Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 4
ARRET DU 4 AVRIL 2012
(n° 113 , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/21615
Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Octobre 2010
Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2009009493
APPELANTE
S.A. HSBC FRANCE
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
[Adresse 1]
[Localité 5]
Rep/assistant : Me François TEYTAUD (avocat au barreau de PARIS, toque : J125)
assistée de Me Frédéric DUBERNET, avocat au barreau de PARIS - toque C924
plaidant pour la SCP Didier SALLIN, avocat
INTIMES
Monsieur [B] [O]
[Adresse 2]
[Localité 6]
Madame [X] [T]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Rep/assistant : Me Frédéric INGOLD (avocat au barreau de PARIS, toque : B1055)
assistés de Me Nicole BENZEKRI, avocat au barreau de TOULOUSE
plaidant pour la SCP WILNER, avocat
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 février 2012 , en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur ROCHE, président.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. ROCHE, président
M. VERT, conseiller
Mme LUC, conseiller
Greffier lors des débats Mme CHOLLET
ARRET
- contradictoire
- prononcé publiquement par M. ROCHE, président
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. ROCHE, président et Mme CHOLLET, greffier.
LA COUR,
Vu le jugement du 19 octobre 2010 par lequel le Tribunal de Commerce de Paris a :
- condamné Madame [X] [T] à payer à la SA HSBC FRANCE la somme de 39.897,85 euros, avec intérêts au taux de 5,20 % à compter du 5 novembre 2008 et à payer à la SA HSBC FRANCE la somme de 114.690,80 euros avec intérêts au taux légal à compter du 5 novembre 2008,
- condamné Monsieur [B] [O] à payer à la SA HSBC FRANCE la somme de 47.782,80 euros avec intérêts au taux légal à compter du 5 novembre 2008,
- condamné la SA HSBC FRANCE à payer une somme de 154.588, 65 euros à Madame [X] [T] et de 47.787,82 euros à Monsieur [O] à titre de dommages et intérêts,
- ordonné la compensation judiciaire entre les obligations réciproques d'une part de la SA HSBC FRANCE et de Madame [X] [T] et d'autre part de la SA HSBC FRANCE et de Monsieur [B] [O], à hauteur de la créance la plus faible,
- condamné la SA HSBC FRANCE à payer à Madame [X] [T] et Monsieur [B] [O] la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Vu l'appel interjeté le 5 novembre 2010 par la société HSBC FRANCE et ses conclusions enregistrées le 30 janvier 2010 ;
Vu les conclusions de M. [O] et de Mme [T] du 6 février 2012 ;
SUR CE,
Considérant qu'il résulte de l'instruction les faits suivants :
Madame [X] [T] et Monsieur [B] [O] sont tous deux cogérants de la SARL CAP TRANSIT INTERNATIONAL, société de déménagement et de stockage de meubles. Le 20 décembre 2005, la société CAP TRANSIT INTERNATIONAL a ouvert un compte courant auprès de HSBC France avec une autorisation de découvert à durée indéterminée portée à 50 000 euros au mois de juin 2007.
Le 29 décembre 2006, la société HSBC France a consenti à la société CAP TRANSIT INTERNATIONAL un crédit de trésorerie de 100 000 euros remboursable en 20 trimestrialités. Ce prêt était garanti par la caution solidaire de Madame [X] [T] à hauteur de 60 000 euros maximum couvrant le paiement à concurrence de 50% des sommes dues à la banque par la société CAP TRANSIT INTERNATIONAL.
Le 24 janvier 2008, la société HSBC France a accepté de porter temporairement le découvert autorisé à la somme de 220 000 euros, et ce, jusqu'au 30 avril 2008. En garantie de ce découvert et pour sa durée, le 23 janvier 2008, Madame [T] d'une part, Monsieur [O] d'autre part, se sont portés, chacun et par actes séparés, cautions solidaires de tous les engagements de la société CAP TRANSIT INTERNATIONAL, respectivement à hauteur de 120 000 et de 50 000 euros, pour une durée expirant au 30 avril 2008.
La société CAP TRANSIT INTERNATIONAL n'aurait pas respecté ses engagements de réduction de son découvert ce qui a conduit HSBC France à dénoncer les autorisations de découvert et à prononcer la déchéance du terme du prêt, en septembre 2008, les échéances du prêt étant restées impayées début juillet 2008. La société CAP TRANSIT INTERNATIONAL était alors déclarée en redressement judiciaire par jugement rendu le 6 novembre 2008 par le Tribunal de Commerce de Paris et, par jugement en date du 5 mars 2009, le même Tribunal prononçait la liquidation judiciaire de la société.
Au jour du jugement déclaratif, CAP TRANSIT INTERNATIONAL se serait révélée débitrice de HSBC France pour un montant de 316 230,60 euros et cette dernière s'est déclarée fondée à solliciter la condamnation de Mme [T] à lui payer la somme de 39 897,85 euros au regard du prêt de 100 000 euros, ainsi que la condamnation de Madame [T] à lui payer la somme de 120 000 euros, outre intérêts, et celle de Monsieur [O] à lui payer la somme de 50 000 euros, outre intérêts, au titre du solde débiteur du compte courant, ce que contestent les deux cautions au motif que leur cautionnement serait dépourvu de cause.
