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30/05/2012 | FRANCE | N°10/13056

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 30 mai 2012, 10/13056


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 4



ARRET DU 30 MAI 2012



(n° 157 , 4 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 10/13056



Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Mai 2010 - Tribunal de Commerce de MELUN - RG n° 2009/1002





APPELANT



SAS REVIVALagissant poursuites et diligences de son Président

Ayant son siège social

[Adre

sse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Pascale FLAURAUD, avocat au barreau de PARIS, toque K0090

Assistée de Me Julien FAUCHER plaidant pour le cabinet HOCHE, société d'Avocats, avocat au ba...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 4

ARRET DU 30 MAI 2012

(n° 157 , 4 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/13056

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Mai 2010 - Tribunal de Commerce de MELUN - RG n° 2009/1002

APPELANT

SAS REVIVALagissant poursuites et diligences de son Président

Ayant son siège social

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Pascale FLAURAUD, avocat au barreau de PARIS, toque K0090

Assistée de Me Julien FAUCHER plaidant pour le cabinet HOCHE, société d'Avocats, avocat au barreau de PARIS - toque K061substituant Me Catherine OTTAWAY, avocat au barreau de PARIS - toque K061

INTIME

SA ETABLISSEMENTS L. MARCHETTO prise en la personne de son Président

Ayant son siège social

[Adresse 11]

[Localité 2]

Représentée par Me Frédéric INGOLD, avocat au barreau de PARIS, toque B1055

Assistée de Me Patrick COMBES, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU (77)

plaidant pour la SCP DUMONT- BORTOLOTTI -COMBES et associés

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 4 avril 2012 en audience publique, après qu'il ait été fait rapport par Mme LUC conseiller, conformément aux dispositions de l'article 785 du Code de procédure civile, devant la Cour composée de :

- M.ROCHE, Président

- M.VERT, Conseiller

- Mme LUC, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme CHOLLET

ARRET

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. ROCHE, président et Mme Véronique GAUCI, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

*****

Vu le jugement en date du 17 mai 2010 par lequel le Tribunal de commerce de MELUN a débouté la société REVIVAL de ses demandes, et, sous le régime de l'exécution provisoire, l'a condamnée à payer à la société MARCHETTO la somme de 15.000 euros de dommage et intérêts pour procédure abusive et celle de 2.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu l'appel interjeté le 16 juin 2010 parla société REVIVAL et ses conclusions enregistrées le 5 mars 2012, tendant à faire infirmer le jugement entrepris, et constater que la société MARCHETTO, en exploitant, sans autorisation préalable, un broyeur soumis au régime des installations classées, a commis un acte de concurrence déloyale à son égard, l'entendre en conséquence condamner à lui payer la somme de 1.655.268 euros au titre de la perte de marge subie entre septembre 2005 et octobre 2007, la somme de 50.000 euros pour atteinte à son image commerciale, et celle de 10.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et, enfin, ordonner la publication de l'arrêt à intervenir ;

Vu les conclusion de la société MARCHETTO du 20 mars 2012 dans lesquelles elle sollicite de la Cour la confirmation du jugement déféré, sauf sur le quantum de l'indemnité à elle allouée pour procédure abusive, dont elle sollicite la majoration à la somme de 100.000 euros, et la condamnation de l'appelante à lui payer, en outre, la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

SUR CE

Considérant qu'il résulte de l'instruction les faits suivants :

La société REVIVAL est spécialisée dans la récupération de matières métalliques recyclables issues en partie des véhicules hors d'usage. Elle exploite, pour ce faire, un broyeur, à savoir, une machine capable de séparer par broyage les différents éléments des produits en fin de vie, après avoir été dépollués, tel que les véhicules hors d'usage, les déchets électriques et électroniques. Cette installation nécessite l'obtention d'un permis de construire et une autorisation préalable du préfet au titre des installations classés. La société REVIVAL a obtenu l'ensemble de ces autorisations, par arrêté du 10 février 1992 pour son site de [Localité 8], puis, la législation ayant évolué, par arrêté du 22 juin 2006.

La société MARCHETTO, société concurrente, aurait quant à elle, exploité irrégulièrement et pendant au moins deux ans, un broyeur sans être titulaire des autorisations requises.

C'est dans ces conditions que, par acte du 19 février 2009, la société REVIVAL a assigné la société MARCHETTO devant le Tribunal de commerce de MELUN pour concurrence déloyale, ayant consisté dans l'exploitation d'un broyeur et l'exercice d'une activité de stockage de véhicules hors d'usage sans autorisation et qu'est intervenu le jugement susvisé présentement déféré ;

 

Sur la responsabilité :

Considérant qu'il convient, tout d'abord, de rappeler que le défaut de respect de la réglementation administrative dans l'exercice d'une activité commerciale constitue une faute génératrice d'un trouble commercial pour un concurrent ; que plus précisément l'inobservation de la règlementation imposée à une activité commerciale est constitutive d'une faute de concurrence déloyale vis-à-vis du concurrent qui la respecte ; que la liberté du commerce suppose, en effet, que les entreprises exercent une concurrence par les mérites, s'interdisant tout procédé déloyal qui leur conférerait un avantage injustifié, étant observé que la caractérisation de la faute de concurrence déloyale n'exige pas la constatation d'un élément intentionnel ;

Considérant en l'espèce, qu'il résulte de l'exposé même des faits que par l'arrêté préfectoral n° 74.DAGR.2EC.360 du 13 janvier 1975, la société MARCHETTO a été autorisée à exploiter sur son site un simple «dépôt de ferrailles» ; que si, par la suite, cette dernière a également présenté une demande d'autorisation à l'effet «d'exercer des activités de stockage et de récupération de ferrailles et de travail mécanique des métaux» et si une enquête administrative a été effectivement engagée à cet effet, il est néanmoins constant que l'intéressée a, pendant près de 24 mois, soit au moins du mois de septembre 2005 au mois d'octobre 2007, exploité illégalement un broyeur, installation classée soumise à autorisation et continué à stocker des véhicules hors usage, ce qu'elle n'était plus autorisée à faire depuis le changement de législation du 24 mai 2006 ; que cette situation a été soulignée par le commissaire enquêteur dans son avis du 18 novembre 2006 ; que, par suite, par l'exploitation d'une installation de broyage et entreposage de véhicules hors usage sans autorisation préfectorale, et ce, en violation de la réglementation en vigueur et pendant une période importante, la société  MARCHETTO a apporté une distorsion dans le jeu de la concurrence afférente au marché considéré; qu'il sera également observé que la société REVIVAL n'a pas attendu pour faire constater les agissements délictueux de la société MARCHETTO ; qu'elle a, en effet, dès l'origine, tenté, mais sans succès, de faire cesser ces actes de concurrence déloyale par des démarches auprès des autorités administratives concernées ; qu'il ne peut lui être imputé, en l'absence de preuves, l'utilisation de ces démarches à des fins dilatoires ; que, par ailleurs, la délivrance à la société MARCHETTO d'une autorisation préfectorale d'exploiter une installation classée de broyage de véhicules hors d'usage à compter du 7 novembre 2007 ne saurait avoir eu pour objet ou pour effet d'exempter rétroactivement la société MARCHETTO de toute responsabilité au titre de ses actes de concurrence déloyale passés ; que la circonstance, alléguée par la société MARCHETTO, que l'administration ne lui ait pas dressé procès-verbal pour avoir exercé son activité sans autorisation, n'est pas de nature à l'exonérer de sa responsabilité, ni d'ailleurs, l'absence de recours contre l'autorisation administrative obtenue par elle, par la société REVIVAL ; que, dès lors, le défaut, par la société intimée, du respect de la réglementation administrative relative à l'activité commerciale de broyage, constitue, pour la société appelante, un acte de concurrence illicite et déloyale générateur, en lui-même, d'un trouble commercial impliquant l'existence d'un préjudice ;

 

Sur le préjudice

Considérant que l'activité de broyage de la société  MARCHETTO illégalement exercée a nécessairement et irrégulièrement détourné une partie de la clientèle existante ou potentielle de la société REVIVAL et n'a pu que réduire son attractivité sur sa zone de chalandise ;

Considérant que la somme de 1 655 268 euros, sollicitée par la société REVIVAL en réparation de son préjudice matériel, évaluée par l'expert-comptable désigné par cette société, équivaut à la perte de marge de la société REVIVAL durant les deux années ayant suivi le début de l'activité de la société MARCHETTO ;

Mais considérant que la part imputable à la pratique de concurrence déloyale, dans la perte globale de marge, n'en constitue qu'une proportion sans doute minime, la perte de marge étant surtout due à l'exercice d'une concurrence par les mérites entre deux concurrents dans la même zone de chalandise ; que pour évaluer cette part, exclusivement due à la pratique litigieuse, il aurait fallu que la société REVIVAL évaluât les coûts des travaux de mise en conformité du site de la société MARCHETTO, et les autres dépenses, qui auraient été différés durant la période litigieuse d'exercice de son activité sans autorisation et dont l'économie temporaire lui aurait permis de pratiquer des prix plus bas ou d'acheter la ferraille à des prix plus élevés ; qu'en l'absence de ces éléments, et au regard tant de la nature du marché considéré, que de la marge brute habituellement générée par l'activité concernée ainsi que de la durée de l'exploitation irrégulièrement exercée par la société MARCHETTO, la Cour dispose des éléments suffisants d'appréciation pour évaluer le préjudice subi par la société appelante à la somme de 50.000 euros ; que la société MARCHETTO sera donc condamnée à payer cette somme à la société REVIVAL ;

Considérant, enfin, que les prétentions de l'appelante, relatives à la prétendue atteinte à son image, ne sont étayées d'aucun élément prouvant leur effectivité ; qu'elle sera déboutée de cette demande ;

Sur la demande de publication :

Considérant qu'aucun motif tiré de la nature du contentieux opposant les parties ou des circonstances de l'espèce ne justifie de faire droit à ladite demande ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'il y a lieu d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

 

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement et contradictoirement,

INFIRME le jugement entrepris,

Et statuant à nouveau,

CONDAMNE la société MARCHETTO à verser à la société REVIVAL la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice matériel,

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes respectives,

CONDAMNE la société MARCHETTO aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile,

CONDAMNE la société MARCHETTO à payer à la société REVIVAL la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Véronique GAUCI Michel ROCHE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 10/13056
Date de la décision : 30/05/2012

Références :

Cour d'appel de Paris I4, arrêt n°10/13056 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-05-30;10.13056 ?
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