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15/05/2012 | FRANCE | N°09/04453

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 15 mai 2012, 09/04453


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 15 Mai 2012

(n° 61 , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/04453



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Avril 2009 par le conseil de prud'hommes de PARIS section encadrement RG n° 07/04864





APPELANTE

SA CONSORTIUM DE RÉALISATION

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Aurélien BOULANGER, avocat au barreau

de PARIS, toque : T03







INTIME

Monsieur [Z] [P]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Chantal GIRAUD VAN GAVER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0053







COMPOS...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 15 Mai 2012

(n° 61 , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/04453

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Avril 2009 par le conseil de prud'hommes de PARIS section encadrement RG n° 07/04864

APPELANTE

SA CONSORTIUM DE RÉALISATION

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Aurélien BOULANGER, avocat au barreau de PARIS, toque : T03

INTIME

Monsieur [Z] [P]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Chantal GIRAUD VAN GAVER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0053

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Décembre 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Philippe LABREGERE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Brigitte BOITAUD, Présidente

Monsieur Philippe LABREGERE, conseiller

Madame Marie-Aleth TRAPET, conseiller

Greffier : Monsieur Polycarpe GARCIA, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par Madame Brigitte BOITAUD, Présidente

- signé par Madame Brigitte BOITAUD, Présidente et par Monsieur Polycarpe GARCIA, greffier présent lors du prononcé.

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [Z] [P] a été engagé par la société anonyme CONSORTIUM DE REALISATION - dit : CDR - , à compter du 1er juillet 2002, en qualité de responsable du département des recouvrements de créances. Le 1er mars 2003, il est devenu directeur de l'immobilier et du recouvrement de créance. Le 1er avril 2006, il a occupé le poste de directeur des actifs et des affaires juridiques, jusqu'à son licenciement prononcé pour motif économique par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 18 décembre 2006.

Le Consortium de réalisation - CDR - a été créé en 1995 à la suite des difficultés financières du Crédit Lyonnais.

Cette société, constituée dans le cadre d'un protocole signé entre l'État et le Crédit Lyonnais, a pour objet de reprendre, valoriser, liquider les actifs dégradés du Crédit Lyonnais et de recouvrer les créances contentieuses. Les créances, participations et actifs immobiliers constituaient un portefeuille d'un montant initial de 28,3 milliards d'euros.

Dans une décision du 28 juillet 1995, la commission européenne, appelée à se prononcer sur l'aide accordée par l'État français au Crédit Lyonnais, a précisé que '80% des actifs devraient être cédés dans les cinq ans et, si les conditions de marché le permettaient, au moins 50 % de ces mêmes des actifs devraient être cédés d'ici trois ans'.

À l'origine filiale du Crédit Lyonnais, le Consortium de réalisation est, depuis le 28 décembre 1998, détenu à 100 % par l'établissement public de financement et de restructuration (EPFR) institué par la loi n° 95-1251du 28 novembre 1995 relative à l'action de l'État dans les plans de redressement du Crédit Lyonnais et du Comptoir des Entrepreneurs.

L'article 2 de cette loi du 28 novembre 1995 dispose que l'établissement public de financement et de restructuration (EPFR) a pour mission de gérer le soutien financier apporté par l'État au Crédit Lyonnais dans le cadre du cantonnement de certains de ses actifs au sein de la société chargée d'assurer la réalisation de ceux-ci et dénommée Consortium de réalisation.

Le CDR est financé par l'EPFR au moyen d'un prêt, lui-même financé par le Crédit Lyonnais. Le CDR rembourse le prêt participatif en fonction des produits de cession et des recouvrements de prêts, de créances qu'il perçoit. L'EPFR lui consent des abandons de créances à hauteur des pertes qu'il est amené à constater. L'EPFR rembourse progressivement le prêt que lui a accordé le Crédit Lyonnais, lequel prêt doit être intégralement amorti pour 2014. Le remboursement s'opère pour partie grâce aux bénéfices réalisés par le CDR et remontés à l'EPFR et pour le solde grâce à des dotations de l'État.

De 1996 à 2001, le CDR a été organisé autour d'une société holding CDR d'une banque du groupe, CDR Finance et de quatre filiales opérationnelles.

