Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 6
ARRÊT DU 05 AVRIL 2012
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/28712
Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Novembre 2009 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 06/15082
APPELANT
Monsieur [S] [X] [F]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Représentant : Me Brigitte MARSIGNY, avocat au barreau de Seine -Saint-Denis, toque : PB 179
Assisté de : Me Cécile SU, se substituant à Me Brigitte MARSIGNY, avocat au barreau de SEINE SAINT DENIS, toque : PB179
INTIMÉE
SA LE CRÉDIT LYONNAIS, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentant : SELARL HJYH (Me Patricia HARDOUIN), avocat au barreau de Paris, toque : L0056
Assistée de : Me Frédéric LEVADE de la AARPI CHAIN (avocat au barreau de PARIS, toque : P0462)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 13 Février 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente
Madame Caroline FEVRE, Conseillère
Madame Muriel GONAND, Conseillère
qui en ont délibéré
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de Procédure Civile.
Greffier, lors des débats : M. Sébastien PARESY
ARRÊT :
- contradictoire
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente et par M. Sébastien PARESY, greffier présent lors du prononcé.
**************
Par jugement rendu le 24 novembre 2009, le tribunal de grande instance de Paris a débouté Monsieur [F] de toutes ses demandes et l'a condamné à payer à la banque LCL, ci-après le CREDIT LYONNAIS, la somme de 106.333 euros, avec intérêts au taux contractuel de 4,89% l'an sur 76.224,50 euros à compter du 11 janvier 2008, a rejeté toutes autres demandes et a condamné Monsieur [F] aux dépens.
Par déclaration remise au greffe de la Cour le 23 décembre 2009, Monsieur [F] a interjeté appel de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 3 février 2012, Monsieur [F] demande à la Cour:
- d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- de dire que le CREDIT LYONNAIS est responsable de ses difficultés bancaires,
- de condamner le CREDIT LYONNAIS à lui payer:
- la somme de 2.000 euros du fait de l'absence d'établissement d'un écrit à l'ouverture du PEA, en violation des dispositions du Code monétaire et financier,
- la somme de 2.530 euros du fait de l'absence d'établissement et de transmission du bordereau légal d'information réglementaire, en violation des dispositions du Code général des impôts,
- la somme de 135.207,49 euros au titre de la différence vérifiée entre la valeur initiale du PEA et sa valeur de clôture, du fait de la violation du mandat de gestion sécurisée ou à tout le moins du fait de la gestion fautive et négligente en violation des dispositions de la loi du 2 juillet 1996,
- la somme de 123.256,22 euros au titre de la perte subie en moins de six mois sur le compte n°[XXXXXXXXXX05] du fait des placements effectués à la seule initiative du CREDIT LYONNAIS en toute violation de ses, alors qu'il n'y a jamais consenti,
- la somme de 33.232,14 euros au titre de la perte de valeur de l'assurance-vie du fait du manquement grave du CREDIT LYONNAIS à l'obligation de conseil et de la proposition de montage financier voué à l'échec,
- la somme de 1.500 euros au titre de la perte de chance résultant du manquement du CREDIT LYONNAIS à son obligation de rendre compte,
- à titre subsidiaire, de fixer son préjudice pour chacun des postes de préjudice, si la cour considère que le CREDIT LYONNAIS n'était pas intégralement responsable malgré ses manquements fautifs répétés,
- en tout état de cause, d'ordonner la compensation des sommes avec le solde restant dû au CREDIT LYONNAIS au titre du premier prêt in fine,
- de condamner le CREDIT LYONNAIS à lui verser la somme de 20.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Dans ses dernières écritures signifiées le 2 février 2012, le CREDIT LYONNAIS demande à la Cour:
- de dire mal fondé l'appel interjeté par Monsieur [F],
- vu l'article 564 du Code de procédure civile,
- de dire irrecevable la demande de dommages et intérêts de Monsieur [F] au titre du compte n°[XXXXXXXXXX05] à hauteur de 123.256,22 euros,
- vu l'article 9 du Code de procédure civile, de débouter Monsieur [F] de sa demande de ce chef,
- de débouter Monsieur [F] de toutes ses demandes,
- de confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- y ajoutant de dire que les intérêts échus pour une année entière seront capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du Code civil,
- de condamner Monsieur [F] à payer la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens.
SUR CE
Considérant que Monsieur [F] expose essentiellement qu'ayant vendu un bien immobilier pour une somme supérieure à 600.000 euros, il a placé une large partie de cette somme auprès du CREDIT LYONNAIS où il avait son compte; qu'il a souscrit dans un premier temps un contrat d'assurance-vie le 27 juin 1997, qu'il a contracté le 23 novembre 1999 un prêt de 76.224,51 euros d'une durée de 84 mois remboursable in fine, puis le 24 juillet 2000 un second prêt de 30.489,80 euros d'une durée de 36 mois, remboursable in fine et qu'il a apporté son contrat d'assurance-vie en garantie de ces prêts; qu'en mai 2000 il a signé un mandat de gestion individualisé sur son PEA; que par lettre du 18 décembre 2000, il a mis un terme au mandat de gestion et a réclamé le transfert de ses avoirs à l'agence du CREDIT LYONNAIS TOP TRADES; qu'en 2004 il a été contraint de procéder à la clôture de son PEA du fait de l'absence de bordereau légal d'information réglementaire;
Considérant que c'est dans ce contexte que Monsieur [F] a assigné le CREDIT LYONNAIS le 13 octobre 2006 en paiement de dommages et intérêts, en invoquant la responsabilité contractuelle de la banque à raison des différents fautes qu'elle aurait commises et que le jugement déféré a été rendu;
- Sur l'absence d'établissement d'un écrit à l'ouverture du PEA en violation des dispositions du Code monétaire et financier:
Considérant que Monsieur [F] soutient que le CREDIT LYONNAIS a procédé en 1988 à l'ouverture d'un PEA en violation des dispositions du décret du 17 août 1992 qui prévoit un contrat écrit;
Considérant que Monsieur [F] ne verse aux débats aucun document justifiant l'ouverture d'un PEA en 1988 et qu'il ne rapporte donc pas la preuve de l'existence d'un PEA avant celui ouvert en 1993;
Que sa demande sur ce fondement doit être rejetée;
- Sur l'absence d'établissement et de transmission du bordereau légal d'information réglementaire, en violation des dispositions du Code général des impôts:
Considérant que Monsieur [F] prétend qu'aucun bordereau n'a pu être communiqué lors des transferts du PEA sollicités en 1999, en 2000, en 2001, en 2003 et en 2004 et que chaque demande de transfert s'est soldée par la clôture du PEA initial et l'ouverture d'un nouveau PEA;
Considérant qu 'il ressort des pièces produites que Monsieur [F] a demandé le transfert de son PEA ouvert en 1993, les 23 novembre 1999, 24 décembre 2000, 20 juillet 2003, 5 juillet 2004;
Considérant que le CREDIT LYONNAIS produit une télécopie adressé à son agence d'[Localité 6] le 12 mai 2005 dans laquelle il indique qu'il a rassemblé tous les éléments permettant de réhabiliter le PEA de Monsieur [F] ouvert au CREDIT LYONNAIS le 02/07/93, tout en sachant que les deux établissements par lesquels le compte PEA de Monsieur [F] a transité n'ont pas fourni le bordereau d'information exigible lors du transfert et qu'à défaut il établit un bordereau rectificatif à l'attention de l'UBP, banque en faveur de laquelle le PEA a été transféré en juillet 2004;
Considérant que Monsieur [F] n'établit pas que le CREDIT LYONNAIS n'a pas transmis le bordereau mentionné dans cette lettre à l'UBP;
Considérant que Monsieur [F] ne démontre donc pas que le transfert de son PEA n'a pu être réalisé suite à l'envoi de ce document; qu'en tout état de cause il ne justifie pas avoir subi un préjudice résultant du défaut d'établissement du bordereau allégué;
Qu'il doit être débouté de sa demande de ce chef;
- Sur la violation des mandats de gestion:
Considérant que Monsieur [F] soutient que le CREDIT LYONNAIS n'aurait pas respecté les mandats de gestion, signés les 28 mars et 24 mai 2000 pour son PEA et son compte titres, en pratiquant une gestion dynamique au lieu d'une gestion sécurisée et que son portefeuille titres et son PEA ont subi une perte de valeur importante;
Considérant que le 28 mars 2000, Monsieur [F] a signé un mandat de gestion individualisé sur son PEA qui ne mentionne pas le mode de gestion choisi; que le mandat de gestion du portefeuille titres du 24 mai 2000 fait référence au mandat de gestion du PEA;
Considérant qu'il est indiqué dans le jugement déféré que Monsieur [F] a précisé dans son exploit introductif d'instance qu'il avait opté pour un mode dynamique;
Considérant que Monsieur [F] produit lui-même des relevés de patrimoine mentionnant en gros caractères que le compte était sous mandat, option dynamique; qu'il a reçu ces relevés dès le 31 mars 2000 pour son compte PEA n°[XXXXXXXXXX02] et le 30 juin 2000 pour son compte titre n°[XXXXXXXXXX01];
Considérant que Monsieur [F] n'a émis ni réserves ni protestations à réception de ces relevés;
Considérant qu'il est ainsi établi que le mode de gestion dynamique des deux comptes a été effectué par le CREDIT LYONNAIS en accord avec Monsieur [F];
Considérant par ailleurs que Monsieur [F] se prévaut d'un préjudice correspondant à la différence entre la valeur initiale du PEA et sa valeur de clôture en août 2004;
Considérant que Monsieur [F] a dénoncé ses mandats le 18 décembre 2000 et que la banque n'a ainsi exécuté les mandats que jusqu'à la fin de l'année 2000;
Que Monsieur [F] ne peut imputer la perte évaluée en 2004 à l'exécution du mandat pendant quelques mois en 2000, alors que cette seule période n'a pu déterminer l'évolution enregistrée les années suivantes marquées par une crise boursière;
Considérant que Monsieur [F] ne démontre donc pas que le préjudice allégué est la conséquence de la gestion du CREDIT LYONNAIS; qu'il doit être débouté de sa demande de ce chef;
- Sur la gestion fautive du compte n°[XXXXXXXXXX05]:
Considérant que Monsieur [F] soutient que le CREDIT LYONNAIS a effectué des placements à sa seule initiative en violation de ses droits, qu'il n'y a jamais consenti et qu'il a subi une perte en moins de six mois sur le compte n°[XXXXXXXXXX05]:
Considérant que le CREDIT LYONNAIS soulève l'irrecevabilité de cette demande en application de l'article 564 du Code de procédure civile, au motif que ce compte n'a jamais été dans les débats de première instance;
Considérant que Monsieur [F] n'ayant pas invoqué de faute du CREDIT LYONNAIS dans la gestion de ce compte en première instance, ne peut soutenir que sa demande tend aux mêmes fins que celles formulées devant le tribunal;
Considérant en conséquence que cette demande nouvelle en appel doit être déclarée irrecevable;
- Sur le manquement aux obligations de conseil et de mise en garde:
Considérant que Monsieur [F] prétend qu'il n'est pas un client averti et que la banque devait l'informer sur les risques d'une gestion dynamique du contrat d'assurance et du PEA;
Considérant que Monsieur [F] a exercé des fonctions de responsabilité dans plusieurs sociétés, qu'il prétend avoir ouvert un premier PEA dès l'année 1988 et qu'il est établi qu'il a ouvert un PEA auprès de la banque CORTAL le 2 juillet 1993;
Considérant qu'il a souscrit le 4 novembre 1999 une convention de services multimédia 'CREDIT LYONNAIS interactif' permettant de gérer en direct ses actifs et son portefeuille;
Qu'il ressort des relevés de la Banque CORTAL datés du 30 novembre 1999 que Monsieur [F] avait souscrit différents titres en direct et mêmes des warrants;
Que par lettre du 14 décembre 1999, il écrivait au CREDIT LYONNAIS en lui envoyant des relevés de ses titres en portefeuille, dans le but de le guider pour les prochains investissements en précisant 'car vous pourrez tenir compte de mes positions sur le marché. Par ailleurs j'ai une offre de 'FERRI' qui me paraît intéressante relative à la gestion et conseils, notamment en ce qui concerne les lignes de warrants. Quelles sont vos possibilités de service dans ce domaine'';
Considérant que par lettre du 18 décembre 2000, Monsieur [F] a dénoncé les mandats de gestion du CREDIT LYONNAIS concernant le PEA et le compte titres, à compter du 2 janvier 2001, en précisant qu'il allait gérer lui-même ces comptes à partir de TOP TRADES;
Considérant qu'il est ainsi établi par ces éléments que Monsieur [F] est un investisseur averti;
Considérant que lors de l'adhésion au contrat d'assurance-vie, Monsieur [F] a choisi la gestion dynamique, alors qu'il était informé, par les conditions générales valant note d'information, qu'il avait le choix entre quatre types de gestion: 'Dynamique, Equilibre, Monétaire et Obligataire';
Considérant que lors de la signature des mandats de gestion, Monsieur [F] a été informé par la remise du document intitulé 'la gestion individualisée du portefeuille au CREDIT LYONNAIS' des différents options de gestion du portefeuille: 'allocation dynamique, allocation équilibrée, allocation sécurité' et qu'il est indiqué pour l'allocation dynamique: 'recherche d'une croissance du capital par des investissements effectués en valeurs de tous pays faisant une large place aux supports actions';
Qu'il est également fait mention dans ce document du risque en matière d'investissements et de la corrélation entre le risque et la rentabilité; qu'il est rappelé que les espoirs de gain sont d'autant plus élevés que l'investissement support présente un risque;
Considérant dans ces conditions que Monsieur [F] est mal fondé à invoquer un manquement de la banque à son devoir de conseil;
Considérant que Monsieur [F] reproche par ailleurs au CREDIT LYONNAIS de lui avoir proposé un montage voué à l'échec depuis l'origine, consistant dans l'adossement de ses prêts au contrat d'assurance-vie;
Mais considérant que le premier prêt a été souscrit plus de deux ans après l'adhésion au contrat d'assurance-vie; que Monsieur [F] ne peut sérieusement prétendre qu'il était prévu lors de cette adhésion que le contrat d'assurance-vie servirait à rembourser les futurs crédits consentis;
Considérant en conséquence que Monsieur [F] doit être débouté de sa demande à ce titre;
- Sur l'obligation de rendre compte:
Considérant que Monsieur [F] fait valoir que depuis 2004, il a cessé de recevoir les relevés des comptes dont il est titulaire auprès du CREDIT LYONNAIS d'Arcachon malgré les mises en demeure adressées;
Considérant que Monsieur [F] n'établit pas avoir adressé des mises en demeure au CREDIT LYONNAIS d'Arcachon à ce sujet; qu'il ne rapporte donc pas la preuve de ses allégations et doit être débouté de ce chef de prétention;
- Sur la demande reconventionnelle du CREDIT LYONNAIS:
Considérant que Monsieur [F] ne remet pas en cause la condamnation prononcée à son encontre au profit du CREDIT LYONNAIS; que le jugement doit être confirmé de ce chef;
Que le jugement sera par ailleurs confirmé en ce qu'il a rejeté la demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et a condamné Monsieur [F] aux dépens;
Considérant que la capitalisation des intérêts est de droit à compter de la demande judiciaire qui en est formée et dès lors qu'il s'agit d'intérêts dus au moins pour une année entière; qu'il convient d'ordonner cette capitalisation des intérêts à compter de la demande formulée dans les conclusions signifiées le 13 janvier 2011, dans les conditions de l'article 1154 du Code civil;
Considérant que l'équité n'impose pas de faire application en appel de l'article 700 du Code de procédure civile au profit du CREDIT LYONNAIS;
Considérant que Monsieur [F], qui succombe, supportera ses frais irrépétibles et les dépens d'appel;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.
Y ajoutant,
Déclare Monsieur [F] irrecevable en sa demande au titre du compte n°[XXXXXXXXXX05].
Ordonne la capitalisation des intérêts dus pour une année entière à compter du 13 janvier 2011, dans les conditions de l'article 1154 du Code civil.
Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Déboute les parties de toutes autres demandes.
Condamne Monsieur [F] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Le Greffier Le Président