Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRET DU 11 AVRIL 2012
(n° 102 , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/09513
Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Mars 2010 -Tribunal de Commerce de CRETEIL - RG n° 2008F00060
APPELANTES
SAS INVENSYS HOLDING FRANCE SAS, représentée par son Président
Ayant son siège social
[Adresse 3]
[Localité 4]
SAS INVENSYS SYSTEMS FRANCE représentée par son Président
Ayant son siège social
[Adresse 1]
[Localité 8]
Représentées par Me Charles-Hubert OLIVIER de SCP LAGOURGUE - OLIVIER, avocats au barreau de PARIS, toque : L0029
Assistées par Me Phlippe LEBRUT plaidant pour le cabinet BCTG et Associés, avocats au barreau de PARIS, toque T 01
INTIMEES
SOCIETE LABORATOIRE FRANÇAIS DU FRACTIONNEMENT ET DES BIOTHECHNOLOGIES S.A, prise en la personne de ses représentants légaux
Ayant son siège social
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée Me Jacques PELLERIN de la SCP DUBOSCQ-PELLERIN, avocats au barreau de PARIS, toque L018
Assistée par Me Elisabeth LOGEAIS plaidant pour la SCP UGGC & Associés, avocats au barreau de PARIS, toque P 261
SOCIETE INFOR GLOBAL SOLUTIONS (GARCHES) S.A.S venant aux drois et obligations de la société Infor Global Solutions ( Rungis I), prise en la personne de ses représentants légaux
Ayant son siège social
[Adresse 5]
[Localité 7]
Représentée par Me Belgin JUMEL de la SCP GRAPPOTTE - BENETREAU- JUMEL, avocats au barreau de PARIS, toque K0111
Assistée par Me Stéphane LEMARCHAND substituant Me PANNEAU, plaidant pour le cabinet DLA PIPER, avocats au barreau de PARIS, toque R 235
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Février 2012 , en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur JACOMET conseiller faisant fonction de Président et Madame SAINT SCHROEDER conseillère chargée d'instruire l'affaire laquelle a préalablement été entendue en son rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Fabrice JACOMET Conseiller faisant fonction de Président
Monsieur Bernard SCHNEIDER conseiller désigné par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la cour d'appel de Paris en vertu de l'article R312-3 du code de l'organisation judiciaire pour compléter la chambre.
Madame Dominique SAINT-SCHROEDER, Conseillère.
qui en ont délibéré
Greffière, lors des débats : Madame Véronique GAUCI
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Fabrice JACOMET Conseiller faisant fonction de Président et par Madame Véronique GAUCI, greffier à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
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Le 14 février 2002, un contrat de licence et de maintenance du progiciel dénommé Protean a été signé par la société Wonderware solutions France aux droits de laquelle est venue, en avril 2003, la société Invensys production solutions-IPS puis Invensys holding France, éditeur dudit progiciel, et la société Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies, ci-après dénommée LFB, aux fins de gestion de l'ensemble de sa production, des stocks, des achats, l'administration des ventes, la finance et la comptabilité pour un prix total de 384.933,76 € HT incluant le prix de la licence et le prix initial de la redevance annuelle de maintenance. Le 11 avril suivant, LFB signait un contrat d'intégration avec la société Schlumberger Sema, contrat qui était résilié au mois de novembre 2002. Au mois de juin 2003, LFB acceptait l'offre de IPS portant sur la réalisation d'un URS permettant l'analyse des besoins des utilisateurs et constituant la phase préalable à l'intégration du progiciel. Une seconde commande a été passée le 17 décembre 2003 par LFB à IPS portant sur une réinstallation technique de Protean , une formation et un plan maître de validation pour la somme totale de 88.600 €. Le 30 juin 2004, IPS a cédé son fonds de commerce, le progiciel Protean et ses contrats de distribution à la société Baan France, filiale de SSA Global technologies aux droits de laquelle est venue Infor Global Solutions (Rungis I) et aujourd'hui Infor Global Solutions (Garches) qui est éditeur de solutions progicielles. Au cours d'une réunion qui s'est tenue
le 23 novembre 2004, LFB a fait savoir à SSA qu'il n'implémenterait pas le progiciel Protean et soulignait l'investissement effectué en vain dans ce progiciel. Après avoir réitéré sa demande d'indemnisation de son préjudice, évalué à la somme de 400.000 €, et aucun règlement amiable n'ayant abouti, LFB a fait assigner les sociétés Invensys holding France, Invensys systems France et Infor Global Solutions en réparation de son préjudice devant le tribunal de commerce d'Evry qui a décidé de surseoir à statuer jusqu'à la désignation par le premier président de la cour d'appel de Paris de la juridiction de renvoi, le directeur juridique de LFB, devenue société anonyme en 2006, étant juge consulaire auprès de cette juridiction. Par jugement du 9 mars 2010, le tribunal de commerce de Créteil, désigné pour connaître de l'affaire, a:
-dit recevable LFB dans son action à l'encontre des sociétés du groupe Invensys,
-dit l'action de LFB irrecevable à l'encontre de Infor Global Solutions du fait du contrat de licence,
-dit que Invensys holding France n'avait pas rempli ses obligations au titre de la licence concédée et dit le contrat résilié aux torts de cette dernière,
-condamné Invensys holding France à payer à la société LFB la somme de 384 933,76 € avec intérêts au taux légal à compter du 1er février 2006 et ordonné la remise par LFB des supports du progiciel fournis par Invensys holding France,
-condamné Invensys holding France à payer à la société LFB la somme de 150 000 € à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du 1er février 2006 et anatocisme,
-condamné LFB à payer à 'Invensys holding France' la somme de 79 269,29 € avec intérêts au taux légal à compter du 21 février 2007 et capitalisation des intérêts,
-débouté Infor Global Solutions de sa demande de dommages et intérêts,
-condamné Invensys holding France à payer à la société LFB la somme de 6 000 € au titre des frais irrépétibles et rejeté le surplus des demandes, l'exécution provisoire étant prononcée sous réserve de la production d'une caution bancaire en cas d'appel.
Aux termes de leurs dernières conclusions du 7 février 2012, la SAS Invensys holding France et la SAS Invensys Systems France, appelantes, demandent à la cour, au visa des articles 122 et suivants du code de procédure civile, 1134, 1135, 1626, 1628 et 1719 du code civil, d'infirmer le jugement, subsidiairement de débouter LFB de sa demande de résolution du contrat de licence et de maintenance du progiciel Protean du 14 février 2002, de débouter LFB de sa demande de versement de la somme de 150 000 € à titre de dommages-intérêts, plus subsidiairement, en cas de confirmation totale ou partielle du jugement, de juger que la demande de LFB à l'encontre de IPS ne saurait être recevable que dans la mesure de la clause limitative de responsabilité figurant à l'article 13 de l'avenant n°1 du contrat de licence et de maintenance du 14 février 2002, de juger que Infor global solutions (Rungis I) vient aux droits et obligations de Invensys holding France et de condamner en conséquence Infor Global Solutions à les relever et garantir de toute condamnation prononcée à leur encontre, en tout état de cause, de juger que Invensys systems France est hors de cause et de condamner LFB à leur payer la somme de 30 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de première instance et d'appel.
Aux termes de ses dernières écritures signifiées le 6 janvier 2012 la société Laboratoire Français du Fractionnement et des Biotechnologies (LFB), intimée, conclut, au visa des articles 46, 48 et 122 du code de procédure civile, 1134, 1135, 1184 et suivants du code civil, 1122, 1626, 1628, 1719 et 1690 du code civil, L.141-1 et suivants et L.236-1 et suivants du code de commerce, à la confirmation de la décision déférée en ce qu'elle a constaté les manquements de l'éditeur de Protean à son obligation de délivrance et à son devoir de conseil et d'assistance en qualité d'éditeur concédant de licence et d'intégrateur, a prononcé la résolution du contrat de licence et de maintenance aux torts de Invensys holding France, successeur de IPS, et condamné cette société à lui payer la somme de 384 933,76 € représentant le prix initial versé pour les droits de licence et de maintenance du progiciel Protean, assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er février 2006, date de la signification de l'assignation, a condamné
Invensys holding France à lui payer la somme de 150 000 € à titre de dommages et intérêts tenant compte notamment des prestations préparatoires d'intégration avec intérêts au taux légal à compter du 1er février et anatocisme, à son infirmation pour le surplus et au rejet de toute demande formée à son encontre en payement de prestations afférentes au progiciel Protean et à son intégration, de condamner in solidum les sociétés Invensys et Infor Global Solutions à lui payer la somme de 30 000 € au titre de ses frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions du 10 janvier 2012, la SAS Infor Global Solutions (Garches) demande à la cour de lui donner acte de ce qu'elle vient aux droits et obligations de la société Infor Global Solutions (Rungis I), de réformer le jugement en ce qu'il a dit LFB recevable à agir et retenu la responsabilité de Invensys holding France dans l'échec du projet informatique mené par LFB autour du progiciel Protean, en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat de licence et de maintenance du 14 février 2002 et condamné Invensys holding France à verser à LFB la somme de 534 933,76 € en principal, en ce que les premiers juges ont commis une erreur matérielle en retenant que la société LFB devait régler les prestations de formation dont elle avait bénéficié, soit la somme de 76 269,29 €, mais en prononçant cette condamnation au bénéfice de Invensys holding France en ses lieu et place, de juger l'action de LFB irrecevable à raison du défaut d'intérêt à agir de celle-ci qui a transféré le contrat de licence à sa filiale, la société LFB biomédicaments, et de rejeter en conséquence l'ensemble des demandes de LFB, en tout état de cause de rejeter ces demandes, les défaillances faussement alléguées par LFB ne se rattachant à aucun engagement contractuel, de confirmer le jugement en ce qu'il l'a mise hors de cause, en ce qu'il a fait droit à sa demande reconventionnelle, à titre infiniment subsidiaire de débouter Invensys holding France de sa demande de garantie qu'elle forme à son encontre, et, en toutes hypothèses, de condamner LFB à lui verser la somme de 15 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
SUR CE
Considérant que Invensys Holding France et Invensys Systems France, soutiennent que LFB est dépourvu de qualité pour agir à leur encontre, la société LFB Biomédicaments étant devenue seule titulaire des droits et obligations de LFB SA, comme cela résulte du préambule de deux avenants aux contrats du 14 février 2002 que le directeur juridique de LFB a adressés à Invensys holding France le 29 novembre 2006; qu'elles prétendent, subsidiairement, que Invensys holding France n'était liée par contrat à LFB qu'au seul titre de la concession de licence et de la maintenance de Protean et non pas de son intégration laquelle a été contractuellement confiée à un tiers; qu'elles font observer que LFB a sans doute cherché à contourner les dispositions de l'article 13 de l'avenant n°1 du 24 février 2002 qui contient une clause limitative de responsabilité; que Invensys holding France ne conteste pas les obligations de conseil et de délivrance qui pesaient sur elle mais le non respect prétendu de ces obligations et insiste sur les dispositions contractuelles qui ne prévoyaient pas à sa charge une obligation d'intégration du progiciel; que ces sociétés font observer que LFB a directement sollicité, entre le mois de février 2002 et le mois de novembre 2003, cinq sociétés de service pour mener à bien l'intégration de Protean sans parvenir à un accord; qu'elle rappelle que LFB indiquait lui-même dans une lettre du 21 février 2005 qu'il considérait que IPS était 'un éditeur et en aucun cas un intégrateur'; qu'elles affirment que le véritable motif du refus de LFB d'intégrer Protean consiste dans la recherche par celui-ci, dès la fin de l'année 2003, d'un autre progiciel que Protean; que Invensys holding France sollicite, en cas de condamnation, la garantie de Infor Global Solutions en conséquence de la cession de divers éléments de son fonds de commerce, dont le progiciel et le contrat litigieux, intervenue le 30 juin 2004;
Considérant que LFB objecte tout d'abord qu'il n'y a pas eu transfert du contrat à sa filiale LFB médicaments, lequel ne s'imposait pas au regard de l'ordonnance du 28 juillet 2005 et que c'est à la suite d'une erreur administrative que deux avenants faisant référence à cette ordonnance ont été adressés pour signature à Invensys holding France qui ne les a d'ailleurs pas signés; qu'au fond, il fait valoir que cette dernière a failli à son obligation de conseil; qu'il soutient qu'il lui appartenait, après avoir mis fin à son partenariat avec Sema, intégrateur du progiciel Protean qu'il avait retenu, de s'assurer d'un partenariat de substitution équivalent disponible pour ses clients; qu'IPS (Invensys holding France) a également failli à son obligation de délivrance alors qu'elle a répondu à sa demande de service d'intégration en lui faisant passer commande de prestations préalables comme la réalisation d'un URS puis une réinstallation de la version 4.1 de Protean, une formation de son personnel et la réalisation d'un plan maître de validation, et que le détail de ces prestations démontre qu'elles préparaient l'engagement d'une phase prototype; que la commande de prestations de formation a été passée en vue d'une intégration de la nouvelle version de Protean; qu'il insiste sur le fait que IPS est intervenue en qualité d'intégrateur dès le mois de mars 2003 mais sans résultat et que face à la légèreté et au manque de visibilité de la proposition du 18 mars 2004, il a été contraint de se tourner vers des propositions alternatives alors que le progiciel n'a pu être utilisé, qu'il a versé à Sema le prix de prestations d'intégration partiellement exécutées et a payé la redevance de maintenance pour 2002 alors qu'aucune prestation n'était fournie puisque le progiciel n'était pas opérationnel chez le client; qu'il souligne l'importance de la collaboration entre l'éditeur et l'intégrateur; que s'agissant de la cession du fonds de commerce et du progiciel Protean par IPS à SSA, aujourd'hui Infor Global Solutions, il fait observer que cette cession, qui ne lui a pas été notifiée dans les formes légales requises et qu'il n'a pas acceptée, ne lui est pas opposable; qu'il relève néanmoins que SSA s'est comportée à son égard comme le successeur d'IPS en lui proposant ses services d'intégration du progiciel et en réclamant le payement de redevances de maintenance prévues au contrat de licence; qu'il excipe de la mauvaise foi de SSA qui a continué d'assurer les formations sur Protean tout en sachant qu'IPS ne fournirait pas les prestations d'intégration du progiciel et qui a proposé des services d'intégration alors qu'elle se déclare dans ses conclusions incompétente en la matière et avoir recours à des intégrateurs du marché; qu'il critique le jugement en ce qu'il l'a condamné au payement des factures de formation alors que ces factures ne concernent pas toutes des prestations de formation et qu'en outre SSA n'a pas justifié de sa qualité de cessionnaire de ces créances;
Considérant que Infor Global Solutions (Garches) conclut à l'infirmation du jugement aux motifs d'une part, que LFB n'a pas justifié d'un intérêt né et actuel à agir en justice n'étant plus titulaire du contrat du 14 février 2002 pour l'avoir cédé à sa filiale le 14 novembre 2006, de seconde part que le tribunal a dénaturé les obligations nées du contrat de licence lesquelles ne comprenaient pas celle d'intégrer le progiciel et que l'éditeur n'a commis aucun manquement à ses obligations de conseil, laquelle ne comportait pas l'obligation de proposer une solution d'intégration satisfaisante, et de délivrance, cette dernière obligation ne constituant pas un engagement de bonne fin de la phase d'intégration, de troisième part, que l'échec du projet d'intégration du progiciel est imputable exclusivement à LFB qui a décidé de rompre ses relations avec Sema avant de délaisser le projet Protean au profit d'un autre qu'elle a mené avec les sociétés Orga et Queliac et un nouveau directeur informatique, et, de dernière part, que les demandes en payement formées par LFB n'étaient ni fondées ni justifiées; qu'elle dénie toute responsabilité affirmant ne pas avoir été informée des difficultés qu'a pu rencontrer LFB avec Invensys au sujet du projet et ne pas avoir manqué à une obligation de conseil et d'information qui ne pesait pas sur elle alors qu'elle n'a été choisie que pour réaliser des prestations de formation dont elle demande le payement en rappelant à LFB, qui argue du non respect des dispositions de l'article 1690 du code civil, que la signification de la cession peut être faite en cours d'instance par voie de conclusions; qu'elle s'oppose à l'appel en garantie formé par Invensys holding France dès lors que le litige porte sur des obligations nées antérieurement à la cession;
Sur la fin de non-recevoir
Considérant que les sociétés Invensys Holding France, Invensys Systems France et Infor Global Solutions excipent du défaut de qualité à agir de LFB au motif selon Infor Global Solutions que celle-ci aurait, par convention du 14 novembre 2006, défini avec sa filiale LFB Biomédicaments les conditions dans lesquelles LFB a apporté à celle-ci l'ensemble de ses actifs portant sur les activités relatives aux médicaments dérivés du sang issus du fractionnement du plasma; qu'aux termes de ce traité d'apport partiel d'actifs, ces deux sociétés auraient convenu du transfert du contrat de licence; qu'elles se rapportent à deux avenants qui ont été adressés à Invensys Holding France le 29 novembre 2006 dont le préambule fait état du transfert du contrat de licence à LFB Biomédicaments;
Considérant que le préambule de ces deux avenants, identique, est libellé comme suit:
'Atttendu que:
* Le GIP LFB a signé le 14/02/2002 avec Wonderware un contrat de licence.
*En application de l'ordonnance n°2005-866 du 28 juillet 2005, le GIP LFB a été transformé en société anonyme. Ce nouveau statut, entré en vigueur le 7 juillet 2006, n'antraîne pas création d'une nouvelle personne morale : les droits et obligations du GIP ont été transférés de plein droit et en pleine propriété à LFB S.A.
*L'ordonnance précitée prévoit également la création d'une filiale de LFB SA. Cette filiale, dénommée LFB BIOMEDICAMENTS est chargée d'exercer les activité du LFB relatives aux médicaments dérivés du sang, issus du fractionnement du plasma. Par conséquence, cette filiale devient titulaire de tous les droits et obligations de LFB SA relatifs à ces activités, dont le contrat précité';
Que l'article 1 de ces avenants stipule que: 'Le présent avenant a pour objet de transférer à la société anonyme dénommée LFB BIOMEDICAMENTS le contrat cité précédemment actuellement détenu par la société anonyme dénommée LFB SA.';
Mais considérant que la seule mention du transfert du contrat de licence litigieux dans ces avenants adressés à Invensys Holding France et non signés par celle-ci, n'établit pas la réalité de la cession en l'absence d'autres pièces probantes alors que LFB, qui argue d'une erreur administrative, produit une attestation du directeur des systèmes d'information de LFB Biomédicaments qui affirme que le contrat du 14 février 2002 n'a pas été transféré à LFB Biomédicaments et que ce transfert n'a jamais été envisagé; que la fin de non-recevoir doit donc être rejetée;
Au fond
Considérant que suivant contrat de licence du 14 février 2002 et son avenant n°1, Wonderware Solutions France, aux droits de laquelle vient aujourd'hui Invensys Holding France, a concédé à LFB, en contrepartie de la redevance de licence, fixée à 304.898,03 € HT, une licence non exclusive d'utilisation d'une copie du programme indiqué dans le bon de commande pour 130 postes; qu'étaient prévues des prestations d'assistance et de formation à la charge de Wonderware; que l'annexe C fixait à 80.035,73 € le montant de la redevance de maintenance pour la première année; que la mise en oeuvre de la solution n'entrait pas dans le champ contractuel; que, pour ce faire, LFB s'est rapprochée d'une société de services, Schlumberger Sema, avec laquelle Wonderware avait noué un partenariat de sorte que l'intégrateur du progiciel Protean apparaissait comme ayant une parfaite connaissance de celui-ci et les compétences nécessaires pour son intégration; que cette collaboration étroite entre l'éditeur et l'intégrateur explique que Invensys a pris l'initiative d'informer LFB de la rupture du partenariat ayant existé entre elle et Schlumberger Sema par courriel du 27 septembre 2002; qu'à la suite de cette annonce, aux termes de laquelle Invensys indiquait que son partenaire ne répondait plus à ses exigences et à ses critères tant en ce qui concerne sa clientèle que ses produits et sa stratégie commerciale, et ce alors même que Sema sollicitait une reconduction des relations (étant précisé que cette traduction de la lettre d'Invensys rédigée en langue anglaise et produite sans sa traduction par LFB n'est pas contestée par les autres parties), LFB a adressé une première lettre à Schlumberger Sema avant de résilier le contrat qui la liait à cette société en l'absence de réponse de sa part;
que Invensys et Infor Global Solutions ne peuvent faire grief ni s'étonner de cette résiliation alors que l'éditeur du progiciel considérait que cette société de services ne présentait plus les qualités qu'Invensys exigeait de son partenaire s'agissant de ses produits et donc du progiciel Protean;
Considérant que si la rupture du partenariat ayant existé entre Schlumberger Sema et Wonderware a mis en difficulté LFB qui a été contraint de rechercher un nouvel intégrateur, toutefois, LFB qui ne conteste pas disposer d'une direction informatique et qui ne pouvait dès lors méconnaître la nécessité de faire procéder à l'implémentation du progiciel, ne prétend pas avoir consulté Wonderware sur les sociétés de services ayant le niveau d'expertise requis pour procéder à l'intégration du progiciel Protean; qu'il ne peut aujourd'hui imputer à faute à Invensys le fait de n'être parvenu à aucun accord avec les autres sociétés de services qu'il a approchées au nombre de cinq avancé par Infor Global Solutions et non démenti , alors qu'il ne donne pas les raisons pour lesquelles les démarches accomplies auprès de plusieurs de ces sociétés n'ont pas abouties; que s'agissant de Anteor, LFB fait grief à Invensys d'avoir interféré de façon préjudiciable pour lui; que celle-ci fait néanmoins remarquer à juste titre d'une part, que LFB a pris contact avec cette société pour une 'overview' de Protean 4 et, d'autre part, qu'à la date de ce contact, au mois de juin 2003, elle avait été chargée par LFB de réaliser un user requirements specifications (URS) en vue de l'intégration du progiciel pour laquelle elle lui avait proposé de l'assister au mois de mars 2003, ce qu'il avait accepté;
Considérant que l'obligation de conseil qui pèse sur le fournisseur de progiciel ne peut s'étendre, sous réserve de dispositions contractuelles contraires, à l'obligation de fournir la liste des sociétés de services susceptibles d'effectuer les opérations d'intégration du progiciel, objet de la licence d'utilisation; que LFB n'établit ni même ne prétend que Wonderware, devenue Invensys, a manqué à son devoir de conseil en ne le renseignant pas suffisamment ni sur le matériel ni sur la formation du personnel ou en s'abstenant de lui fournir une information complète et la documentation afférente au progiciel Protean; que pas plus n'est-il démontré par LFB que le fournisseur a failli à son obligation de délivrance, s'agissant d'un contrat de licence de progiciel qui n'incluait pas l'implémentation de celui-ci, laquelle devait faire l'objet d'un contrat d'intégration distinct; qu'il n'est pas soutenu par LFB que ce progiciel ne répondait pas aux spécifications contractuelles et aux besoins qu'il avait exprimés; que Invensys pris en sa qualité d'éditeur du progiciel n'a donc pas engagé sa responsabilité sur le fondement de ses obligations de conseil et de délivrance;
Considérant que Invensys a proposé à LFB, au printemps 2003, de réaliser un user requirements specifications (URS) en vue de l'intégration du progiciel que celui-ci accepta en formant une demande de chiffrage de l'offre d'intégration; que le 20 juin 2003, LFB passa commande à Invensys de la rédaction de ce document pour la somme de 25.000 €, laquelle n'attira aucune critique de sa part; que, par la suite, LFB passa commande à Invensys le 17 décembre 2003 de prestations consistant dans la réinstallation de Protean, une formation Protean et un plan maître de validation pour la somme totale de 88.600 €; qu'au mois de mars 2004, soit un an après l'offre d'assistance à l'intégration, fut soumise à LFB une offre de réalisation d'un prototype en préalable à l'intégration du progiciel Protean; que le pilote devait être engagé avant la fin de l'année 2004 comme cela résulte du courriel adressé par Invensys à LFB le 17 décembre 2003; que ce document a été refusé par LFB au motif, que la lecture de ce projet permet de vérifier, qu'il était basé essentiellement sur la méthodologie de validation; que LFB détaillait les raisons de son rejet dans une lettre adressée à SSA Global le 21 février 2005, laquelle constituait une réponse à une précédente lettre de cette dernière du 13 décembre 2004 qui faisait elle-même suite à une réunion du 23 novembre 2004, en faisant observer que la proposition ne décrivait pas les fondamentaux d'une organisation projet; qu'il citait à titre d'exemple 'l'absence de matrice de responsabilités listant les principales tâches du projet, attribuant aux acteurs leurs rôles (acteurs, responsables, valideurs...) et décrivant les livrables associés à chaque phase'; que cette proposition, d'une grande généralité comme le relève à juste titre LFB et dépourvue d'un contenu technique précis, ne pouvait satisfaire celui-ci qui a ainsi été contraint de renoncer, pour ces justes motifs, à son projet d'intégration du progiciel Protean ;
Considérant que Invensys et Infor Global Solutions soutiennent que l'échec du projet d'intégration du progiciel Protean est exclusivement imputable à LFB qui aurait décidé, dès la fin de l'année 2003, d'abandonner le projet Protean au profit d'un nouveau projet comme cela résulterait d'un article du 'Supply Chain Magazine';
Mais considérant que non seulement cet article fait état d'une sélection du nouvel éditeur au mois de mars 2004 mais en outre LFB produit un extrait du journal interne 'Repères' du LFB des mois de janvier-février 2004 où l'on peut lire le passage suivant:
'Les grandes phases du projet
Une équipe, mobilisée pour la réalisation d'un prototype, est actuellement en formation sur l'outil Protean.
Ce grand projet transversal a été présenté aux CE des deux sites fin 2003.';
Que ces propos démentent l'affirmation des sociétés Invensys et Infor Global Solutions tendant à imputer à LFB l'échec du projet d'intégration;
Considérant que l'incapacité de Invensys Holding France, pris en sa qualité de prestataire de services, de mener à bien la mise en place du progiciel Protean a causé à LFB un préjudice dont elle doit réparation; que ce préjudice consiste dans le retard apporté à la mise en place du progiciel qui a échoué un an après l'offre d'intégration proposée par Invensys, dans la perte de temps consacré à la formation des futurs utilisateurs de Protean au sein de LFB et dans les dépenses engagées par celui-ci depuis l'acceptation de cette offre au printemps 2003 à l'exception du coût du plan maître de validation et des prestations de formation que celui-ci n'a pas réglés; que ne peuvent pas plus être pris en compte au titre de ce préjudice les frais engagés par LFB auprès de Schlumberger Sema alors qu'aucune faute engageant la responsabilité d'Invensys n'a été retenue de ce chef et qu'au surplus LFB ne produit aucun élément justifiant des frais restés à sa charge après la transaction qu'il a signée avec cette société ; qu'il sera alloué à LFB la somme de 50.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de ce préjudice, somme à laquelle Invensys Holding France sera condamnée et qui portera intérêts au taux légal à compter du 1er février 2006, date de l'assignation devant le tribunal;
Sur la demande reconventionnelle de Infor Global Solutions
Considérant que le projet d'intégration ayant échoué comme il vient d'être dit du fait de la carence de Invensys, Infor Global Solutions, qui vient aux droits de Invensys suite à la cession des éléments du fonds de commerce de cette société le 30 juin 2004, cession qu'elle a signifiée par voie de conclusions à LFB qui en a eu ainsi valablement connaissance, est mal fondée à réclamer le payement de la formation vainement dispensée; que sa demande sera donc rejetée;
Sur l'appel en garantie
Considérant que Invensys holding France sollicite la garantie de Infor Global Solutions au regard de la cession intervenue le 30 juin 2004; que celle-ci s'y oppose faisant une interprétation différente des termes de la cession se rapportant à la reprise des passifs;
Considérant que l'article 3 de l'acte de cession stipule que 'sauf indication contraire visée par cet Accord, l'AcquéreurFrançais reprendra et dégagera le vendeur Français de tous les passifs et obligations suivants du vendeur français : (i) les éléments énumérés à l'Annexe 2.6 du contrat d'Acquisition d'Actifs et (ii) les passifs et obligations relatifs à l'exploitation du Fonds de Commerce Français ou aux Actifs français contractés au jour et après la date du présent Accord, autres que les dettes fournisseurs et les effets à payer relatifs au Fonds de Commerce français et les autres dettes échues (...)';
Considérant que l'acte de cession a été signé le 30 juin 2004; qu'à cette date, la formation du personnel de LFB n'était pas achevée et a été poursuivie par Infor Global Solutions à la suite de la cession comme l'affirme elle-même cette société dans ses écritures et comme cela ressort de la facture du 12 octobre 2004 qu'elle a adressée à LFB et portant sur des prestations de formation réalisées par elle au mois de juillet 2004; que le litige ne s'est noué qu'à partir du moment où LFB a fait connaître sa décision à SSA Global, au cours de la réunion du 23 novembre 2004, de ne pas poursuivre l'implémentation du progiciel Protean et de lui réclamer une contrepartie financière avant de l'assigner aux côtés des sociétés Invensys devant le tribunal de commerce par acte du 1er février 2006; qu'il s'ensuit que la condamnation au payement de dommages-intérêts prononcée aujourd'hui relève du passif né postérieurement à la cession du 30 juin 2004 et que Infor Global Solutions sera tenue de garantir Invensys holding France des condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci dans le cadre du présent litige;
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Considérant qu'il y a lieu de condamner Invensys Holding France à payer à LFB la somme de 10.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, les demandes formées du même chef par les sociétés Invensys et Infor Global Solutions étant rejetées; que Invensys Holding France sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel;
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement sauf en ce qu'il a dit recevable la société Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies dans son action à l'encontre des sociétés Invensys et a ordonné la capitalisation des intérêts,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Condamne la société Invensys Holding France à payer à la société Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies la somme de 50.000 € à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter du 1er février 2006 ainsi que celle de 10.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Infor Global Solutions à garantir la société Invensys holding France des condamnations prononcées à son encontre,
Rejette toutes autres demandes,
Condamne la société Invensys Holding France aux dépens de première instance et d'appel lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Véronique GAUCI Fabrice JACOMET