Par acte du 6 février 2009, la société HSBC France a assigné Mme [T] et M. [O] afin d'obtenir le paiement du solde en compte courant ainsi que le solde du prêt initial. Mme [T] et M. [O] ont formé une demande reconventionnelle afin de faire débouter la société HSBC de l'intégralité de ces demandes et dire que cette dernière était responsable pour partie de la situation déficitaire de la société débitrice, en raison des manquements à l'obligation de professionnel diligent.
C'est dans ces conditions de fait et de droit qu'est intervenu le jugement présentement déféré.
SUR LA VALIDITE DES CAUTIONNEMENTS
Considérant qu'il convient, tout d'abord, de donner acte à la banque de ce qu'elle réduit de 20 000 euros le montant de sa créance initialement déclarée à hauteur de 316.230,62 euros;
Considérant, en deuxième lieu, que les intimés soutiennent que les cautionnements seraient nuls car disproportionnés par rapport à leurs ressources et patrimoines ;
Considérant, toutefois, qu'il sera relevé que Mme [T] et M. [O] disposaient de ressources et de patrimoines suffisants ; qu'en effet, s'agissant de Mme [T], celle-ci avait, à la date du cautionnement litigieux, déclaré un revenu annuel, hors gratifications selon résultat, de 90 000 euros ; qu'elle était propriétaire de 495 des 500 parts constituant le capital social de la société CAP TRANSIT INTERNATIONAL, laquelle avait au 31 décembre 2006 un chiffre d'affaires de 3.411.239 euros et un résultat net de 101.080 euros ; qu'elle détenait 50 % du capital de la SARL MARINE CONTINENTAL, constituée le 18 juillet 2007 (soit avant le cautionnement du 23 janvier 2008), dont elle était cogérante, ce qui constitue élément de patrimoine (parts sociales) et source de revenus (dividendes);
qu'enfin, elle détenait 50 % des parts sociales de la Société Civile Immobilière JMC constituée le 22 décembre 2006, soit antérieurement aux deux cautionnements ; qu'ensuite, s'agissant de M. [O], celui-ci avait déclaré des revenus annuels d'un montant global de 75.000 euros (soit un salaire de 25.000 euros, gratifications annuelles de 25.000 euros, chiffre d'affaires de 8.000 euros et revenus immobiliers de 6.000 euros) ; qu'il était propriétaire, avec son épouse, d'un immeuble sis à [Localité 6] acquis le 16 mai 2003 pour un montant de 355.206 euros dont 183.000 euros résultant d'un prêt consenti par la BANQUE DE BRETAGNE; qu'il détenait, comme Mme [T], 50 % des parts sociales de la Société civile immobilière JMC dont il était le gérant lors du cautionnement ; qu'il détenait également une partie du capital de la SARL LE DAMIER dont il était le gérant ; qu'il disposait, enfin, de 4080 sur les 8.000 parts constituant la capital de la SARL ERFI, ce qui constituait également élément de patrimoine et source de revenus ; qu'en conséquence, les cautionnements souscrits par les intimés doivent être regardés comme n'étant pas disproportionnés par rapport aux ressources et liens de ces derniers; que, par ailleurs, la Cour fait sien le mode de calcul retenu par les Premiers Juges pour arrêter les condamnations prononcées à l'encontre des intimés ;
SUR LA RESPONSABILITE DE LA BANQUE
Considérant qu'il ressort de l'instruction que si la société CAP TRANSIT INTERNATIONAL a connu une forte croissance dans les trois ans précédant sa liquidation et si sa structure financière était caractérisée par un montant de fonds propres s'accroissant en fonction des résultats non distribués et couvrant le montant des valeurs immobilisées, il sera néanmoins observé - ainsi que les Premiers Juges l'ont pertinemment relevé - que la décomposition de l'endettement d'origine bancaire démontrait que celui-ci était essentiellement à court terme, ce qui témoignait en tout état de cause d'une particulière vulnérabilité et fragilité financières à l'égard des établissements bancaires ; que l'appelante a ainsi participé à l'inadéquation de concours bancaires mis en place pour accompagner la croissance de la société CAP TRANSIT INTERNATIONAL ; que, par ailleurs, après avoir autorisé une augmentation temporaire du découvert bancaire consenti de 50.000 à 220.000 euros jusqu'au 30 avril 2008, elle a accepté l'échéancier de remboursement proposé par l'entreprise sans s'interroger sur la plausibilité financière de l'opération pour l'entreprise avant de dénoncer l'ensemble de ses concours ; qu'en apurant ainsi ceux-ci sans proposer de mesures de restructuration à la société créditée, alors qu'elle ne pouvait ignorer la fragilité structurelle sus rappelée de cette dernière et après qu'elle lui eût elle-même accordé un crédit excessif compte tenu des capacités financières de l'intéressée, la banque HSBC doit être regardée comme ayant ainsi directement méconnu son obligation de conseil et de mise en garde vis-à-vis de la société CAP TRANSIT INTERNATIONAL, ainsi que des intimés, dont la seule qualité de 'cogérants' de cette dernière ne saurait suffire à en faire des professionnels avertis ; que l'appelante a, de la sorte, commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; que la Cour fait sienne l'évaluation du préjudice en résultant à laquelle ont procédé les Premiers Juges et correspondant au montant en capital des cautions appeléEs ; que ledit préjudice sera, dès lors, justement réparé par le paiement de dommages-intérêts de 154.588,65 euros à Mme [T] et de 47.787,82 euros à M. [O];
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris ;
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement entrepris,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes respectives,
Laisse à chacune des parties la charge des dépens exposés en cause d'appel,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT