RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 7
ARRÊT DU 24 Mai 2012
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/07499
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Juillet 2010 par le conseil de prud'hommes de LONGJUMEAU Section Commerce RG n° 08/01034
APPELANT
Monsieur [F] [D]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 2]
représenté par Me Nathalie LEHOT, avocat au barreau de l'ESSONNE
INTIMEE
SAS GSF ATLAS
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par Me Sophie CORNEVIN-COLLET, avocat au barreau de VAL DE MARNE, toque : PC204
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Mars 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laurence GUIBERT, Vice-Présidente placée sur ordonnance du Premier Président en date du 20 janvier 2012
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean-Marc DAUGE, président
Madame Marie-Antoinette COLAS, Conseillère
Madame Laurence GUIBERT, Vice-Présidente placée sur ordonnance du Premier Président en date du 20 janvier 2012
Greffier : Madame Laëtitia CAPARROS, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Monsieur Jean-Marc DAUGE, Président et par Mlle Laëtitia CAPARROS, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA COUR
Monsieur [F] [D] a été embauché, en qualité de chef d'équipe, en contrat à durée indéterminée le 10 avril 2008, par la SAS GSF ATLAS, dans le cadre d'une reprise de contrat de travail au titre de l'annexe 7 de la convention collective nationale des entreprises de nettoyage.
L'ancienneté de Monsieur [D] a été reprise au 12 avril 1999.
Par courrier en date du 1er août 2008, la SAS GSF ATLAS a convoqué Monsieur [D] à un entretien préalable, lui notifiant également une mise à pied conservatoire.
Le 27 août 2008, Monsieur [D] a été convoqué à un nouvel entretien préalable, la mise à pied étant confirmée.
Par courrier du 24 septembre 2008, Monsieur [D] s'est vu notifier un licenciement pour faute grave.
Le 4 novembre 2008, Monsieur [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Longjumeau à l'effet de contester le licenciement dont il a fait l'objet et ainsi obtenir le paiement des indemnités afférentes à ce licenciement.
La Cour statue sur l'appel interjeté le 19 août 2010 par Monsieur [D], du jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Longjumeau, section commerce, le 9 juillet 2010, notifié par lettre datée du 21 juillet 2010 qui a :
- fixé la moyenne des trois derniers salaires de Monsieur [D] à la somme de 1 578,88 €,
- requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse,
- condamné la SAS GSF ATLAS, prise en la personne de son représentant légal, à verser à Monsieur [D] les sommes suivantes :
' 3 571,98 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
' 357,19 € au titre des congés payés sur préavis,
' 3 423,14 € à titre d'indemnité de licenciement,
' 2 902,05 € à titre de salaire concernant la période de mise à pied à titre conservatoire du 1er août 2008 au 24 septembre 2008,
' 290,20 € au titre des congés payés sur mise à pied,
' 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté le demandeur du surplus de ses demandes,
- débouté le défendeur de sa demande reconventionnelle,
- mis les dépens à la charge de la SAS GSF ATLAS,
Vu les conclusions du 16 mars 2012, au soutien de ses observations orales par lesquelles Monsieur [D] demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes du 9 juillet 2010 en ce qu'il a requalifié le licenciement pour faute grave de Monsieur [D] en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamner la SAS GSF ATLAS à lui verser la somme de 21 432 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SAS GSF ATLAS à lui verser les sommes de :
' 3 571,98 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
' 357,19 € au titre des congés payés sur préavis,
' 3 423,14 € à titre d'indemnité de licenciement,
' 2 902,05 € à titre de salaire concernant la période de mise à pied à titre conservatoire du 1er août 2008 au 24 septembre 2008,
' 290,20 € au titre des congés payés sur mise à pied,
- condamner la SAS GSF ATLAS à lui verser la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu les conclusions du 16 mars 2012, au soutien de ses observations orales par lesquelles la SAS GSF ATLAS demande à la cour de :
- déclarer recevable mais mal fondé Monsieur [D] en son appel,
- déclarer la SAS GSF ATLAS recevable et bien fondé en son appel incident,
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 9 juillet 2010 par le conseil de prud'hommes de Longjumeau,
- débouter Monsieur [D] de l'intégralité de ses demandes,
- le condamner à restituer les sommes perçues au titre de l'exécution provisoire,
- le condamner à lui verser la somme de 200 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions déposées et soutenues à l'audience, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE
Sur le licenciement
Considérant qu'aux termes de l'article L 1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ;
Considérant que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat du travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis; qu'il appartient à l'employeur qui entend se prévaloir de la faute grave du salarié d'en rapporter la preuve ;
Considérant que la lettre de licenciement qui, fixe les limites du litige, doit énoncer des motifs suffisamment précis pour permettre au juge d'en apprécier le caractère réel et sérieux ; qu'il s'ensuit que l'employeur ne peut invoquer de nouveaux griefs et qu'il est interdit au juge d'examiner des griefs non évoqués dans la lettre de licenciement;
Considérant qu'aux termes de la lettre de licenciement, en date du 24 septembre 2008, l'employeur a notifié à Monsieur [D] les griefs suivants :
'Nous vous avons convoqué à un entretien fixé au 25 août 2008 par courrier du 01/08/2008 Cet entretien s'est effectivement tenu le 25 août 2008 mais a du être écourté. Nous vous avons alors convoqué par courrier du 27/08/2008 à un nouvel entretien qui s'est tenu le 08/09/2008. Au cours de ces entretiens vous nous avez fournis vos explications sur le comportement qui vous était reproché et pour lequel nous étions amené à envisager votre licenciement pour faute grave.
Malgré ces explications, nous vous notifions, par la présente, votre licenciement pour faute grave.
En effet, les faits qui vous sont reprochés et qui motivent cette décision sont les suivants :
Nous avons appris qu'au matin du 29 juillet 2008 vous avez, durant votre temps de travail et sur votre lieu de travail, parcouru votre site d'affectation (site Carrefour à [Localité 2]), de salarié en salarié, pour faire signer un document.
Lorsque nous vous avons demandé de quoi il s'agissait, vous nous avez répondu que ce document était destiné à récolter des fonds pour une cause légitime. Pourtant, il s'est avéré qu'il s'agissait en réalité d'une pétition contre votre inspecteur, Monsieur [J], et contre notre société. Il apparaît, par ailleurs, que les salariés que vous avez sollicités pour signer le document en question n'étaient pas informés de son contenu réel et ont ainsi été abusés. Ils en ont eu connaissance par la suite et se sont manifestés auprès de nous pour expliquer la présence de leurs signatures sur cette pétition.
[Nons considérons ] ce comportement comme gravement fautif en lui-même. Votre initiative est de nature à porter gravement atteinte à l'ensemble de nos salariés (à commencé par l'inspecteur visé par ce document mais également les membres de votre équipe, que vous avez abusé). Elle est également de nature à porter atteinte à l'image de notre société. Par ailleurs, vous n'avez pas hésité à entraîner avec vous certains de nos salariés en faisant pression sur eux et ne leur cachant la vérité. Cette circonstance aggrave encore votre comportement. Ce caractère fautif est encore aggravé par le fait que vous êtes Chef d'Equipe et que vous avez normalement pour mission de porter les valeurs de notre société chez notre client et de les relayer aux membres de votre équipe. C'est l'inverse vous avez fait.
Le lendemain votre inspecteur a modifié très partiellement vos tâches sur votre site. Comme vous en avez été informé, il s'agissait d'une simple réorganisation de ce site que nous avons repris il y a peu de temps.
Cette réorganisation était programmée, elle ne touchait qu'une infime partie de vos tâches et vos nouvelles tâches s'inscrivaient parfaitement dans le cadre de votre classification. Vous avez pourtant catégoriquement refusé de quitter vos tâches habituelles pour les nouvelles. Vous avez alors quitté le site en remettant à votre inspecteur le téléphone qui vous était confié par la société ainsi que les clefs de votre site d'affectation.
Vous avez renouvelé ce comportement le 31 juillet 2008 et le 1er août 2008.
Ce comportement est également constitutif d'une faute grave. Il s'agit d'une insubordination caractérisée et répétée, doublée d'un abandon réitéré de votre poste de travail.
Votre comportement n'est pas acceptable et dénote une violation inadmissible de l'ensemble de vos obligations contractuelles.
