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16/05/2012 | FRANCE | N°10/09782

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 16 mai 2012, 10/09782


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 4



ARRÊT DU 16 MAI 2012



(n° 137 , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 10/09782



Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Mars 2010

Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2004000759





APPELANTES



Madame [X] [D]

Demeurant : [Adresse 1]



SARL GARAGE ROYAL

agiss

ant poursuites et diligences de son représentant légal

Ayant son siège : [Adresse 2]



SOCIETE D'EXPLOITATION DU GARAGE ROYAL SEGR

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

Ayant son siège...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 4

ARRÊT DU 16 MAI 2012

(n° 137 , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/09782

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Mars 2010

Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2004000759

APPELANTES

Madame [X] [D]

Demeurant : [Adresse 1]

SARL GARAGE ROYAL

agissant poursuites et diligences de son représentant légal

Ayant son siège : [Adresse 2]

SOCIETE D'EXPLOITATION DU GARAGE ROYAL SEGR

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

Ayant son siège : [Adresse 2]

Représentées par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY (Me Alain FISSELIER) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0044)

Assistées de Maître Christian BOURGEON, avocat au barreau de PARIS - toque P166

plaidant pour la SCP THREARD BOURGEON MERESSE, avocats

INTIMÉE

SA FIAT AUTO FRANCE

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

Ayant son siège : [Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Olivier BERNABE (avocat au barreau de PARIS, toque : B0753)

Assistée de Maître Isabelle LAGRANGE, avocat au barreau de PARIS - toque R228

plaidant pour la SCP POIRIER-SCHRIAFFA et associés, avocats

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 13 mars 2012 en audience publique, après qu'il ait été fait rapport par Mme LUC, conseiller, conformément aux dispositions de l'article 785 du Code de procédure civile, devant la Cour composée de :

- M.ROCHE, président

- M.VERT, conseiller

- Mme LUC, conseiller

Greffier lors des débats : Mme CHOLLET

ARRÊT

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. ROCHE, président et Mlle DAMAREY, greffier.

***

Vu le jugement en date du 26 mars 2010 par lequel le Tribunal de commerce de PARIS a, sous le régime de l'exécution provisoire, au titre de l'apurement des comptes entre les parties, condamné la société FIAT FRANCE (anciennement dénommée FIAT AUTO) à payer à la Société d'Exploitation du Garage Royal (S.E.G.R.) la somme de 37 713,93 euros, avec intérêts à compter du 23 décembre 2003, condamné la société Garage Royal à payer à la société FIAT FRANCE la somme de 846,94 euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2003, avec capitalisation des intérêts, au titre des demandes indemnitaires consécutives à la résiliation des contrats, débouté Madame [D], la S.E.G.R et la société Garage Royal de leurs demandes reconventionnelles aux titres de la résiliation des contrats de concession, de l'exécution de ces contrats pendant la période de préavis et de leur demande de communication des critères d'agrément ;

Vu l'appel interjeté le 3 mai 2010 par les sociétés S.E.G.R et Garage Royal ainsi que Madame [D], et leurs conclusions enregistrées le 24 janvier 2012 tendant à faire infirmer ce jugement, en ce qu'il les a déboutées de leurs demandes indemnitaires, dire et juger que la société FIAT FRANCE a résilié abusivement les contrats de concession qui la liaient aux deux sociétés, à effet au 21 mars 2003, en conséquence condamner la société FIAT FRANCE à payer à Madame [D], en sa qualité de propriétaire du fonds de commerce FIAT/LANCIA exploité par la S.E.G.R la somme de 590 587 euros, à la société S.E.G.R en sa qualité de propriétaire du fonds de commerce ALFA ROMEO la somme de 60 000 euros de dommages-intérêts, dire et juger que la société FIAT FRANCE a mal exécuté les contrats de concession qui la liaient à la S.E.G.R et à la société Garage Royal en 2001 et en 2002, condamner en conséquence la société FIAT FRANCE à payer, à titre de dommages-intérêts pour l'exercice 2001, à la S.E.G.R la somme de 96 108 euros, à la société Garage Royal la somme de 16 589 euros, pour l'exercice 2002 à la S.E.G.R la somme de 96 108 euros, à la société Garage Royal la somme de 16 589 euros, condamner la société FIAT FRANCE à payer à la S.E.G.R la somme de 444 954 euros à titre de dommages-intérêts pour avoir refusé de communiquer ses critères d'agrément de distribution, toutes ces sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter du 9 novembre 2004, condamner enfin l'intimée à payer la somme de 12 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les conclusions déposées le 24 février 2012 par la société FIAT FRANCE dans lesquelles elle sollicite la confirmation du jugement entrepris et la condamnation des appelants à lui payer la somme de 12 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

SUR CE,

Considérant qu'il résulte de l'instruction les faits suivants :

La Société d'Exploitation du Garage Royal (ci-après S.E.G.R.) et sa filiale, la société Garage Royal, dirigées par la famille SAINT AUBAN, représentaient les marques du groupe FIAT sur les secteurs géographiques d'[Localité 6] et de [Localité 8], depuis 1965 et 1983.

Les derniers contrats de concession exclusive à durée indéterminée conclus entre la société FIAT AUTO et ces deux sociétés étaient au nombre de trois : un contrat de concession conclu entre la société FIAT AUTO et la société S.E.G.R en novembre 1996 portant sur la distribution des véhicules FIAT sur le secteur d'[Localité 6] et des véhicules LANCIA sur les secteurs d'[Localité 6] et de [Localité 8] ; un contrat de concession conclu entre la société FIAT AUTO et la société S.E.G.R en octobre 1997 portant sur la distribution des véhicules ALFA ROMEO sur le secteur d'[Localité 6] et un contrat de concession conclu entre la société FIAT AUTO et la société Garage Royal en novembre 1996 portant sur la distribution des véhicules FIAT sur le secteur de [Localité 8].

Afin d'assurer la représentation de la marque ALFA ROMEO, la société GARAGE ROYAL [Localité 6] a réalisé, à la demande de la société FIAT AUTO et selon les plans établis par son architecte, des investissements importants, et notamment, en 1998, un hall d'exposition distinct, de 2 millions de francs, avec une aide de 500 000 francs de la société FIAT sous la forme d'une avance amortissable sur quatre ans, dans le cadre d'un contrat de coopération commerciale.

Au cours de l'année 2000, des différends sont apparus entre la société FIAT AUTO et les sociétés S.E.G.R et Garage Royal, relatifs aux objectifs de vente et aux résultats commerciaux. Au cours du premier trimestre 2000, et notamment le 15 mars 2000, Monsieur [D] dénonçait à plusieurs reprises l'impact négatif de l'action de déstockage lancée par la société FIAT AUTO à la fin 1999 et intitulée «'Tous Prêts pour l'an 2000'». Dans le cadre de cette opération, la société concédante exigeait de ses concessionnaires de passer des commandes d'importants lots de véhicules neufs. Les deux concessionnaires avaient alors acheté 130 véhicules, payables à 120 jours. Mais ces véhicules, dépourvus de climatisation, d'A.B.S. et de double airbag, s'avéraient inadaptés à la demande, alors que la société FIAT avait lancé, dès 2000, des actions publicitaires sur le thème «'A.B.S. Et double airbag sur toute la gamme'», puis sur le thème «'climatisation à 1 franc'».

C'est dans ce contexte que la société FIAT AUTO a, les 2 mai, 11 juillet, 2 et 23 octobre 2000, critiqué le fléchissement momentané des performances de ses concessionnaires.

Dès le 6 novembre 2000, le directeur du développement du réseau de FIAT a fait part à M. [D] de sa décision de mettre un terme à leurs relations contractuelles, sauf à ce que celui-ci accepte de s'engager dans un «'scénario de cession de (ses) affaires'» à M. [B], concessionnaire des marques du groupe FIAT à [Localité 5] et [Localité 10].

Toutefois, le 24 novembre 2000, la société FIAT AUTO écrivait à M. [D] qu'elle avait pris la décision de mettre fin à leurs relations contractuelles.

Celui-ci lui demandait alors de différer la résiliation jusqu'à la fin des négociations avec M. [B]. Cependant, dès le 21 mars 2001, la société FIAT AUTO résiliait tous les contrats, à effet au terme d'un préavis de 24 mois, alors que les négociations venaient de s'ouvrir entre M. [D] et M. [B], sur la base des bilans de l'exercice 1999 et des situations au 30 septembre 2000 des concessions d'[Localité 6] et de [Localité 8]. Par courrier du 5 avril 2001, M. [B] proposait 2 millions de francs pour les fonds de commerce, soit la moitié de l'évaluation donnée en juin 2007 à ces fonds par le cabinet PRICEWATERHOUSECOOPERS.

