Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRÊT DU 09 MAI 2012
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/15773
Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Mai 2010 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 08/17741
APPELANTE
La S.A.R.L. B & B PARIS prise en la personne de son gérant
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Edouard GOIRAND, avocat au barreau de PARIS, toque : D0335, avocat postulant
Assistée de la Me Dominique BERTON MARECHAUX de la SCP GUILLEMAIN SAINTURAT PANEPINTO, avocat au barreau de PARIS, toque : P 102, avocat plaidant
INTIMÉE
La S.A. BACCARAT prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 3]
[Adresse 6]
[Localité 4]
Représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090, avocat postulant
Assistée de Me Jean-Yves BOURTHOUMIEU de la SELARL PENAFIEL & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : G0585, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 février 2012, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Odile BLUM, conseiller chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Chantal BARTHOLIN, Présidente
Madame Odile BLUM, Conseiller
Madame Isabelle REGHI, Conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Nadine BASTIN.
ARRÊT :
- contradictoire,
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Madame Chantal BARTHOLIN, Présidente, et par Madame Alexia LUBRANO, Greffière stagiaire en pré-affectation, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
* * * * * * *
La société Baccarat est locataire à titre commercial d'un hôtel particulier situé [Adresse 2] à destination de commerce de tous types de produits liés aux arts de la table et de la maison, cadeaux, arts de bijouterie, horlogerie, cristallerie, luminaires, objets de décoration, accessoires parfums et tous autres produits commercialisés sous la marque "Baccarat" ainsi qu'à usage de bureaux, de musée pour l'ensemble des collections de produits en cristal Baccarat et de restauration, réception et salon de thé, liée à l'exploitation de la boutique de vente et du musée.
Par acte du 18 juillet 2003, la société Baccarat a conclu avec la société B B Paris un contrat de location-gérance pour le fonds de commerce complémentaire de restauration, réception et salon de thé, d'une durée de trois ans à compter du 1er décembre 2003 au plus tard, renouvelable par tacite reconduction d'année en année sauf congé donné par l'une ou l'autre des parties six mois à l'avance. Ce contrat était soumis à la condition suspensive d'une dispense judiciaire du délai de deux ans prévu par l'article L 144-3 du code de commerce qui a été obtenue par ordonnance du 16 septembre 2003. Il a été renouvelé, par avenants successifs, pour une année à compter du 5 octobre 2006 puis pour dix neuf mois à compter du 1er juin 2007.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 27 juin 2008, la société Baccarat a dénoncé le contrat pour son terme du 31 décembre 2008. Elle a contracté avec un nouveau locataire-gérant pour une durée de cinq ans à compter du 2 janvier 2009 au plus tard.
Par actes des 15 et 16 décembre 2008, la société B B Paris a assigné la société Baccarat pour voir requalifier en contrat de sous-location le contrat de location-gérance les ayant liées et déclarer de nul effet la résiliation de ce contrat au regard du statut des baux commerciaux.
Par jugement rendu le 20 mai 2010, le tribunal de grande instance de Paris a :
- déclaré irrecevable l'action en requalification de bail commercial formée par la s.a.r.l. B&B Paris comme étant prescrite,
- dit que les autres demandes formées à titre subsidiaire sont sans objet,
- condamné la s.a.r.l. B&B Paris à payer à la s.a. Baccarat la somme de 5.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la s.a.r.l. B&B Paris aux entiers dépens.
La s.a.r.l. B&B Paris a relevé appel de cette décision le 27 juillet 2010.
Par ses dernières conclusions du 26 novembre 2010, elle demande à la cour, au visa des articles L 145-1, 145-4, 145-15 et 145-32 du code de commerce, de l'article 1134 du code civil et de l'obligation de loyauté pesant sur tout contractant, d'infirmer le jugement et de :
1/ à titre principal
- dire qu'elle justifie exploiter une clientèle personnelle dans un local pour lequel elle est régulièrement immatriculée et bénéficie du droit de la propriété commerciale,
- dire que la convention d'origine en date du 10 juillet 2003 et les conventions successives, la dernière produisant effet jusqu'au 31 décembre 2008, ne sauraient être qualifiées de location-gérance dès lors qu'elles méconnaissent les dispositions d'ordre public précitées sur le bail commercial,
- qualifier ces conventions d'actes de sous-location,
- dire que la s.a. Baccarat ne rapporte nullement la preuve de l'existence d'une clientèle qui lui fut personnelle à la date des conventions précitées, aucune clientèle n'existant d'ailleurs à la date du 10 juillet 2003,
- dire que la s.a. Baccarat ne rapporte pas davantage la preuve qu'elle eut été dans l'impossibilité d'exploiter un fonds de restauration pendant une durée de deux années,
- juger de nul effet la résiliation invoquée par la société Baccarat du contrat improprement qualifié de location-gérance,
- dire que la société B&B Paris est sous-locataire des locaux, bénéficiant d'un sous-bail pour une durée de 9 ans à compter du 1er janvier 2009 ou à défaut d'une sous-location expirant le 5 octobre 2012,
- dire son action non prescrite en ce qu'elle tend à se voir reconnaître la propriété commerciale ou, à défaut, une indemnisation, laquelle n'est que la conséquence de la nullité du contrat invoqué par la société Baccarat,
- débouter la société Baccarat de toutes ses demandes,
2/ subsidiairement, dans l'hypothèse où serait accueillie la demande de la société Baccarat en nullité de la convention litigieuse, par application de l'article L144-10 du code de commerce,
- tirer toutes conséquences de cette nullité et ordonner la restitution à la société B&B Paris de toutes sommes par elle versées à la société Baccarat depuis le 6 octobre 2003 d'une part, condamner la société Baccarat à réparer le préjudice complémentaire subi par elle d'autre part,
- condamner en conséquence la société Baccarat à lui verser la somme de 2.500.000 € au titre du préjudice né de la perte du fonds, sauf à lui allouer à titre de provision à valoir sur ce préjudice la somme de 1.000.000 € dans l'attente du résultat de la mesure d'instruction sollicitée par la société Baccarat,
- ordonner une mesure d'expertise,
3/
- condamner la société Baccarat à lui payer la somme de 12.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
La s.a. Baccarat, par ses dernières conclusions du 17 février 2011, demande à la cour de :
1/ à titre principal
- constater la prescription de l'action de la société B&B Paris tendant au bénéfice du statut des baux commerciaux,
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions déféré,
- dire la société B&B Paris irrecevable en ses prétentions et l'en débouter intégralement,
2/ subsidiairement
- dire que la société Baccarat a valablement créé et donné le fonds de commerce du restaurant Baccarat Cristal Room en location-gérance à la société B&B Paris,
- constater dès lors que la société B&B Paris ne peut démontrer être titulaire de la propriété commerciale,
- dire la société B&B Paris mal fondée en ses prétentions et l'en débouter intégralement,
3/ à titre infiniment subsidiaire
- dire que le contrat de location-gérance prétendument non conforme aux dispositions des articles L144-1 et suivants du code de commerce en ce que le fonds de commerce faisant son objet aurait été inexistant à la formation dudit contrat, ne peut donner lieu à requalification en bail commercial,
- dire que l'annulation du contrat location-gérance prétendument non conforme et la remise des parties dans l'état où elles se trouvaient avant l'exécution dudit contrat s'avèrent impossibles, en ce que la société B&B Paris a bénéficié d'une prestation en nature qu'elle ne peut restituer,
- dire que la société B&B Paris ne rapporte pas la preuve de la réalité, du quantum et de l'imputabilité à la société Baccarat du préjudice qu'elle invoque à titre subsidiaire,
- débouter la société B&B Paris de l'intégralité de ses prétentions tirées de la nullité du contrat de location-gérance,
4/ en tout état de cause
- condamner la société B&B Paris à lui verser une somme de 15.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
SUR CE,
Considérant que pour prétendre à la recevabilité de son action tendant à voir requalifier en contrats de sous-location le contrat de location gérance et ses avenants successifs des 5 octobre 2006 et 1er juin 2007 et se voir reconnaître le bénéfice du statut des baux commerciaux, la société B&B Paris soutient que le point de départ de la prescription est nécessairement celui du jour où le bénéfice de ce statut lui a été refusé, qu'elle n'avait aucun intérêt à agir en requalification du contrat avant la dernière notification, le 27 juin 2008, de la fin du contrat, qu'au surplus, le bailleur a mis fin par deux fois aux relations et les avenants de renouvellement ne peuvent être assimilés à la prorogation du contrat initial, qu'il n'a donc été mis fin à la situation contractuelle que le 31 décembre 2008 par la notification du 27 juin précédent, que dès lors aucune prescription n'était acquise au 15 décembre 2008, date de son assignation, qu'il a déjà été jugé dans une instance relative à la succession de baux dérogatoires que l'action de la preneuse se prescrit à compter du jour où le bénéfice du statut de la propriété commerciale lui est contesté que le tribunal a commis une erreur de droit en faisant rétroagir le point de départ de la prescription au 30 mars 2006 alors que postérieurement à cette date, les conventions entre les parties ont été renouvelées ;
Mais considérant que la société B&B Paris ne peut assimiler sa situation à celle d'un locataire bénéficiant d'une succession de baux de courte durée conclus en application de l'article L 145-5 du code de commerce et dont le droit au bénéfice du statut naît du maintien dans les lieux à l'expiration de la convention ou de son renouvellement ; qu'en l'espèce, la requalification du contrat de location-gérance et le statut des baux commerciaux revendiqué par la société B&B Paris ne dépendent pas du refus de renouvellement de la convention mais de l'existence, dès l'origine, des éléments permettant la conclusion d'un contrat de location-gérance ;
Considérant qu'à l'appui de son argumentation sur le fond, la société B&B Paris fait principalement valoir qu'au jour du contrat, la société Baccarat ne possédait pas de clientèle attachée au fonds ce qui fait obstacle à la location-gérance ; qu'elle ne soutient toutefois pas que les éléments du fonds de commerce, objet du contrat dont la requalification en sous-bail commercial est demandée, lui ont été dissimulés à l'époque ; que le point de départ de la prescription biennale prévue par l'article L 145-60 du code de commerce dont les parties ne contestent pas l'application, se situe donc à la date de la prise d'effet du contrat ; qu'en effet à partir de cette date, la société B&B Paris avait nécessairement connaissance des éléments de fait pouvant lui permettre d'agir et de faire reconnaître son droit, si les conditions en étaient réunies, au bénéfice du statut des baux commerciaux ;
Considérant que les deux avenants à l'acte initial du 10 juillet 2003 n'ont eu pour effet que d'annuler les effets des lettres de résiliation précédemment notifiées par la société Baccarat, de renouveler la durée du contrat initial, de formaliser des engagements de mise en 'uvre de mesures correctives par la société B&B Paris et, en ce qui concerne l'avenant de 2007, de modifier en outre le montant de la redevance ; qu'ils stipulent pour le surplus que les clauses et conditions du contrat initial demeurent inchangées, les parties convenant au surplus de ce que chacun des avenants "s'incorpore au Contrat et ne fasse qu'un avec lui" ; que ces actes qualifiés d'"avenant en renouvellement" sont sans incidence sur l'existence à l'origine des éléments permettant l'éventuelle requalification du contrat ;
Considérant que pour ses motifs, la prescription biennale étant acquise au jour de l'assignation, la société B&B Paris est irrecevable en son action tendant à la requalification du contrat en contrat de sous-bail commercial ; que ses autres demandes formées à titre subsidiaire "dans l'hypothèse où serait accueillie la demande de la société Baccarat en nullité de la convention litigieuse, par application de l'article L144-10 du code de commerce" sont sans objet ;
Que le jugement sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions ;
Considérant que la société B&B Paris qui succombe sera condamnée aux dépens d'appel ; que vu l'article 700 du code de procédure civile, le jugement sera confirmé sur ce chef et la somme supplémentaire de 2.000 € sera allouée à la société Baccarat ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement ;
Condamne la société B&B Paris à payer à la société Baccarat la somme supplémentaire de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la société B&B Paris de sa demande à ce titre ;
Condamne la société B&B Paris aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE