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30/05/2012 | FRANCE | N°11/07323

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 30 mai 2012, 11/07323


Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 30 MAI 2012



(n° 311, 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 11/07323



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 16 Mars 2011 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2011005503





APPELANTES



SASU CENTRALES DIESEL EXPORT représentée par son Président

[Adresse 9]

[Adresse 9]

[Loc

alité 6]



SASU MAN DIESEL & TURBO FRANCE représentée par son Président

[Adresse 9]

[Adresse 9]

[Localité 6]





Représentée et Assistée de la ASS Laude Esquier Champey (Me Olivier LAUDE avoc...

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 30 MAI 2012

(n° 311, 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/07323

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 16 Mars 2011 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2011005503

APPELANTES

SASU CENTRALES DIESEL EXPORT représentée par son Président

[Adresse 9]

[Adresse 9]

[Localité 6]

SASU MAN DIESEL & TURBO FRANCE représentée par son Président

[Adresse 9]

[Adresse 9]

[Localité 6]

Représentée et Assistée de la ASS Laude Esquier Champey (Me Olivier LAUDE avocat au barreau de PARIS, toque : R144)

INTIMEE

SNC ENERGIE ANTILLES

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me François TEYTAUD (avocat au barreau de PARIS, toque : J125)

Assistée de Me Michel PITRON de la AARPI GIDE LOYRETTE NOUEL AARPI (avocat au barreau de PARIS, toque : T04)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Avril 2012, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Michèle GRAFF-DAUDRET, Conseiller faisant fonction de Président et de Madame Maryse LESAULT, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Michèle GRAFF-DAUDRET, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Maryse LESAULT, Conseiller

Madame Sylvie MAUNAND, conseiller

Greffier, lors des débats : Mlle Véronique COUVET

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Michèle GRAFF-DAUDRET, Conseiller faisant fonction de Président et par Madame Sonia DAIRAIN, Greffier.

FAITS CONSTANTS :

Par contrat du 21 novembre 1997 la SNC ENERGIE ANTILLES (la SNC) a confié à a société SEMT PIELSTIK, dont la dénomination est désormais MAN DIESEL & TURBO France (MAN DIESEL), la construction, puis l'exploitation et la maintenance de la centrale de production d'énergie électrique de [Localité 8] (Guadeloupe), sur une durée prévue de 20 ans.

Le 26 juillet 2010 , MAN DIESEL a transmis à la SNC un courrier valant mise en demeure de renégocier le contrat en application de son avenant N°12, au motif d'un déséquilibre significatif des obligations des parties.

Par acte du 14 janvier 2011 MAN DIESEL et la société CENTRALES DIESEL EXPORT (CDE), celle-ci filiale à 100% de MAN DIESEL et exploitante directe de la centrale, ont assigné la SNC devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris aux fins de l'inviter à appliquer les dispositions de l'article 18 du contrat et de l'article 4 de l'avenant n°12, et par conséquent de renégocier de bonne foi le contrat, sous la supervision d'un mandataire de justice.

Par ordonnance entreprise rendue contradictoirement le 16 mars 2011 le juge des référés du tribunal de commerce de Paris a dit n'y avoir lieu à référé et condamné solidairement la SAS MAN DIESEL et TURBO France et SASA CENTRAL DIESEL EXPORT à payer à la SNC ENERGIES ANTILLES la somme de 1000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

CDE et MAN DIESEL ont relevé appel de cette ordonnance le 18 avril 2011.

La clôture a été prononcée le 28 mars 2011.

MOYENS ET DEMANDES DES APPELANTES :

Par conclusions du 2 novembre 2011 auxquelles il convient de se reporter, les appelantes font valoir':

- qu'entre le 25 mars et le 4 mai 2011 les salariés de la centrale de [Localité 8] avaient fait grève, puis exercé leur droit de retrait le 29 août 2011, par suite de l'inexécution par la SNC de ses obligations, étant précisé que le statut «'IEG'» désigne le statut national du personnel des Industries Electriques et Gazières prévu par la loi du 8 avril 1946 portant nationalisation de l'électricité et du gaz, adopté par le décret n°46-1541 du 22 juin 1946, que le principe du maintien de ce statut a été réaffirmé par l'article 45 de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, mais que son mécanisme en a été modifié

- que là où l'article 1er alinéa 6 du statut prévoyait un mécanisme par lequel le Ministre chargé de l'énergie étendait à l'ensemble des entreprises de la branche les normes 'PERS, N, DP, et notes diverses, élaborées par EDF et GDF pour elles-mêmes, il est désormais prévu que les dispositions applicables sont adoptées par voie de négociation et que des accords collectifs de branche peuvent dorénavant compléter les dispositions statutaires dans des conditions plus favorables aux salariés,

- que dès 2000, les salariés de la société CDE, filiale à 100% de MAN DIESEL ont revendiqué ce statut mais que celle-ci en avait refusé l'application car elle n'était ni productrice, ni transporteur ou distributeur d'énergie mais seulement en charge de l'exploitation et de la maintenance de la centrale'; qu'une décision du Conseil d'Etat du 30 octobre 2002 avait donné raison aux salariés,

- que le 14 mai 2003 CDE a été contrainte de conclure un accord de méthode avec les organisations syndicales représentatives, avec effet rétroactif prévu au 1er janvier 2002,

- que ce statut a depuis lors généré des surcoûts importants à la société exploitante, qui ne pouvaient en aucun cas être anticipés lors de la conclusion du contrat en novembre 1997, lequel avait prévu' qu'elle ne serait pas responsable des conséquences constitutives de cas de force majeure tels (') des modifications de normes, tous frais supplémentaires qui seraient alors engagés par l'entreprise conformément au maître de l'ouvrage seront remboursés par ce dernier à l'entreprise,

- que la SNC a accepté une première fois par avenant du 22 décembre 2004 de verser à MAN DIESEL une rémunération complémentaire indexée annuellement sur le coût horaire du travail dans les industries mécaniques et électriques publié par la DGCCRF, que cet avenant a concerné les surcoûts de 2002 à 2004,

- que par cet avenant n°12, il a été convenu d'un principe de renégociation dans les termes suivants (article 4) ': «'Les parties conviennent d'ores et déjà , en cas de modifications ultérieures substantielles consécutives à l'application du statut «'IEG'», telles que modification du régime de prévoyance, contribution patronale exceptionnelle à la CNAV, aux AGIRC, accord de branche entre IEG et Organisations Syndicales, toutes modifications d'origine statutaire' de trouver les solutions acceptables à mettre en 'uvre aux fins de préserver leurs intérêts respectifs'»,

- que malgré les engagements pris par la SNC, MAN DIESEL s'est heurtée à sa position d'attentisme courant 2007-2008,

- que par avenant n°18 du 23 décembre 2008 les parties ont modifié le ratio utilisé pour calculer le prix payé par la SNC à MAN DIESEL, mais que l'essentiel de ces surcoûts est toujours supporté par MAN DIESEL,

- que la mise en demeure du 26 juillet 2010 a eu pour objet de rouvrir le débat, que la SNC a mis près 3 mois à y répondre,

Elles demandent à la Cour au visa du contrat du 21 novembre 1997 et notamment de son article 18, de l'article 4 de l'avenant n°12 de ce contrat, et des dispositions de l'article 1134 du code civil':

- d'infirmer l'ordonnance entreprise,

Statuant à nouveau,

- d'inviter la SNC et la société MAN DIESEL à procéder à la négociation d'un avenant au contrat régissant de manière générale la prise en charge de surcoûts listés dans la pièce 12 produite par MAN DIESEL,

- de nommer un mandataire de justice avec mission de mener les négociations, cela pour une durée de 6 mois aux frais avancés par moitié par chacune des parties,

- d'inviter les parties à remettre au Greffe la copie de l'avenant conclu en application de la décision à intervenir,

- en cas d'échec des négociations, dire que le mandataire de justice désigné devra remettre son rapport dans les deux mois suivant la fin de sa mission, et dire qu'il appartiendra à la partie la plus diligente de saisir le juge du fond, pour qu'il soit statué sur les conséquences des manquements de la SNC,

- déclarer l'arrêt à intervenir commun à CDE,

- condamner la SNC à verser à MAN DIESEL une somme de 8000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SNC aux entiers dépens avec recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

MOYENS ET PRETENTIONS de ENERGIE ANTILLES :

Par dernières conclusions du 17 février 2012 auxquelles il convient de se reporter ENERGIE ANTILLES fait notamment valoir':