Nous considérons que votre comportement est ainsi constitutif, à plus d'un titre, de faute grave. La sanction de ce comportement est votre licenciement immédiat pour faute grave'
Considérant que l'employeur reproche à Monsieur [D] d'avoir fait signer à plusieurs salariés, sur leur lieu de travail, une pétition comportant des propos désobligeants à l'encontre d'un des inspecteurs, Monsieur [J], et à son encontre ; que cependant, ce document n'est pas produit aux débats ; que les attestations produites aux débats, qui pour certaines d'entre elles sont identiques car recopiées par des salariés ne maîtrisant pas le français, ne peuvent être retenues en l'absence de d'autres éléments probatoires corroborant leurs dires ;
Que surabondamment, la SAS GSF ATLAS ne s'en prévaut plus dans ses conclusions ;
Que dès lors, ce grief ne saurait être retenu ;
Considérant que la SAS GSF ATLAS fait grief à Monsieur [D] d'avoir refusé de remplir certaines tâches, quittant son lieu de travail à trois reprises ; que l'intimée considère qu'il s'agit d'une insubordination doublée d'un abandon de poste ;
Considérant que Monsieur [D] soutient qu'il ne s'agissait pas de participer occasionnellement à des travaux mais qu'en réalité, son employeur lui a retiré son poste de chef d'équipe au profit d'un poste d'agent d'entretien ; qu'auparavant, il n'avait jamais refusé d'aider ponctuellement certains membres de son équipe ; qu'il conteste avoir quitté les lieux ;
Considérant qu'il résulte des attestations produites aux débats que Monsieur [D] a refusé d'accomplir certaines tâches qui lui avaient été confiées par son inspecteur, Monsieur [J] ;
Qu'en effet, Madame [E] atteste que Monsieur [D] 'a effectué différentes tâches de travail. D'abord, il commençait par le balayage du rayon 'bazar' et 'textile'. Ensuite, il conduisait l'auto laveuse. Souvent, il remplaçait les agents des services absents en réalisant leur travail (les caddy, (') Parking, le petit train)....Il passait aussi les (') et différents travaux demandés par le client' ;
Que Monsieur [J] témoigne 'j'ai demandé à Monsieur [D] qu'à partir de ce jour, il devait faire le petit train (vider les containers dans le compacteur) pendant ses horaires de travail de 5 h à 11 h ou ranger les caddies du ('). [F] a catégoriquement refusé en répondant que cela n'est pas son travail. Il m'a remis le téléphone portable GSF et est parti sans revenir sur le site ni sur son poste de travail';
Qu'il ajoute que les 31 juillet, 1er et 2 août 2008, Monsieur [D] a adopté une attitude identique ;
Considérant que selon la convention collective applicable, le chef d'équipe 'participe aux travaux' dont il est responsable de l'exécution ; qu'il s'ensuit que Monsieur [D], en refusant d'obéir aux instructions données par son employeur et en quittant son poste de travail, a commis une faute dont la gravité est telle qu'elle interdisait le maintien du salarié dans l'entreprise et que l'employeur était fondé à procéder à son licenciement pour faute grave ; qu'ainsi, le jugement déféré sera infirmé de ce chef ;
Sur les demandes indemnitaires
Considérant que Monsieur [D] a été licencié pour faute grave qui est privative de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents, conformément aux dispositions de l'article L 1234-5 du code du travail ;
Qu'en vertu de l'article L 1234-9 du code du travail, le salarié est également privé du bénéfice d'une indemnité de licenciement tant légale que conventionnelle ;
Que s'agissant du paiement du salaire afférent à la période de mise à pied conservatoire, cette mesure était justifiée au regard de l'abandon de poste du salarié;
Que, par conséquent, le jugement entrepris sera infirmé sur l'ensemble des chefs afférents aux demandes indemnitaires ;
Sur la demande reconventionnelle
Considérant que la SAS GSF ATLAS réclame la restitution des sommes perçues par Monsieur [D] au titre de l'exécution provisoire ;
Que cependant, il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande, dès lors qu'elle relève de l'exécution de la présente décision ;
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Considérant que l'équité commande, compte tenu de la nature du conflit, de ne pas faire droit à la demande des parties au titre des frais irrépétibles, les dépens d'appel restant en revanche à la charge de Monsieur [D] ;
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par décision contradictoire en dernier ressort, mise à la disposition des parties au greffe,
INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
DIT que le licenciement de Monsieur [D] est fondé sur une faute grave,
DEBOUTE les parties de l'ensemble de leurs prétentions,
REJETTE la demande articulée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Monsieur [D] aux dépens d'appel
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT