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31/05/2012 | FRANCE | N°10/05299

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 31 mai 2012, 10/05299


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRET DU 31 Mai 2012



(n° 6 , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/05299



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Janvier 2010 par le conseil de prud'hommes de Paris RG n° 09/04322





APPELANTE

Madame [J] [R]

[Adresse 1]

[Localité 4]

comparante en personne, assistée de Me Patricia DOUIEB, avocat au barreau de PARIS, t

oque : P0135







INTIMÉE

SA BOUYGUES TELECOM

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Emmanuelle BOMPARD, avocat au barreau de PARIS, toque : D1252 et par Mme Valérie RAMOND,...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRET DU 31 Mai 2012

(n° 6 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/05299

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Janvier 2010 par le conseil de prud'hommes de Paris RG n° 09/04322

APPELANTE

Madame [J] [R]

[Adresse 1]

[Localité 4]

comparante en personne, assistée de Me Patricia DOUIEB, avocat au barreau de PARIS, toque : P0135

INTIMÉE

SA BOUYGUES TELECOM

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Emmanuelle BOMPARD, avocat au barreau de PARIS, toque : D1252 et par Mme Valérie RAMOND, Juriste

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Janvier 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Evelyne GIL, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, Président

Madame Evelyne GIL, Conseillère

Madame Isabelle DOUILLET, Conseillère

GREFFIÈRE : Mademoiselle Céline MASBOU, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, Président et parMademoiselle Flora CAIA, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu l'appel formé par [J] [R] contre un jugement du conseil de prud'hommes de PARIS en date du 25 janvier 2010 ayant statué sur le litige qui l'oppose à son ancien employeur, la société BOUYGUES TÉLÉCOM SA.

Vu le jugement déféré ayant :

- condamné la SA BOUYGUES TÉLÉCOM à payer à [J] [R] les sommes de :

14'000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné à la société BOUYGUES TÉLÉCOM le remboursement au PÔLE EMPLOI concerné des indemnités de chômage versées à [J] [R] à hauteur d'un mois d'indemnité en application de l'article L. 1235-4 du code du travail,

- débouté la salariée du surplus de ses demandes,

- condamné l'employeur aux dépens de l'instance.

Vu les conclusions visées par le greffier et développées oralement à l'audience aux termes desquelles :

[J] [R], appelante, poursuit :

- l'infirmation du jugement entrepris à l'exception de la condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- la nullité de son licenciement prononcé le 5 février 2009 pour faits de harcèlement moral,

- sa réintégration à un poste équivalent au sein de la société BOUYGUES TÉLÉCOM,

- la condamnation de celle-ci à lui payer ses salaires, du 9 avril 2009 jusqu'à sa réintégration, sur la base d'un salaire brut mensuel de 2 298 €, avantages en nature en sus, avec intérêts au taux légal à compter de la date d'échéance mensuelle de chacun des salaires,

- subsidiairement, la constatation de l'absence de cause réelle et sérieuse justifiant son licenciement,

- la condamnation de la société BOUYGUES TÉLÉCOM à lui payer la somme de 65'000 € à titre de dommages et intérêts par application de l'article L. 1235-3 du code du travail,

- en tout état de cause, la condamnation de la société BOUYGUES TÉLÉCOM à lui payer la somme de 5'000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de la condamnation prononcée à ce titre par les premiers juges.

La société BOUYGUES TÉLÉCOM, SA intimée, conclut :

- à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a rejeté les demandes fondées sur le harcèlement,

- à son infirmation en toutes ses autres dispositions,

- à la constatation de l'existence d'une cause réelle et sérieuse justifiant le licenciement de [J] [R],

- à la constatation de l'inexistence d'un prétendu harcèlement de la salariée,

- au débouté de celle-ci de l'ensemble de ses demandes,

- à sa condamnation au paiement de la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en sus des éventuels dépens.

FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société BOUYGUES TÉLÉCOM SA applique la convention collective des télécommunications.

Suivant contrat de travail à durée indéterminée conclu le 24 mars 2000 après une mission d'intérim de 6 mois, elle a engagé [J] [R], à compter du 6 mars 2000, en qualité d'agent de service clientèle.

La salariée a été promue successivement aux fonctions de chargé de clientèle, conseiller au service technique, conseiller multimédia, expert multimédia mobile et analyste support.

En son dernier état, sa rémunération brute mensuelle de base s'élevait à 2 121 €.

Son contrat de travail a été suspendu pendant plusieurs mois à 3 reprises :

- du 16 novembre 2004 au 6 juin 2005 en raison d'une intervention chirurgicale,

- du 25 septembre 2005 au 18 avril 2006 à l'occasion de la naissance de son premier enfant,

- du 9 juin 2007 au 6 janvier 2008 à la suite de la naissance de son deuxième enfant.

Après son retour de congé, le 7 janvier 2008, elle a été placée en arrêt de travail pour cause de maladie du 21 au 23 février, du 5 au 7 mars, du 10 avril au 13 mai, du 25 juin au 11 juillet et du 26 au 28 novembre 2008. Elle s'est également absentée du 13 au15 janvier 2009 en raison de la maladie de ses enfants.

Elle a présenté 2 demandes de mobilité ; le poste de chargé de communication V196 sollicité le 16 juillet 2008 lui a été refusé et sa demande du 9 janvier 2009 pour un poste V234 n'a pas eu de suite en raison de l'engagement de la procédure de licenciement.

Le 19 janvier 2009, la société BOUYGUES TÉLÉCOM a convoqué [J] [R] à se présenter le 30 janvier 2009 à un entretien préalable à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement.

Le 5 février 2009, elle lui a notifié son licenciement dans les termes suivants :

' Depuis un certain temps, vous adoptez de façon répétée un comportement et une attitude mettant en situation délicate votre hiérarchie et, de façon plus générale, l'ensemble du service pour lequel vous travaillez. De ce fait, votre manager consacre une grande majorité de son temps à remotiver vos collègues qui se plaignent formellement de votre comportement et de votre mode de communication abrupt à leur égard. Par ailleurs, la façon dont vous gérez votre activité et votre temps de travail n'est aujourd'hui plus acceptable.

Lors de cet entretien, nous avons évoqué les pauses exagérées que vous vous octroyez et vos difficultés d'intégration et de communication avec les autres membres de l'équipe.

Votre incapacité à vous intégrer au service et à travailler en équipe, du fait de votre attitude et votre comportement non professionnel, a pour conséquence de reporter votre charge de travail sur les autres membres de l'équipe.

Plusieurs alertes sur cette même thématique de comportement, de communication et d'intégration à l'équipe vous ont déjà été formalisées plusieurs fois lors de vos entretiens annuels d'échanges respectivement datés du 05 avril 2007 et du 15 mai 2008. De plus, face à cette situation identifiée, vous avez suivie une formation de développement personnelle intitulée $gt; afin de vous aider à progresser dans les éléments précédemment cités.

Malgré toutes ces alertes et les accompagnements de vos managers et de l'entreprise, votre comportement, ne s'est jamais amélioré.

C'est pourquoi, au regard de l'ensemble de ces éléments, nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement.

Nous vous dispensons d'effectuer votre préavis de 2 mois qui vous sera rémunéré.'

Les parties ont développé à l'audience leurs moyens et présenté leurs demandes, tels que formulés dans leurs conclusions respectives.

SUR CE

- Sur le harcèlement moral

[J] [R] invoque différents faits, actions et comportements qui, selon elle, font présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre après son retour de congé maternité en janvier 2008, ainsi :

- l'absence de communication avec plusieurs de ses collègues qui ne lui adressent plus la parole et ne lui envoient plus de courriels, telle l'absence de relations avec [G] [P],

- le refus de remédier au mauvais fonctionnement de son ordinateur,

- le reproche réitéré et injustifié d'une insuffisance dans les prises d'appels et d'un rendement insuffisant,

- sa mise à l'écart, le 3 décembre 2008, du projet Share Point qui lui avait été confié 9 mois plus tôt et qui a été attribué à un stagiaire d'un autre service,

- l'appel téléphonique reçu à son domicile le 19 janvier 2009 pour lui demander la cause de son absence alors que la prise de ce jour de congé avait été validée par son responsable depuis le 10 décembre 2008,

- le refus d'examiner ses démarches de mobilité en dépit de ses arrêts de travail pour cause d'épuisement et de harcèlement professionnels.

Il résulte des courriels et des attestations établis par ses collègues que ceux-ci se plaignaient auprès de leur supérieur hiérarchique de la durée excessive des pauses que [J] [R] s'autorisait et de sa moindre participation à la charge de travail. La mauvaise qualité des relations avec les membres de son équipe s'explique par la perception que ceux-ci avaient de sa collaboration et non d'une volonté délibérée de la tourmenter ou de la harceler.

Le retard apporté au dépannage de son ordinateur a été expliqué par le fait que le changement de cet appareil était prévu.

Aucun élément ne fait présumer que l'appel téléphonique du 19 janvier 2009 et la modification du planning procédaient d'une intention malicieuse à l'égard de la salariée.

Le choix d'un employé pour suivre un projet relève de l'autorité de l'employeur.

Il n'est en rien établi que le refus de la première demande de mutation de l'appelante résulte d'une volonté de harcèlement de l'employeur et, à cet égard, ainsi que l'a justement relevé le conseil de prud'hommes, [J] [R] n'a jamais dénoncé de faits de harcèlement ni au médecin du travail ni à sa hiérarchie.

Ainsi, les faits dont elle se plaint, pris dans leur ensemble, ne sont pas de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral.

C'est donc à raison que les premiers juges ont rejeté ses demandes tendant à sa réintégration et au paiement de ses salaires depuis le 9 avril 2009.

- Sur la qualification du licenciement et ses conséquences

En l'absence de harcèlement moral à l'égard de la salariée, il n'y a pas lieu de constater la nullité de son licenciement.

Au terme de sa lettre du 5 février 2009, la société BOUYGUES TÉLÉCOM motive ce licenciement par le mode de communication de [J] [R], son comportement démotivant à l'égard de ses collègues, son incapacité à travailler en équipe malgré une formation de développement personnel, la gestion inacceptable de son activité et de son temps de travail, la prise de pauses excessives et en définitive, le report de sa charge de travail sur les autres membres de l'équipe.

Ces reproches sont confirmés par les attestations de plusieurs collaborateurs. Cependant, s'agissant d'un licenciement pour motif disciplinaire, le comportement général reproché à la salariée doit être illustré par des faits précis, circonstanciés et datés, commis dans les deux mois ayant précédé l'engagement de la procédure de licenciement. En l'absence de tels faits vérifiables constitutifs d'une faute, le licenciement n'est pas justifié par une cause réelle et sérieuse.

Au vu des éléments de préjudice versés au dossier, la cour estime devoir porter à 15'000 € la réparation du dommage résultant du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- Sur l'application d'office de l'article L. 1235-4 du Code du travail en faveur du

PÔLE EMPLOI

[J] [R] ayant plus de deux années d'ancienneté et la société BOUYGUES TÉLÉCOM occupant habituellement au moins onze salariés, il convient de confirmer l'application faite par le conseil de prud'hommes de l'article L. 1235-4 du Code du travail.

- Sur la charge des dépens et les demandes d'indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

La société BOUYGUES TÉLÉCOM succombant partiellement à l'issue de l'appel sera condamnée aux dépens.

Elle devra également supporter à hauteur de 2 000 € les frais non taxables exposés par la salariée à l'occasion du présent appel. Il convient par ailleurs de rejeter sa demande formée sur le même fondement et de confirmer l'application qui a été faite par le conseil de prud'hommes des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme le jugement déféré à l'exception du montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société BOUYGUES TÉLÉCOM SA à payer à [J] [R] les sommes de:

15'000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du 25 janvier 2010, date du jugement, sur 14'000 € et à compter du présent arrêt sur le surplus,

2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette le surplus des demandes ;

Condamne la société BOUYGUES TÉLÉCOM aux dépens de l'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 10/05299
Date de la décision : 31/05/2012

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°10/05299 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-05-31;10.05299 ?
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