Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 1
ARRET DU 22 MAI 2012
(no 159, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/23380
Décision déférée à la Cour :
sentence du 12 avril 2011 -Bâtonnier de l'ordre des avocats de PARIS - RG no 740/213789
DEMANDERESSE AU RECOURS
Selarl ASIALLIANS
38 rue Beaujon
75008 PARIS
ayant pour avocat Me Vincent COHEN STEINER (avocat au barreau de PARIS, toque : C0087)
DÉFENDERESSE AU RECOURS
SOCIETE CIVILE PROFESSIONNELLE UETTWILLER - GRELON - GOUT- CANAT ET ASSOCIES
47, avenue Monceau
75008 PARIS
ayant pour avocat la SELAFA K B R C et Associés (Me Jean-louis COCUSSE) (avocats au barreau de PARIS, toque : K0025)
COMPOSITION DE LA COUR :
Après rapport conformément à l'article 785 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 2 avril 2012, en audience publique les avocats ne s'y étant pas opposé, devant la Cour composée de :
Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre
Madame Brigitte HORBETTE, Conseiller
Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Noëlle KLEIN
ARRET :
- contradictoire
- rendu publiquement en l'empêchement du président de chambre par Madame Brigitte HORBETTE, Conseiller ayant délibéré
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé en l'empêchement du président par Madame Brigitte HORBETTE, Conseiller ayant délibéré et par Mme Noëlle KLEIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
**********
De 2008 au 31 octobre 2010, Mme Alina X... et M. Franck Y... ont exercé la profession d'avocat en qualité d'associés, expatriés en République Populaire de Chine, de la Scp Uetwiller Grelon Gout Canat et Associés ( la Scp UGGC).
Un litige a opposé les parties quant aux conditions de départ de Mme X... et de M. Y... de la Scp UGGC et aux conséquences qui en découlent : en effet la Scp UGGC a considéré que Mme X... et M. Y... ont démissionné à effet du 31 octobre 2010 après avoir organisé la captation d'une partie de la clientèle d'UGGC en Chine au profit de la Selarl Asiallians par eux constituée le 2 novembre 2010 et qu'elle est fondée à demander la condamnation de la Selarl Asiallians à réparer l'intégralité de son préjudice, tandis que de leur côté, et dans le cadre d'un arbitrage parallèle, Mme X... et M. Y... ont fait valoir qu'ayant été exclus d'UGGC, laquelle n'aurait pas respecté à leur égard ses obligations contractuelles, dans des conditions abusives, ils auraient été contraints de créer leur propre structure, la Selarl Asiallians.
La Scp UGGC a, par une requête déposée le 13 janvier 2011, complétée par des écritures du 21 février 2011, saisi M. Le Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Paris d'une demande tendant à voir dire la Selarl Asiallians tenue in solidum de toute condamnation qui viendrait à être prononcée au profit de la Scp UGGC à l'encontre de M. Y... et de Mme X... et à la voir condamner à lui payer la somme de 30 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La Selarl Asiallians a soulevé une exception d'incompétence du Bâtonnier au profit du tribunal de grande instance de Versailles, faisant valoir, au visa des articles L 112-3 du code de l'organisation judiciaire et 1442 du code de procédure civile, que la compétence du bâtonnier, consacrée par l'article 21 de la loi du 31 décembre 1971 et l'article 7 du décret du 27 novembre 1991, serait acquise à deux conditions cumulatives, la naissance d'un différend entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel et l'existence d'une clause compromissoire régularisée par les parties alors qu'en l'espèce :
-d'une part, le différend n'est pas né à l'occasion de l'exercice professionnel en l'absence de tout lien de droit entre la Selarl Asiallians et l'UGGC, laquelle Selarl Asiallians est étrangère au litige qui oppose ses fondateurs à la Scp, les parties n'ayant jamais exercé ensemble dans un cadre contractuel,
-d'une part, aucune convention contenant une clause compromissoire avec cette Scp n'a été régularisée,
qu'ainsi l'arbitre ne serait pas compétent.
La société UGGC a fait valoir que puisqu'elle fait grief à la Selarl Asiallians d'exploiter à ce jour une clientèle dont elle a été spoliée, elle est donc recevable à agir contre ladite Selarl, sans qu'il ne soit nécessaire que les parties aient signé une convention contenant une clause compromissoire, puisque :
-la Selarl relève des dispositions législatives et réglementaires relatives à l'exercice de la profession d'avocat,
-l'article 21, modifié par la loi du 12 mai 2009, de la loi du 31 décembre 1971 relative à la profession d'avocat dispose que " tout différend entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel est, en l'absence de conciliation, soumis à l'arbitrage du Bâtonnier",
-l'article 179-1 du décret du 27 novembre 1991, modifié par le décret du 11 décembre 2009, prévoit que " en cas de différend entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel et à défaut de conciliation, le Bâtonnier du barreau auprès duquel les avocats intéressés sont inscrits est saisi par l'une ou l'autre des parties".
Par sentence en date du 12 avril 2011, M. Paul-Albert Z..., ancien Bâtonnier de L'ordre, agissant en qualité d'arbitre unique désigné par M. le Bâtonnier de Paris, a rejeté l'exception d'incompétence formée par la Selarl Asiallians.
Le 2 mai 2011, la Selarl Asiallians a formé, devant la cour d'appel de Paris, un contredit à l'encontre de ladite sentence, sollicitant l'annulation de cette dernière et que soit ordonné à la société UGGC de mieux se pourvoir ou à défaut de désigner le tribunal de grande instance de Versailles, avec condamnation de l'UGGC à lui payer la somme de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par arrêt en date du 18 octobre 2011 du Pôle 1 chambre 3, la cour d'appel de Paris a déclaré le contredit irrecevable, dit que la cour devra être saisie par la voie de l'appel et renvoyé l'affaire devant la chambre 1 du Pôle 2 de la cour, en charge de l'appel des sentences arbitrales rendues par le Bâtonnier de l'Ordre des avocats.
CELA ETANT EXPOSE, la COUR :
Par des conclusions déposées le 15 mars 2012, et reprises à l'audience en précisant qu'elle renonce au bénéfice des dispositions de l'article 47 du code de procédure civile, la Selarl Asiallians demande d'annuler en toutes ses dispositions la sentence rendue le 12 avril 2011 par M. Z..., Ancien Bâtonnier de l'Ordre, arbitre désigné, d'ordonner à la société UGGC de mieux se pourvoir ou à défaut de désigner le tribunal de grande instance de Paris pour connaître du litige initié par cette dernière, de condamner la société UGGC à payer à la société Asiallians la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à payer les dépens.
Par des conclusions déposées le 15 mars 2012, visant expressément l'avis de la cour de cassation en date du 23 mai 2011, la société UGGC demande de dire mal fondé l'appel formé par la Selarl Asiallians, de confirmer en toutes ses dispositions concernant la compétence du Bâtonnier la décision querellée du 12 avril 2011, de dire que l'instance se poursuivra devant l'arbitre désigné par le Bâtonnier de l'Ordre des avocats à la cour de Paris entre la Scp UGGC et Associés et la Selarl Asiallians, de condamner la Selarl Asiallians à lui payer la somme de 10 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à payer les dépens.
SUR CE :
Considérant que l'appelante soutient que quand bien même, compte tenu des termes de l'article 72 de la loi du 12 mai 2009, de l'article 21 de la loi du 31 décembre 1971 depuis à nouveau modifié par l'article 5 de la loi du 28 mars 2011, il est désormais acquis que tout différend né entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel doit être soumis à l'arbitrage du Bâtonnier, pour autant reste entière pour les plaideurs la question de savoir ce que signifie la locution :
" tout différend entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel";
Considérant que l'appelante souligne que dans le présent litige, la société UGGC et la société Asiallians n'ont jamais, ce fait n'étant pas contesté, entretenu de relations contractuelles de quelque nature que ce soit, que c'est la responsabilité quasi délictuelle de la Selarl Asiallians à l'égard de la Scp UGGC qui est recherchée, pour captation de partie de sa clientèle par des moyens déloyaux, que dans ces conditions, elle soutient que le seul fait que la Selarl ait été fondée par deux anciens associés de la société UGGC, alors que la société UGGC ne reproche rien à la Selarl elle-même, ne saurait suffire à considérer que le litige est né dans le cadre de l'exercice de la profession ; que notamment il n'existe aucun protocole ou statuts de société qui établiraient le lien nécessaire permettant de considérer que le litige s'inscrit dans " le cadre de l'exercice de la profession " et de fonder par voie de conséquence la compétence du Bâtonnier; qu'ainsi elle soutient que le litige relève de la compétence d'une juridiction de droit commun ;
Considérant que la sentence déférée, par une motivation pertinente qui ne peut qu'être approuvée par la cour, a retenu que si certes, il n'existe en l'espèce aucun lien contractuel entre la société Asiallians et la société UGGC, pour autant la Selarl Allians a été constituée le 2 novembre 2010 entre Mme X... et M. Y... pour recueillir une partie de la clientèle dont la société UGGC s'estime spoliée, ce qui a pour conséquence que le différend existe dans le cadre de l'exercice professionnel ;
Considérant que la sentence se réfère encore aux textes pour considérer que l'article 21 de la loi de 1971, modifié par l'article 72 de la loi du 12 mai 2009 trouve à s'appliquer, dès lors qu'il s'agit d'un texte de portée générale, lequel confère en conséquence au Bâtonnier une compétence de plein droit ;
Considérant notamment, comme l'a très pertinemment soutenu la société UGGC, qu'il ne saurait être contesté que la Selarl relève des dispositions législatives et réglementaires relatives à l'exercice de la profession d'avocat et il n'est pas nécessaire qu'ait été signé un contrat, organisant un exercice en commun, comme la collaboration ou l'exercice en groupe, entre les parties en litige pour que s'appliquent l'article 21, modifié par la loi du 12 mai 2009, de la loi du 31 décembre 1971 relative à la profession d'avocat qui dispose que " tout différend entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel est, en l'absence de conciliation, soumis à l'arbitrage du Bâtonnier", ainsi que l'article 179-1 du décret du 27 novembre 1991, modifié par le décret du 11 décembre 2009, qui prévoit que " en cas de différend entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel et à défaut de conciliation, le Bâtonnier du barreau auprès duquel les avocats intéressés sont inscrits est saisi par l'une ou l'autre des parties" ;
Considérant que ces textes sont relatifs à une règle de compétence, applicable à des avocats inscrits au même barreau ; que le fondement choisi par ces parties pour engager leur action, c'est à dire dans le cadre de la recherche d'une responsabilité de nature contractuelle ou au contraire de nature délictuelle, ne saurait avoir d'incidence sur ladite règle de compétence ;
Considérant en conséquence que la sentence déférée sera confirmée en toutes ses dispositions ;
Considérant que l'appelante, qui succombe en ses prétentions, conservera la charge des dépens ;
Considérant que l'équité ne commande pas de faire application en l'espèce au profit de l'une ou l'autre des parties des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
Confirme la sentence de M. Le Bâtonnier en date du 12 avril 2011 en toutes ses dispositions,
Dit que l'instance opposant la Scp Uetwiller Grelon Gout Canat et Associés à la Selarl Asiallians se poursuivra devant l'arbitre désigné par M. Le Bâtonnier de l'Ordre des avocats à la cour de Paris,
Y ajoutant,
Déboute les parties de leurs demandes respectives formées au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la Selarl Asiallians aux dépens du présent recours.
LE GREFFIER /LE PRÉSIDENT