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23/05/2012 | FRANCE | N°10/10987

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 23 mai 2012, 10/10987


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRÊT DU 23 Mai 2012

(n° 11 , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/10987- CR



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Décembre 2006 par le conseil de prud'hommes de AUXERRE section Commerce RG n° 06/00032





APPELANTE

Madame [E] [G]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Françoise BAUCHER, avocat au barreau de PARIS,

toque : C0975







INTIMÉE

SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Claude-Henri CHAMBAULT, avocat au barreau d'AUXERRE







C...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRÊT DU 23 Mai 2012

(n° 11 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/10987- CR

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Décembre 2006 par le conseil de prud'hommes de AUXERRE section Commerce RG n° 06/00032

APPELANTE

Madame [E] [G]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Françoise BAUCHER, avocat au barreau de PARIS, toque : C0975

INTIMÉE

SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Claude-Henri CHAMBAULT, avocat au barreau d'AUXERRE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Mars 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Claudine ROYER, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Conseillère faisant fonction de Présidente

Madame Claudine ROYER, Conseillère

Madame Marie-Antoinette COLAS, Conseillère

Greffier : Mme Evelyne MUDRY, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Evelyne MUDRY, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

Par jugement du 15 décembre 2006 auquel la Cour se réfère pour l'exposé des faits, de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes d'AUXERRE a :

- confirmé le licenciement de Madame [E] [G] pour faute grave,

- l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes,

- l'a condamnée à payer à la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE la somme de 1 euro au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'a condamnée aux éventuels dépens.

Madame [E] [G] a relevé appel de ce jugement par déclaration parvenue au greffe de la cour le 15 janvier 2007.

Vu l'ordonnance de radiation du 13 octobre 2010 constatant que l'affaire n'était toujours pas en état d'être plaidée malgré une première radiation intervenue le 1er octobre 2008 et une deuxième radiation intervenue le 25 février 2009,

Vu la demande de rétablissement formée par le conseil de l'appelante le 27 octobre 2010,

Vu la convocation adressée par le greffe le 14 décembre 2010 pour l'audience du 21 mars 2012 ;

Vu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile et les conclusions des parties régulièrement communiquées, oralement soutenues et visées par le greffe à l'audience du 21 mars 2012, conclusions auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé de leurs demandes, moyens et arguments ;

* * *

Il résulte des pièces et des écritures des parties les faits constants suivants:

Suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel du 26 novembre 2002, la Société SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE a embauché Madame [E] [G] en qualité d'employée commerciale pour une durée de travail de 28 heures par semaine.

Le 4 février 2003, la salariée est passée à une durée de 36 heures par semaine.

Du 7 janvier 2005 au 19 février 2005, Madame [G] a été en arrêt maladie en raison d'une grossesse pathologique, puis en congé de maternité du 20 février 2005 au 26 juin 2005. Elle a bénéficié ensuite d'un congé parental du 27 juin 2005 au 26 décembre 2005 inclus.

Peu avant son retour, Madame [G] a été avisée par son employeur, par lettre recommandée du 30 octobre 2005 qu'elle serait affectée au service Caisse, affectation que la salariée a refusé par lettres du 9 novembre puis du 7 décembre 2005 en s'estimant victime de discrimination.

L'employeur ayant maintenu son affectation, et la salariée son refus, Madame [G] a été mise à pied à titre conservatoire et convoquée le 27 décembre 2005 à un entretien préalable fixé au 3 janvier 2006 . Puis elle a été licenciée pour faute grave par lettre du 10 janvier 2006 pour avoir refusé de reprendre son poste au sein du service Caisses et ne pas avoir respecté ses obligations contractuelles.

Contestant son licenciement et soutenant qu'elle avait fait l'objet d'une discrimination abusive par non respect du principe d'égalité entre hommes et femmes, Madame [G] a saisi le 8 février 2006 le conseil de prud'hommes d'AUXERRE qui a rendu la décision déférée.

MOTIFS

Madame [G] demande l'infirmation du jugement déféré en soutenant d'une part que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse et d'autre part que ce licenciement constituait une mesure discriminatoire ce qui le rendait nul.

La SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE soutient au contraire que le licenciement reposait sur une faute grave et que Madame [G] doit être déboutée de l'ensemble de ses demandes.

Sur le bien-fondé du licenciement

Il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

Madame [G] prétend qu'à l'issue de son congé parental elle devait, conformément aux dispositions de l'article L.1225-55 retrouver son poste de décoratrice ou un emploi similaire ; que son employeur n'a pas tout mis en oeuvre comme il s'y était engagé par lettre recommandée du 24 mai 2005 pour qu'elle retrouve son emploi précédent ; qu'il ne démontre pas non plus que le nouvel emploi basique de caissière correspondait à une adaptation aux mutations technologiques et à la transformation des métiers CASINO ; que le poste de caissière est sans équivalent avec le poste de décoratrice aussi bien en termes de classification que de rémunération ou de responsabilités ; que le licenciement fondé sur son refus d'être affectée au poste de caissière se trouve ainsi dénué de toute cause réelle et sérieuse.

La SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE rappelle que Madame [G] était employée commerciale confirmée niveau 2 échelon B et qu'en vertu de la mobilité professionnelle elle pouvait être affectée aux différents travaux de l'établissement en fonction des nécessités du service ; que les tâches de caissière ou de décoration relèvent de la même qualification professionnelle ; qu'au retour d'une salariée en congé parental, l'obligation de proposer le poste précédent est conditionnée à la circonstance qu'il demeure disponible ; qu'un simple changement des conditions de travail n'emporte pas modification du contrat ; que l'affectation proposée à Madame [G] à son retour ne constituait pas une modification de son contrat de travail et résultait du pouvoir de l'employeur de modifier ses conditions de travail ; que le refus opposé par Madame [G] était fautif et imposait la cessation immédiate de son contrat de travail au vu du degré d'insubordination.

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige précisait à Madame [G] qu'elle avait été licenciée pour avoir refusé de prendre son poste au service Caisses à l'issue de son congé parental, affectation qui n'était que la stricte application des clauses et conditions de son contrat de travail signé le 4 février 2003 , lequel prévoyait la possibilité de l'affecter sur un autre poste en cas de nécessité ; que l'employeur avait pris soin de lui préciser qu'elle retrouverait son emploi précédent ou en cas d'impossibilité, un emploi similaire assorti d'une rémunération équivalente.

Il ressort des pièces versées aux débats que Madame [G] a été recrutée en qualité d'employée commerciale confirmée niveau 2 échelon A, puis élevée ultérieurement à l'échelon B . Conformément à l'avenant signé le 4 février 2002 lorsque la salariée a été employée à plein temps, Madame [G] savait qu'elle pourrait être occupée aux différents travaux de l'établissement en fonction des nécessités du service, des modifications des demandes des clients, et notamment pour s'adapter aux mutations technologiques et à la transformation des métiers. Elle savait également que dans le cadre de l'évolution de sa situation professionnelle, ou de la préservation de son emploi, elle pourrait être affectée dans l'un des établissements que le groupe possède ou pourrait détenir dans la même agglomération ou dans les localités limitrophes.

Il n'est pas contesté qu'à l'issue d'un congé parental d'éducation, le salarié doit retrouver ainsi que le précise l'article L.1225-55 du code du travail « son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente ».

En l'espèce, il ressort des pièces produites que pendant son congé de maternité puis son congé parental d'éducation, Madame [G] a été remplacée par une autre employée au poste de décoratrice ; que son poste n'était donc plus disponible à son retour ; que la nouvelle affectation proposée par l'employeur au service Caisses ne modifiait pas sa qualification professionnelle qui restait celle d'employée commerciale confirmée niveau 2 échelon B .

Contrairement à ce que soutient la salariée, elle n'a pas été embauchée en qualité de décoratrice, et la fonction de décoratrice, qu'elle a exercée jusqu'au mois de janvier 2005, appartenait à la même catégorie « Employé commercial confirmé ». Il n'y a donc pas eu en l'espèce modification du contrat de Madame [G].

Par ailleurs compte tenu du contrat signé entre les parties, il est certain que l'affectation des salariés en fonction des nécessités du service relevait clairement du pouvoir de direction de l'employeur .

Dans ce contexte, le refus de Madame [G] de rejoindre sa nouvelle affectation à un poste de caisse constituait un acte d'insubordination constitutif d'une faute grave rendant impossible son maintien dans l'entreprise, même pendant la durée limitée du préavis.

Sur la discrimination et la nullité du licenciement

Invoquant les dispositions des articles L.1142-1 3°, L.3221-8 et L.1121-1 du code du travail, Madame [G] prétend que son employeur n'a pas respecté le principe d'égalité entre hommes et femmes et qu'elle a été victime d'une mesure discriminatoire indirecte d'affectation professionnelle en raison de sa grossesse et de sa situation de famille, comportement qui doit être selon elle sanctionné.

La SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE estime que le moyen de la discrimination est inopérant en l'espèce et que la salariée ne démontre pas en quoi l'affection proposée constituerait une discrimination.

Aux termes de l'article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L.3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'action, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son sexe.

L'article L.1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Ces principes sont repris par les articles L.1142-1 et L.1144-1 du code du travail relatifs à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.

En l'espèce, Madame [G] prétend avoir été sanctionnée par sa nouvelle affectation à cause de sa grossesse et de sa situation de famille. Comme elle l'a indiqué dans sa lettre du 9 novembre 2005, elle affirme que si un homme avait été à ce poste, il y serait toujours ; que si elle n'avait pas été enceinte, elle y serait restée également 

Il ressort de ces explications que Madame [G] n'invoque aucun fait de nature à laisser supposer l'existence d'une discrimination entre homme et femme dans l'affectation décidée par son employeur au retour de son congé parental.

Il convient de constater en effet que l'employeur a traité de la même façon Madame [G] et les autres salariés de l'entreprise ; qu'en effet lorsque celle-ci a été affectée au poste Décoration, elle a remplacé une salariée partie en congé individuel de formation (Madame [L]) ; que lorsque cette salariée est revenue elle a retrouvé un autre poste, Madame [G] ayant été maintenue au poste Décoration ; que lorsque Madame [G] a été en arrêt maladie, puis en congé de maternité, puis en congé parental, l'employeur, usant de son pouvoir de direction en fonction des nécessités de l'entreprise, a affecté au poste décoration une salariée qui se trouvait être de nouveau Madame [L] ; qu'au retour de Madame [G], l'employeur a procédé comme il l'avait fait antérieurement au retour de Madame [L] ; qu'en tout état de cause, aucun homme n'a été affecté au poste Décoration.

L'employeur démontre ainsi que l'affectation de Madame [G] au service Caisses était étrangère à toute discrimination fondée sur le sexe.

Les demandes relatives à la discrimination et à la nullité du licenciement seront par conséquent rejetées.

Compte tenu de ces éléments, il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et de débouter Madame [G] de l'intégralité de ses demandes.

Madame [G] qui succombe supportera les dépens et indemnisera la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE des frais exposés par elle en appel à hauteur de la somme de 500 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne Madame [E] [G] à payer à la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

Condamne Madame [E] [G] aux entiers dépens.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 10/10987
Date de la décision : 23/05/2012

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°10/10987 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-05-23;10.10987 ?
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