La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/05/2012 | FRANCE | N°10/03816

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 10 mai 2012, 10/03816


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRÊT DU 10 Mai 2012

(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/03816



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 Avril 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS RG n° 07/06285





APPELANT

Monsieur [H] [J]

[Adresse 1]

[Localité 4]

comparant en personne

assisté de Me Daniel SAADAT, avocat au barreau de PARIS, toque : P

0392 substitué par Me Céline COTZA, avocat au barreau de PARIS, toque : P 0392







INTIMEE

SA MASSEY ET CIE

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Alexandra BERGHEIMER, avoc...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRÊT DU 10 Mai 2012

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/03816

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 Avril 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS RG n° 07/06285

APPELANT

Monsieur [H] [J]

[Adresse 1]

[Localité 4]

comparant en personne

assisté de Me Daniel SAADAT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0392 substitué par Me Céline COTZA, avocat au barreau de PARIS, toque : P 0392

INTIMEE

SA MASSEY ET CIE

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Alexandra BERGHEIMER, avocat au barreau de PARIS, toque : E0769

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Mars 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Laurence GUIBERT, Vice-présidente placée, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Marc DAUGE, Président

Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère

Madame Laurence GUIBERT, Vice-Présidente placée sur ordonnance du Premier Président en date du 20 janvier 2012

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Chantal HUTEAU, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Jean-Marc DAUGE, Président, et par Melle Laëtitia CAPARROS, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA COUR,

Monsieur [H] [J] a été embauché, le 9 mars 2001, en qualité de chauffeur grande remise, par la société MASSEY, aucun contrat de travail écrit n'ayant été établi.

La convention collective applicable est celle des transports routiers et activités auxiliaires.

Alors qu'il faisait l'objet de plusieurs sanctions disciplinaires entre le 7 avril 2004 et le 30 juillet 2005, Monsieur [J], élu délégué du personnel depuis le 16 novembre 2004, saisissait le Conseil de prud'hommes de Paris, le 4 juin 2007, en dommages intérêts pour harcèlement moral à son encontre de la part de son employeur et paiement de divers rappels de salaire.

Par courrier en date du 3 mai 2010, Monsieur [J] a été licencié pour faute grave.

La Cour statue sur l'appel interjeté le 29 avril 2010 par Monsieur [J] du jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Paris, section commerce en formation de départage, le 2 avril 2010, notifié par lettre datée du 16 avril 2010 qui a:

- condamné la société MASSEY à payer à Monsieur [J] la somme de 690 € à titre de rappel de salaire pour retenue injustifiée,

- dit que les intérêts au taux légal courent à compter de la notification de la demande à la partie défenderesse en l'espèce, le 13 juillet 2007 et qu'en application des dispositions de l'article R 1454-28 du code du travail ces sommes bénéficieront de l'exécution provisoire de droit dans la limite de 9 mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire fixée à 2 771,23 €,

- condamné la société MASSEY à payer à Monsieur [J] la somme de 2 500 € à titre de dommages et intérêts pour manquement aux obligations contractuelles en matière d'amplitude horaire avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

- ordonné à la société MASSEY de délivrer à Monsieur [J] un bulletin de salaire conforme à la présente décision,

- débouté les parties du surplus des demandes,

- condamné la société MASSEY à payer à Monsieur [J] la somme de 1 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile pour les sommes ne relevant pas de l'exécution provisoire de plein droit,

- condamné la société MASSEY aux dépens,

Vu les conclusions du 9 mars 2012, au soutien de ses observations orales par lesquelles Monsieur [J] demande à la cour de :

- dire et juger Monsieur [J] recevable et bien fondé en ses demandes,

En conséquence,

- confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes en ce qu'il a considéré que les retenues sur salaires étaient injustifiées,

- l'infirmer sur le quantum et condamner la société MASSEY à rembourser à Monsieur [J] la somme de 4 870 € à titre de remboursement des sommes indûment prélevées sur le salaire,

- confirmer le jugement en ce qu'il a considéré que la société MASSEY n'avait pas respecté les amplitudes journalières et hebdomadaires de travail,

- l'infirmer sur le quantum et condamner la société MASSEY à verser à Monsieur [J] la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour non respect des amplitudes horaires,

- infirmer le jugement sur le surplus et :

- condamner la société MASSEY à lui verser les sommes suivantes :

' 50 000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral et faute délictuelle,

' 25 000 € à titre de dommages et intérêts pour irrégularité de la rémunération,

' 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour irrégularité du bulletin de paye,

' 75 014,25 € au titre des heures supplémentaires,

' 7 501 € au titre des congés payés y afférents,

' 16 627,38 € à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

' 7 664,32 € au titre de la prime de langue,

' 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société MASSEY aux dépens,

- ordonner la remise des bulletins de paie conformes au jugement à intervenir sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir,

avec intérêts au taux légal à fixer au jour de la saisine,

Vu les conclusions du 9 mars 2012, au soutien de ses observations orales par lesquelles la société MASSEY demande à la cour de :

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté Monsieur [J] de ses demandes au titre :

' d'un prétendu harcèlement moral,

' d'une prétendue irrégularité de la rémunération,

' d'une prétendue irrégularité des bulletins de paie,

' d'un prétendu non-paiement des heures supplémentaires et congés payés afférents,

' d'un prétendu travail dissimulé,

' d'une prétendue prime de langue,

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné la société MASSEY à verser à Monsieur [J] les sommes suivantes :

' 690 € à titre de rappel de salaire pour retenue injustifiée,

' 2 500 € à titre de dommages et intérêts pour manquement aux obligations contractuelles en matière d'amplitude,

' 1 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Et jugeant à nouveau, débouter Monsieur [J] de l'intégralité de ses demandes,

- condamner Monsieur [J] à lui verser la somme de 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions déposées et soutenues à l'audience, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE

Sur le harcèlement moral

Considérant qu'en vertu de l'article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

Que l'article L 1154-1 du code du travail, ajoute qu'en cas de litige relatif à un harcèlement moral, dès lors que le salarié a établi les faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il appartient à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ;

Considérant que Monsieur [J] soutient être victime d'un harcèlement moral imputable à son employeur, invoquant l'accumulation des procédures disciplinaires depuis plusieurs années, une politique de mise à l'écart au sein de l'entreprise et une discrimination dans l'attribution des missions et sur le salaire ;

Considérant que la société MASSEY fait valoir que les procédures disciplinaires diligentées à l'encontre de ce salarié sont toutes justifiées par des faits avérés ; que sa mise à l'écart au sein de l'entreprise est liée à son comportement envers ses collègues; qu'enfin, ce sont les délégués du personnel qui procèdent au contrôle des missions effectuées par chacun des salariés afin d'éviter toute discrimination financière ;

Considérant que Monsieur [J] indique qu'il a fait l'objet de quatre avertissements (14 mars 2004, 2 novembre 2004, 13 mai 2005 et 20 octobre 2009), de trois mises à pied conservatoire (25 novembre 2004, 30 juillet 2005 et 19 janvier 2009) et de deux autorisations de licenciement refusées par l'inspection du travail (juillet 2005 et janvier 2009), le salarié bénéficiant depuis novembre 2004 d'un mandat de délégué du personnel ;

Considérant que les premiers juges ont rappelé à bon droit que l'exercice du pouvoir disciplinaire par l'employeur ne saurait à lui seul laisser présumer un harcèlement ; que le prononcé rapproché dans le temps de sanctions ne suffit pas non plus à laisser présumer de l'existence d'un harcèlement ;

Considérant qu'après avoir procédé à l'analyse des faits ayant conduit pour chacun d'entre eux à la notification d'un avertissement, les premiers juges ont relevé que certaines de ces mesures étaient apparues justifiées ;

Que dans la décision rendue le 6 septembre 2005, l'inspection du travail relevait 'le comportement de Monsieur [J] à l'égard de ses collègues, provocateur, narquois et l'attitude agressive ressort de divers témoignages concordants' (...) ; que 'cependant au regard des divers éléments que l'attitude désagréable vis-à-vis de ses collègues de travail et l'interruption d'une mission pour laquelle un remplaçant a immédiatement été trouvé, ne sont pas suffisamment graves pour justifier la mesure de licenciement dont Monsieur [J] fait l'objet' ;

Que dans la décision rendue par le Ministre du travail le 25 août 2009, il est indiqué 'qu'il est reproché à Monsieur [J] de tenir régulièrement des propos racistes visant plus particulièrement l'un de ses collègues antillais ; que s'il est établi par une attestation fournie au dossier que Monsieur [J] a tenu, en parlant de l'un de ses collègues antillais, des propos méprisants à connotation raciste, ni les enquêtes administratives, ni les autres pièces fournies au dossier, qui sont peu circonstanciées, ne permettent d'établir que ces propos avaient un caractère régulier et fréquent' ; 'que concernant le 6ème grief, il est reproché au salarié d'avoir, le 15 janvier 2009, traité un collègue de petit bagagiste, petit standardiste de pacotille ; que ces propos, certes déplacés et peu amènes ne sont cependant pas d'une gravité suffisante pour justifier un licenciement' ;

Qu'ainsi, la matérialité des faits n'est pas contestée, seule la sanction envisagée ayant été considérée par l'autorité administrative comme étant disproportionnée ;

Considérant que Monsieur [J] n'articule aucun moyen de droit ou de fait nouveau, sur ce point, devant la Cour ; qu'ainsi, par une juste appréciation des faits, les premiers juges ont considéré que les sanctions querellées ne peuvent être constitutives d'un harcèlement moral à son égard;

Considérant que Monsieur [J] soutient qu'il a été mis au 'ban de la société'; que toutefois, il procède par affirmation ; qu'en outre, la société MASSEY produit aux débats une pétition à l'encontre de Monsieur [J] signée par 29 salariés, le 25 février 2009, aux termes de laquelle il est fait état des propos inacceptables proférés par le salarié à l'encontre de certains de ses collègues, et de la volonté des pétitionnaires de voir le salarié quitter l'entreprise :

'Nous savons que vous avez initié une procédure de licenciement à l'encontre de Monsieur [J] visant notamment ces propos et vous en remercions.

Nous voudrions apporter plus de poids encore à celle-ci par ce courrier. Certains d'entre nous souhaiteraient par conséquence être entendus par l'inspecteur du travail à l'occasion de son enquête et vous remercions de faire le nécessaire pour qu'il accède à notre demande'

Que, plusieurs salariés attestent avoir eu des incidents avec Monsieur [J], les courriels injurieux échangés avec l'un d'entre eux ayant donné lieu, contrairement aux dires de Monsieur [J], à la convocation par l'employeur du salarié concerné à un entretien ;

Qu'en réalité, il apparaît que Monsieur [J], de par son attitude querelleuse, s'est isolé lui-même, étant observé que dans la proposition de l'ordre du jour d'une réunion du 19 janvier 2010 établie par les délégués du personnel et les suppléants, il est évoqué '(l) écoeurement de l'ensemble des chauffeurs permanent et bureau à propos de Monsieur [H] [J] qui fait la pluie et le beau temps dans la société et exige ces missions ponctuelles au détriment des autres' ;

Qu'il s'ensuit que ce deuxième grief n'est pas établi ;

Considérant enfin que Monsieur [J] argue d'une discrimination dans l'attribution des missions ; que, toutefois, l'employeur justifie de la mise en 'uvre d'un système permettant aux délégués du personnel de procéder à un contrôle de l'ensemble des salaires pour éviter toute discrimination financière dans l'attribution des missions ; que l'un des délégués du personnel témoigne qu'il 'vérifie tous les mois depuis 2005, le montant des services de l'ensemble des chauffeurs MASSEY et je n'ai jamais relevé de discrimination envers Monsieur [J]. Par contre, j'ai relevé à plusieurs reprises que Monsieur [J] se permettait de refuser les missions proposées par les dispatchers et donc de choisir ses missions et le véhicule qu'il voulait conduire. Cette situation pose problème car les autres chauffeurs permanents se trouvent désavantagés par rapport aux choix qu'il fait sur ses missions' ;

Considérant ainsi, qu'il résulte de ce qui précède que Monsieur [J] n'établit pas les griefs allégués laissant présumer un harcèlement moral de la part de son employeur ; que sa demande sera donc rejetée, le jugement déféré étant confirmé de ce chef ;

Sur les rappels de salaire

' sur l'irrégularité de la rémunération

Considérant que l'article 22-5 de la convention collective prévoit que la rémunération effective du conducteur de grande remise comprend un salaire de base et un pourcentage sur la recette afférente à chaque service ;

Considérant que Monsieur [J] réclame la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts au motif que les salariés ne peuvent reconstituer avec précision le montant du service conducteur qui leur est dû ; qu'ainsi, le dispositif mis en place par l'employeur contreviendrait, notamment, à l'article 14 de l'accord ouvrier du 16 juin 2001 annexé à la convention collective applicable en l'espèce ; qu'enfin, le salaire de l'employé serait fixé à la discrétion de l'employeur ;

Considérant que les bulletins de paye mentionnent une somme dite 'indemnité journalière', correspondant au salaire de base et une seconde somme dite 'service conducteur' représentant un pourcentage sur la recette de chaque service ;

Qu'il résulte d'une note de service en date du 17 mars 2009, renvoyant à une note de service de 2001, que les salariés pouvaient à tout moment solliciter, auprès du service administratif, des informations et/ou explications tenant au montant des services effectués ;

Qu'il appartient au client de la société MASSEY de choisir la catégorie du véhicule, la durée de la mission et le type de transfert ou d'excursion ; qu'en fonction de ces critères, le montant de la prestation choisie par le client varie, selon les indications portées sur la grille de rémunération des services (pièce n°19), le prix de service rétrocédé au chauffeur variant également selon les pourcentages arrêtés par la direction (note d'information du 1er mai 2006) ;

Qu'en outre, le système de contrôle des missions et des salaires par les délégués du personnel, évoqué précédemment, a été mis en place pour éviter toute pratique discriminatoire dans l'affectation des missions aux chauffeurs ; que, par conséquent, compte tenu de la mise en oeuvre de ce système, le salarié n'était pas contraint de multiplier les missions, au détriment de sa sécurité, pour maintenir son niveau de rémunération ; qu'en tout état de cause, il n'est pas contesté que Monsieur [J] était l'un des chauffeurs les mieux rémunérés au sein de l'entreprise, sa rémunération n'ayant cessé de progresser entre 2005 et 2007 ;

Qu'il s'ensuit que les moyens soulevés par Monsieur [J] ne sauraient valablement prospérer, la décision déférée étant confirmée de ce chef ;

' sur l'irrégularité du bulletin de paye

Considérant qu'en vertu de l'article R 3243-1 du code du travail, le bulletin de salaire doit comporter, notamment, la période et le nombre d'heures de travail auxquels se rapporte le salaire en distinguant, s'il y a lieu, les heures payées au taux normal et celles qui comportent une majoration pour heures supplémentaires ou pour toute autre cause et en mentionnant le ou les taux appliqués aux heures correspondantes, la position dans la classification conventionnelle qui est applicable au salarié ainsi que s'il y a lieu l'intitulé de la convention collective de branche applicable au salarié ;

Considérant que Monsieur [J] fait état de plusieurs irrégularités sur les bulletins de salaire tenant à l'absence de son coefficient et au nombre d'heures de travail ;

Que s'agissant du nombre d'heures travaillées, ce moyen tend en réalité à vérifier si le salarié a exécuté des heures supplémentaires qui n'auraient pas été acquittées par l'employeur ; que cette question sera examinée au titre de cette prétention ;

Que concernant le coefficient, les bulletins de salaire entre mars et mai 2001 inclus ne comportaient aucune indication ; que dès lors, il était impossible au salarié de vérifier sa position sur les grilles de classifications professionnelles et de contrôler ainsi si sa rémunération correspondait au minimum conventionnel ; que l'absence de cette mention lui a nécessairement causé un préjudice ;

Que dans ces conditions, il y aura lieu de lui allouer la somme de 100 € avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision, à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi entre mars et mai 2001, la décision entreprise étant infirmée de ce chef ;

' sur les heures supplémentaires

Considérant qu'aux termes de l'article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié; qu'au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable ;

Considérant que Monsieur [J] soutient que de nombreuses heures supplémentaires n'ont pas été acquittées ; qu'au surplus, celles qui ont été payées l'ont été sur un taux horaire erroné ;

Considérant que la société MASSEY expose que son salarié n'a jamais rempli le livret individuel de contrôle des horaires ; qu'en outre, chaque salarié remplit, pour chaque mission, un bon de mission avec l'heure de départ et d'arrivée au garage ; que les pièces produites par Monsieur [J] sont en tout état de cause erronées ; qu'enfin, un accord est intervenu au sein de l'entreprise pour définir les modalités du paiement des heures supplémentaires ;

Considérant que Monsieur [J] produit aux débats un tableau rempli par ses soins, retraçant ses heures supplémentaires, ledit document n'ayant pas été visé par son employeur; qu'il n'a jamais, auparavant, réclamé le paiement d'heures supplémentaires ;

Considérant que chaque chauffeur devait remplir personnellement un bon de mission comportant l'heure de départ et d'arrivée du garage et le kilométrage réalisé ; que l'employeur s'est fondé sur ces documents pour établir un listing récapitulatif mensuel par chauffeur et déterminer ainsi le montant des heures supplémentaires à acquitter ; qu'il n'est pas contesté que chaque salarié était destinataire, tous les mois, de ce listing annexé au bulletin de salaire pour procéder aux vérifications adéquates ;

Que, s'agissant du taux erroné, Monsieur [J] procède par affirmation ;

Qu'il s'ensuit, au regard de ces circonstances, que Monsieur [J], qui ne fournit aux débats aucun élément de nature à étayer sa demande, n'est pas fondé à réclamer le paiement d'heures supplémentaires;

Considérant que Monsieur [J] soutient que seules les heures d'attente garage, à l'exception des autres, à savoir les heures d'attente entre les missions, ont été rémunérées et ce depuis la signature d'un accord en juin 2001 ; qu'en toute hypothèse, ces heures ont été acquittées sur la base d'un taux horaire inférieur au minimum conventionnel et au taux horaire du travail effectif ;

Considérant qu'il résulte de l'accord de fin de grève, établi le 13 juin 2001, entre la société MASSEY et le syndicat CFDT, que :

'le principe de paiement des heures d'attente est acquis.

Un système de pointage sera mis en place progressivement ; un décompte manuel débutera à partir du 1er juillet 2001.

Les heures d'attente au garage seront rémunérées sur la base d'une heure de service conducteur catégorie 2 afin de permettre avec la péréquation de l'indemnité journalière de parvenir au moins au salaire horaire minimum garanti'

Considérant toutefois, que même si les fiches d'heures d'attente, remplies manuscritement par chacun des salariés sur la foi de leurs dires, ne permet pas de distinguer les heures d'attente au garage et celles en 'stand by' entre les missions, il apparaît au demeurant que eu égard à l'importance des heures et aux tranches horaires retenues, les heures de 'stand by' étaient en réalité comprises ;

Que de surcroît, l'employeur produit plusieurs attestations aux termes desquelles les témoins indiquent que Monsieur [J] a refusé, à partir d'avril 2005, de faire du 'stand by' devant les hôtels ; qu'à compter de cette date, la fiche d'heures d'attente mensuelle n'est plus fournie et les bulletins de salaire de Monsieur [J] jusqu'en avril 2007 ne comportent plus d'indemnité à ce titre; que par ailleurs, Monsieur [J] n'a jamais formulé, à compter d'avril 2005, aucune contestation pour obtenir paiement de ladite indemnité;

Que surabondamment, Monsieur [J] se contente de produire aux débats le tableau récapitulatif établi par ses soins, entre le 11 juin 2002 et le 30 juin 2008, pour démontrer la réalité des heures d'attente ; qu'indépendamment du fait que ce tableau n'a pas été visé par l'employeur, il résulte de la lecture de ce document que de nombreuses anomalies se sont glissées dans son décompte ; qu'enfin, il n'est pas démontré que durant ces heures dont il entend réclamer le paiement, il était resté à la disposition de son employeur ;

Que s'agissant du taux horaire, l'accord de juin 2001 a prévu que les heures d'attente seraient rémunérées de telle manière que les chauffeurs atteindraient le salaire horaire minimum garanti ; que, dans ces conditions, le moyen tiré du taux horaire erroné est inopérant ;

Que cette demande sera donc rejetée, le jugement querellé étant confirmé ;

Sur le travail dissimulé

Considérant que Monsieur [J] a échoué dans sa démonstration de l'existence d'heures supplémentaires réalisées et non acquittées ; que dès lors, sa demande tendant à obtenir le paiement d'une indemnité pour travail dissimulé sera rejetée, le jugement déféré étant confirmé ;

Sur le rappel de prime de langue

Considérant que Monsieur [J] sollicite le paiement d'une prime de langue d'un montant de 7 664,32 € au motif que l'emploi de conducteur de grande remise suppose l'utilisation d'une langue étrangère conformément à l'article 22 de la convention collective ; que cette prime correspond à 2,5 % du salaire minimal professionnel national hebdomadaire ;

