoutant, dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamne M. [E] [B] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 10/05502
Date de la décision : 06/06/2012

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°10/05502 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-06-06;10.05502 ?
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