La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/05/2012 | FRANCE | N°10/16340

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 24 mai 2012, 10/16340


Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5



ARRET DU 24 MAI 2012



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 10/16340



Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Juin 2010 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2001011961





APPELANTS



SA TRAILOR ACTM INTERNATIONAL

Ayant son siège : [Adresse 1]



SELARL [P] agissant par Maître [E

] [P] en qualité d'administrateur judiciaire de Trailor ACTM International

[Adresse 3]



Monsieur [S] [T] en qualité de mandataire judiciaire de Trailor ACTM International

[Adresse 2]



Repré...

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5

ARRET DU 24 MAI 2012

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/16340

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Juin 2010 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2001011961

APPELANTS

SA TRAILOR ACTM INTERNATIONAL

Ayant son siège : [Adresse 1]

SELARL [P] agissant par Maître [E] [P] en qualité d'administrateur judiciaire de Trailor ACTM International

[Adresse 3]

Monsieur [S] [T] en qualité de mandataire judiciaire de Trailor ACTM International

[Adresse 2]

Représentés par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY (Me Alain FISSELIER), avocats au barreau de PARIS, toque : L0044

Assistés de Me Virginie ADAM, avocat au barreau de PARIS, toque : J033, plaidant pour la société HOGAN LOVELLS

INTIMEE

SAS HBCE CONSULTING

Ayant son siège : [Adresse 4]

Représentée par Me Chantal-rodene BODIN CASALIS, avocat au barreau de PARIS, toque: C0401

Assistée de Me Renaud LE GUNEHEC, avocat au barreau de Paris, toque : P141, plaidant pour la SCP Normand et associés.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Mars 2012, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Colette PERRIN, Présidente, chargée d'instruire l'affaire et de Madame Patricia POMONTI, conseillère

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Colette PERRIN, présidente

Madame Patricia POMONTI, conseillère

Madame Irène LUC, conseillère désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la cour d'appel de Paris en vertu de l'article R312-3 du code de l'organisation judiciaire pour compléter la chambre.

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Camille PIAT

ARRET :

- contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Colette PERRIN, présidente et par Mademoiselle Emmanuelle DAMAREY, greffier des services judiciaires auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE

La société Trailor ACTM International (TAI) détient deux filiales Trailor et ACTM qui produisent et commercialisent des remorques, semi-remorques, porte engins, bennes et citernes pour les véhicules poids lourds.

Monsieur [L] qui en était le principal actionnaire et le mandataire social a quitté ses fonctions de dirigeant en février 2009 après l'entrée au capital, en juillet 2008, d'un fonds d'investissement Perceva Capital qui, en décembre 2008, est devenu l'actionnaire majoritaire .

La société HBCE est une société de consulting créée en 2001 par Monsieur [L] et dont il est le président.

Le 6 janvier 2009, les deux sociétés ont conclu un contrat intitulé « Contrat d'assistance et de service » prévoyant que la société HBCE fournirait une prestation dans les domaines de « l'assistance aux fins de développement du chiffre d'affaire » et de « l'aide à la facilitation de la relation à l'export » pour une durée de 4 ans avec un honoraire forfaitaire et une rémunération variable.

La société HBCE a émis des factures au titre de ce contrat mais a constaté des impayés à compter du mois de juillet 2009. Elle a procédé à une mise en demeure le 5 novembre 2009 qui est restée vaine.

La société TAI a refusé de payer ces factures au motif que la société HBCE n'avait pas exécuté les prestations prévues.

La société HBCE a saisi le 4 janvier 2010 Monsieur le Président du tribunal de commerce de Paris afin d'obtenir un paiement provisionnel et la communication de certains documents. L'ordonnance du 5 février 2010 ayant rejeté sa demande, elle a engagé une action au fond.

Par jugement en date du 29 juin 2010 le tribunal de commerce de Paris a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, condamné la société TAI à payer à la société HBCE les sommes de :

-89.700 euros avec intérêts au taux légal à compter du 5 novembre 2009 sur la somme de 59.800 euros et du 4 janvier 2010 sur la somme de 29.900 euros

-10.609,68 euros sous réserve que la société HBCE fournisse à la société TAI une facture rectificative pour cette somme avec intérêts au taux légal à compter du 22 mars 2010

-262.500 euros à titre de dommages et intérêts

-5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Vu l'appel interjeté par la société TAI le 4 aout 2010.

Vu les dernières conclusions de la société TAI, de la société [P] et de Maître [S] [T] ès-qualités, signifiées le 15 février 2012 par lesquelles il est demandé à la Cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions défavorables à l'appelante, de débouter la société HBCE de toutes ses demandes, condamner HBCE à verser à TAI des dommages et intérêts d'un montant de 350.000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'inexécution de ses obligations contractuelles résultant du contrat du 6 janvier 2009, condamner la société HBCE à payer à la société TAI la somme de 40.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les appelants soutiennent que le contrat du 6 janvier 2009 a prévu que les factures émises par la société HBCE devaient détailler de façon précise les démarches commerciales entreprises, ce qui n'a pas été fait et ce qui conditionnait pourtant le paiement à la société HBCE et considèrent en conséquence que le refus de paiement opposé par la société TAI était fondé.

Ils ajoutent également que la société HBCE n'a jamais accompli les prestations qui étaient dues, que la preuve de l'exécution de la prestation lui incombe, faisant observer que les pièces produites par la société HBCE sont sans lien avec le litige et qu'elles ne rapportant pas la preuve de l'exécution de prestations.

Ils contestent l'argument selon lequel la société TAI aurait empêché la société HBCE d'exécuter sa mission.

Vu les dernières conclusions de la société HBCE signifiées le 2 mars 2012 par lesquelles elle demande à la Cour :

- sur les factures impayées, de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné la société TAI à payer les sommes de 89 700 euros avec intérêts au taux légal à compter du 5 novembre 2009 sur la somme de 59 800 euros et du 4 janvier 2010 sur la somme de 29 900 euros et de 10 109,68 euros avec intérêts au taux légal à compter du 22 mars 2010,

- subsidiairement, dans l'hypothèse où la Cour estimerait que le contrat a été résilié par la faute de la société TAI antérieurement au 6 janvier 2010, de prononcer les condamnations sous forme de dommages et intérêts à compter de la date de résiliation ;

- sur la résiliation abusive et les préjudices subis par la société HBCE, de constater la résiliation du contrat aux torts de la société TAI,

et, infirmant partiellement le jugement sur le montant des dommages et intérêts, de condamner la société TAI à payer à la société HBCE:

- la somme de 437 500 euros à titre de dommages et intérêts du chef du manque à gagner subi par la société HBCE,

- la somme de 500 000 euros à titre de dommages et intérêts du chef des préjudices subis distincts,

- la somme de 40.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile; à tout le moins et compte tenu des condamnations prononcées par le tribunal et déjà réglées au titre de l'exécution provisoire

et de fixer la créance de la société HBCE sur la société TAI à la somme de 710 000 euros.

La société HBCE soutient la mauvaise foi de la société TAI et fait valoir que celle-ci n'est pas fondée à invoquer l'exception d'inexécution pour refuser de payer les prestations dès lors que celles-ci ont été parfaitement accomplies et estime produire des éléments de preuve suffisants, la société TAI n'ayant jamais protesté contre l'inexécution de la société HBCE jusqu'à l'assignation en paiement. La société HBCE fait également valoir que la société TAI ne l'a pas mise en mesure d'accomplir sa mission en interdisant à ses salariés de communiquer avec elle. Elle l'estime mal fondée et de mauvaise foi à se réfugier derrière le formalisme prévu au contrat concernant les factures.

La société HBCE sollicite, sur le calcul des dommages et intérêts mis à la charge de la société TAI, qu'aucun coefficient n'affecte le calcul de l'indemnisation, et que par conséquent seule la perte de chiffre d'affaire soit prise en compte. Par ailleurs, elle invoque le préjudice résultant du discrédit et de l'atteinte à l'image de HBCE, des frais de résiliation et de loyer du bail de l'[Adresse 4], du fait que la société TAI était le seul client de la société HBCE.

La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions initiales des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur les conclusions de rejet

Considérant que la société HBCE demande la révocation de l'ordonnance de clôture faisant état d'un problème matériel l'ayant empêchée de répliquer à la suite de la procédure collective de son adversaire intervenue depuis peu ;

Considérant que la société Trailor, Me [P], ès-qualités et Me [T], ès-qualités ont conclu au rejet des conclusions et des pièces 61 à 67 signifiées et communiquées le jour de la clôture par la société HBCE ;

Considérant que si les organes de la procédure collective sont intervenus par conclusions du 15 février 2012, les pièces 61 à 67 produites par la société HBCE sont, à l'exception de la déclaration de créance au titre de l'appel incident bien antérieures à cette procédure ; que l'argument tiré d'une production tardive en raison de l'ouverture d'une procédure collective est inopérant ;

Qu'en revanche, les conclusions de HBCE ne sont que des conclusions en réponse, la société HBCE répliquant aux conclusions signifiées les 2 et 15 février 2012 et à la production par TAI de la proposition de redressement fiscal dont elle a fait l'objet ; qu'elles ne portent pas atteinte au principe du contradictoire ; qu'il n'y a pas lieu de les écarter ;

Qu'il y a lieu en conséquence seulement d'écarter des débats les pièces 61 à 67 signifiées et communiquées le jour de la clôture par la société HBCE, les appelants n'ayant pas été en mesure de les examiner ;

Au fond

Considérant que la société Trailor, Me [P], ès-qualités et Me [T], ès-qualités font valoir que la société HBCE n'a pas respecté le formalisme contractuellement prévu, les parties ayant convenu dans l'annexe 1 du contrat que « Le 28 de chaque mois HBCE adressera à TAI une facture correspondant à sa rémunération et précisant de façon détaillée les démarches commerciales entreprises sur la période ainsi que les noms et coordonnés des interlocuteurs concernés »,

Que les factures émises par HBCE qui ne comportent pas les précisions contractuellement prévues ont été néanmoins réglées de janvier à juin 2009 sans donner lieu à contestation ; que le défaut de conformité des factures ne caractérise pas à lui seul l'inexécution par HBCE de ses obligations ;

Qu'il appartient à la société HBCE en sa qualité de demandeur en paiement de justifier de l'exécution des prestations facturées ;

Considérant que le contrat précise que la société TAI a « décidé de recourir au prestataire pour l'assister en matière de développement de chiffre d'affaires et de faciliter sa relation à l'export » ; qu'il s'agit d'une obligation de moyen ;

Que par email du 23 janvier 2009, soit quelques jours après la signature du contrat, l'actionnaire de TAI, la société Perceva Capital a demandé à [X] [L], à la demande de [D] [B], Pdg de TAL de préparer une note contenant les renseignements suivants :

' en matière d'assistance au développement du chiffres d'affaires :

- les actions que vous envisagez

- les différents niveaux d'interlocuteurs avec le nom des entités et des personnes responsables (chez TAL ou intermédiaire client final)

- leurs gains attendus de façon chiffrée taille des marchés, type de matériel, nombre de véhicules, coûts d'approche, prix de vente unitaire cibles)

- les modalités de financement utilisées par le client ou le distributeur

- les concurrents de TAL sur le marché concerné

- le calendrier de réalisation.

en matière de facilitation de la relation d'export :

- les plans d'actions que vous envisagez par pays

- pour chaque pays l'historique de TAL en matière d'activité dans le pays concerné

- pour chaque pays le nom des représentants et contacts actuels de TAL( représentants, distributeurs ou commerciaux)

- pour chaque pays le nom des interlocuteurs institutionnels actuels de TAL ( autorités locales )

- pour chaque pays, le nom des interlocuteurs actuels de TAL

- pour chaque pays, le potentiel de commande en 2009 ( nom et lieu des grands chantiers et du client final, calendrier des projets considérés)

- pour chaque pays le nom des concurrents potentiels de TAL, les contacts que vous proposez de nouer (nom/fonction) et leur capacité d'action

- les gains attendus en 2009

Ce type de support est désormais essentiel à nos échanges afin d'avancer de façon efficace »;

Que [X] [L] ne justifie pas avoir répondu à cette demande, ni avoir transmis de document correspondant même partiellement à celle-ci, ce qui n'a pourtant pas fait réagir la société TAI sans que cette passivité puisse être retenue comme la démonstration de l'activité de [X] [L] ;

Qu'il convient de relever que les seuls justificatifs d'activité de la société HBCE reposent sur des échanges d'émails ;

Que M.[L] a envoyé un émail le 21 juillet 2009 à l'actionnaire majoritaire en lui indiquant « dès le mois d'août 2008 j'ai bien compris que vous préféreriez travailler de façon plus directe avec [D]......Alors je me suis effacé des postes opérationnels....

Durant ces 6 mois mon carnet d'adresses s'est copieusement épaissi et bien disposé à vous en faire profiter pour des demandes précises. Mais déjà à ce stade je n'ai pas de retour sur tout ce que j'ai transmis via [D], [Z] ou [V]. De façon plus dynamique il est regrettable que la direction ne soit pas joignable par téléphone, car l'échange sur les pistes business et connaissances pays ne se font pas que par mails et rapports »;

Qu'à travers cet émail, il n'a apporté aucune précision sur la réalité des prestations réalisées au cours des 6 premiers mois, indiquant seulement « un de mes proches [N] [R] , ancien administrateur d'EDF va partir en Algérie pour tenter de renouer avec de grosses affaires d'état » et « [A] [H] a des très bons contacts dans différents pays arabes et attend des réponses » , ajoutant « dites moi quel décideur voulez vous rencontrer et je « serai » m'en occuper », reconnaissant au demeurant qu'il attendait de son mandant l'identification de ses contacts alors que sa tâche était d'en rechercher ;

Que de plus, il n'est pas démontré de la réalité de l'activité et d'une quelconque intervention du dénommé [R] qui se présente sur son papier à en tête comme un ancien conseiller du ministre de l'industrie et qui est maire d'une petite commune dans la Drome ; que, si celui-ci a établi une note manuscrite non datée décrivant la famille princière [J], celle-ci ne fait que reprendre les éléments figurant sur le site Wikipedia ;

Que certes le 7 mai 2009, M.[R] a adressé un plan d'action pour régler le problème de l'interdiction de soumission dont faisait l'objet la société TAI depuis 2008 de la part des autorités algériennes, mais qu'il a seulement proposé de se déplacer à [Localité 6] avec un avocat local moyennant le paiement de frais de déplacement et d'honoraires ; qu'il a reçu l'accord de Trailor, auquel il n'a donné aucune suite ;

Que la société TAI a également adressé à celui-ci un émail très complet concernant ses produits sans aucun retour ;

Que dès lors, M.[L] ne saurait se prévaloir d'une quelconque intervention de celui-ci pour justifier de ses propres demandes d'honoraires .

Que [X] [L] a produit des emails faisant état de l'intervention d'un dénommé [A] [H] ; qu'il n'a fourni aucune précision sur ses interventions, indiquant que « ce n'est qu'un millionnaire, mais en relation proche avec des milliardaires » , qu'il aurait « des relations au plus haut niveau, des introductions au gouvernement et accès aux familles les plus riches du golfe » ; que de plus l'objet de ces émails est de solliciter le paiement de frais de déplacements qui auraient été engagés par celui-ci et dont il n'était pas justifié ;

Que celui-ci pour justifier de ses prestations verse des émails dont certains, antérieurs à la signature du contrat, ne peuvent faire la preuve de leur réalité ;

Que M.[L] verse cinq autres documents relatifs à la société Sicame ; que les appelants font valoir qu'il s'agit d'une relation avec un sous traitant avec lequel les relations étaient antérieures au contrat avec HBCE, ce qui résulte des propres écrits de M.[L] qui annonce à ce groupe le 3 février 2009 « depuis notre dernière entrevue sur votre unité Sicame les choses ont changé pour moi. J'ai décidé pour le développement du groupe de passer la main à Perceva Capital qui devient actionnaire majoritaire » ;

Que le 22 juin 2009 il a adressé un émail faisant part d'informations confidentielles concernant le groupe Samro ; qu'outre le fait qu'il s'agissait d'une société concurrente de TAI , il s'agissait d' informations déjà publiées dans la presse ;

Que [X] [L] se prévaut d'émails qui sont des invitations à des rencontres organisées par le Medef avec des intervenants sur divers thèmes en relation avec le commerce extérieur; qu'il convient de relever que celles-ci étaient en fait destinées au président de TAI et non à HBCE;

Que deux emails sont relatifs à une distinction « mérite au développement Technologies Industrielles » attribuée par l'Institut International de promotion et de prestige à laquelle la société TAI aurait pu prétendre selon [X] [L] ;

Que la participation à une telle manifestation relevant de la seule appréciation du dirigeant, il ne peut être fait grief à la société TAI de ne pas avoir accepté cette proposition , rien ne permettant d'affirmer qu'elle aurait été choisie, les sociétés lauréates se caractérisant par un investissement en matière de développement durable ; et TAI étant un fabricant de remorques, bennes et citernes pour les véhicules poids lourds;

Que le 5 novembre 2009, M.[L] a écrit « nous déplorons vivement l'absence d'échanges et l'absence de retour en ce qui concerne les informations qui vous sont transmises et les modes opératoires préconisés dans le cadre du développement du chiffre d'affaire tant au niveau national qu'à l'export. Nous n'avons notamment aucun retour sur les informations commerciales et les potentialités que nous vous avons transmises suite à notre déplacement en Tunisie lors du mois de juillet dernier »; qu'il ne précise nullement les informations visées ;

Qu'il produit une attestation de M.[U] [O], alors directeur logistique au sein de TAI qui atteste que « lors d'un entretien début 2009 en présence de Mademoiselle [F] [M] [C], responsable aux ressources humaines du groupe TAL, Monsieur [B], Pdg du groupe TAL m'a demandé si la direction du site Trailor de [Localité 8] m'intéressait. Lors de cette réunion il nous a aussi intimé l'ordre de ne plus communiquer avec Monsieur [X] [L], président fondateur du groupe. Si cela s'avérait, nous risquerions le renvoi immédiat »;

Que M.[O] ayant été consultant au service de la société HBCE en 2005 et ayant été licencié par TAI , son attestation est sujette à caution ;

Que M.[O] étant directeur logistique et la mission de la société HBCE étant « une mission d'assistance ponctuelle de la direction générale de TAI », l'absence de contact entre celui-ci et M.[L] n'était pas de nature à compromettre la mission commerciale de HBCE.

Que de plus, alors que M.[L] avait démissionné de ses fonctions au sein des sociétés Trailor et ACTM en août et septembre 2008, tout en restant Président du conseil d'administration de TAI holding, il interférait en janvier 2009 et au cours des mois suivants dans la gestion de TAI de sorte qu'il était légitime pour le nouveau dirigeant de TAI de demander à ses salariés de limiter leurs contacts avec leur ancien dirigeant ;

Qu'enfin la société TAI a fait l'objet d'une vérification fiscale au terme de laquelle il a été constaté que « la société ne dispose pas de justificatifs d'un travail effectivement fourni. En l'absence d'éléments matériels permettant d'apprécier la réalité de l'exécution de la prestation en faveur de l'entreprise , la déduction de la TVA relative à ces honoraires n'est pas admise »;

Qu'en conséquence, il est démontré que la société HBCE n'a pas exécuté ses obligations, que c'est à bon droit que la société TAI a interrompu le paiement des factures émises par HBCE et a résilié le contrat aux torts de celle-ci pour inexécution; qu'il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris ;

Sur la demande de restitution

Considérant que la société TAI ayant fait la démonstration de l'inexécution de ses prestations par la société HBCE, elle est bien fondée à réclamer le remboursement des sommes versées les six premiers mois d'exécution du contrat soit une somme de 126 000€HT, ces versements étant dépourvus de toute contrepartie;

Sur les demandes additionnelles de HBCE

Considérant qu'il n'y a pas lieu d'examiner la demande de HBCE d'augmentation des dommages et intérêts alloués par les premiers juges .

Considérant que HBCE demande réparation de son préjudice à raison du discrédit professionnel causé par le comportement de TAI et du fait qu'elle a dû mettre fin au bail de l'[Adresse 4] car TAI était son unique client ;

Que la cour a constaté que les contacts dont a fait état M.[L] n'étaient pas sérieux ; que dès lors il ne peut être reproché à la société TAI d'avoir jeté le discrédit sur l'activité professionnelle de la société HBCE;

Que [X] [L] prétend que la société HBCE a dû mettre un terme anticipé au bail de l'[Adresse 4] qui selon son affirmation avait été conclu dans le seul intérêt de TAI;

Qu'une convention de mise à disposition des locaux a été conclue entre HBCE et TAI sans loyer pour cette dernière , la seule compensation ayant été sa prise en charge du mobilier à hauteur de 80 000€ ;

Qu'il convient, toutefois, de relever qu'il s'agit d'un bail d'habitation souscrit « pour l'habitation exclusive et personnelle de M.[L] »;

Que d'ailleurs le matériel acquis pour l'aménagement de ses locaux ne correspondaient nullement à du mobilier à usage professionnel ;

Qu'en conséquence il y a lieu de rejeter la demande de la société HBCE au titre des loyers versés et de la résiliation anticipée du bail .

Que de plus la résiliation résulte des manquements de la société HBCE à ses obligations contractuelles ; qu'elle ne saurait dès lors rechercher la responsabilité de TAI ; qu'il y a lieu de rejeter ses demandes additionnelles ;

Sur la demande de réparation de la société Trailor

Considérant qu'en concluant ce contrat , la société Trailor pouvait légitimement espérer voir son chiffre d'affaires et ses bénéfices augmenter du fait des prestations de la société HBCE.

Qu'elle a fait la démonstration que la société HBCE n'a pas exécuté sérieusement les prestations qui lui avaient été confiés ; qu'elle a ainsi été pénalisée dans ses perspectives à l'export et a perdu une chance de voir son chiffre d'affaires s'accroître ;

Que toutefois elle ne saurait chiffrer son préjudice au regard des frais salariaux résultant de deux commerciaux export en 2012 donc postérieurement à sa relation avec HBCE lesquels représentent un coût de 272 000€ en 2012 ;

Qu'il y a lieu de lui allouer la somme de 50 000€ en réparation de cette perte de chance ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Considérant que la société TAI a dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge , qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 dans la mesure qui sera précisée au dispositif .

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

ECARTE des débats les pièces produites sous les numéros 61 à 67 par la société HBCE

INFIRME le jugement déféré,

CONDAMNE la société BHCE à verser à la société Trailor ACTM International (TAI) la somme de 126 000€ au titre des restitutions du fait de la résiliation du contrat du 6 janvier 2009 avec intérêts au taux légal à compter de chacun des versements effectués

ORDONNE la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil

CONDAMNE la société BHCE à verser à la société Trailor ACTM International (TAI) la somme de 50 000€ en réparation du préjudice subi du fait de l'inexécution par HBCE de ses obligations résultant du contrat du 6 janvier 2009

REJETTE toute autre demande, fin ou conclusions

CONDAMNE la société BHCE à payer à la société TAI la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE la société BHCE aux entiers dépens de première instance et d'appel et dit qu'ils pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile

Le Greffier

E.DAMAREY

La Présidente

C. PERRIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 10/16340
Date de la décision : 24/05/2012

Références :

Cour d'appel de Paris I5, arrêt n°10/16340 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-05-24;10.16340 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award