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29/03/2012 | FRANCE | N°10/06389

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 29 mars 2012, 10/06389


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 29 Mars 2012

(n° 12 , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/06389



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Juillet 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS - Section COMMERCE - RG n° 08/04241





APPELANTE

Madame [P] [H]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Valérie LANES, avocat au barreau de PARIS, toque

: C2185

substitué par Me Agnès CITTADINI, avocat au barreau de PARIS, toque : C2185







INTIMÉE

SARL EUDE COLONNA D'ISTRIA

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Philip...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 29 Mars 2012

(n° 12 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/06389

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Juillet 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS - Section COMMERCE - RG n° 08/04241

APPELANTE

Madame [P] [H]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Valérie LANES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2185

substitué par Me Agnès CITTADINI, avocat au barreau de PARIS, toque : C2185

INTIMÉE

SARL EUDE COLONNA D'ISTRIA

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Philippe MOUGEOTTE, avocat au barreau de PARIS, toque : E 157

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Février 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marthe-Elisabeth OPPELT-REVENEAU, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Renaud BLANQUART, Président

Madame Marthe-Elisabeth OPPELT-REVENEAU, Conseillère

Madame Anne DESMURE, Conseillère

Greffier : Madame Violaine GAILLOU, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Renaud BLANQUART, Président et par Mme Violaine GAILLOU, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure

Mme [P] [H] a été engagée par la Sarl Eude Colonna d'Istria , administrateur de biens, en qualité de secrétaire à compter du 13 mai 2002. Sa rémunération brute mensuelle moyenne s'est élevée en dernier lieu à 3 417,21 €.

Elle a été placée en arrêt de travail, le 13 novembre 2007, par son médecin traitant pour une durée de 12 jours, avec prolongations successives, de mois en mois, jusqu'au 29 février 2008.

Une altercation a eu lieu entre Mme [H] et l'employeur le 13 novembre 2007, à la suite de laquelle, par lettre du 16 novembre 2007, un avertissement lui a été notifié, dont elle a contesté les termes, par lettre en réponse du 3 décembre 2007.

Le 21 décembre 2007, le médecin du travail l'a déclarée inapte temporaire jusqu'à nouvel avis médical, puis le 4 janvier 2008, 'inapte à la reprise de manière totale et définitive à son poste. Pas de reclassement à prévoir dans l'entreprise. A revoir dans 15 jours' et le 21 janvier 2008 'inapte de manière totale et définitive à son poste de travail et à tout poste dans l'entreprise, apte à un poste de secrétaire dans un autre entreprise'.

Convoquée, le 5 février 2008, à un entretien préalable fixé au 19 février 2008, Mme [H] a été, le 22 février 2008, licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

L'entreprise compte moins de 10 salariés.

La relation de travail est régie par les dispositions de la convention collective de l'immobilier.

Contestant son licenciement et l'estimant nul, en application des articles L1132-1, R4624-1 et R4624-31 du code du travail, Mme [H] a saisi le conseil des Prud'Hommes de Paris d'une demande tendant, en dernier lieu, au paiement d'un complément d'indemnité de licenciement, des indemnités de rupture, d'une indemnité pour licenciement nul et subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse, d'un rappel de salaire (13ème mois), outre la remise des documents sociaux conformes, une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile, les intérêts au taux légal capitalisés, le tout avec exécution provisoire. A titre reconventionnel, la Sarl Eude Colonna d'Istria a réclamé le paiement d'une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par décision en date du 8 juillet 2010, le conseil des Prud'Hommes, en sa formation de départage, a considéré valable et fondé sur une cause réelle et sérieuse, le licenciement de Mme [H] .

Il a condamné l'employeur à payer à Mme [H] la somme de 267,74 € à titre de reliquat sur indemnité de licenciement et débouté Mme [H] de toutes ses autres demandes, en laissant à chacune des parties la charge de ses propres dépens.

Mme [H] a fait appel de cette décision, dont elle sollicite l'infirmation. Elle demande à la cour de juger son licenciement nul, et subsidiairement sans cause réelle et sérieuse et de condamner la Sarl Eude Colonna d'Istria à lui payer les sommes suivantes :

- 6 834,42 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 683,44 € au titre des congés payés afférents

- 410,11 € à titre de complément d'indemnité conventionnelle

- 50 000 € à titre d'indemnité pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse

- 1 016,32 € à titre de rappel de prime de 13ème mois

Elle réclame, en outre, la remise des documents sociaux conformes, sous astreinte, la cour s'en réservant la liquidation, ainsi que le paiement de la somme de 4 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnation aux dépens de la Sarl Eude Colonna d'Istria . Elle demande enfin que les intérêts au taux légal soient capitalisés en application de l'article 1154 du code civil.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier le 17 février 2012, reprises et complétées lors de l'audience.

Motivation

- Sur le respect des dispositions des articles L1132-1, R4624-1 et R4624-31 du code du travail.

En application de l'article R 4624-31 du code du travail, sauf en cas de danger, le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du salarié à son poste de travail qu'après avoir réalisé notamment deux examens médicaux de l'intéressé espacés de deux semaines, accompagnés, le cas échéant, des examens complémentaires. Est nul le licenciement prononcé au vu d'un seul examen médical ; est sans cause réelle et sérieuse, le licenciement prononcé pour inaptitude, alors que les visites de reprise n'étaient pas espacées du délai minimum de deux semaines.

Mme [H] fait valoir que son licenciement est nul, au motif qu'il est intervenu à la suite d'une visite médicale périodique, et non de la visite médicale de reprise prévue à l'article R 4624-1 du code du travail.

Il ressort des débats, et en particulier de la lecture des fiches de visite établies par le médecin du travail que Mme [H] a fait l'objet d'une première visite de reprise en date du 21 décembre 2007, qui a été suivie d'une seconde visite de reprise en date du 4 janvier 2008, et non le 4 janvier 2007, comme indiqué sur la fiche de manière manifestement erronée. Une troisième visite a eu lieu le 21 janvier 2008.

Il ressort des débats que la visite du 21 janvier a eu lieu à la suite de celle du 4 janvier, au terme de laquelle, le médecin du travail demandait à revoir la salariée 'dans 15 jours' et que c'est à l'issue de cette dernière visite que Mme [H] a été déclarée par le médecin du travail inapte de manière totale et définitive.

Il s'en déduit que cette dernière visite, venant en complément de celle du 4 janvier avec pour vocation de déterminer l'aptitude ou non de Mme [H] à reprendre son poste, constitue une visite de reprise, au sens de l'article précité.

Il s'ensuit qu'en définitive, Mme [H] a bénéficié de trois visites de reprise, ce qui n'est pas interdit, la première se déroulant le 21 décembre 2007 et la troisième le 21 janvier 2008, le délai minimum de 15 jours séparant ces deux visites étant respecté.

Il s'ensuit que la procédure de licenciement pour inaptitude, engagée à la suite de cette dernière visite, est régulière. Le licenciement de Mme [H] n'est donc pas nul.

- Sur le bien fondé du licenciement pour inaptitude

En application des articles L1226-2 et suivants du code du travail, est sans cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé pour une inaptitude physique résultant d'agissements fautifs de l'employeur. Celui-ci ne peut, donc, se prévaloir de cette inaptitude pour justifier le licenciement de l'intéressé.

Mme [H] déduit de la lecture des fiches de visite établies par le médecin du travail, qui conclut à l'aptitude de Mme [H] à exercer un emploi de secrétaire dans une autre entreprise, que son inaptitude découle directement de l'attitude de l'employeur, qui a manifestement contrevenu à l'obligation de sécurité pesant sur lui.

la Sarl Eude Colonna d'Istria , qui conteste les allégations de Mme [H] , explique que Mme [H] a été à l'origine de l'incident du 13 novembre 2007, événement à l'origine des arrêts de travail pour maladie, puis de la déclaration d'inaptitude.

En l'espèce, il résulte des débats que, le 13 novembre 2007, à la suite de son altercation avec son employeur, Mme [H] a, le même jour, déposé une main courante relatant l'événement et son contexte, et a saisi le médecin du travail qui a conclu à l'inaptitude temporaire de la salariée jusqu'à un nouvel avis médical. En outre, Mme [H] a bénéficié sans discontinuer, jusqu'à son licenciement, d'arrêts pour maladie de la part de son médecin traitant pour 'dépression réactionnelle'et d'avis d'inaptitude de la part du médecin du travail.

En outre, par un courrier du 3 décembre 2007, en réponse à l'avertissement notifié par l'employeur à la suite de l'altercation du 13 novembre l'employeur, Mme [H] a contesté la responsabilité que celui-ci lui a imputée et exposé, de manière précise et circonstanciée, le malaise qu'elle ressentait au sein de l'entreprise depuis son retour de congé de maternité daté de 7 mois auparavant et le refus de l'employeur de la recevoir pour lui en parler. Ainsi déclare-t-elle 'j'ai tenté de vous alerter sur le fait que je ne me sentais plus bien du tout, que je ressentais des changements tant professionnels que personnels à mon égard et ce depuis mon retour de congé maternité, soit le 10 avril 2007....' puis au sujet des faits du 13 novembre ' vous vous êtes levé de votre fauteuil et vous êtes venu très près de moi, alors j'ai eu très peur et je vous ai même dit 'M.[X], que faites-vous, vous allez me faire du mal ''

Il résulte des certificats médicaux et de l'avis du médecin du travail ainsi délivrés, la volonté de ces professionnels de la santé de protéger Mme [H] de son milieu professionnel. Il s'en déduit ainsi que du courrier de la salariée en date du 3 décembre, dont l'employeur n'a pas contesté les termes, que la dégradation de l'état de santé de Mme [H] provient des agissements fautifs de l'employeur qui, dans un premier temps, n'a pas jugé utile d'entendre les doléances de sa salariée et dans un second temps, le 13 novembre 2007 a réagi violemment envers elle, contrevenant à ses obligations essentielles découlant du contrat de travail.

Il résulte des débats que toutes les attestations produites par l'employeur, qui ont été établies par les salariés de l'entreprise, ne présentent pas de garanties suffisantes de sincérité, et sont dénuées de force probante suffisante face aux éléments médicaux et aux explications concordantes de Mme [H] fournies depuis l'événement du 13 novembre, qui a cristallisé la dégradation des relations de travail, jusqu'alors nullement entachées pendant les 6 ans qu'elles avaient duré.

Il s'ensuit que l'employeur ne pouvait valablement fonder le licenciement de Mme [H] sur l'inaptitude de la salariée à l'origine de laquelle il se trouvait.

Il s'en déduit que le licenciement de Mme [H] est sans cause réelle et sérieuse.

Cette situation donne droit à Mme [H] au paiement d'une indemnité de préavis représentant 2 mois de salaire, soit 6 834,42 €, outre 683,44 € au titre des congés payés afférents, la somme de 410,11 € à titre de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement, ces sommes et les calculs qui les sous-tend n'étant pas contestés de la part de la partie adverse.

Mme [H] a, en outre droit à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, que la cour, compte-tenu des éléments produits aux débats et notamment de l'ancienneté, de l'âge de Mme [H] , est en mesure d'évaluer à 34 000 € en application de l'article L1235-5 du code du travail.

Mme [H] réclame la somme de 1 016,32 € au titre du 13ème mois qui ne lui est pas contestée par la Sarl Eude Colonna d'Istria . Elle lui est donc allouée.

Compte-tenu de ce qui précède, il convient de condamner la Sarl Eude Colonna d'Istria à remettre à Mme [H] les documents sociaux et bulletins de salaires conformes, sous astreinte de 50 € par jours de retard, à l'expiration d'un délai de un mois à compter de la notification de la présente décision

Le jugement déféré est en conséquence infirmé

Par ces motifs, la cour,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Dit que le licenciement de Mme [H] est sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence :

Condamne la Sarl Eude Colonna d'Istria à payer à Mme [P] [H] les sommes suivantes :

* 6 834,42 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis

* 683,44 € au titre des congés payés afférents

* 410,11 € à titre de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement

* 1 016,32 € à titre de rappel de prime de 13ème mois,

ces créances salariales portant intérêts au taux légal à compter de la convocation de la Sarl Eude Colonna d'Istria devant le bureau de conciliation du conseil des Prud'Hommes,

* 34 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre intérêts au taux légal à compter de la présente décision

Condamne la Sarl Eude Colonna d'Istria à remettre à Mme [H] les documents sociaux et bulletins de salaires conformes, sous astreinte de 50 € par jours de retard, à l'expiration d'un délai de un mois à compter de la notification de la présente décision, la cour s'en réservant la liquidation, le cas échéant.

Dit que les intérêts au taux légal seront capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil

Condamne la Sarl Eude Colonna d'Istria aux dépens de première instance et d'appel

Vu l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la Sarl Eude Colonna d'Istria à payer à Mme [H] la somme de 3 000 €

La déboute de sa demande de ce chef.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 10/06389
Date de la décision : 29/03/2012

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°10/06389 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-03-29;10.06389 ?
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