Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRÊT DU 23 MAI 2012
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/11577
Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Mars 2010 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 09/17693
APPELANT
La S.C.I. LOUBEN représentée par son administrateur provisoire Maître [U] [P]
[Adresse 9]
[Localité 6]
Représentée par Me Charles-Hubert OLIVIER de la SCP LAGOURGUE - OLIVIER,
avocats au barreau de PARIS, toque L0029, avocat postulant
Assistée de Me Aldric SAUNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : A554, substitué par Me Sophie BARBERO, avocat au barreau de PARIS, toque C 689
INTIMÉS
La Société LES CLEFS DE LA RIVE DROITE Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège
[Adresse 5]
[Localité 6]
Monsieur [W] [X]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Madame [R], [V] [V] [I] épouse [X]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentés par Me Jean-claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS, toque D0945, avocat postulant
Assistés de Me Laurent VIOLLET de la SELARL LVA, avocat au barreau de PARIS, toque G 129, avocat plaidant
PARTIES INTERVENANTES
Monsieur [B] [C]
[Adresse 3]
[Localité 14] - Californie - USA
Madame [M] [C]
[Adresse 8]
[Localité 4]
Représentée par Me Charles-Hubert OLIVIER de la SCP LAGOURGUE - OLIVIER,
avocats au barreau de PARIS, toque L0029, avocat postulant
Assistée de Me Aldric SAUNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : A554, substitué par Me Sophie BARBERO, avocat au barreau de PARIS, toque C 689
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Mars 2012, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame REGHI, conseiller chargée du rapport.
Madame REGHI a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame BARTHOLIN, Présidente
Madame BLUM, Conseiller
Madame REGHI, Conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Véronique GAUCI.
ARRÊT :
- contradictoire,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Madame Chantal BARTHOLIN, Présidente, et par Madame Alexia LUBRANO, Greffière stagiaire en pré-affectation, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
* * * * * * * *
EXPOSE DU LITIGE
Faits et prétentions des parties :
Suivant acte sous seing privé du 3 octobre 2001, la société Louben a donné à bail en renouvellement à Mmes [I], aux droits de qui sont venus M. [X] et Mme [I], puis la société Les clefs de la rive droite, des locaux à destination d'hôtel meublé, marchand de vins et restaurateur, situés [Adresse 7].
Par acte du 8 juin 2009, la société Les clefs de la rive droite a demandé le renouvellement du bail venant à échéance le 1er octobre 2009. Par acte du 7 septembre 2009, la société Louben a fait délivrer en réponse un refus de renouvellement sans offre d'indemnité d'éviction, au motif de la persistance d'infractions graves au bail, les locaux, notamment la partie hôtel meublé, n'étant pas exploités régulièrement.
Par acte du 3 novembre 2009, la société Les clefs de la rive droite et M. [X] et Mme [I] ont fait assigner la société Louben, représentée par Mme [G] ès qualités d'administrateur judiciaire, en contestation de refus de renouvellement et paiement d'une indemnité devant le tribunal de grande instance de Paris qui, par jugement du 18 mars 2010, assorti de l'exécution provisoire, a :
- dit que faute pour la société Louben d'avoir délivré une sommation préalable à la locataire, alors que l'infraction reprochée de changement de destination contractuelle était, au cas où elle aurait été effectivement établie, réversible, elle ne peut refuser à sa locataire le paiement d'une indemnité d'éviction à la suite du refus de renouvellement du bail,
- dit que ce refus a mis fin à compter du 30 septembre 2009 au bail et a ouvert droit au paiement à la société Les clefs de la rive droite d'une indemnité d'éviction et au maintien dans les lieux moyennant le paiement d'une indemnité d'occupation,
- déclaré M. [X] et Mme [I] irrecevables en leur demande de dommages et intérêts,
- débouté la société Les clefs de la rive droite de sa demande de dommages et intérêts pour abus de droit,
avant dire-droit sur le montant de l' indemnité d'éviction et de l'indemnité d'occupation :
- ordonné une expertise.
Par déclaration du 2 juin 2010, la société Louben a fait appel du jugement.
La société Les clefs de la rive droite a restitué les lieux par remise des clés le 11 juin 2010.
Dans leurs dernières conclusions, signifiées le 17 février 2012, la société Louben représentée par son mandataire ad hoc, Mme [C] et M. [C] et Mme [C], intervenants volontaires comme venant aux droits de M. [A] [C] dans la société Louben et propriétaires indivis de l'immeuble, demandent :
- l'infirmation du jugement,
- le débouté des demandes des intimés,
- de donner acte à M. [C] et Mme [C] de leur intervention,
- de dire le refus de renouvellement sans offre d' une indemnité d'éviction fondé,
- la condamnation des intimés au paiement de la somme de 6 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, dont distraction.
Dans leurs dernières conclusions, signifiées le 1er février 2012, la société Les clefs de la rive droite représentée par son liquidateur, Mme [I], demande :
- la confirmation du jugement,
faisant droit à sa demande d'évocation :
- la fixation du montant de l'indemnité d'éviction à la somme de 684 247 €, soit 380 000 € au titre de l'indemnité principale, 37 000 € au titre des frais de remploi, 132 974 € au titre des aménagements non amortis, 8 000 € au titre des frais de déménagement, 16 273 € au titre du trouble commercial et 110 000 € au titre des frais de réinstallations et la condamnation de la société Louben au paiement,
- le débouté de toutes les demandes de la société Louben,
- sa condamnation au paiement de la somme de 8 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, dont distraction.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 7 mars 2012.