Considérant que Monsieur [J] ne justifie pas de la maîtrise d'une langue étrangère ; qu'en outre, il n'est pas démontré qu'il utiliserait cette langue étrangère lors de l'exécution de ses missions ; qu'en réalité, il s'est contenté de multiplier le nombre de jours travaillés par le montant de la prime dont il réclame le paiement ;

Que cette demande sera donc rejetée, la décision contestée étant confirmée ;

Sur l'amplitude horaire

Considérant qu'en vertu de l'article L 221-4 alinéa 1er devenu L 3132-2 du code du travail, le repos hebdomadaire doit avoir une durée minimale de 24 heures consécutives auxquelles s'ajoutent les heures consécutives de repos quotidien prévu au chapitre 1er ;

Considérant que l'employeur ne conteste pas que l'amplitude horaire, à plusieurs reprises, n'ait pas été respectée ; que la violation de cette règle a pour conséquence de porter atteinte à la sécurité du salarié dès lors qu'en sa qualité de conducteur de grande remise il est amené à utiliser, durant de nombreuses heures d'affilée, son véhicule sur la voie publique ;

Que les premiers juges ont à bon droit alloué à Monsieur [J] la somme de

2 500 € à titre de dommages et intérêts ;

Sur le remboursement des contraventions

Considérant que Monsieur [J] sollicite le remboursement des sommes de

1 220 €, montant prélevé sur son salaire au titre des contraventions de police et de 3 650 € au titre de l'acompte correspondant au remboursement des frais d'avocat ;

Considérant que l'employeur ne peut opérer une compensation s'agissant des contraventions afférentes à un véhicule automobile professionnel mis au service du salarié, conformément à l'article L 144-1 devenu l'article L 3251-1 du code du travail ; qu'il appartenait dès lors à l'employeur de recouvrer lesdites sommes par les voies de droit commun ;

Que, dans ces conditions, la société MASSEY sera condamnée à payer à Monsieur [J] la somme de 830 €, ce dernier ne produisant pas aux débats les bulletins de salaire de février à avril 2006 et de septembre 2008 ; que par ailleurs, il a compté à deux reprises l'amende retenue sur son salaire d'avril 2007 ; que le jugement sera donc infirmé sur ce chef ;

Que s'agissant de l'avance de 3 650 € faite par l'employeur à son salarié au titre de la prise en charge des honoraires d'avocat engagés dans une procédure judiciaire, il n'est pas démontré que cette compensation serait illicite dès lors que la créance querellée est certaine, liquide et exigible;

Que la demande de remboursement de Monsieur [J] sera donc rejetée ;

Sur la remise des documents sociaux

Considérant qu'il conviendra d'ordonner la remise des bulletins de paye dûment rectifiés à partir du présent arrêt par la société MASSEY, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette disposition d'une astreinte ;

Sur les intérêts

Considérant que les sommes accordées à titre indemnitaire seront assorties des intérêts à compter de la date de la décision qui en a déterminé leur montant ;

Que s'agissant des sommes dues au titre de l'exécution du contrat de travail, les intérêts commenceront à courir à compter du 13 juillet 2007, date de la notification de la demande à la société MASSEY ;

Que le jugement déféré sera confirmé de ce chef ;

Sur les frais irrépétibles

Considérant que l'équité commande, compte tenu de la nature du conflit, de ne pas faire droit aux demandes des parties au titre des frais irrépétibles et de laisser à la charge de chacune des parties les dépens qu'elle a exposés en cause d'appel ;

PAR CES MOTIFS

La cour statuant, contradictoirement, en dernier ressort et par arrêt mis à la disposition des parties au greffe,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions, à l'exception de la demande afférente à l'irrégularité du bulletin de paye et à celle relative au montant du remboursement des contraventions,

STATUANT à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE la SA MASSEY ET CIE à payer à Monsieur [J] les sommes suivantes :

- 100 € à titre de dommages et intérêts pour l'irrégularité du bulletin de paye avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

- 830 € au titre du remboursement des contraventions avec intérêts au taux légal à compter du 13 juillet 2007,

ORDONNE à la SA MASSEY ET CIE de remettre à Monsieur [J] des bulletins de paye dûment rectifiés dans le délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt,

REJETTE toutes autres demandes des parties,

REJETTE toutes autres demandes des parties,

LAISSE à chacune des parties la charge de ses dépens d'appel,

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 10/03816
Date de la décision : 10/05/2012

Références :

Cour d'appel de Paris K7, arrêt n°10/03816 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-05-10;10.03816 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award