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01/06/2012 | FRANCE | N°11/13991

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 4, 01 juin 2012, 11/13991


Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 4



ARRET DU 01 JUIN 2012



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 11/13991



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 07 Juillet 2011 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2011032645



APPELANTE



- SAS OPTICAL CENTER

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

[Adresse 5]
>[Localité 8]



représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE-BENETREAU-JUMEL avocats au barreau de PARIS, toque : K0111, avocat postulant

assistée de Me Michèle BRAULT...

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 4

ARRET DU 01 JUIN 2012

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/13991

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 07 Juillet 2011 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2011032645

APPELANTE

- SAS OPTICAL CENTER

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

[Adresse 5]

[Localité 8]

représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE-BENETREAU-JUMEL avocats au barreau de PARIS, toque : K0111, avocat postulant

assistée de Me Michèle BRAULT avocat au barreau de PARIS, toque : B1170, avocat plaidant

INTIMÉES

- SARL OPTIQUE [Adresse 16]

Prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 3]

[Localité 9]

- SARL OPTIQUE [Adresse 2]

Prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 6]

- SARL ODSL

Prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 3]

[Localité 9]

- SARL MSD OPTIQUE

Prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 8]

- SARL [Adresse 15] OPTIQUE

Prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 4]

[Localité 7]

représentées par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES avocats au barreau de PARIS, toque : L0020, avocat postulant

assistées de Me Danielle ELKRIEF avocat au barreau de PARIS, toque : D1103, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 3 mai 2012, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jacques LAYLAVOIX, président, et Madame Catherine BOUSCANT, conseillère, chargés d'instruire l'affaire.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jacques LAYLAVOIX, président

Madame Catherine BOUSCANT, conseillère

Madame Martine TAILLANDIER-THOMAS, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Carole MEUNIER

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Jacques LAYLAVOIX, président et par Mme Carole MEUNIER, greffier.

* * * * *

La société Optical Center a pour activité la vente au détail d'équipements optiques.

Exposant que, parmi ses concurrents, la société Optical Discount, qui disposait d'environ 74 magasins exploitant comme franchisés ou succursales sous son enseigne, se livrait à la pratique de fausse facturation, notamment en majorant le prix des verres et en minorant celui des montures afin d'imputer la charge maximale du remboursement de lunettes à la mutuelle de ses clients pour les attirer et les convaincre d'acheter et que cette fraude aux mutuelles et à la sécurité sociale était constitutive d'actes de concurrence déloyale, la société Optical Center a présenté le 15 septembre 2010 au président du tribunal de commerce de Paris une requête aux fins de voir désigner un huissier avec la mission de se rendre chez un opticien de l'enseigne Optical Discount à [Localité 14], sans faire état de sa qualité d'huissier, se faire accompagner d'une personne qui effectuerait elle même un achat en se faisant établir un devis pour une paire de lunettes de marque avec ou sans correction pour les solaires, en faisant état, le cas échéant, du remboursement important sur les verres correcteurs par sa mutuelle, de faire toutes constatations utiles et se faire remettre la facture définitive ainsi que les premiers devis et ne faire état de l'ordonnance et de la mission qu'une fois celle-ci accomplie.

Par ordonnance du même jour, le président du tribunal de commerce de Paris a fait droit à la requête en précisant toutefois que l'huissier se rendrait chez un ou plusieurs opticiens de l'enseigne Optical Discount à Paris et ne ferait état de sa qualité, de l'ordonnance et de sa mission qu'une fois celle-ci accomplie et a commis à cet effet la SCP [L], prise en la personne de Maître [L].

Cet huissier de justice a dressé un procès verbal de constat de ses opérations les 26 octobre et 5 novembre 2010.

Saisi sur assignation délivrée à la SAS Optical Center le 29 avril 2011 à la requête de la S.A.R.L. Optique [Adresse 16], de la SARL Optique [Adresse 2], de la SARL ODSL, de la SARL MSD Optique et de la SARL [Adresse 15] Optique, par ordonnance de référé du 7 juillet 2011, le tribunal de commerce de Paris, statuant en formation collégiale, a retenu que la mesure confiée à l'huissier était contraire au principe de loyauté dans la recherche de la preuve et ne remplissait donc pas la condition de 'mesure d'instruction légalement admissible', a rétracté l'ordonnance rendue le 15 septembre 2010 et a condamné la SAS Optical Center aux dépens.

La société Optical Center a interjeté appel de cette ordonnance le 25 juillet 2011 et, aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 12 avril 2012, elle soutient que :

- le comportement des sociétés exploitant sous l'enseigne Optical Discount est constitutif de concurrence déloyale et lui cause un préjudice certain,

- les pièces annexées à la requête démontrent le caractère général de cette pratique,

- il était nécessaire de faire exception au principe du contradictoire, afin de préserver un effet de surprise pour établir la preuve des faits recherchés, et l'ordonnance et la requête ont bien été signifiées aux sociétés intimées,

- la mesure ordonnée ne constitue pas un mode déloyal de preuve et elle s'inscrivait dans l'exécution de l'ordonnance,

- l'huissier n'a pas excédé les pouvoirs qui lui avaient été conférés, la personne qui l'accompagnait a exécuté sa mission telle que définie dans l'ordonnance et n'était pas un technicien agissant dans le cadre d'une procédure d'expertise et n'avait aucun lien de subordination avec elle,

et demande à la cour d'infirmer l'ordonnance, de constater que la société Optical Center a un intérêt à agir, de constater que les mesures sont légalement admissibles et qu'aucune rétractation de l'ordonnance du 15 septembre 2010 n'a lieu d'être, de débouter les intimées de l'ensemble de leurs demandes et de les condamner chacune, outre aux dépens, à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions signifiées le 22 mars 2012, les sociétés Optique [Adresse 16], Optique [Adresse 2], O.D.S.L., MSD Optique et [Adresse 15] Optique, intimées répliquent notamment que :

- les attestations produites émanent de salariés rémunérés indirectement par la société Optical Center de sorte que leur indépendance objective fait défaut et elles ne respectent pas les dispositions de l'article 202 du code de procédure civile,

- les manoeuvres utilisées par la société Optical Center sont contraires au principe de loyauté dans l'administration de la preuve,

- les critères retenus par la société Optical Center ne sauraient justifier la mise en oeuvre de procédés contraires au principe du contradictoire et au principe de loyauté dans l'administration de la preuve,

- l'adresse des magasins à visiter n'est pas indiquée dans l'ordonnance,

- l'ordonnance litigieuse a conféré à l'huissier une mission d'investigation excédant les pouvoirs de simple constatation,

et elles prient la cour de confirmer l'ordonnance, de réparer l'omission de statuer des premiers juges en ce qu'ils n'ont pas tiré les conséquences de la rétractation, d'annuler les constatations opérées par huissier, de condamner la société Optical Center à leur restituer l'intégralité des documents remis lors des opérations contestées, de faire défense à la société Optical Center d'utiliser les informations portées à sa connaissance dans le cadre des mesures exécutées par l'huissier désigné, de dire que la société Optical Center ne justifie d'aucun motif légitime au sens de l'article 145 du code de procédure civile, de dire que la mesure confiée à l'huissier était contraire au principe de loyauté dans la recherche de la preuve et de condamner la société Optical Center, outre aux dépens, à leur verser chacune la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 12 avril 2012.

Ceci étant exposé,

Considérant que les premiers juges, à bon droit, ont rétracté l'ordonnance sur requête du 15 septembre 2010 ;

Qu'en effet :

- en premier lieu, il convient d'observer que, ni la requête, ni l'ordonnance prise au vu de la requête ne fait état de motifs justifiant de la nécessité d'ordonner les mesures requises en dérogeant au principe de la contradiction,

- en deuxième lieu, les mesures sollicitées et ordonnées reposent sur l'utilisation d'un stratagème consistant dans le fait de recourir aux services de tiers et, plus précisément, de salariés de sociétés spécialisées au statut non défini telles qu'en l'espèce la société Qualivox, se faisant passer pour clients des magasins d'optique visités et amenant les salariés ou responsables à leur faire des offres commerciales avantageuses au regard des modalités de remboursement pratiquées par certaines mutuelles et impliquant ainsi une véritable mise en scène, dont l'huissier instrumentaire est chargé de rapporter le déroulement et le résultat, ce qui n'apparaît pas conforme au principe de loyauté qui doit gouverner le mode de production des preuves en matière civile et dépasse le cadre d'une simple mesure de constat,

- en troisième lieu, de telles mesures autorisant expressément l'huissier instrumentaire à demeurer dans la clandestinité lors de l'accomplissement de sa mission, puisque l'ordonnance lui prescrivait de ne pas faire état de sa qualité et à ne faire état de l'ordonnance et de la mission qu'une fois celle-ci accomplie, méconnaissent les dispositions de l'article 495 du code de procédure civile, spécialement en ce que l'ordonnance sur requête est exécutoire au vu de la minute et en ce qu'une copie de la requête et de l'ordonnance doit être laissée à la personne à laquelle elle est opposée ;

Que, dès lors, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens invoqués par les parties, l'ordonnance déférée doit être confirmée sur ce point ;

Considérant que la rétractation de l'ordonnance emporte l'annulation des opérations de constat et, dès lors, du procès-verbal de constat dressé par Maître [L] les 26 octobre et 5 novembre 2010 ainsi que des documents qui y sont annexés ; qu'il n'y a en revanche pas lieu de faire droit à la demande de restitution des documents librement remis par les intimées lors des opérations litigieuses, étant toutefois observé que, s'ils ont été annexés au procès-verbal de constat, ils sont frappés de nullité et ne peuvent être valablement utilisés en justice ;

Considérant qu'eu égard au sens du présent arrêt, la SAS Optical Center supportera les dépens d'appel et sera condamnée à verser à chacune des sociétés intimées la somme de 2000 euros pour ses frais de procédure en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme l'ordonnance déférée,

Y ajoutant,

Déclare nuls les opérations de constat et le procès-verbal de constat dressé par Maître [P] le 26 octobre 2010 ainsi que les documents qui y sont annexés,

Condamne la SAS Optical Center aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile, et à verser à chacune des sociétés intimées la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 11/13991
Date de la décision : 01/06/2012

Références :

Cour d'appel de Paris A4, arrêt n°11/13991 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-06-01;11.13991 ?
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