En raison de la décroissance de l'activité, le CDR Finance et le CDR Immobilier ont été absorbés par le CDR, en janvier 2002 puis, le CDR participations a fait l'objet d'une transmission universelle de patrimoine - dite 'TUP' - vers la CDR SA.

Subsistent encore actuellement la CDR SA, le CDR Créances et le CDR Entreprises.

Entre 1998 et 2006, neuf projets de réorganisation et plans de sauvegarde de l'emploi ont été mis en oeuvre. Les effectifs ont décru progressivement de 444 salariés pour l'ensemble du groupe en 1998 à 24 salariés en 2006.

Au cours de l'année 2006, les vingt-quatre postes restants ont été supprimés, et la gestion résiduelle des activités a été confiée à la Caisse des Dépôts et Consignations à compter du 1er janvier 2007.

C'est dans ce contexte que [Z] [P] a été embauché, promu, puis licencié par le CONSORTIUM DE REALISATION par lettre du 18 décembre 2006, au motif énoncé suivant :

'À la suite de la procédure de consultation du comité d'entreprise sur le projet de réorganisation et de licenciement collectif pour motif économique qui s'est achevée le 12 octobre 2006, nous sommes au regret de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour motif économique.

Les motifs qui nous conduisent à vous notifier votre licenciement sont ceux qui ont été discutés devant le comité d'entreprise à l'occasion de la procédure de consultation et qui sont rappelés ci-après.

Dans le cadre de la mission temporaire qui lui a été confiée, le CDR a été amené depuis 1998 à mettre en place des projets de réorganisation et de plan de sauvegarde de l'emploi, qui ont eu pour effet de réduire régulièrement et sensiblement le nombre de salariés afin d'adapter le périmètre de la structure à la diminution constante de l'activité du CDR en raison de l'avancement des dossiers.

Le contrat d'entreprise 2002-2005, adopté le 6 février 2002 par le conseil d'administration, prévoyait que la quasi-totalité des actifs transférés au CDR par le Crédit Lyonnais aurait été cédée à la fin de l'année 2005.

Dans le cadre de la mise en oeuvre de ce contrat d'entreprise, le CDR s'est rapproché des services de la Caisse des Dépôts et Consignations et des groupes de travail ont été constitués pour étudier l'assistance que la CDC pourrait apporter au CDR dans sa gestion liquidative.

C'est dans ces conditions qu'un contrat d'assistance CDR/CDC a été conclu en avril 2005 permettant au CDR d'aborder dans de bonnes conditions la dernière phase de sa mission.

La réalisation de la quasi-totalité des actifs à fin 2006 et le passage en dessous de la taille critique permettant d'éviter les risques de dysfonctionnements ont conduit les pouvoirs publics à demander que soit étudié le transfert de la gestion résiduelle des activités à la CDC à compter du 1er janvier 2007.

En effet, les résultats du CDR pour l'année 2006 démontrent l'abaissement de son activité sous un seuil ne nécessitant plus l'existence d'une structure dédiée.

À titre d'illustration, la valeur brute diminuera de 839 M€ à 410 M€ en 2006 soit une diminution de 51,13 % par rapport à 2005 et de 68,5 % par rapport à 2004 et sur les 2 600 procédures contentieuses dans lesquelles le CDR est impliqué, il ne subsistera, au 31 décembre 2006, qu'une centaine de contentieux judiciaires, soit une baisse de 96,16 % de l'activité par rapport à la création du CDR et de 66 % au regard de l'activité contentieuse 2005.

C'est dans ce contexte d'achèvement de la mission confiée par l'État que la mise en oeuvre du dernier plan de sauvegarde pour l'emploi et la suppression des 24 derniers postes de travail, dont celui que vous occupez en qualité de membre de direction générale / Management, n'ont pu être évitées en raison de la réorganisation de notre société.

Au surplus, nous sommes contraints de constater que cette ultime étape de la mission confiée au CDR entraîne la suppression de l'ensemble des postes au sein du groupe. Ainsi, il ne nous est malheureusement pas possible de vous proposer un poste de reclassement, fût-ce au prix d'une modification de votre contrat de travail'.

À l'occasion de son départ, [Z] [P] a perçu une indemnité conventionnelle de licenciement de 59 958 €, une indemnité supplémentaire de licenciement de 161 226 €, une indemnité de préavis (non effectué) de 39 972 €, une prime de performance de 60 000 € et une indemnité compensatrice de congés payés de 7 378,32 €.

Par jugement du 6 avril 2009, la section Encadrement du conseil de prud'hommes de Paris, présidée par le juge départiteur, a dit que le licenciement de [Z] [P] était dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné le CONSORTIUM DE REALISATION à lui payer 140 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre 1 200 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Les parties ont été déboutées du surplus de leurs demandes.

Cette décision a été frappée d'appel par le CONSORTIUM DE REALISATION qui demande à la cour d'infirmer le jugement, de débouter M. [P] de toutes ses demandes et de le condamner à lui payer une somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles.

[Z] [P] a conclu à la confirmation partielle du jugement entrepris mais à son infirmation sur le quantum des dommages-intérêts qui lui ont été alloués. Il demande à la cour de fixer l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 200 000 €. Il sollicite également la condamnation de la société CDR à lui payer 11 250 € au titre du prorata du bonus de performance pour l'année 2007 et 22 500 € à titre d'indemnité complémentaire de licenciement, outre 1 500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

En cours de délibéré, le CDR a transmis une note communiquant à la cour la copie de quatre jugements rendus par le tribunal administratif de Paris, rejetant les recours dirigés par des salariés licenciés le même jour que [Z] [P] mais bénéficiant - à la différence de ce dernier - d'un statut de protection et ayant formé un recours contre les décisions par lesquelles l'inspecteur du travail avait autorisé leur licenciement pour motif économique.

[Z] [P], par courrier du 3 mars 2011, a demandé à la cour, si elle entendait ne pas rejeter des débats ladite note en délibéré, de bien vouloir rouvrir les débats, de manière à permettre aux parties d'en débattre dans le respect du principe de contradiction.

A l'occasion de la réouverture des débats, prononcée suivant arrêt du 3 mai 2011, [Z] [P] a relevé que les décisions rendues par le tribunal administratif de Paris étaient pendantes devant la cour administrative d'appel, de sorte qu'il n'y avait pas lieu d'en tenir compte - sauf à retenir que la réalité du transfert des activités du CONSORTIUM DE REALISATION à la Caisse des dépôts et consignations avait été reconnue par le juge administratif. En revanche, le salarié prie la cour de s'attarder sur un arrêt prononcé par la cour d'appel de Paris le 14 octobre 2010 - lui-même frappé de pourvoi - lequel avait admis, au bénéfice d'un salarié licencié dans les mêmes conditions que lui par le CDR - le caractère illicite du licenciement, à raison de ce que le transfert de la gestion de l'activité relevant de la fonction économique principale du donneur d'ordres qu'est la SA CDR correspondait au transfert de l'activité elle-même, transfert pour lequel les dispositions de l'article 1224-1 du code du travail avaient donc vocation à recevoir application.

Par ailleurs, [Z] [P] a demandé à la cour d'ordonner - avant dire droit - au CDR, en application des articles 133 et 134 du code de procédure civile, de verser aux débats l'avenant du 18 décembre 2006 au contrat d'assistance du 8 avril 2005, signé entre le CDR et la Caisse des dépôts et consignations, compte tenu du refus du CDR - exprimé le 29 novembre 2011 - de communiquer cette pièce essentielle aux débats et qui est indispensable, notamment pour apprécier les informations communiquées à l'inspection du travail au soutien des demandes d'autorisation de licenciement visant les salariés protégés, objet du litige soumis au tribunal administratif de Paris dont les décisions en date du 15 février 2011, versées dans le cadre d'une note en délibéré, ont justifié la réouverture des débats.

Le CONSORTIUM DE REALISATION observe pour sa part que le tribunal administratif a exclu l'applicabilité de l'article L. 1224-1 du code du travail, faute d'entité économique autonome. Il souligne que la cour de céans a eu l'occasion de se référer aux jugements du tribunal administratif dans un arrêt du 19 mai 2011 admettant la légitimité du licenciement d'un salarié également licencié dans le cadre du dernier plan de sauvegarde de l'emploi mis en oeuvre par le CDR.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, reprises et complétées lors de l'audience des débats.

SUR QUOI, LA COUR

[Z] [P] considère que son licenciement résulte d'une décision d'externaliser la gestion opérationnelle insusceptible de caractériser une cause économique justifiant le licenciement.

Il soutient qu'il résulte du projet d'avenant dont il avait eu connaissance le 23 octobre 2006, lors d'un conseil d'administration du CDR auquel il assistait, que le CDR et la Caisse des dépôts et consignations avaient décidé 'd'accroître l'assistance que la CDC apporterait à partir du 1er janvier 2007 en l'étendant à la gestion opérationnelle du CDR' ; que le CDR a cependant toujours refusé de communiquer la version définitive de l'avenant régularisé le 18 décembre 2006, ce qui lui interdit de vérifier les éventuelles modifications apportées au projet qui avait fait l'objet de longues tractations entre le CDR, la Caisse des dépôts et l'Agence des participations de l'Etat.

[Z] [P] fait valoir qu'en dépit de la sommation faite au CONSORTIUM DE REALISATION pour la première fois le 25 avril 2008 puis réitérée à de nombreuses reprises de verser aux débats la version définitive de l'avenant au contrat d'assistance, le CDR a attendu le 29 novembre 2011 pour répondre au Conseil du salarié qu'il ne serait pas fait droit à sa demande, à raison de ce que ce document était 'confidentiel'.

[Z] [P] soutient encore que la Caisse des dépôts et consignations n'avait pas seulement reçu une mission d'assistance technique mais qu'elle était devenue gérante - au nom du CDR - des actifs et des dossiers contentieux. Il ajoute que la mission d'assistance renforcée confiée à la Caisse des dépôts et consignations ne constituait en réalité qu'un habillage destiné à masquer le transfert total des activités du CDR à la Caisse des dépôts et consignations.

[Z] [P] souligne la coïncidence entre la date de signature de l'avenant litigieux - le 18 décembre 2006 - et la date d'envoi des lettres de licenciement. Il estime que c'est en collusion avec la Caisse des dépôts et consignations que le CDR lui a transféré son activité résiduelle en ayant pris soin de débarrasser l'entreprise de tout ou partie de ses salariés en faisant sciemment échec à l'article L. 1224-1 du code du travail. Il précise que la gestion opérationnelle - qui relevait jusqu'alors précisément de sa responsabilité - a été confiée à la Caisse des dépôts et consignations, alors que l'activité dite résiduelle représentait encore 410 millions d'euros et une centaine de procédures judiciaires.

[Z] [P] fait ainsi valoir que le transfert d'activité devait impérativement s'effectuer dans le cadre des dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail, s'agissant du transfert d'une entité économique autonome, entendue comme 'un ensemble organisé de moyens en vue de la poursuite d'une activité économique que celle-ci soit essentielle ou accessoire au sens de la directive communautaire du 12 mars 2001". Le licenciement ayant, à ses yeux, été prononcé en violation de ces dispositions, il devrait demeurer 'sans effet'.

Le CONSORTIUM DE REALISATION soutient au contraire que les dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail étaient strictement inapplicables, les critères retenus pour imposer le transfert des contrats de travail n'étant pas réunis en l'espèce, dès lors que le contrat d'assistance signé le 8 avril 2005, ultérieurement modifié par voie d'avenant, consistait en une convention de prestations de services, sans aucun transfert d'élément actif corporel ou incorporel, et que l'externalisation a été effectuée dans une optique de gestion liquidative. Le CDR insiste sur le fait qu'il ne restait qu'une vingtaine de grands contentieux à régler, les autres risques étant liés à de petits dossiers.

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1224-1 du code du travail, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ;

Considérant que la rupture du contrat de travail intervenant à la date où l'employeur a manifesté sa volonté d'y mettre fin, c'est-à-dire au jour de l'envoi de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception notifiant la rupture, c'est à la date du 18 décembre 2006 qu'il y a lieu d'apprécier, pour l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail, interprété à la lumière de la Directive n° 2001/23/CE du 12 mars 2001, s'il y a eu transfert d'une entité économique autonome qui conserve son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise ;

Considérant que constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels poursuivant un objectif économique propre ; que le transfert d'une telle entité se réalise si des moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l'exploitation de l'entité sont repris, directement ou indirectement, par un nouvel exploitant ; qu'en revanche, la poursuite d'une même activité dans le cadre d'une mission d'assistance technique ne suffit pas à caractériser le transfert d'une entité économique autonome ;

Considérant que, pour entraîner l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail , le transfert - au sens de la Directive précitée - doit porter sur une entité économique autonome qui conserve son identité, dont l'activité est poursuivie ou reprise, et qui est organisée de manière stable ; qu'il n'en est pas ainsi lorsque l'activité ne peut que se borner à l'exécution d'un ouvrage déterminé, en l'occurrence la liquidation de créances d'un montant modeste au regard des créances, participations et actifs immobiliers du CDR dont le montant initial représentait 28,3 milliards d'euros ; qu'il est en effet constant que la Caisse des dépôts et consignations ne pouvait se voir tout au plus confier que la gestion résiduelle des activités du CDR, cette gestion portât-elle sur des créances d'une valeur totale de l'ordre de 400 millions d'euros, génératrice d'environ 120 dossiers contentieux ; qu'au surplus, le mandat de gestion confié à la Caisse des dépôts et consignations ne pouvait s'analyser en une finalité économique particulière, la Caisse des dépôts et consignations étant en capacité de liquider les créances litigieuses sans procéder à une organisation spécifique ; qu'il n'est donc pas nécessaire à la solution du litige d'ordonner la communication de l'avenant du 18 décembre 2006 au contrat d'assistance du 8 avril 2005 ;

Considérant que la cessation d'activité constitue un motif économique de licenciement, dont il n'appartient pas à la cour de contrôler la cause hors le cas de légèreté blâmable, laquelle n'est pas invoquée ;

Considérant que, s'agissant de l'obligation de reclassement, le CDR ne disposait plus de possibilité de reclassement interne lors du dernier plan de sauvegarde de l'emploi, compte tenu de la suppression de l'ensemble des postes du CDR ; qu'une convention spécifique a alors été signée avec la société chargée d'animer l'antenne orientation reclassement - AOR - afin de renforcer la mission d'aide au reclassement externe ; que cette antenne s'est réunie régulièrement pour faire le point sur l'état d'avancement des recherches de vingt salariés sur les vingt-trois licenciés qui avaient demandé à bénéficier de son aide ; que [Z] [P] a présenté à l'AOR un projet de création d'entreprise qui a été validé ; que la SARL [P] & ASSOCIÉS a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris le 23 avril 2007 ; que [Z] [P] a perçu l'aide à la création d'entreprise prévue par le plan de sauvegarde de l'emploi, soit 12 196 € en juillet 2007 ;

Considérant que, pour apprécier le périmètre de reclassement, il y a lieu de tenir compte du fait que le groupe de reclassement est constitué d'entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu de travail et d'exploitation permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ;

Considérant que l'employeur de Monsieur [P] n'avait pas l'obligation de rechercher un reclassement au sein de l'EPFR, ni davantage de l'APE pas plus que des entreprises dont l'Etat est actionnaire, ces entités ne pouvant être considérées comme faisant partie d'un groupe de reclassement s'imposant au CDR, dès lors que l'EPFR n'employant aucun salarié et l'APE ayant, selon le décret du 9 septembre 2004, pour seule fonction, entièrement différente de celles du CDR, d'exercer la mission de l'Etat actionnaire dans les entreprises et organismes contrôlés ou détenus, majoritairement ou non, directement ou indirectement par l'Etat, il n'existait aucune permutabilité de personnel possible entre ces organismes et le CDR, le seul lien capitalistique ne suffisant pas à créer un groupe de reclassement ; qu'il en est de même pour les entreprises relevant du périmètre de l'APE dès lors que l'Etat y détient une partie du capital.

Considérant que le CDR n'avait pas davantage l'obligation de rechercher un reclassement au sein de la Caisse des Dépôts et Consignations, aucune permutabilité du personnel n'étant possible en raison du statut du personnel de cet organisme ;

Considérant que l'employeur ne peut, dans ces conditions, se voir reprocher un manquement à son obligation d'opérer sérieusement et loyalement une démarche de reclassement dans les conditions imposées par la loi ;

Considérant que l'existence d'un motif économique étant établie par le CDR, il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris et de débouter [Z] [P] de ses demandes à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Sur la demande d'un prorata de bonus de performance pour l'année 2007

[Z] [P] sollicite une somme de 11 250 € au titre du prorata de son bonus de performance correspondant à l'exercice 2007. Il soutient que le principe de son droit à bonus résulte directement de son contrat de travail, faisant valoir l'existence d'un usage le permettant, dès lors qu'il aurait perçu un prorata de ce bonus en 2002. Il précise que la dispense de préavis ne peut remettre en cause ce droit à percevoir un prorata de bonus.

Le salarié rappelle les dispositions de l'article 5 de son contrat de travail, qui fonderaient son droit à percevoir des bonus de performance : 'En contrepartie de l'accomplissement de ses fonctions, le salarié percevra une rémunération brute annuelle de 137 300 € versée en douze mensualités égales. En complément, le salarié pourra percevoir des bonus de performance selon les règles en usage dans la société, étant précisé que, pour la première fois, ces derniers ne pourront être supérieurs à 45 000 € pour une période de référence complète de douze mois'.

[Z] [P] fait encore valoir que l'usage d'un droit au paiement prorata temporis résulterait des dispositions des articles 1 et 53, alinéa 2, de la convention collective nationale des banques, ce dernier texte précisant que 'les gratifications de fin d'année ou, s'il y a lieu, les participations qui en tiennent lieu [...] sont acquises au prorata du nombre de journées de l'année ayant comporté l'attribution d'un traitement plein'. [Z] [P] soutient que les bonus de performance correspondent précisément aux participations qui tiennent lieu de prime de fin d'année, le CDR respectant de cette manière son obligation résultant de l'article 53 de la convention collective nationale. Il ajoute qu'il a bien reçu ce bonus prorata temporis pour l'année 2002, année de son arrivée au CDR, de sorte que, par application d'un parallélisme des formes, il pourrait y prétendre pour l'année 2007 correspondant à l'année de son départ de la société.

Le CDR conteste l'interprétation faite par [Z] [P] des dispositions contractuelles et conventionnelles. Il indique que les courriers de notification du bonus de performance permettent de dégager les règles de versement de ce bonus qui prenait en compte, pour un exercice donné et à l'intérieur d'un plafond, pour moitié les performances du CDR et, pour l'autre moitié, la qualité du travail du salarié. Le CDR ajoute qu'il a consenti un effort particulier pour tenir compte de la cessation de son activité en versant à [Z] [P], en janvier 2007, avec son solde de tout compte, un bonus de 60 000 €, soit 133 % du montant maximum du plafond prévu. Ce bonus intégrerait ainsi, de manière implicite, un prorata de 15 000 € au titre de l'exercice 2007, de sorte que [Z] [P] aurait été intégralement rempli de ses droits.

Considérant que le droit au paiement d'une prime au prorata du temps de présence pour un salarié ayant quitté l'entreprise, quel qu'en soit le motif, avant la date de son versement, ne peut résulter que d'une convention expresse ou d'un usage dont il appartient au salarié d'administrer la preuve ;

Considérant que le CDR fait pertinemment valoir qu'à compter de l'an 2000, en conséquence de l'accord sur le maintien de la convention collective des banques et sur la réduction du temps de travail du 28 janvier 2000, l'ensemble des éléments du traitement conventionnel, le treizième mois, le quatorzième mois et la prime de vacances, autrefois distingués sur les bulletin de paie, ont été fusionnés en une ligne intitulée 'salaire forfaitaire' ; qu'une deuxième ligne intitulée 'complément différentiel' correspondait à l'effort accompli pour maintenir le salaire malgré la réduction du temps de travail ; que le salaire forfaitaire, payé sur douze mois, intégrait donc les 'gratifications' de l'article 53 lequel n'avait d'autre objet que d'imposer le versement d'un treizième mois, d'un quatorzième mois et d'une prime de vacances représentant un demi-mois de salaire, soit deux mois et demi de salaire ; que ces gratifications font partie du salaire conventionnel minimal, comme le conforte la place de l'article 53 dans le III : 'Garanties de salaire minimum' du chapitre VI - Rémunération du travail : Classification des emplois - Avantages accessoires - Garanties de salaire minimum de la convention collective applicable ; qu'en revanche, la prime de performance apparaissait de manière distincte sur les bulletins de paie des salariés et ne peut s'analyser en une 'participation tenant lieu de prime de fin d'année' ;

Considérant que [Z] [P] a bien bénéficié d'un salaire forfaitaire durant ses années de présence au sein du CDR ; que, contrairement à ce que soutient l'intéressé, l'article 5 du contrat de travail de [Z] [P] ne permet pas de légitimer sa prétention à un complément au titre de l'article 53 de la convention collective, motif pris de ce que le bonus de performance ferait contractuellement partie de sa rémunération ; qu'en effet, le contrat de travail ne prévoit que la possibilité - et non l'obligation - d'un versement de bonus de performance ;

Considérant que le caractère discrétionnaire du versement des bonus de performance résulte de la rédaction de l'article 5 du contrat de travail de [Z] [P], disposant qu'en complément de son salaire mensuel - dont le caractère forfaitaire est établi par les pièces du dossier -, le salarié pourra percevoir des bonus de performance selon les règles en usage dans la société ;

Considérant que, dans ces conditions, le fait que le CDR ait effectivement versé à [Z] [P] un bonus de performance pour l'année 2002, au prorata du nombre de journées de travail accomplies, ne contraint pas l'employeur à verser un prorata de bonus l'année du départ du salarié ;

Considérant qu'il résulte des termes de la lettre du 19 décembre 2006 notifiant à [Z] [P] les éléments de calcul de son bonus de performance, que la somme de 60 000 € - dépassant le maximum prévu par le plafond - a été fixée 'au titre de 2006" ;

Considérant cependant que la preuve d'une convention ou d'un usage instaurant le droit au paiement d'une prime au prorata du temps de présence pour un salarié ayant quitté l'entreprise n'est pas rapportée par [Z] [P], alors par ailleurs que le paiement d'un bonus de performance ne présentait pas un caractère obligatoire ; que le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de ce chef de demande ;

Sur la demande de complément d'indemnité de licenciement

[Z] [P] reproche à son employeur d'avoir calculé l'indemnité conventionnelle de licenciement qui lui a été versée en tenant compte de son dernier traitement perçu et non sur la base du 'traitement conventionnel annuel' qui devrait, à ses yeux, intégrer les bonus de performance, en l'occurrence celui qui lui a été versé à concurrence de 60 000 €. Il réclame à ce titre un complément d'indemnité de licenciement d'un montant de 22 500 €.

Le CDR conteste l'interprétation faite par le salarié des dispositions de l'article 58 de la convention collective nationale des banques.

Considérant qu'il résulte de ce texte que :

'Pour les gradés et les cadres le montant des indemnités est égal, par semestre de services dans l'entreprise et en sus de l'indemnité de délai-congé, à un demi-mois de traitement calculé sur la base du dernier traitement perçu, avec maximum de dix-huit mois de traitement pour les gradés et de deux ans de traitement pour les cadres.

L'indemnité de licenciement est calculée sur le traitement sans supplément d'aucune sorte (gratifications, allocations familiales, à l'exception de la prime d'ancienneté). Seuls, les semestres complets de services entrent en compte pour sa détermination. L'indemnité de licenciement est calculée sur le traitement final de l'agent licencié et non sur la moyenne des traitements mensuels qu'il a reçus depuis un certain nombre de mois.

Toutefois, en cas de suppression d'emploi, l'indemnité de licenciement est calculée sur la base du traitement conventionnel annuel, y compris les gratifications prévues à l'article 53, si ce mode de calcul est plus favorable.'

Considérant que, contrairement à ce que soutient [Z] [P], le traitement conventionnel annuel, s'il comprend les gratifications prévues à l'article 53 - dont il a été vérifié qu'elles avaient été intégrées dans le salaire forfaitarisé du salarié -, n'intègre pas les bonus de performance éventuellement versés au salarié ; que le jugement entrepris est encore confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de ce chef de demande ;

PAR CES MOTIFS

INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a alloué à Monsieur [Z] [P] une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

STATUANT À NOUVEAU,

DÉBOUTE Monsieur [Z] [P] de sa demande fondée sur l'article L. 1235-1 du code du travail ;

CONFIRME le jugement déféré pour le surplus';

AJOUTANT,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE [Z] [P] aux dépens.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 09/04453
Date de la décision : 15/05/2012

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°09/04453 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-05-15;09.04453 ?
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