- que MAN DIESEL fonde sa demande de nomination d'un mandataire de justice sur le constat que «'dès lors qu'un principe de compensation résulte clairement de l'article 18 du contrat, les parties se sont mises d'accord pour trouver des solutions acceptables à mettre en oeuvre aux fins de préserver leurs intérêts respectifs (article 4 de l'avenant n°12 du contrat)'»

- que cette demande présuppose l'existence d'un principe général de compensation et de négociation qui n'existe pas, l'article 18 ne visant, très classiquement, que la prise en charge des conséquences de survenance d'un événement de force majeure, imprévisible, irrésistible et extérieur, que le remboursement prévu dans une telle hypothèse des frais induits serait limité aux frais supplémentaires alors engagés par MAN conformément aux instructions de la SNC,

- que l'avenant n°12 du 22 décembre 2004 a d'ores et déjà pris en compte les conséquences du coût induit par l'application du statut IEG, mais qu'il est faux de soutenir que les surcoûts rencontrés postérieurement par MAN sont liés à des «'modifications de normes'» alors que les nombreux avantages extrastatutaires consentis par CDE, générateurs des surcoûts invoqués, ne relèvent pas du statut ni de la force majeure,

- que la volonté exprimée par les parties de «'trouver les solutions acceptables à mettre en 'uvre aux fins de préserver leurs intérêts respectifs'» ne comporte en aucune manière une obligation de trouver par la négociation, une solution amiable, et ne constitue pas une obligation de résultat,

- que par ailleurs les conditions stipulées à la clause de renégociation relatives au statut IEG du contrat ne sont pas remplies en l'espèce, l'analyse des surcoûts chiffrés par MAN DIESEL ne mettant pas en évidence de «'modification ultérieure substantielle consécutive à l'application du statut IEG'», le rapport d'audit réalisé à la demande de la SNC faisant apparaître «'un niveau de rémunération de CDE anormalement haut depuis l'application du statut IEG, en grande partie en raisons des augmentations attribuées individuellement et des rémunérations annexes particulièrement élevées'»

- qu'enfin le recours à un mandataire de justice est infondé en droit car les parties demeurent dans l'obligation d'exécuter de bonne foi leurs obligations contractuelles même en présence d'une modification de l'économie du contrat, alors que le droit français ignore la théorie de l'imprévision,

- que la négociation ne peut résulter que du libre consentement des parties et la sanction des engagements de négociations ne saurait aboutir à une exécution forcée, qu'une exécution forcée ne saurait sanctionner une obligation de négocier qui ne pourrait donner lieu qu'à des dommages intérêts,

- que la jurisprudence alléguée par les appelantes (arrêt du 28 septembre 1976) est isolée et ne peut s'appliquer aux circonstances de l'espèce.

Elle demande en conséquence à la Cour de':

- confirmer l'ordonnance entreprises-débouter les appelantes de leurs demandes,

- condamner solidairement MAN DIESEL et CDE à lui payer 15000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de les condamner solidairement aux dépens avec recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

*

Les Conseils des parties ont été invités à faire connaître la position de ces dernières sur la mise en place d'une médiation dans les termes des articles 131-1 et suivants du code de procédure civile.

Par courrier du 13 avril 2012 le conseil des appelante a fait connaître l'accord de celles-ci, par courrier de même date le conseil de l'intimée a indiqué que celle-ci ne souhaitait pas avoir recours à cette mesure.

*

SUR QUOI, la COUR,

Considérant que selon les dispositions de l'article 873 alinea 2 du code de procédure civile le président du tribunal de commerce peut, statuant en référé, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire ;

Considérant qu'il convient pour une bonne compréhension du litige, d'en rappeler le contexte et les étapes significatives';

Considérant que, sans se prononcer sur le principe de l'existence d'une obligation contractuelle de négociation, le premier juge a rejeté la demande de MAN DIESEL et de CDE tendant à la désignation d'un mandataire, pour mener des négociations entre les parties, au motif de l'existence d'une contestation sérieuse, en ce que':

- le préambule de l'avenant n°16 a précisé que MAN DIESEL a une connaissance imparfaite des coûts d'exploitation, des coûts liés à l'insularité, et a fait une surestimation des performances,

- en décembre 2008, lors de la signature de l'avenant n°18 les parties ont noté que les surcoûts étaient dus en partie à une méconnaissance de l'accord de méthode signé le 14 mars 2003 avec les organisations syndicales, alors que l'audit des coûts de personnel réalisé en mai 2010 a mis en évidence un montant des salaires de CDE beaucoup plus élevé que les 'salaires «'français'» (Insee) et significativement plus hauts que ceux des autres entreprises IEG de la Guadeloupe, cela à la suite d'une série d'augmentations généreuses de la part de CDE, à la suite de pressions syndicales fortes,'

- il s'évince de la lecture de l'article 4 de l'avenant n°18 que les conditions requises pour son application ne sont pas remplies,

- les arguments débattus établissent de profondes divergences quant aux méthodes d'exploitation et aux réelles raisons de surcoûts et des pertes qui s'ensuivent';

Considérant qu'en application de l'arrêt du Conseil d'Etat du 30 octobre 2002 les salariés de CDE, filiale de MAN DIESEL et exploitante de la centrale de [Localité 8], se sont vu reconnaître le bénéfice du statut national du personnel des Industries Electriques et Gazières (IEG), que l'incidence financière de cette décision sur le contrat d'achat d'énergie électrique passé le 21 novembre 2007 entre SEMT Pielstick SA devenue MAN DIESEL et la SNC ENERGIE ANTILLES (le Contrat), pour la construction puis l'exploitation pendant 20 ans de la centrale électrique de [Localité 8], a donné lieu à plusieurs accords et avenants au Contrat';

Considérant qu'il est ainsi établi, que':

- un accord de méthode a été signé le 14 mai 2003 entre CDE et les organisations syndicales pour l'application de ce statut au personnel de l'entreprise exploitante, à effet au 1er janvier 2002,

- par avenant n°12 au Contrat, signé le 22 décembre 2004 visant expressément en son préambule la décision du Conseil d'Etat, l'accord de méthode, le surcoût significatif permanent de la masse salariale généré par l'application du statut et l'acceptation par EDF, consulté par la SNC, de compenser le surcoût lié à l'application du statut IEG, les parties ont d'ores et déjà convenu (article 4) «'en cas de modifications ultérieures substantielles consécutives à l'application du statut IEG telles que modification du régime de prévoyance, contribution patronale exceptionnelle à la CNAV, aux AGIRC, accord de branche entre IEG et Organisations syndicales, toute modification d'origine statutaire'de trouver les solutions acceptables à mettre en 'uvre aux fins de préserver leurs intérêts respectifs'»,

- par avenant n°18 au Contrat, signé le 23 décembre 2008, faisant suite aux conséquences d'un mouvement de grève du personnel de CDE, du 24 juin 2998 au 6 août 2008 qui a provoqué l'arrêt total de la Centrale pendant 42 jours, rappelé dans le préambule, la SNC «'s'est rapprochée de MAN DIESEL pour proposer des solutions afin de limiter les impacts financiers qui pèsent sur MAN, en aménageant les conditions de fonctionnement de la Centrale'» notamment':

- en modifiant les périodes de calcul des pénalités (passage du calcul sur année civile à celui sur une période annuelle , partant de la date anniversaire du Contrat),

- en prévoyant les conditions d'utilisation pour la production, pendant 6 mois, du 4ème réacteur ( dit de secours et normalement laissé à l'arrêt), pour augmenter la production,

- par la prise en charge acceptée par la SNC de nouvelles charges d'exploitation consécutives au conflit sur les éléments suivants': prime d'intéressement, dispositions diverses résultant du mouvement social de 2008 (augmentation du nombre d'heures de délégation, lavage des bleus, prime de transport, embauche d'un nouveau salarié, selon charge récurrente annuelle de 160K€),

Cet avenant a toutefois relevé en son article 5, intitulé Rémunération complémentaire IEG, relatif à l'écart significatif constaté par MAN DIESEL entre l'évolution de la compensation IEG telle que prévue par l'avenant N°12, et la réalité de ce coût récurrent, que les raisons de cet écart sont consécutives à une connaissance imparfaite de la part de MAN DIESEL de la portée de l'accord de Méthode, et de nouvelles demandes du personnel extrastatutaires.

*

Considérant qu'en cet état de l'exécution du Contrat, le présent litige est né de ce que MAN DIESEL':

- a estimé que la plupart des surcoûts découlant du statut IEG n'ont pas fait l'objet d'un remboursement par la SNC, et a produit, au soutien de cette affirmation, un rapport d'expertise réalisé à sa demande par KPMG du 24 octobre 2011 qui a retenu un montant total des surcoûts non compensés actualisés à 2,414K€,

- se prévaut d'une obligation de négocier contenue dans le Contrat et ses avenants, qui a donné lieu à une mise en demeure de négocier adressée le 26 juillet 2010, laquelle a reçu réponse négative trois mois plus tard le 22 octobre 2010, mais cela après réunion des parties intervenues le 26 août 2010, provoquée dans le cadre d'un changement d'actionnaire de la SNC, EDF Energies Nouvelles ayant cédé ses part à la société ContourGlobal France SAS, filiale du groupe américain éponyme (Fonds de placement)';

*

Considérant qu'il convient de rechercher si MAN DIESEL est fondé à se prévaloir de l'existence avérée, avec l'évidence requise en matière de référé, d'une obligation contractuelle de négociation';

Qu'en effet, l'appréciation d'une contestation sérieuse doit s'apprécier non pas sur l'existence de divergences entre les parties quant à l'exécution financière du Contrat, puisque le mécanisme de négociation a précisément vocation à s'appliquer en cas de divergences, mais sur l'existence même de ce mécanisme';

Considérant que selon les dispositions de l'article 1134 du code civil les conventions légalement formées ont force de loi entre les parties';

Considérant que l'argument de la SNC fondé sur l'absence, en droit français, d'un droit à révision de l'économie du contrat est inopérant dès lors que la liberté contractuelle seule détermine la réponse que les parties entendent ou ont entendu donner aux circonstances modificatives de cette économie'; que le nouvel actionnaire, en acquérant en 2010 les parts sociales de la SNC cédées par EDF, se trouve tenu par les engagements et le régime juridique de la SNC';

Qu'il convient de rappeler qu'il s'agit d'un contrat de production et fourniture d'énergie et qu'il s'inscrit dans le contexte international du marché énergétique et des matières premières, caractérisé par de très fortes variations';

Considérant que les charges d'exploitation pesant sur MAN DIESEL (L'Entreprise) sont définies par les termes du contrat, en particulier des articles 10 et suivants du Titre 3, mais que l'article 18 relatif à la force majeure désigne expressément sous ce vocable notamment les faits de «'grèves'»'; qu'ils prévoient, dans l'hypothèse de leur survenance, que «'l'Entreprise devra dans la mesure du possible s'efforcer de remplir ses obligations et notifiera au maître d'ouvrage les mesures les plus économiques qu'elle se propose de prendre à cet égard. Ces mesures ne seront mises en 'uvre par l'Entreprise qu'après instruction écrite du maître d'ouvrage. Tous frais supplémentaires qui seraient alors engagés par l'entreprise conformément aux instructions du Maître d'ouvrage seront remboursés par ce dernier à l'Entreprise'»';

Qu'il est constant qu'à la suite de la décision du Conseil d'Etat de 2002 ayant déclaré applicable aux salariés de CDE le statut IEG, les parties ont entendu donner au Contrat un outil d'adaptation de son économie à cet événement substantiel'qui créait des charges d'exploitation nouvelles pour l'Entreprise MAN DIESEL, cela :

-par l'avenant précité du 22 décembre 2004 dans lequel elles ont d'ores et déjà convenu (article 4) «'en cas de modifications ultérieures substantielles consécutives à l'application du statut IEG telles que modification du régime de prévoyance, contribution patronale exceptionnelle à la CNAV, aux AGIRC, accord de branche entre IEG et Organisations syndicales, toute modification d'origine statutaire'de trouver les solutions acceptables à mettre en 'uvre aux fins de préserver leurs intérêts respectifs'»

-par celui précité n°18 signé le 23 décembre 2008, faisant suite aux conséquences du mouvement de grève du personnel de CDE, du 24 juin 2998 au 6 août 2008, par lequel il est expressément dit que c'est la SNC qui «'s'est rapprochée de MAN DIESEL pour proposer des solutions afin de limiter les impacts financiers qui pèsent sur MAN, en aménageant les conditions de fonctionnement de la Centrale'»'et en déterminant les incidences financières dans les termes mêmes de l'article 18 du Contrat';

Que l'affirmation de la SNC, selon laquelle les avenants ne résultent pas de cet article 18 n'est étayée par aucun élément, le contenu des avenants contredisant cette allégation';

Considérant qu'il est ainsi établi avec l'évidence requise en matière de référé que les parties se sont données, par ce mode d'exécution et d'ajustement du contrat, le moyen d'en résoudre conjointement, par voie de négociation d'avenants, dans le respect de leurs intérêts respectifs, les impacts financiers générés par les événements sociaux caractérisant, au terme de ce Contrat, la force majeure';

Que cet outil contractuel génère à leur charge respective, mais particulièrement à celle de la SNC autrement appelée Maître d'Ouvrage, tenue selon le Contrat de rembourser à l'Entreprise/MAN DIESEL-CDE «'Tous frais supplémentaires qui seraient 'engagés par [celle-ci] conformément [à ses ] instructions'» une obligation de faire spécifique attachée, notamment à l'incidence dans le temps de l'application du statut IEG et plus généralement à la résolution de l'impact financier des événements de force majeure';

Considérant qu'il n'est aucunement allégué de ce que cette obligation de faire serait impossible à exécuter alors qu'il ne s'agit pas d'une obligation de résultat quant à l'objet de la négociation'; que dès lors, en application des dispositions de l'article 1134 du code civil MAN DIESEL et CDE sont fondées, face au refus de la SNC de répondre à leur demande de négociation, en leur demande de désignation d'un négociateur';

Qu'elles justifient en effet par le rapport KPMG versé aux débats d'un élément de discussion pertinent, répondant notamment en cela aux contestations opposées par la SNC sur la base d'un audit réalisé en mai 2010 et des réserves contenues dans l'avenant du 23 décembre 2008, en son article 5, intitulé Rémunération complémentaire IEG, relatif à l'écart significatif constaté par MAN DIESEL entre l'évolution de la compensation IEG telle que prévue par l'avenant N°12, et la réalité de ce coût récurrent, réserves selon lesquelles les raisons de cet écart sont consécutives à une connaissance imparfaite de la part de MAN DIESEL de la portée de l'accord de Méthode, et de nouvelles demandes du personnel extrastatutaires ;

Qu'il convient en conséquence d'infirmer l'ordonnance entreprise' et de faire droit à cette demande dans les termes du dispositif, la mission de ce mandataire devant se placer dans ce seul cadre du dispositif d'ajustement contractuel existant';

Considérant qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du juge des référés d'ordonner le dépôt d'un rapport ou encore moins d'un avenant au greffe, la négociation relevant, à ce stade, des seules relations contractuelles entre les parties';

Considérant qu'il serait contraire à l'équité de laisser à la charge des appelantes les frais irrépétibles ; qu'il leur sera alloué la somme visée au dispositif ;

Considérant que la demande tendant à voir déclarer l'arrêt commun à CDE est sans objet puisque cette société est partie à l'instance ;

Considérant que les dépens seront supportés par la SNC qui succombe en ses demandes avec recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile';

PAR CES MOTIFS

INFIRME l'ordonnance entreprise,

Statuant à nouveau,

DÉSIGNE Monsieur [G] [F] demeurant [Adresse 3] (tel [XXXXXXXX01] / fax [XXXXXXXX02] [Courriel 11] , en qualité de négociateur avec mission de':

- rencontrer les parties, se faire remettre tous documents utiles contractuels ou non contractuels, relatifs à l'exploitation par MAN DIESEL et CDE de la centrale électrique de [Localité 8],

- recueillir leurs avis respectifs sur l'incidence financière de l'application du statut IEG aux salariés de la société pour la période postérieure à celle prise en compte par l'avenant n°18 du 23 décembre 2008,

- dresser un rapport sur des échanges poursuivis et s'il y a lieu de tout accord susceptible d'être dégagé, qui sera remis à chaque partie,

FIXE à 4000 euros le montant de la provision à valoir sur la réunération du négociateur, qui devra être versée directement dans les mains de celui-ci avant le 30 juin 2012, à peine de caducité,

DIT n'y avoir lieu à référé sur le surplus,

Y ajoutant,

CONDAMNE la SNC ENERGIE ANTILLES à payer aux sociétés CENTRAL DIESEL EXPORT SASU et MAN DIESEL & TURBO France SASU la somme globale de 3000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SNC ENERGIE aux dépens de première instance et d'appel, et en autorise le recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER,

LE CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 11/07323
Date de la décision : 30/05/2012

Références :

Cour d'appel de Paris A2, arrêt n°11/07323 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-05-30;11.07323 ?
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