Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 6
ARRÊT DU 24 MAI 2012
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/08073
Décision déférée à la Cour : Arrêt du 17 Septembre 2009 -Cour d'Appel de RENNES - RG n° 08/06327
APPELANTE
SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, venant aux droits de la Société CETELEM, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentant : Me Lionel MELUN (avocat au barreau de PARIS, toque : J139)
Assistée de : Me Stéphane GAUTIER de l' ASSOCIATION GAUTIER GAFFINEL AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R233
INTIMÉS
Monsieur [K] [J]
[Adresse 6]
[Localité 4]
Représentant : la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES ( Me Véronique DE LA TAILLE), avocat au barreau de PARIS, toque : K0148
Madame [H] [I]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES (Me Véronique DE LA TAILLE), avocat au barreau de PARIS, toque : K0148
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 26 Mars 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente
Madame Caroline FEVRE, Conseillère
Madame Muriel GONAND, Conseillère
qui en ont délibéré
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de Procédure Civile.
Greffier, lors des débats : M. Sébastien PARESY
ARRÊT :
- contradictoire
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente et par M. Sébastien PARESY, greffier présent lors du prononcé.
*********
Par acte en date du 5 mars 2008, Monsieur [J] et Madame [I] ont assigné la société CETELEM devant le Tribunal d'instance de Rennes aux fins de voir déclarer abusives et illicites deux clauses du contrat de prêt souscrit le 28 mars 2003.
Par jugement rendu le 4 août 2008, le tribunal d'instance de Rennes:
- s'est déclaré compétent,
- a déclaré recevable l'action de Monsieur [J] et Madame [I],
- a déclaré abusives et illicites :
- la clause du paragraphe II-6 disposant que l'emprunteur devra informer le prêteur de sa décision de procéder à un remboursement anticipé par lettre recommandée deux mois avant une échéance mensuelle et régler au prêteur le montant du remboursement à la date d'échéance concernée,
- la clause du paragraphe II-7 qui prévoit que le prêteur pourra résilier le contrat après l'envoi à l'emprunteur d'une mise en demeure par lettre recommandée en cas d'inexactitude des renseignements confidentiels fournis par l'emprunteur,
- a déclaré en conséquence la société CETELEM déchue des intérêts,
- a condamné la société CETELEM à restituer à Monsieur [J] et Madame [I] les sommes perçues au titre des intérêts du prêt, soit 2.941,11 euros avec intérêts au taux légal sur les sommes versées à compter de la date de leur versement,
- a ordonné l'exécution provisoire,
- a condamné la société CETELEM aux dépens et à payer la somme de 800 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
La BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, venant aux droits de la société CETELEM, a interjeté appel de ce jugement.
Par arrêt du 17 septembre 2009, la Cour d'appel de Rennes a infirmé le jugement déféré, a déclaré incompétent le Tribunal d'instance de Rennes, a renvoyé les parties devant la Cour d'appel de Paris et a réservé les dépens.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 16 novembre 2010, la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE demande à la Cour:
- in limine litis, vu l'article 31 du Code de procédure civile,
- d'infirmer le jugement et de déclarer irrecevables Monsieur [J] et Madame [I] faute d'actualité de leur demande et d'intérêt à agir,
- à titre subsidiaire, vu l'article L132-1 du Code de la consommation,
- d'infirmer le jugement et de dire que les clauses II-6 et II-7 du contrat acceptées par Monsieur [J] et Madame [I] ne sont pas abusives,
- en tout état de cause:
- d'infirmer le jugement et de dire que la sanction des clauses abusives n'est pas la déchéance du droit aux intérêts, mais l'éradication desdites clauses déclarées nulles et non avenues qui n'entrent pas dans les conditions de forme du contrat,
- d'infirmer le jugement et de rejeter l'ensemble des prétentions de Monsieur [J] et Madame [I] ,
- de condamner solidairement Monsieur [J] et Madame [I] à lui verser la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- de statuer ce que de droit sur les dépens.
Dans leurs dernières écritures signifiées le 12 avril 2011, Monsieur [J] et Madame [I] demandent à la Cour:
- vu les articles L311-1 et suivants du Code de la consommation,
- de confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- y ajoutant de débouter la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE de toutes ses demandes,
- de la condamner à payer la somme de 3.000 euros en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991,
- de condamner la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE aux entiers dépens.
SUR CE
- Sur la recevabilité de l'action de Monsieur [J] et Madame [I]:
Considérant que la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE soutient que Monsieur [J] et Madame [I] sont irrecevables à agir faute d'intérêt actuel;
Considérant qu'aux termes de l'article 31 du Code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention; que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien fondé de la demande;
Considérant que la demande de Monsieur [J] et Madame [I] a pour objet d'obtenir la restitution de sommes versées au titre des intérêts en se fondant sur le caractère abusif de clauses contractuelles;
Considérant qu'en l'espèce Monsieur [J] et Madame [I] ont un intérêt à agir au regard des dispositions des articles 1235 alinéa 1 et 1376 du Code civil qu'ils invoquent;
Considérant que la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE prétend également que Monsieur [J] et Madame [I] ne justifient pas avoir payé les intérêts dont ils sollicitent le remboursement;
Considérant qu'il ressort de l'offre de prêt du 28 mars 2003, que Monsieur [J] et Madame [I] ont signé cette offre de prêt de 10.700 euros, remboursable au TEG de 10,79% l'an, en 60 mensualités de 243,68 euros, assurance comprise; qu'il résulte du tableau d'amortissement que les mensualités du 10/06/03 au 10/05/08 comprenaient des intérêts;
Qu'il est ainsi établi que Monsieur [J] et Madame [I] ont payé les intérêts contractuels, étant rappelé que le prêt est arrivé à son terme et que la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE ne se prévaut d'aucun impayé au titre de ce prêt;
Considérant que Monsieur [J] et Madame [I] sont ainsi recevables à agir et que le jugement doit être confirmé de ce chef;
- Sur le bien fondé de la demande de Monsieur [J] et Madame [I]:
Considérant que Monsieur [J] et Madame [I] soutiennent qu'en application des articles L311-13 et L311-6 du Code de la consommation, l'offre de crédit doit être conforme au modèle type applicable à l'opération de crédit envisagée et comporter toutes les mentions obligatoires prévues par la loi, sous peine que ces clauses soient déclarées illicites;
Qu'ils prétendent que la clause II-6 est illicite dans la mesure où elle impose un préavis de deux mois pour tout remboursement anticipé alors qu'un tel préavis n'est pas prévu par le modèle type et qu'elle impose un formalisme (LRAR) lui aussi non prévu;
Qu'ils affirment également que la clause II-7 permet au prêteur de résilier le contrat et de prononcer la déchéance du terme dans une hypothèse autre que la défaillance dans les remboursements, seul cas visé par les modèles types, ce qui aggrave la situation de l'emprunteur, puisque celui-ci est tenu de payer l'intégralité des sommes restant dues, même en l'absence de non paiement des échéances convenues;
Considérant qu'en réponse la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE prétend que les deux clauses ne comportent aucune aggravation de la situation de l'emprunteur;
Que s'agissant de la première clause, elle fait valoir que l'article L311-29 du Code de la consommation n'interdit pas l'insertion d'un délai de préavis et que ce délai a pour objet la mise en oeuvre de ce remboursement anticipé;
Qu'en ce qui concerne la seconde clause, elle estime que la résiliation du contrat pour fausse déclaration de l'emprunteur est justifiée dans la mesure où la confiance du prêteur a été trompée;
Considérant que l'ancien article L311-13 du Code de la consommation, applicable en l'espèce, dispose que 'l'offre préalable de crédit est établie en application des conditions prévues aux articles précédents selon l'un des modèles types fixés par le Comité de Réglementation Bancaire, après consultation du Conseil National de la Consommation';
Considérant qu'il est possible pour l'établissement de crédit d'ajouter des clauses non prévues dans les modèles types, mais que celles-ci ne doivent pas aggraver la situation de l'emprunteur ou créer un déséquilibre entre les droits et obligations des parties;
Considérant que le paragraphe II-6 du contrat de prêt contient une clause intitulée 'remboursement par anticipation' qui dispose que l'emprunteur pourra rembourser par anticipation tout ou partie du prêt sans être tenu de verser une indemnité au prêteur et qu'il devra informer le prêteur par lettre recommandée deux mois avant une échéance mensuelle et régler au prêteur le montant du remboursement à la date d'échéance concernée;
Considérant que le modèle type ne prévoit pas les modalités du remboursement par anticipation;
Considérant que ce délai de préavis de deux mois qui permet au prêteur d'effectuer les opérations de liquidation des comptes et d'interrompre les prélèvements bancaires, n'empêche pas l'exercice du remboursement anticipé et ne constitue pas en l'espèce une aggravation de la situation de l'emprunteur;
Considérant que l'exigence d'une lettre recommandée pour faire connaître au prêteur l'intention de l'emprunteur de procéder à un remboursement anticipé ne peut par ailleurs être considéré comme abusive;
Considérant en conséquence qu'il n'y a pas lieu de déclarer cette clause illicite;
Considérant que le paragraphe II-7 prévoit que le préteur pourra résilier le contrat après l'envoi à l'emprunteur d'une mise en demeure par lettre recommandée en cas d'inexactitude des renseignements confidentiels fournis par l'emprunteur au prêteur, l'emprunteur étant alors tenu de rembourser immédiatement toutes les sommes dues;
Considérant que le prêt est consenti par le prêteur en fonction de l'appréciation qu'il fait de la situation des emprunteurs, au regard des renseignements fournis à l'appui de leur demande de crédit;
Considérant qu'en raison de l'exigence de bonne foi dans les relations contractuelles, cette clause qui permet au prêteur de refuser la poursuite du contrat en cas de fausses déclarations de l'emprunteur, n'implique pas un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties et qu'elle ne peut dès lors être considérée comme abusive;
Considérant en conséquence que Monsieur [J] et Madame [I] doivent être déboutés de leur demande aux fins de voir dire abusives les deux clauses susvisées et de leur demande de remboursement des intérêts en découlant;
Que le jugement doit être infirmé de ce chef;
Considérant que Monsieur [J] et Madame [I] doivent en conséquence être condamnés aux dépens de première instance;
Considérant que l'équité n'impose pas de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE en premier ressort ou en appel;
Considérant que Monsieur [J] et Madame [I], qui succombent, supporteront leurs frais irrépétibles et les dépens d'appel;
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement, sauf en ce qu'il a déclaré recevable l'action de Monsieur [J] et Madame [I].
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Déboute Monsieur [J] et Madame [I] de leurs demandes.
Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Condamne Monsieur [J] et Madame [I] aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Le Greffier Le Président