M. [B], ayant refusé de reconsidérer sa position initiale, s'est finalement désisté à l'été 2001.

Parallèlement, de nouveaux litiges sont apparus entre les parties, pendant l'exécution du préavis, quant à la fixation des objectifs de vente 2001 et 2002. Ceux-ci n'ont pas été fixés dans le respect des procédures prévues à l'annexe 3 des contrats de concession, malgré les demandes répétées des sociétés concessionnaires, notamment des 16 août et 11 septembre 2001.

En septembre 2001, M. [D] a été contacté par M. [P], concessionnaire FIAT à [Localité 9] et [Localité 7], pour une éventuelle reprise des fonds de commerce. Sollicitée, la société FIAT AUTO y a opposé une fin de non recevoir, jusqu'à ce qu'elle reconsidère son veto par courrier du 14 mai 2002. La proposition de M. [P], formulée en novembre 2002, a été en fin de compte refusée par les concessionnaires.

En février 2003, la société S.E.G.R interrogeait la société FIAT AUTO sur les critères lui permettant d'être agréée en qualité de distributeur sélectif, en application du règlement d'exemption 1400/2002. La société FIAT AUTO refusait de les lui communiquer, au prétexte qu'ils n'étaient pas encore établis.

A la suite des ces évènements, les deux sociétés concessionnaires ont cessé leur activité et ont licencié la totalité de leur personnel.

Par actes des 23 décembre 2003 et 13 janvier 2004, la société FIAT AUTO a assigné la société S.E.G.R et M. [D] devant le Tribunal de commerce de PARIS. Celui-ci a joint les deux instances. Le 7 juin 2006, il a ordonné une mesure d'expertise aux fins d'éclairer le Tribunal sur les comptes entre les parties. Le rapport a été remis le 15 décembre 2008.

Par le jugement entrepris, le Tribunal a apuré les comptes entre les parties, faisant partiellement droit sur ce point aux demandes des concessionnaires, mais les a déboutés de leurs demandes indemnitaires pour rupture abusive, mauvaise exécution du contrat pendant la durée du préavis et enfin refus de communication des critères d'agrément de la distribution sélective.

Considérant qu'il convient de donner acte aux parties de ce qu'elles ne remettent pas en cause le compte entre les parties effectué par le Tribunal, dont le jugement sera confirmé sur ce point ;

SUR LA RÉSILIATION DES CONTRATS DE CONCESSION

Considérant que si la société FIAT AUTO, en prononçant la résiliation des contrats de concession la liant aux appelants, n'a fait que mettre en oeuvre les stipulations de ces contrats, elles-mêmes conformes aux dispositions du règlement communautaire d'exemption n° 1475/95 du 28 juin 1995, une telle résiliation peut, néanmoins, même si le préavis conventionnel est respecté, revêtir un caractère abusif en raison des circonstances accompagnant la rupture ; qu'en effet, il s'infère des dispositions de l'alinéa 3 de l'article 1134 du Code civil, aux termes desquelles les conventions légalement formées «'doivent être exécutées de bonne foi'», que la faculté de résiliation d'un contrat de droit privé à durée indéterminée ne saurait être exercée dans des conditions exclusives d'une semblable bonne foi, telle, notamment, la création chez le partenaire d'une confiance légitime dans la pérennité des relations commerciales entretenues ;

Considérant qu'en l'espèce, si les conditions dans lesquelles s'est déroulée la résiliation ne sont pas contestées en tant que telles par le concessionnaire, elles ont entraîné artificiellement et temporairement la baisse de son chiffre d'affaires, baisse qui a, elle-même, motivé la rupture avec son partenaire historique ; que surtout, cette résiliation a revêtu les caractéristiques d'une résiliation abusive, le plan d'investissements imposé au concessionnaire lui ayant légitimement fait croire à la poursuite des relations contractuelles et le choix imposé par la société FIAT AUTO elle-même du repreneur des concessions l'ayant par ailleurs privé de toute marge de manoeuvre pour sauver son activité, ou assurer sa reconversion ;

Sur la politique commerciale imposée

Considérant, à titre liminaire, que les circonstances de la rupture éclairent les autres griefs imputables au concédant ; que par courrier du 17 novembre 1999, la société FIAT AUTO a conduit ses concessionnaires à acheter des véhicules, en décembre 1999, «'sur commandes centrales prédéfinies par FAF'», concernant toutes les marques, FIAT, LANCIA et ALFA ROMEO, étant précisé que «'les véhicules proposés seront très majoritairement ceux soutenus par les actions commerciales prévues pour le 1er trimestre 2000'» et ces véhicules étant payables sous 120 jours ; que cette obligation d'achat, baptisée plan «'tous prêts pour 2000'» s'est avérée désastreuse pour l'équilibre des concessions au cours du premier semestre 2000, puisque déconnectée des besoins effectifs des clients et que, contrairement à ses engagements, la société FIAT AUTO n'a pas soutenu cette action commerciale, communiquant au contraire, dès 2000, sur le thème «'A.B.S. Et double airbag sur toute la gamme'», puis sur le thème «'climatisation à 1 franc'», alors que les véhicules en cause étaient dépourvus de climatisation, de double airbag et d'ABS ; que l'ensemble des concessionnaires FIAT a protesté, par la voix du Groupement des concessionnaires FIAT le 21 août 2000, contre cette immixtion du concédant dans la politique commerciale des concessionnaires ; que la société GARAGE ROYAL a alerté la société FIAT AUTO à plusieurs reprises, les 15 mars, 23 mai et 6 juin 2000, demandant notamment une meilleure adaptation des livraisons aux commandes des clients et l'obtention de délais de paiement ; que ces demandes ont été faites en pure perte, cette société lui répondant en terme d'objectifs de vente non atteints et lui adressant quatre courriers en recommandé les 2 mai, 19 juillet, 2 et 23 octobre 2000 ; qu'ainsi, en imposant une politique d'écoulement des stocks allant à l'encontre de la demande du marché et vouée à l'échec, à cause de ses propres campagnes de publicité, dans un contexte général, en 2000, de crise interne du concédant l'ayant conduit à se restructurer et d'effondrement des ventes, la société FIAT AUTO, au mépris de ses engagements et en restant sourde aux avertissements de ses concessionnaires, étranglés par cette immixtion dans leur autonomie commerciale, a provoqué la baisse de chiffre d'affaires de ses concessionnaires qu'elle a ensuite prétextée pour rompre les relations commerciales ; que ces circonstances constituent un facteur aggravant, sinon autonome, du comportement fautif de la société FIAT AUTO, caractérisé, d'une part, par les investissements, d'autre part, par le choix du repreneur des concessions, tous imposés par elle à ses cocontractants ;

Sur les investissements

Considérant en l'espèce, que suite à la candidature de la société GARAGE ROYAL pour vendre les produits de la marque ALFA ROMEO, la société FIAT AUTO répondait, par courrier en recommandé du 29 août 1997, qu'elle acceptait de signer un contrat de concession au plus tard le 24 octobre 1997, à plusieurs conditions, dont la condition D ainsi formulée : «'que vous soyez à même d'assurer dans les meilleures conditions, au plus tard le 31 janvier 1998, la vente et l'après-vente de la marque ALFA ROMEO à [Localité 6], au moyen notamment d'un hall d'exposition ALFA ROMEO distinct de votre concession actuelle, d'une surface conforme aux préconisations de notre Service Installations et suivant des plans qui devront être préalablement agréés par celui-ci'» ; que dans ce même courrier, la société FIAT AUTO annonçait à son concessionnaire l'allocation d'une «'aide correspondant à 30 % de l'ensemble de vos investissements d'exploitation, plafonnée à 500 000 francs HT, par le biais d'un contrat de coopération commerciale amortissable sur 4 ans et payable sur présentation des justificatifs à l'issue des travaux et après nomination'» ; que sur la base des plans approuvés par M. [V], architecte de la société FIAT AUTO, celle-ci adressait le 30 octobre 1998 les justificatifs des travaux, pour un montant total de 2 028 804 euros, dont celle-ci payait comme convenu le 2 décembre 1998 30 %, soit 603 000 francs ; que le contrat de coopération commerciale annexé et daté du 20 novembre 1998 prévoyait un amortissement de cette avance sur quatre ans jusqu'au 30 septembre 2002 ;

Considérant que si la société FIAT AUTO prétend que ces investissements répondaient aux exigences du règlement d'exemption automobile 1475/95, ont été réalisés spontanément par la société Garage Royal et ont été valorisés par leur vente, il convient de souligner que le règlement d'exemption autorise le concédant à exiger des halls séparés en cas de multimarquisme, mais ne l'impose nullement, que les investissements ont été dictés par la société FIAT AUTO et uniquement dédiés à la représentation de la marque ALFA ROMEO, sans aucune perspective immobilière, que le bâtiment non démontable a été réalisé sur les plans de FIAT, et spécifiquement pour cette fin, le carrelage et la couleur de la peinture ayant été imposés par FIAT et enfin que seul un droit de jouissance sur le bâtiment a pu être cédé et non la propriété de ce bâtiment, celui-ci ayant été édifié sur le terrain d'autrui ;

Considérant que ces circonstances de fait et de droit n'ont pu que créer chez les appelants une confiance légitime dans le maintien de la relation commerciale les unissant à l'intimée au moins jusqu'à la date de fin du plan d'amortissement du 30 septembre 2002 ; que, par suite, la société FIAT AUTO a contrevenu au principe de l'exécution de bonne foi de toute convention, prévue par l'article 1134 alinéa 3 susmentionné ; qu'elle a ainsi commis une faute contractuelle de nature à engager sa responsabilité vis à vis de ses concessionnaires et à ouvrir à ceux-ci droit à indemnisation de leur préjudice ; que le jugement entrepris, en ce qu'il a estimé que les investissements avaient pu être amortis économiquement pendant cinq ans jusqu'en mars 2003 et n'étaient donc pas sources de préjudices pour le concessionnaire, le droit de jouissance sur le hall ayant été cédé pour 191 000 euros, aurait du se placer, non à l'échéance du préavis, mais au moment de la résiliation intervenue, pour apprécier la bonne foi contractuelle du concédant qui a fait naître une espérance dans la poursuite de ces relations ; qu'au surplus, la durée d'amortissement, prévue au contrat de coopération, n'était nullement terminée le jour de la résiliation ; que le jugement entrepris sera donc infirmé sur ce point ;

Sur la mise en oeuvre d'un schéma de cession

Considérant que si le concédant n'est tenu d'aucune obligation d'assistance à son concessionnaire en vue de sa reconversion, il doit, s'il intervient dans ce processus de reconversion en obligeant son concessionnaire à négocier avec une entreprise donnée, le faire dans des conditions loyales qui ne mettent pas l'intéressé dans une situation rendant impossible une telle reconversion ou rendant impossible de retirer la juste contrepartie d'années de développement de la clientèle des marques sur le secteur ;

Considérant qu'en l'espèce, les négociations avec M. [B] ont été engagées sur proposition de la société FIAT AUTO, qui bien qu'affirmant dans un courrier du 24 novembre 2000 : «'vous restez, bien entendu libre de céder vos affaires à qui vous le souhaitez'» a, en réalité, ainsi que le refus d'agréer M. [P] l'a souligné plus tard, imposé ce repreneur à son concessionnaire ; qu'en effet, dans une lettre du 2 octobre 2011, répondant à la demande du concessionnaire de pouvoir négocier avec M. [P], à la suite de l'échec avec M. [B], la société FIAT AUTO réaffirmait que «'la candidature de M. [P] n'est pas validée'», «'M. [B] (ayant) été validé par FIAT AUTO comme le futur repreneur des marques sur les territoires'» concernés ; que dans un courrier du 3 décembre 2000, la société GARAGE ROYAL a sollicité un délai pour finaliser ses négociations avec M. [B] : «'nous vous demandons instamment de nous laisser le temps nécessaire à une négociation utile et équitable avec M. [B] ce que la formalisation d'une décision de résiliation d'ici la fin décembre ne permettrait évidemment pas'» ; que malgré cette demande, la société FIAT AUTO a résilié, sans attendre, les contrats de concession, anéantissant la négociation entamée en février 2001 entre les deux parties ; que par courrier du 5 avril 2001, M. [B] proposait, pour les éléments incorporels du fonds, 2 millions de francs sans évaluer les stocks ; que cette somme, proposée par M. [B] immédiatement après la notification de résiliation du contrat, s'avérait très inférieure aux estimations du cabinet PRICEWATERHOUSECOOPERS et n'a pas pu être acceptée en l'état par la société GARAGE ROYAL ; que dans une estimation du 5 juillet 2001, le cabinet évaluait la valeur des titres des deux sociétés à 13, 4 millions de francs dont 4 millions pour les fonds de commerce, prix proposé par la société GARAGE ROYAL à M. [B] ; que dans un courrier du 27 juillet 2001, M. [B] maintenait sa proposition d'avril jusqu'au 15 août, faisant état «'des circonstances et de la baisse générale d'activité'», étant toujours taisant sur la méthode d'évaluation des stocks ; que malgré un courrier du 10 août 2001 dans lequel le concessionnaire demandait à la société FIAT AUTO d'intervenir pour que le candidat à la reprise choisi par elle communique sa méthode d'évaluation des stocks, aucune intervention n'avait lieu et par courrier du 29 août 2001, celui-ci notifiait la fin de son offre, justifiant l'absence de communication de sa méthode d'évaluation des stocks par l'absence d'accord sur le prix des fonds, alors que les stocks constituent, dans un bilan de concession, un élément déterminant ;

Considérant qu'il résulte de la concomitance des évènements, qu'à la date de la notification de la résiliation, le concédant connaissait, pour en être à l'origine, l'existence de pourparlers engagés entre le repreneur, désigné par lui-même, et son concessionnaire ; qu'en précipitant la notification de sa décision de résilier, sans même invoquer un intérêt personnel impératif à préserver, et sans même répondre à la lettre de la société GARAGE ROYAL lui demandant instamment de repousser la résiliation, le concédant n'ignorait pas la difficulté dans laquelle il plongeait son concessionnaire, en retirant à celui-ci toute marge réelle de manoeuvre pour obtenir un prix raisonnable de la cession envisagée de ses fonds de commerce des concessions automobiles, le prix proposé étant manifestement inférieur à la valeur des fonds ; que la société FIAT AUTO avait forcément conscience de l'impact évident sur la valeur des éléments incorporels du fonds de commerce de la société GARAGE ROYALE, qu'aurait le prononcé d'une résiliation immédiate des contrats de concession, dès avant que les discussions aient atteint un niveau d'avancement suffisant pour permettre raisonnablement leur aboutissement à un accord entre cédant et cessionnaire des fonds ;

Considérant que le jugement entrepris sera également infirmé en ce qu'il a estimé que «'la décision de résilier les contrats de concession (') n'était pas incompatible ni avec le projet de M. [D] de céder ses affaires, ni avec les discussions en cours début 2001 entre Monsieur [D] et M. [B]'» ; qu'en effet, il ne peut être sérieusement soutenu que la résiliation permettait au concessionnaire de négocier avec un repreneur cherchant à exploiter d'autres marques ; qu'en effet, la valeur incorporel des fonds de commerce portait sur les marques FIAT sous lesquelles ils étaient exploités de très longue date et que, par ailleurs, les concessionnaires étaient liés pendant toute la durée du préavis par une obligation d'exclusivité les empêchant d'exploiter d'autres marques ;

Considérant qu'en conséquence, en notifiant la résiliation, tout en respectant le préavis contractuel, la société FIAT AUTO ne s'est pas pour autant correctement acquittée de son obligation de bonne foi dans l'exécution des conventions et a causé un dommage à son co-contractant, lequel est fondé à en demander réparation ;

Considérant que la société FIAT AUTO ne s'est pas montrée davantage loyale dans l'exécution du préavis, obligeant le concessionnaire à abandonner son activité sans pouvoir céder ses fonds de commerce dans des conditions normales ;

Considérant que dans la lettre susmentionnée du 2 octobre 2011, répondant à la demande du concessionnaire d'être autorisé à négocier avec M. [P], à la suite de l'échec avec M. [B], la société FIAT AUTO soutenait encore la candidature de M. [B], attribuant l'échec des négociations avec ce dernier à son concessionnaire ; que la totalité du déroulement des opérations témoigne de la mauvaise foi du concédant, qui en imposant le nom d'un repreneur, en n'attendant pas que les négociations avec celui-ci aient avancé pour résilier le contrat, puis en rejetant la faute de leur échec sur la société GARAGE ROYALE, a placé son cocontractant dans une situation inextricable ; que cette faute a encore été aggravée par le retard avec lequel la candidature de M. [P] a été examinée, rendant impossible toute cession d'activité dans des conditions économiquement acceptables ; qu'elle est matérialisée dans un courrier du 14 décembre de la société FIAT AUTO : «'vous avez choisi, pour des raisons qui vous sont propres, et sur lesquelles il n'appartient pas à FIAT AUTO de se prononcer, de refuser l'offre de rachat qui vous a été faite par M. [B], le candidat validé pour assurer la représentation de nos marques sur le territoire d'[Localité 6] une fois que celui-ci sera juridiquement disponible. Il n'a jamais été de la responsabilité de FIAT AUTO d'assurer le succès de vos négociations avec Monsieur [B]»; que l'accord trop tardivement donné par la société FIAT AUTO, en mai 2002, à la candidature de M. [P], est intervenu dans un contexte d'effondrement complet de la marque pour la troisième année consécutive, conduisant celui-ci à formuler des propositions inacceptables pour le vendeur, soit 1 million de francs pour les deux concessions ; qu'aucune reprise des stocks n'était prévue, aboutissant à un prix inférieur aux capitaux propres des sociétés GARAGE ROYAL ; que l'échec des discussions était, là encore, inévitable ;

Considérant que la société FIAT AUTO avait l'obligation conventionnelle de motiver son refus d'agrément de M. [P] ; que son revirement trop tardif de mai 2002, conduisant à un refus de novembre 2002, ne laissait plus aux concessionnaires que quelques mois pour retrouver un repreneur ;

Considérant qu'en refusant d'agréer M. [P], puis en l'agréant avec retard quelques mois avant la fin du préavis, alors que les négociations avec M. [B] avaient échoué par sa faute, sans même invoquer un intérêt personnel impératif à préserver, et sans même répondre à la lettre de la société GARAGE ROYAL lui faisant part de l'urgence à donner cet agrément, le concédant n'ignorait pas la difficulté dans laquelle il plongeait son concessionnaire, en retirant à celui-ci toute marge réelle de manoeuvre pour trouver un repreneur à un prix raisonnable de la cession envisagée, avant le terme du préavis, le prix finalement proposé au terme d'un retard de plusieurs mois étant excessivement bas et largement inférieur à la valeur des fonds ; que la société FIAT avait forcément conscience de l'impact évident sur la valeur des éléments incorporels du fonds de commerce de la société GARAGE ROYALE, qu'aurait le retard donné à l'agrément de M. [P] ; qu'en conséquence, en retardant l'agrément de M. [P] pendant le préavis contractuel, la société FIAT ne s'est pas correctement acquittée de son obligation de bonne foi dans l'exécution du préavis et a causé un dommage à son co-contractant, lequel est fondé à en demander réparation ;

SUR LE PRÉJUDICE

Considérant que la résiliation abusive et fautive des contrats de concession telle qu'elle a été ci-dessus analysée a généré pour les appelants un principe de préjudice caractérisé par la perte elle-même de leurs activités de concessionnaires exclusifs des marques ; que les fonds de commerce d'[Localité 6], qui avaient été évalués à 590587 euros par le cabinet PRICEWATERHOUSECOOPERS, n'ont pu être vendus ; qu'en effet, le fonds de commerce ALFA ROMEO, propriété de la société GARAGE ROYAL, n'a pas été cédé, la société [P] n'ayant acquis que la branche d'activité véhicules d'occasion que la société exploitait avant de devenir concessionnaire exclusif ALFA ROMEO ainsi que le droit à jouissance sur le local construit pour les besoins de l'exploitation ALFA ROMEO; que le fonds de commerce FIAT/LANCIA, propriété de Madame [D] et exploité en location-gérance par la société GARAGE ROYAL [Localité 6], n'a pu davantage être vendu et la société GARAGE ROYAL [Localité 6] a cessé toute activité, les locaux de l'avenue Pierre Sémard ayant été reloués à un tiers, à usage de restaurant ;

Considérant que la part de la vente des véhicules neufs de marque ALFA ROMEO sur la vente des véhicules neufs des marques de FIAT (FIAT, LANCIA et ALFA ROMEO) s'élève à 10 % ; que compte tenu de tous ces éléments, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par les appelants en évaluant à la somme de 530 587 euros (590 587 euros x 90 %) le préjudice de Madame [D] et à 60 000 euros (590 587 euros x 10 %) celui de la société GARAGE ROYAL [Localité 6] ;

SUR LES PERTES DE CHIFFRE D'AFFAIRES LIÉES AUX CONDITIONS D'EXÉCUTION DU PRÉAVIS

Considérant que si la société FIAT AUTO a effectivement imposé à ses concessionnaires des objectifs de vente pour les années 2001 et 2002, dans des conditions ne respectant pas la procédure en quatre étapes prévue au contrat, qui permet au concessionnaire, au cours de la dernière étape, de saisir un tiers en cas de désaccord sur ces chiffres et si ces chiffres ne leur ont pas permis de bénéficier de primes, il n'est nullement démontré que cette situation serait seule à l'origine de la détérioration de leurs comptes, la réduction des encours, prévue à l'article 7 de l'avenant n° 1 des contrats, pouvant aussi justifier cet état de fait ; il n'est pas davantage établi que les objectifs auraient été manifestement irréalisables ou fixés de manière discriminatoire à leur encontre ; qu'ainsi, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté les sociétés de leur demande d'indemnisation de ce chef ;

SUR LA COMMUNICATION DES CRITÈRES D'AGRÉMENT

Considérant que les appelants exposent que la société FIAT AUTO a commis une pratique discriminatoire, en refusant de leur communiquer ses conditions d'agrément, nécessaires pour leur permettre de solliciter la conclusion d'un contrat de distribution sélective, alors qu'elle autorisait parallèlement leur ancien mandataire sur la zone concernée à distribuer des pièces de rechange de la marque, lui conférant ainsi implicitement la qualité de distributeur sélectif ;

Mais considérant qu'il convient de noter qu'ainsi que le soulignent les Premiers Juges, aucune obligation ne pesait sur le concédant, pendant la période transitoire du 1 er octobre 2002 au 30 septembre 2003, de n'assurer la distribution de ses véhicules que par l'intermédiaire de distributeurs sélectifs ; qu'ainsi, la continuation de l'activité du mandataire en cause ne démontre pas que ce distributeur se soit vu conférer la qualité de distributeur sélectif ; que de plus, les appelants ne démontrent pas que les critères de sélection existaient à l'époque et encore moins que la société FIAT AUTO aurait été tenue de les agréer ; qu'en effet, l'agrément dans un réseau de distribution sélective ne constitue pas un droit ; que si le fournisseur qui édicte des critères d'agrément pour choisir les membres de son réseau de distribution sélective doit choisir ces critères dans le respect des règles de concurrence et les appliquer de façon non discriminatoire, il est en droit de refuser de conclure un contrat avec un ancien partenaire dont la situation financière est précaire ; qu'ainsi, aucune faute n'est démontrée de ce chef à l'encontre de la société FIAT AUTO et il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les appelants de cette demande ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

CONFIRME le jugement, sauf en ce qu' il a débouté Madame [D], la SOCIETE D'EXPLOITATION DU GARAGE ROYAL et la société GARAGE ROYAL de leur demande d'indemnisation au titre de la résiliation des contrats de concession,

l'infirme sur ce point,

et, statuant à nouveau,

DIT que la résiliation des contrats de concession est intervenue dans des conditions abusives,

CONDAMNE la société FIAT FRANCE à payer à Madame [D], en sa qualité de propriétaire du fonds de commerce FIAT/LANCIA exploité par la S.E.G.R la somme de 530 587 euros, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

LA CONDAMNE également à payer à la société S.E.G.R en sa qualité de propriétaire du fonds de commerce ALFA ROMEO la somme de 60 000 euros de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

y ajoutant,

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,

CONDAMNE la société FIAT AUTO aux dépens exposés en appel qui seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile,

CONDAMNE la société FIAT AUTO à payer à Madame [D], et à la société S.E.G.R la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le Greffier Le Président

E. DAMAREY M. ROCHE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 10/09782
Date de la décision : 16/05/2012

Références :

Cour d'appel de Paris I4, arrêt n°10/09782 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-05-16;10.09782 ?
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