CELA EXPOSE,
Considérant que M. [C] et Mme [C] demandent de déclarer leur intervention recevable ; que, dans la mesure où, par jugement du 15 mai 2003 devenu définitif, le tribunal de grande instance de Paris a dit que la société Louben avait un caractère fictif et a réintégré, dans la communauté Louvel-Gartioso, notamment l'immeuble dont il s'agit, leur intervention est recevable ;
Considérant que les appelants soutiennent que la transformation de la destination des lieux depuis des années et l'absence complète de toutes les caractéristiques d'hôtel meublé sont parfaitement établies par le constat du 16 septembre 2009 ; que l'établissement hôtelier est organisé avec 15 baux de location différents, la suppression ou l'inexistence de tout service commun, l'absence de gardiennage, la mise en place d'installations électriques privatives ; que, pour la partie restaurant, il n'existe ni personnel, ni stock ni cuisine exploitée ; que cette infraction est constante et irréversible ; que, d'ailleurs, les intimés ne l'ont pas sérieusement contestée puisqu'ils ont évoqué l'ancienneté et la connaissance supposée du bailleur ; qu'une mise en demeure n'était donc pas nécessaire ; que c'est par dénaturation des faits que le tribunal a déclaré non fondé le refus de paiement d'une indemnité d'éviction ;
Considérant que la société Les clefs de la rive droite fait valoir qu'elle n'a pas été mise en demeure ; qu'un changement d'activité, à le supposer établi, n'est jamais irréversible ; que l'activité de restauration a toujours été exercée dans les lieux, la faiblesse des résultats n'étant pas révélatrice d'une inexploitation ; que l'hôtel offre un hébergement au mois, avec réception, service de ménage, service de petits déjeuners et service de blanchisserie ; que le constat n'établit pas de changement d'activité ; que l'existence de contrats de location résulte d'une application des textes en la matière ;
Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats que la société Louben entend démontrer l'infraction à la destination des lieux par la production d'un procès-verbal de constat établi le 16 septembre 2008 ; que si, dans ses écritures, elle évoque un autre constat et si la société Les clefs de la rive droite communique un courrier de cet huissier adressé à M. [C] et Mme [C], la société Louben ne produit ni l'un ni l'autre de ces documents ; qu'aux termes du procès-verbal du 16 septembre 2008, l'huissier a constaté la présence d'un accès indépendant du bar côté [Adresse 13] avec badge, la présence d'un buanderie, le bon état des parties communes ; qu'il s'est rendu, dans les étages, dans chacun des lieux occupés, pour certains depuis plusieurs années, comportant une ou deux chambres, une salle de bain avec WC et une kitchenette ; qu'une copie des contrats de location lui a été remise ; qu'il a recueilli les déclarations de Mme [I] selon lesquelles le fonds de commerce de bar est utilisé également à usage de petite restauration ;
Considérant que c'est à juste titre que les premiers juges ont relevé que ce procès-verbal ne permet pas de démontrer l'absence de prestations de service ; que si l'huissier a mentionné la présence d'une buanderie, il n'a pas précisé les modalités de son utilisation au profit ou non des occupants ; que, tout en mentionnant le bon état des parties communes, il n'a pas non plus indiqué l'existence ou non d'un service de nettoyage ; que les premiers juges ont, par ailleurs, rappelé que la souscription d'un contrat de location, pour les personnes ayant dans les lieux leur résidence principale, a été rendue obligatoire ; qu'ils ont donc exactement conclu qu'en l'absence de toute élément probant sur l'absence de prestations de service, la société Louben n'établissait pas le changement de destination contractuelle ; qu'enfin, la faiblesse du chiffre d'affaires de la locataire concernant l'activité de bar-restaurant ne constituait pas davantage un motif grave et légitime justifiant le refus de paiement d'une indemnité d'éviction ; qu'au surplus, c'est à juste titre que les premiers juges ont conclu qu'à supposer établie une modification dans la destination contractuelle des lieux, aucun élément ne permettait d'établir le caractère irréversible de la modification et qu'une mise en demeure aurait dû être délivrée ;
Considérant que la société Les clefs de la rive droite demande à la cour de faire application des dispositions de l'article 568 du code de procédure civile en ce qui concerne l'indemnité d'éviction, l'expert ayant rendu son rapport ; que la société Louben soutient que les conditions d'une évocation ne sont pas réunies dans la mesure où le principe d'une indemnité est discuté, que les intimés ayant quitté les lieux dans une hâte tout à fait anormale, les abandonnant sans protection ni surveillance, le principe de cette indemnité peut être encore dénié ;
Considérant que l'expert a rendu son rapport, que la locataire a quitté les lieux depuis deux ans, que chacune des parties ne peut qu'avoir intérêt à ce qu'une solution définitive soit donnée à l'affaire, il y a lieu de faire application de l'article 568 du code de procédure civile et d'ordonner la réouverture des débats afin que chacune des parties puisse conclure au fond sur la demande en paiement d'une indemnité d'éviction et d'une indemnité d'occupation ;
PAR CES MOTIFS
Déclare recevables les interventions volontaires de M. [C] et Mme [C],
Confirme le jugement,
Evoquant sur la demande en paiement d'une indemnité d'éviction et d'une indemnité d'occupation :
Révoque l'ordonnance de clôture du 7 mars 2012,
Ordonne la réouverture des débats afin que chacune des parties puisse conclure au fond sur la demande en paiement d'une indemnité d'éviction et d'une indemnité d'occupation,
Fixe l'audience de plaidoiries au 22 octobre 2012 et la clôture au 12 septembre 2012.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE