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16/05/2012 | FRANCE | N°10/24806

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 16 mai 2012, 10/24806


Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 4



ARRET DU 16 MAI 2012



(n° 142 , 4 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 10/24806



Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Octobre 2008 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2007013146



APPELANTE :



SAS NORTON TRAVAIL TEMPORAIRE agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal

[Adresse 2

]

[Localité 3]



Représentée par Me Marion CHARBONNIER, avocat au barreau de PARIS, toque D0156

Assistée de Me Philippe RUIZ, avocat au barreau de PARIS, toque D 384


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Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 4

ARRET DU 16 MAI 2012

(n° 142 , 4 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/24806

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Octobre 2008 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2007013146

APPELANTE :

SAS NORTON TRAVAIL TEMPORAIRE agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Marion CHARBONNIER, avocat au barreau de PARIS, toque D0156

Assistée de Me Philippe RUIZ, avocat au barreau de PARIS, toque D 384

INTIMEE :

SA SYNERGIE prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par la SCP BOMMART FORSTER - FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque J151

Assistée de Me Elisabeth MEYER, avocat au barreau de PARIS, toque A 686

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Mars 2012, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur Michel ROCHE, Président, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Michel ROCHE, président

Fabrice VERT, conseiller

Irène LUC, conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Christine CHOLLET

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Michel ROCHE, Président et par Monsieur Gérald BRICONGNE, greffier présent lors du prononcé.

Vu le jugement du 23 octobre 2008 par lequel le Tribunal de Commerce de Paris a notamment :

- dit que la société NORTON TRAVAIL TEMPORAIRE avait commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société SYNERGIE ,

- condamné la société NORTON TRAVAIL TEMPORAIRE à payer à cette dernière la somme de 150 000 € à titre de dommages intérêts, outre les intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement,

- ordonné la publication du jugement dans la limite de 12000 € HT dans le journal VARIS NORMANDIE ;

Vu l'appel interjeté par la société NORTON TRAVAIL TEMPORAIRE et ses conclusions du 28 février 2012 ;

Vu les conclusions de la société SYNERGIE du 27 février 2012 ;

SUR CE

Sur la demande formée par la société NORTON TRAVAIL TEMPORAIRE et tendant à ce que soient écartés des débats le rapport de Me [T] et les documents joints.

Considérant qu'au regard de la nature du contentieux opposant les parties et aux faits de la concurrence déloyale imputés à l'appelante la mesure d'instruction ayant confié à Me [T], huissier de justice, mission d'obtenir communication des documents relatifs à l'activité de l'intéressée et à ses relations avec ses salariés, clients et intérimaires ne constitue pas, dans les circonstances de l'espèce, une mesure d'investigation générale excédant les prévisions de l'article 145 du Code de Procédure Civile ; que la demande susvisée sera, dès lors, rejetée ;

AU FOND

Considérant que la société SYNERGIE, laquelle est une entreprise de plus de 300 agences sur le territoire national, dont une située à [Localité 4] et une autre située à [Localité 5], reproche à la société NORTON TRAVAIL TEMPORAIRE, laquelle exerce également une activité de travail temporaire, d'avoir détourné à son profit avec le concours actif de deux de ses anciennes salariées, Mesdames [P] et [N], un nombre important d'intérimaires qui étaient déjà inscrits dans ses services et d'avoir également détourné son chiffre d'affaires pour un montant de 1.719.023 € ; que l'intimée précise à cet effet que la société NORTON TRAVAIL TEMPORAIRE a ainsi vécu dans son sillage, 'a traité toutes ses affaires pendant sa première année d'installation avec les clients qu'elle a détournés et avec les vétérinaires qui étaient inscrits chez elle et qui ont cessé leur collaboration' pour rejoindre l'appelante ; que si la société SYNERGIE soutient qu' ' au-delà des détournements de clients intérimaires par paires les manoeuvres de la société NORTON TRAVAIL TEMPORAIRE l'ont contrainte à des baisses de tarif pour ne pas tout perdre et tenter de conserver des clients' et que 'ces détournements sont d'autant plus évidents que l'appelante n'a jamais pu démontrer les prétendues démarches commerciales, marketing et autres qu'elle aurait du mettre en place si elle avait du s'installer sans vivre dans son sillon', il convient, tout d'abord, de rappeler que l'action en concurrence déloyale, reposant non sur la présomption de responsabilité de l'article 1384 du Code civil mais sur une faute engageant la responsabilité civile délictuelle de son auteur au sens des articles 1382 et 1383 du même code suppose l'accomplissement d'actes positifs et caractérisés dont la preuve incombe à celui qui s'en prétend victime ; que, par ailleurs, il sera relevé que le démarchage de la clientèle d'un concurrent ne constitue pas en soi une pratique commerciale anormale dès lors qu'il ne prend pas un caractère systématique et ne s'accompagne pas de manoeuvres visant à semer la confusion dans l'esprit des clients concernés ; que, plus généralement, la circonstance que plusieurs clients de l'intimée aient rejoint l'appelante ne saurait, à elle seule, démontrer l'existence obligée de manoeuvres de la part de cette dernière alors que le jeu normal de la concurrence est précisément de permettre à la loi du marché de s'exercer dans le seul intérêt du consommateur final ; qu'en tout état de cause nul ne peut se prévaloir d'un quelconque droit privatif sur ses clients ; qu'enfin, et en application de l'article 1315 du Code Civil, il appartient à l'intimée d'apporter la preuve positive d'agissements anticoncurrentiels et non à l'appelante à présenter la preuve négative de l'absence de telles pratiques ; qu'il échet également de souligner que toute entreprise peut, par principe, profiter du savoir ainsi que du savoir-faire acquis dans une autre entreprise par les salariés qu'elle embauche ; qu'il ne saurait être davantage reproché à ceux-ci d'exploiter les connaissances techniques ou commerciales acquises ; qu'en effet, sauf à méconnaître directement le principe de la liberté du commerce et de l'industrie , il appartient à tout opérateur de mettre en oeuvre tous moyens destinés à assurer son développement et, pour ce faire, de recruter tout salarié utile à son entreprise, fût-ce au sein d'une structure concurrentielle ; que, par ailleurs, les salariés intérimaires sont couramment en relations avec plusieurs agences d'intérim sans être liés exclusivement vis à vis de l'une ou l'autre d'entre elles et ce afin de bénéficier du plus grand nombre d'offres potentielles de mission ; que, par suite, la circonstance d'avoir des intérimaires ou des clients en commun n'est en elle-même aucunement démonstrative, eu égard à la spécificité de l'activité concernée, de l'existence d'une concurrence déloyale ; qu'ainsi la société SYNERGIE ne saurait revendiquer une quelconque propriété de la clientèle d'entreprises utilisatrices, celles-ci étant entièrement libres du choix de leurs prestataires de services ; qu'outre le fait qu'il y a lieu d'écarter des débats les attestations émanant des propres salariés de la société intimée, lesquels se trouvent en situation de dépendance à son endroit, les autres attestations produites, notamment celles émanant de Mesdames [U], [X] et [M], ne sont en rien susceptibles de démontrer la réalité des actes déloyaux allégués qu'il s'agisse de démarchage systématique, de dénigrement ou de parasitisme ; qu'au demeurant rien n'interdit aux salariés de choisir l'entreprise de travail temporaire avec laquelle ils souhaitent contracter et rien ne s'oppose à ce qu'ils contractent avec plusieurs entreprises pour des périodes distinctes, d'où il s'ensuit qu'il ne peut y avoir d'actes de débauchage pour des personnes qui ne sont liées au moment de leur emploi par aucune contrainte contractuelle ; que l'intimée ne prouve pas, au travers de l'ensemble des pièces produites et, notamment, du rapport de M. [T], que des intérimaires, en cours de mission pour son compte dans une entreprise utilisatrice, auraient méconnu leurs obligations et été embauchés pendant cette période par la société appelante, aucun débauchage ne pouvant, ainsi qu'il a été ci-dessus rappelé, être de toute façon retenu en dehors d'une période de mission des intéressés ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'au regard de toutes les pièces et attestations versées aux débats la preuve n'est pas non plus rapportée par l'intimée que les clients soi-disant irrégulièrement démarchés n'aient pas délibérément choisi de contracter avec la société NORTON TRAVAIL TEMPORAIRE ; qu'en effet le fait pour les entreprises se tourner vers plusieurs agences d'intérim pour rechercher des intérimaires n'est que l'expression de leur liberté de contracter et ne constitue en rien un détournement de clientèle des agences concernées ; qu'aucune manoeuvre déloyale des deux salariées démissionnaires susmentionnées ne saurait davantage être retenue à cet effet, la nullité des clauses de non-concurrence assortissant leur contrat de travail respectif ayant été établie par des décisions de justice devenues définitives ;

Considérant, en dernier lieu, qu'en l'absence de savoir-faire qui pourrait être qualifié de particulier et propre à la société SYNERGIE, cette dernière ne saurait utilement imputer à l'appelante un éventuel parasitisme en la matière dès lors que celui-ci supposerait, d'une part, la reproduction de données ou d'informations résultant d'un travail intellectuel et d'un investissement propre, d'autre part, qu'un risque de confusion puisse en résulter dans l'esprit de la clientèle potentielle, en l'occurrence les entreprises utilisatrices de main-d'oeuvre intérimaire ;

Considérant, dès lors, que sans qu'il soit besoin de rechercher la réalité du dommage dont l'intimée excipe, il convient, en l'absence de toute preuve de l'effectivité des actes de concurrence déloyale imputés à la société NORTON TRAVAIL TEMPORAIRE, de la débouter de l'ensemble de ses prétentions indemnitaires ;

Considérant, enfin, que si l'appelante sollicite reconventionnellement l'octroi d'une somme de 50 000 € à titre de dommages intérêts 'pour procédure abusive et atteinte aux principes de la libre concurrence, préjudice moral et financier', elle ne justifie pas de l'effectivité du préjudice spécifique dont elle réclame réparation de ce chef ; que sa demande formée à ce titre ne peut donc qu'être rejetée ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'il y a lieu d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré et, statuant à nouveau, de débouter la société SYNERGIE de ses demandes tant indemnitaires qu'aux fins de publication du présent arrêt, aucune circonstance tirée des circonstances de l'espèce et de la nature du contentieux opposant les parties ne le justifiant, et de rejeter le surplus des demandes de l'appelante ;

PAR CES MOTIFS

- Rejette la demande présentée par la société NORTON TRAVAIL TEMPORAIRE et tendant à ce que soient écartés des débats le rapport dressé par Me [T] et les documents qui y sont joints,

- Au fond, infirme le jugement en toutes ses dispositions,

et statuant à nouveau,

- Déboute la société SYNERGIE de l'ensemble de ses prétentions,

- Déboute la société NORTON TRAVAIL TEMPORAIRE de sa demande indemnitaire reconventionnelle,

- Condamne la société la société SYNERGIE aux entiers dépens de première instance et d'appel avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du Code de Procédure Civile,

- La condamne à payer à la société NORTON TRAVAIL TEMPORAIRE la somme de 3000 € au titre des frais hors dépens.

Le Greffier Le Président

Gérald BRICONGNE Michel ROCHE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 10/24806
Date de la décision : 16/05/2012

Références :

Cour d'appel de Paris I4, arrêt n°10/24806 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-05-16;10.24806 ?
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