Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 3
ARRET DU 22 MAI 2012
(n° 309, 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/21799
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 15 Novembre 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/54341
APPELANTS
Monsieur [F] [L]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Madame [M] [L] NÉE [D]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentés par : la SCP BLIN (Me Michel BLIN) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0058)
assistés de : Me Pierre-Henri HANOUNE (avocat au barreau de PARIS, toque : C1202)
INTIMES
Syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] représenté par son syndic la société BERNARD LEVY SARL prise elle-même en la personne de son gérant et dont le siège est sis
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par : la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES (Me Michel GUIZARD) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0020)
assistée de Me BOYAVAL Laetitia plaidant pour l'association HELWASER, avocat au barreau de PARIS, toque C 160
Syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] Pris en la personne de son Syndic le CABINET PASSET, [Adresse 2], pris lui-même en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représenté par : la SCP BLIN (Me Michel BLIN) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0058)
assisté de : Me Pierre-Henri HANOUNE (avocat au barreau de PARIS, toque : C1202)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 02 Avril 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Joëlle BOURQUARD, Présidente de chambre
Madame Martine TAILLANDIER-THOMAS, Conseillère
Madame Sylvie MAUNAND, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mlle Véronique COUVET
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Joëlle BOURQUARD, président et par Mlle Véronique COUVET, greffier.
Dans la perspective de la réalisation de travaux nécessitant le dépôt d'un permis de construire et préalablement, compte tenu de la surélévation prévue comportant une façade vitrée, la création d'une cour commune entre l'immeuble du [Adresse 3] et de celui du [Adresse 3] et ce compte tenu de la distance de 5, 30 m séparant la façade de l'immeuble du [Adresse 3] avec celui du [Adresse 3], les époux [L] ont assigné en la forme des référés le SDC du [Adresse 3], le SDC du [Adresse 3] et la ville de Paris afin de voir instituer une servitude de cour commune devant le président du tribunal de grande instance de Paris qui par ordonnance rendue le 15 novembre 2011 a,
Pris acte de ce qu'ils se désistaient de leur action à l'égard de la ville de Paris, les a déboutés de leur demande come apparaissant prématurée et condamnés à verser à la ville de Paris une indemnité de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à payer au [Adresse 3] une indemnité de 1 200 € sur le même fondement.
Appelants de cette décision, Mme [M] [D] épouse [L] et M. [F] [L], par conclusions déposées le 15 mars 2012, en sollicitent l'infirmation sauf en ce qui concerne les frais irrépétibles alloués à la ville de Paris non intimée en cause d'appel et statuant à nouveau, ils demandent d'instituer une servitude de cour commune entre l'immeuble du [Adresse 3] (parcelle n°[Cadastre 5]) et celui du [Adresse 3] (parcelle n° [Cadastre 4]) à [Localité 7] au profit de l'immeuble du [Adresse 3], fixer l'indemnité provisionnelle à 10 000 €, dire que cette indemnité sera consignée entre les mains de M. le bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris qui en restera séquestre jusqu'au commencement des travaux, date à laquelle elle sera remise au syndic de l'immeuble du [Adresse 3], et devra le leur restituer dans l'hypothèse où le permis de construire ne leur était pas accordé, dire que l'arrêt instituant la servitude fera l'objet d'une publicité foncière en application de l'article R 471-4 du code de l'urbanisme à leur frais ; très subsidiairement, désigner un expert afin de dire si l'institution d'une servitude est susceptible d'occasionner un préjudice pour la copropriété du [Adresse 3], débouter le SDC du [Adresse 3] de toutes ses demandes et le condamner à leur payer la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, celle de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de le condamner aux entiers dépens.
Le SDC du [Adresse 3], aux termes de conclusions déposées le 16 février 2012, demande de confirmer l'ordonnance entreprise, étant constaté que les époux [L] n'ont pas apporté aux copropriétaires lors des assemblées générales des 8 mars et 7 novembre 2011, toutes les informations utiles et nécessaires sur les conséquences pour la copropriété de la création d'une servitude de cour commune, au-delà de leur affirmer péremptoirement que cette servitude est pour eux un droit, que l'article UG 7.2 du PLU prévoit un accord des copropriétaires concernés par la création d'une servitude de cour commune permettant de déroger aux dispositions de l'article UG 7.3 du PLU, qu'il n'a fait preuve d'aucune mauvaise foi mais ne peut pas se voir imposer une servitude sans explications détaillées et objectives sur ses droits, que les époux [L] ne démontrent pas l'existence d'un intérêt collectif justifiant la création d'une servitude de cour commune par voie judiciaire, que le préjudice qu'ils allèguent n'est pas établi et il demande de dire et juger que les conditions des article UG 7.2 du PLU et L 471- 1 du code de l'urbanisme ne sont pas réunies pour instituer judiciairement une servitude de cour commune et de condamner les appelants à leur verser une indemnité de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de les condamner aux entiers dépens.
Le SDC du [Adresse 3] a constitué avocat mais n'a pas conclu.
SUR CE, LA COUR,
Considérant que les appelants se fondent sur les dispositions des articles L 471-1, R471-1 et R471-2 du code de l'urbanisme et les dispositions du PLU pour justifier de la nécessité de la création d'une servitude de cour commune, qu'ils soutiennent que l'article L 471-1 ne conditionne pas cette création à la recherche préalable d'un accord amiable, qu'il suffit que la juridiction constate qu'aucun accord amiable n'est intervenu et que le SDC du [Adresse 3] a reconnu que cette tentative avait été faite, qu'ils estiment que le refus de l'immeuble voisin n'est même pas une condition de l'action puisqu'il peut ne pas y répondre et fait grief à la décision d'avoir subordonné la demande à une condition non prévue par le texte, qu'en effet, la condition posée par l'article L 471-1 est l'absence d'accord amiable et non la justification d'un refus et que le fait même que le tribunal soit saisi et que l'immeuble concerné s'oppose à la demande d'accord suppose l'absence d'accord, que compte tenu de la réticence des copropriétés à statuer sur les demandes de travaux formulées par les copropriétaires en application des articles 25b et 30 de la loi du 10 juillet 1965 dans le but d'éviter de leur opposer un refus exprès, en décider autrement revient à les exposer à attendre plusieurs années avant que la copropriété ne prenne position et à les contraindre d'exposer des frais de convocations d'assemblée générale extraordinaire, qu'ils se prévalent de ce que les autres conditions sont remplies, qu'en effet, leur demande repose sur un intérêt légitime comme visant à améliorer l'habitabilité de leur appartement, n'est pas susceptible de causer un préjudice à la copropriété, qu'en tout état de cause, dès lors que le texte prévoit une indemnisation, l'existence d'un préjudice n'est pas un obstacle à la création d'une servitude de cour commune, que les intérêts des parties sont bien des intérêts particuliers et non l'intérêt collectif comme le soutient l'intimé, qu'en l'espèce l'intérêt de cette création correspond à l'intérêt général visant à augmenter la surface des logements ; qu'ils ajoutent qu'ils ont proposé une indemnisation calculée par un cabinet d'expertises ; qu'ils estiment enfin que l'attitude du syndicat caractérise sa résistance abusive ;
Considérant que l'intimé soutient que L 471-1 du code de l'urbanisme impose nécessairement la recherche préalable d'un accord amiable, que les dispositions du PLU visent cet accord amiable, qu'il est vrai que les appelants se sont rapprochés amiablement du syndicat et qu'une assemblée générale a été convoquée mais que leur demande n'était pas explicite et qu'ils n'ont fourni aucune information sur le permis de construire concerné, l'autorisation de projet présenté à la copropriété, la position des services de l'urbanisme et les conséquences sur le fonds de la copropriété, que les copropriétaires n'ont pas assisté à un nombre suffisant à l'assemblée générale du 8 mars 2011, qu'il ajoute que si la majorité requise pour la création d'une servitude de cour commune est celle prévue par l'article 25d de la loi du 10 juillet, la question de l'unanimité peut se poser si cette création aboutit à une atteinte aux droits de jouissance privatifs que pourraient avoir certains copropriétaires sur le bien objet de la servitude ; qu'il estime que les copropriétaires ne disposent pas d'une analyse précise et objective mais de la seule affirmation des appelants selon laquelle cette servitude peut leur être imposée et ne saurait leur préjudicier, que l'examen combiné de l'article L 471-1 et du PLU, lequel fait état de l'accord des copropriétaires, justifie que l'absence d'accord amiable pourrait résulter d'un refus exprès mais également d'une absence de démarches pour prendre la décision ce qui n'est pas le cas en l'espèce, l'absence de prise de décision à l'assemblée générale ne résultant pas de l'absence de quorum, en raison de la majorité de l'article 25d, mais d'un défaut de fourniture d'informations utiles ;
Qu'il soutient que la création d'une servitude de cour commune doit répondre à l'intérêt collectif, qu'en l'espèce elle vise à servir l'intérêt particulier des appelants et que le juge n'est jamais tenu de l'accorder ;
Et considérant qu'aux termes de l'article L471-1du code de l'urbanisme, « lorsqu'en application des dispositions d'urbanisme la délivrance du permis de construire est subordonnée, en ce qui concerne les distances qui doivent séparer les constructions, à la création, sur un terrain voisin, de servitudes de ne pas bâtir ou de ne pas dépasser une certaine hauteur en construisant, ces servitudes, dites «de cours communes », peuvent, à défaut d'accord amiable entre les propriétaires intéressés, être imposées par la voie judiciaire dans des conditions définies par décret. Les mêmes servitudes peuvent être instituées en l'absence de document d'urbanisme ou de mention explicite dans le document d'urbanisme applicable. » ;
Que l'article R471-1 du même code énonce que «la demande tendant à l'institution d'une servitude dite de «cours communes» en application de l'article L. 471-1 est portée par le propriétaire intéressé à la création de la servitude devant le président du tribunal de grande instance du lieu de situation des parcelles qui statue comme en matière de référé » et les articles R471-2 .et suivants précisent que, «le président doit, en rendant son ordonnance, concilier les intérêts des parties en cause tout en assurant le respect des prescriptions d'urbanisme. Il entend les propriétaires intéressés, l'autorité administrative compétente et peut ordonner toutes mesures d'instruction, et notamment se transporter sur les lieux », que « l'ordonnance du président institue les servitudes, elle détermine également les indemnités approximatives et provisionnelles qui doivent être payées avant le commencement des travaux par les bénéficiaires de servitudes aux propriétaires des terrains grevés, ou consignés par eux, que l'acceptation de l'indemnité approximative et provisionnelle ne préjudicie pas aux droits des propriétaires intéressés quant à la fixation de l'indemnité définitive suivant la procédure définie à l'article L. 471-3 », que «l'article 30 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière est applicable à l'ordonnance mentionnée à l'article R. 471-3 » et que «si le terrain sur lequel porte la servitude se trouve en indivision en application de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis et si le syndicat des copropriétaires consent, dans les conditions prévues par le chapitre II de cette loi, à la création de ces servitudes, l'ordonnance est réputée contradictoire à l'égard de ceux des propriétaires minoritaires qui ne se seraient pas fait représenter au jour de l'audience, que l'ordonnance du président ou le jugement du tribunal peuvent fixer des indemnités approximatives et provisionnelles et des indemnités définitives différentes pour chacun des copropriétaires, compte tenu de l'importance du préjudice subi par chacun d'eux » ;
Considérant qu'en l'espèce, les époux [L] justifient que leur demande de permis de construire est subordonnée à la justification de la création d'une servitude de cour commune (lettre de la direction de l'urbanisme de la mairie de [Localité 6] du 1er juillet 2011) ;
Qu'il est établi que la demande des époux [L] a été portée à l'ordre du jour de l'assemblée générale ordinaire de la copropriété du [Adresse 3] du 18 mars 2011, que le procès verbal mentionne que le quorum nécessaire afin d'étudier ce point de l'ordre du jour n'est pas atteint mais ne fait état d'aucune observation quant à une insuffisance d'information des demandeurs par rapport au projet présenté ni d'une quelconque demande d'informations complémentaires des copropriétaires sur la nature et les conséquences éventuelles de cette création de servitude ;
Qu'il est également démontré que les époux [L] ont été avisés par courrier du 11 octobre 2011 de la tenue d'une nouvelle assemblée générale le 7 novembre 2011 comportant à son ordre du jour la création d'une servitude de cour commune à leur demande, que le procès verbal de cette assemblée générale, sous cette neuvième résolution ne se réfère à aucune majorité, qu'il mentionne que bien qu'informés par courrier, les époux [L] ne sont pas présents et que la résolution ne peut être valablement votée, la majorité requise ne pouvant être obtenue faute d'avoir le tantième nécessaire, tant par l'absence de copropriétaires que par le manque de pouvoirs », que si cette résolution soumise à la majorité des voix des copropriétaires (article 25d de la loi du 10 juillet 1965) pouvait être votée, ainsi que l'envisage l'article 25-1, à la majorité de l'article 24 soit celle des voix exprimées des copropriétaires présents ou représentés à cette réunion, elle ne permet pas de caractériser le défaut d'accord amiable visé à l'article L471-1du code de l'urbanisme et ce d'autant que les époux [L] n'ont pas estimé leur présence utile à cette assemblée générale, présence qui aurait utilement pu leur permettre d'expliciter leur projet et de faire valoir leur position ;
Que dans ces conditions, l'ordonnance déférée doit être confirmée en toutes ses dispositions ;
Considérant que l'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile ; que les appelants doivent supporter les entiers dépens ;
PAR CES MOTIFS
Confirme l'ordonnance entreprise,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [M] [D] épouse [L] et M. [F] [L] aux entiers dépens.
LE GREFFIERLE PRESIDENT