Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 3
ARRET DU 30 AVRIL 2012
(n° 12/110, 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/01967
Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Novembre 2005 -Tribunal de Grande Instance de PARIS, 19ème Chambre Civile - RG n° 99/16255
APPELANTE
CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D' ACCIDENT (SUVA) prise en la personne de ses représentants légaux
dont le siège social est [Adresse 8]
57340 SUISSE
représentée par la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, toque : L0020
assistée de Me Claudine MÉANCE LANGLET du Cabinet LANGLET et Associés, avocat au barreau du VAL D'OISE, toque T54
INTIMÉS
BUREAU CENTRALE FRANÇAIS pris en la personne de ses représentants légaux dont le siège social est [Adresse 1]
représenté par la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN, avocats au barreau de PARIS, toque : L0050
assisté de Me Antoine PORTAL de la SCP MARTIN-LAISNE, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, toque 14
Madame [R] [W] [L]
demeurant [Adresse 4] PORTUGAL
Monsieur [A] [U] [L]
demeurant [Adresse 3] PORTUGAL
Madame [S] [D] [T] [L]
demeurant [Adresse 3] PORTUGAL
Monsieur [V] [B] [L]
demeurant [Adresse 3] PORTUGAL
Monsieur [F] [E] [C]
demeurant [Adresse 7] PORTUGAL
Monsieur [X] [G] [J]
demeurant [Adresse 6] PORTUGAL
Monsieur [H] [O] [I] [N]
demeurant [Adresse 5] PORTUGAL
défaillants
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 5 mars 2012, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie NEHER-SCHRAUB, présidente et Madame Claudette NICOLÉTIS, conseillère, chargée du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Nathalie NEHER-SCHRAUB, présidente
Madame Claudette NICOLÉTIS, conseillère
Madame Line TARDIF, conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Nadine ARRIGONI
ARRÊT : RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Nathalie NEHER-SCHRAUB, présidente et par Madame Nadine ARRIGONI, greffière.
° ° °
Le 28 novembre 1992, à [Localité 2] dans l'Allier, M. [F] [C] a perdu le contrôle de son véhicule qui transportait 7 passagers, dont M. [A] [Z] [L], M. [X] [G] [J] et M. [H] [I] [N].
M. [A] [L] est décédé dans cet accident, laissant son épouse Mme [D] [L] et ses trois enfants mineurs, [A] [U] [L] , [V] [L] et [R] [L].
Messieurs [G] [J] et [I] [N] ont été gravement blessés. M. [G] [J] est aujourd'hui décédé.
Ces deux victimes, qui résidaient et travaillaient en Suisse, ont perçu des prestations de la CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENT (SUVA), organisme de sécurité sociale.
Par courrier du 18 décembre 1992, adressé à M. [C], la société COMPANHIA DE SEGUROS FIDELIDADE, assureur de M. [C], refusait sa garantie. Par courrier du 29 juillet 1993, la société GESA ASSISTANCE confirmait au BUREAU CENTRAL FRANÇAIS (BCF) que la société FIDELIDADE refusait sa garantie en invoquant la nullité du contrat pour fausse déclaration.
Le 13 novembre 1995, la SUVA a assigné la société BONANCA, assureur supposé de M. [C], devant le tribunal civil de Lisbonne pour obtenir remboursement des indemnités versées à MM. [G] [J] et [I] [N].
Par actes des 2 et 16 août 1995, les héritiers de M. [L] ont assigné en indemnisation M. [C] et le BCF devant le tribunal de grande instance de Montluçon.
Par arrêt partiellement infirmatif du 17 mars 1998, la cour d'appel de Riom a :
- condamné M. [C] et le BCF. à verser :
* à Mme [D] [L] la somme de 80,000 Francs en réparation de son préjudice moral, ainsi que la somme de 24.524,70 Francs en réparation de son préjudice matériel,
* à chacun des enfants de M. [L] la somme de 40.000 Francs en réparation de leur préjudice moral,
* aux consorts [L], la somme de 15 000 Francs sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que ces sommes sont accordées dans la limite de la contre valeur en francs français de la somme de 60 millions d'escudos correspondant au maximum de l'indemnisation allouée aux passagers de véhicules assurant un transport en commun de personnes, et que l'éventuel dépassement donnera lieu à une répartition au marc le franc.
- condamné M. [C] et le BCF aux dépens de première instance et d'appel.
Par acte d'huissier du 23 août 1999, la SUVA a assigné devant le tribunal de grande instance de Paris le BCF, les consorts [L] et M. [C] en remboursement des indemnités versées à MM. [G] [J] et [I] [N]. Par acte du 16 mars 2000, la SUVA a fait intervenir à l'instance MM. [G] [J] et [I] [N].
Par ordonnance du 3 décembre 1999 , le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a désigné M. le Bâtonnier de l'ordre des avocats à la cour d'appel de Paris en qualité de séquestre des sommes dues en exécution de l'arrêt de la cour d'appel de RIOM.
Par jugement du 3 juillet 2001, le tribunal de grande instance de Paris a :
- constaté que par arrêt en date du 17 mars 1998, la cour d'appel de Riom a dit que les passagers transportés victimes de l'accident de la circulation survenu le 28 novembre 1992 ont droit à l'indemnisation de leurs préjudices, en application de la loi portugaise et dans les limites de la somme de 60,000.000 d'escudos, maximum de l'indemnisation allouée aux passagers de véhicules assurant un transport en commun de personnes et ce à la charge de M. [C] et du BCF,
- Avant dire droit sur la demande de remboursement de sa créance par la SUVA, relative à MM. [G] [J] et [I] [N] :
- ordonné une expertise et désigné le docteur [K] [Y] avec mission de décrire le préjudice corporel subi par MM. [G] [J] et [I] [N],
- renvoyé l'affaire à l'audience de procédure du 25 septembre 2001,
- réservé les dépens.
L'expert judiciaire a déposé deux rapports le 5 mars 2002, concluant notamment à un taux de déficit fonctionnel permanent de 70 % pour M. [G] [J] et de 40 % pour M. [I] [N].
Par jugement du 15 novembre 2005, le tribunal a :
- déclaré irrecevables les demandes de la SUVA tendant à la condamnation de M. [C] et du BCF à lui verser les sommes de 885.078,20 Francs suisses et 1.082.070,80 Francs suisses au titre des prestations versées à M. [I] [N] et à M. [G] [J] ;
- débouté la SUVA de sa demande à fin de participation à la répartition des sommes séquestrées par M. le Bâtonnier de l'ordre des avocats à la cour d'appel de Paris en exécution de l'ordonnance du juge des référés du 3 décembre 1999 ;
- déclaré irrecevables les demandes des consorts [L] tendant à la fixation de leurs préjudices, déjà fixés par l'arrêt du 17 mars 1998 ;
- ordonné à M. le Bâtonnier de l'ordre des avocats à la cour d'appel de Paris de libérer entre les mains des consorts [L] et conformément aux termes du dispositif de l'arrêt de la cour d'appel de Riom du 17 mars 1998 les sommes séquestrées en exécution de l'ordonnance du juge des référés du 3 décembre 1999 et ce sans que la SUVA ne puisse en recevoir la moindre part ;
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
- condamné la SUVA aux dépens.
Le tribunal a retenu que la loi applicable à la réparation des dommages causés par l'accident est la loi portugaise, qui prévoit une prescription triennale de la créance indemnitaire à compter de l'accident ; que la créance de MM. [G] [J] et [I] [N] et de la SUVA est prescrite depuis le 29 novembre 1995, faute de démontrer l'interruption de l'instance.
La SUVA a interjeté appel du jugement du 15 novembre 2005.
L'affaire a été radiée le 21 mars 2007 pour défaut de mise en cause des intimés par l'appelante puis rétablie le 16 février 2009 afin d'éviter la péremption d'instance. Elle a été à nouveau radiée le 10 juin 2009 puis, rétablie le 2 février 2011 après assignation des consorts [L].
Dans ses dernières conclusions, signifiées le 31 janvier 2012, la SUVA
demande :
- de déclarer son appel recevable et bien fondé,
- de disjoindre l'appel de la SUVA de celui interjeté à l'encontre de M. [G] [J], décédé, et de ses héritiers,
- de lui donner acte qu'au regard des difficultés rencontrées pour assigner les consorts [L] au Portugal, elle a accepté que sur les 299 040, 43 euros séquestrés entre les mains du Bâtonnier, soient versés par priorité aux consorts [L], le montant des condamnations prononcées à leur profit par l'arrêt de la cour d'appel de RIOM du 17 mars 1998, soit la somme de 34.228,57 euros,
- d'autoriser M. le Bâtonnier à lui verser le solde des sommes consignées, après règlement aux consorts [L], soit la somme de 262 749,09 euros,
- d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Et statuant à nouveau,
Au vu du jugement définitif prononcé le 3 juillet 2001 par le tribunal de grande instance de Paris, des articles 495 et 498 du code civil portugais et du règlement de l'assurance invalidité suisse :
- de déclarer la SUVA bien fondée en son action directe en remboursement des indemnités versées à MM. [G] [J] et [I] [N],
En conséquence,
- de condamner solidairement M. [C] et le BCF, en sa qualité de représentant de la Compagnie FIDELIDADE, à lui verser , en sa qualité de subrogée dans les droits de MM. [G] [J] et [I] [N], la contre-valeur en euros de la somme de 1.082.079,80 francs suisses pour le premier et 885.070,20 francs suisses pour le second avec intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation et anatocisme,
- de dire que du montant total des sommes réclamées en principal et intérêts sera déduit les 262 749,09 euros reçus de M. le Bâtonnier,
- de dire le BCF tenu au remboursement intégral des sommes versées par la SUVA aux victimes faute par celui-ci de justifier d'une limitation légale ou contractuelle opposable,
- d'ordonner une nouvelle capitalisation des intérêts échus,
- d'enjoindre au BCF de communiquer le contrat d'assurance couvrant le véhicule, souscrit par M. [C], ainsi que tous justificatifs de coutume pouvant confirmer ses allégations concernant la prescription alléguée,
- de condamner le BCF à verser à la SUVA la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et celle de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner solidairement M. [C] et le BCF aux entiers dépens, dont distraction conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
La SUVA, expose à titre liminaire qu'elle renonce au principe de répartition au marc le franc des indemnités consignées et autorise M. le Bâtonnier à verser sans attendre l'issue du procès aux consorts [L] le montant des condamnations qui leur a été alloué par la cour d'appel de RIOM, soit la somme de 34.238,57 euros. Elle sollicite le versement du solde des sommes restant consignées après ce versement, soit 262 749,09 euros outre les intérêts et la condamnation du BCF pour le surplus de sa créance en principal et intérêts.
Dans ses dernières conclusions, signifiées le 4 janvier 2012, le BCF demande :
- que l'appel de la SUVA soit déclaré recevable mais mal fondé,
- que le jugement soit confirmé,
- qu'il soit jugé que le Bâtonnier de l'Ordre des avocats de la cour d'appel de Paris devra se libérer entre les mains du BCF des sommes séquestrées entre ses mains, déduction faite de celles revenant aux consorts [L] en exécution de l'arrêt de la cour d'appel de Riom, soit la somme de 1.723.634,07 Francs correspondant à 262.749,09 euros, à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,
- que la SUVA soit condamnée à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif et dilatoire, la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens de première instance et d'appel, dont distraction conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Le BCF expose que la somme de 60 000 000 d'escudos consignée par lui correspond à 299 261,90 euros. Il conteste la qualité à agir de la SUVA et soutient qu'en tout état de cause son action est prescrite par application du droit portugais. Il précise que le véhicule de M. [C] n'était pas assuré au moment de l'accident et qu'il intervient dans le cadre du système de la 'carte verte' et doit pouvoir se retourner contre le GABINETE PORTUGUES DE CARTA VERDE, raison pour laquelle il a fait consigner les fonds mis à sa charge par l'arrêt de la cour d'appel de Riom.
Les consorts [L] ont été assignés au Portugal par l'entremise du Tribunal Judicial de Oeiras, mais ils n'ont pu être retrouvés et ils n'ont constitués ni avoué, ni avocat.
M. [C] a été assigné à domicile, le 12 octobre 2006, par l'entremise du Tribunal Judicial de Seia. Il n'a constitué ni avoué, ni avocat.
M. [I] [N] a été assigné à domicile, le 11 octobre 2006, par l'entremise du Tribunal Justicial de Castelo Branco. Il n'a constitué ni avoué, ni avocat.
Les héritiers de feu M. [G] [J] n'ont pas été assignés.
CELA ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR :
Sur l'appel dirigé contre feu M. [G] [J] :
Ni M. [X] [G] [J], aujourd'hui décédé, ni ses héritiers n'ont été assignés devant la cour, il y a lieu de disjoindre l'instance engagée par la SUVA contre M. [X] [G] [J], conformément aux dispositions de l'article 367 du code de procédure civile.
Sur la qualité à agir de la SUVA :
La SUVA soutient qu'en sa qualité d'organisme social elle est subrogée dans les droits de MM. [G] [J] et [I] [N], auxquels elle a versé des prestations ; que sa qualité à agir a été reconnue par le jugement du 3 juillet 2001, qui a autorité de la chose jugée en toutes ses dispositions ; qu'au surplus, le BCF, qui a été condamné par l'arrêt de la cour d'appel de Riom du 17 mars 1998, est irrecevable à s'opposer à son action, à laquelle il a expressément acquiescé dans les limites du plafond de garantie de 60 millions d'escudos, puisqu'il a spontanément consigné cette somme entre les mains du Bâtonnier.
La SUVA fait également valoir qu'elle dispose d'une action directe et d'un droit propre à obtenir remboursement des frais médicaux et d'hospitalisation réglés à MM. [G] [J] et [I] [N], en vertu du règlement de l'assurance invalidité suisse, de l'article 495 du code civil portugais, de la convention de sécurité sociale conclue le 3 juillet 1975 entre la Confédération suisse et la République française, de l'article 52 de la loi suisse relative à l'assurance maladie et du Réglement CEE 1408/71 ; qu'aucune limitation de garantie, aucun plafond, aucune prescription ne peuvent donc lui être opposés.
Le BCF conteste la qualité à agir de la SUVA en exposant qu'elle n'était pas partie à l'arrêt de la cour d'appel de Riom du 17 mars 1998 ; que si, dans les motifs de sa décision, le jugement avant dire droit du tribunal de grande instance de Paris du 3 juillet 2001, a admis le principe de la subrogation de la SUVA dans les droits de ses affiliés, il ne l'a pas repris dans son dispositif, alors que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif, d'autant que ce jugement n'a pas au principal l'autorité de la chose jugée conformément aux dispositions de l'article 482 du code de procédure civile.
Le Règlement CEE n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, modifié par plusieurs Règlements postérieurs, mais toujours applicable dans les relations des Etats membres avec la Suisse, prévoit dans son article 93 intitulé 'Droit des institutions débitrices à l'encontre de tiers responsables' :
'1. Si une personne bénéficie de prestations en vertu de la législation d'un État membre pour un dommage résultant de faits survenus sur le territoire d'un autre État membre, les droits éventuels de l'institution débitrice à l'encontre du tiers tenu à la réparation du dommage sont réglés de la manière suivante :
a) lorsque l'institution débitrice est subrogée, en vertu de la législation qu'elle applique, dans les droits que le bénéficiaire détient à l'égard du tiers, cette subrogation est reconnue par chaque État membre ;
b) lorsque l'institution débitrice a un droit direct à l'égard du tiers, chaque État membre reconnaît ce droit.'
Les dispositions de l'article 93,1, du Règlement précité ont été reprises à l'article 35 de la Convention de sécurité sociale entre la Confédération suisse et la République française, conclue le 3 juillet 1975.
L'article 39 ter du Règlement suisse sur l'assurance invalidité, relatif au recours contre les tiers responsables, renvoie à l'article 79 quater du Règlement suisse sur l'assurance vieillesse et survivant, qui prévoit un droit de recours direct exercé par la SUVA.
Il résulte de ces textes, versés aux débats par l'appelante, que la SUVA dispose, en application de son droit national, d'un droit de recours direct contre M. [C] et le BCF, qu'elle peut exercer devant les juridictions nationales des Etats membres de l'Union européenne.
L'article 495 du code civil portugais, prévoit également l'existence d'un droit de recours direct des organismes sociaux pour obtenir paiement de leurs dépenses contre le responsable d'un accident ayant entraîné des dommages corporels.
En conséquence, la SUVA, qui établit par les pièces produites aux débats avoir versé des prestations à MM. [G] [J] et [I] [N], a qualité à agir contre M. [C] et le BCF pour obtenir le remboursement de sa créance. Son action est donc recevable.
Sur la prescription :
Les parties sont d'accord sur l'application de la loi portugaise au litige.
La SUVA soutient qu'aucun texte n'autorise le BCF à se prévaloir d'une prescription à l'encontre de l'action directe des organismes sociaux ; que sa créance est relative à des prestations qui se sont étalées jusqu'en 2008 ; que les dispositions de l'article 495 du code civil portugais ne prévoient aucune prescription, ni aucun plafonnement concernant le recours des organismes sociaux ; qu'il en est de même s'agissant de la Convention signée le 3 juillet 1975 entre la Confédération suisse et la France ; que l'article 498 du code civil portugais, qui prévoit que l'action en responsabilité délictuelle se prescrit par trois ans à compter de la date à laquelle la victime a eu connaissance de ses droits, est inapplicable en l'espèce, la responsabilité de M. [C], qui transportait des passagers à titre onéreux, comme l'a jugé la cour d'appel de RIOM, étant une responsabilité contractuelle et que dès lors la seule prescription applicable est celle du droit commun portugais qui est de vingt ans.
L'appelante soutient également que le BCF a accepté l'arrêt de la cour d'appel de Riom et renoncé à se prévaloir de toute prescription dès lors qu'il a spontanément fait consigner la somme de 60 millions d'escudos.
Le BCF expose, qu'en application de la loi portugaise, la créance indemnitaire de la SUVA se prescrit par trois années à compter de l'accident ; qu'en l'occurrence, l'accident ayant eu lieu le 28 novembre 1992, la créance de MM. [G] [J] et [I] [N] était prescrite dès le 29 novembre 1995 ; qu'il appartient à la SUVA de démontrer que la prescription a été interrompue ou suspendue avant cette date. Le BCF conteste formellement avoir acquiescé à la créance de la SUVA.
La SUVA, qui ne produit aux débats aucun élément permettant de retenir que le transport organisé par M. [C] s'effectuait à titre onéreux, ne peut soutenir que la responsabilité de celui-ci est contractuelle en invoquant les motifs contenus dans l'arrêt de la cour d'appel de Riom, dès lors que l' autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif.
La SUVA a produit aux débats un certificat de coutume émanant du Consulat général du Portugal, comportant la traduction de 19 articles du code civil portugais applicables à la responsabilité civile et à la réparation des dommages. Il résulte de ce document que selon l'article 498 § 1 du dit code, le droit à indemnisation du préjudice se prescrit dans le délai de trois ans à compter de la date à laquelle la victime a eu connaissance de la possibilité d'exercer son droit, dans la limite du délai de prescription ordinaire. En application de l'article 309 du code civil portugais, la prescription ordinaire en matière civile est de vingt ans.
Ni l'article 498, ni l'article 495 du code précité, qui prévoit le recours des tiers payeurs, ne disposent que la prescription triennale n'est pas applicable aux organismes sociaux. La SUVA, subrogée dans les droits des victimes qu'elle a indemnisées, est soumise aux mêmes règles de prescription que ces victimes.
L'accident a eu lieu le 28 novembre 1992, les parties conviennent que la prescription prévue à l'article 498 du code civil portugais est susceptible d'interruption par tout acte exprimant l'intention d'exercer le droit d'action directe.
La SUVA produit l'acte de citation devant le tribunal civil de Lisbonne, du 13 novembre 1995, qu'elle a fait délivrer à la société BONANCA COMPANHIA DE SEGUROS, qu'elle croyait être l'assureur du véhicule conduit par M. [C]. Bien que la date à laquelle la SUVA a eu connaissance de ses droits n'est pas précisée, le rapprochement de ces deux dates connues montrent que la prescription a été interrompue, avant la fin du délai de 3 ans.
La citation du 13 novembre 1995, qui a été traduite en français, mentionne en page 4 'le devancement de la citation se justifie par l'imminence de l'épuisement du délai de 3 ans prévu à l'article 498 n° 1 du code civil, étant donné que l'accident a eu lieu le 28 novembre 1992". Par cet acte la SUVA a clairement manifesté sa volonté d'interrompre la prescription et d'exercer son action directe contre le responsable ou son assureur.
La date à laquelle une décision a été rendue sur la citation de la SUVA , point de départ du nouveau délai de prescription de trois ans, n'est pas connue, mais il est certain que le 24 septembre 1998 le BCF a assigné la SUVA devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris pour obtenir la consignation de la somme de 60 millions d'escudos et que le 23 août 1999 la SUVA a assigné en indemnisation devant le tribunal de grande instance de Paris.
Si aucun acquiescement ne peut être déduit des mesures conservatoires que le BCF a pris en faisant procéder à une consignation des fonds en litige, en revanche l'existence de procédures successives dans lesquelles la SUVA était partie depuis le 13 novembre 1995, puis en septembre 1998 et en août 1999 montrent que la prescription triennale a été interrompue, que la SUVA n'a pas renoncé à ses droits et que son action n'est pas prescrite.
Sur le plafond d'indemnisation :
L'article 508 du code civil portugais prévoit que l'indemnisation des victimes d'accident de la circulation est soumise à des plafonds d'indemnisation.
L'arrêt de la cour d'appel de Riom du 17 mars 1998 faisant application de cet article a retenu dans son dispositif que les sommes accordées aux consorts [L] l'étaient dans la limite de la contre valeur en francs français de la somme de 60 millions d'escudos correspondant au maximum de l'indemnisation allouée aux passagers de véhicules assurant un transport en commun de personnes.
La SUVA conteste que les plafond d'indemnisation des victimes d'accident de la circulation prévu par le code civil portugais lui soient opposables, mais elle ne conteste pas le montant du plafond de 60 millions d'escudos applicable en cas de transport en commun.
La SUVA, qui bénéficie d'une subrogation légale dans les droits de MM. [G] [J] et [I] [N], peut se voir opposer toutes les limitations qui sont opposables aux victimes subrogeantes. En conséquence, la SUVA ne peut exercer son recours que dans la limite du plafond de 60 millions d'escudos.
Les parties sont d'accord pour fixer la contre valeur de 60 000 000 d'escudos à la somme de 299 261,90 euros, consignée entre les mains du Bâtonnier de l'ordre des avocats de la cour d'appel de Paris, et pour dire qu'après paiement de la créance des consorts [L], seule la somme de 262 749,09 euros reste consignée.
La SUVA justifie avoir exposé les sommes de 885 070, 20 francs suisses pour M. [I] [N] et de 1 082 079,80 francs suisses pour M. [G] [J] au titre des frais médicaux, des indemnités journalières, des rentes d'invalidité et complémentaires et de l'indemnisation des préjudices personnels.
En conséquence, la SUVA, dont la créance est nettement supérieure à la somme de 299 261,90 euros consignée par le BCF entre les mains du Bâtonnier de l'ordre des avocats de la cour d'appel de Paris, est bien fondée à obtenir le versement de la somme de 262 749,09 euros.
Sur la capitalisation des intérêts
Il sera fait droit à la demande de la SUVA, dans les conditions prévues par l'article 1154 du code civil.
Sur la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive
Aucun abus du droit d'agir ou de se défendre en justice n'étant caractérisé, la SUVA et le BCF seront déboutés de leur demande à ce titre.
Sur l'article 700 du code de procédure civile
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la SUVA l'intégralité des frais et honoraires exposés par elle et non compris dans les dépens. Il lui sera alloué en cause d'appel, la somme de 5 000 euros.
Les mêmes considérations ne conduisent pas à faire droit à la demande du même chef du BCF .
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement du 15 novembre 2005 ;
Et statuant à nouveau,
Disjoint de la présente procédure l'appel formé par la CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENT à l'encontre de M. [X] [G] [J] ;
Dit que cette procédure se poursuivra sous le n° RG : 12/08037 ;
Déclare l'action de la CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENT recevable ;
Condamne in solidum M. [F] [C] et le BUREAU CENTRAL FRANÇAIS à verser à la CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENT la somme de 262 749,09 euros en remboursement des prestations versées à MM. [G] [J] et [I] [N] ;
Donne acte à la CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENT qu'elle accepte que soit versées par priorité aux consorts [L] les sommes prononcées à leur profit par l'arrêt de la cour d'appel de Riom du 17 mars 1998 et qu'elle renonce à une répartition au marc le franc ;
Autorise M. le Bâtonnier de l'Ordre des avocats à la cour d'appel de Paris à verser, sur les sommes séquestrées entre ses mains par le BUREAU CENTRAL FRANÇAIS en application de l'ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Paris en date du 3 décembre 1999 :
* aux consorts [L], les sommes qui leur sont dues aux termes du dispositif de l'arrêt de la cour d'appel de Riom du 17 mars 1998 ;
* à la CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENT, la somme de 262 749,09 euros, restante après paiement de la créance des consorts [L] ;
Dit que la somme de 262 749,09 euros sera augmentée des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
Dit que les intérêts échus des capitaux produiront intérêts dans les conditions fixées par l'article 1154 du code civil ;
Condamne le BUREAU CENTRAL FRANÇAIS à verser à la SUVA la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de leurs autres demandes ;
Condamne in solidum M. [F] [C] et le BUREAU CENTRAL FRANÇAIS aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE