RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 11
ARRÊT DU 29 Mars 2012
(n° 1, 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/01020
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 Décembre 2007 par le conseil de prud'hommes de Paris RG n° 06/14780
APPELANTE
Madame [O] [N]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
comparante en personne, assistée de Me Philippe ROMAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : B 174
INTIMÉE
SOCIÉTÉ DES AUTEURS ET COMPOSITEURS DRAMATIQUES
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Isabelle BENISTY, avocat au barreau de PARIS, toque : J 13 et par M. [L] [M], directeur des ressources humaines
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Janvier 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Evelyne GIL, Conseillère, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, Président
Madame Evelyne GIL, Conseillère
Madame Isabelle DOUILLET, Conseillère
GREFFIÈRE : Mademoiselle Céline MASBOU, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, Président et par Mademoiselle Céline MASBOU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA COUR,
Vu l'appel formé par [O] [N] contre un jugement du conseil de prud'hommes de PARIS en date du 10 décembre 2007 ayant statué sur le litige qui l'oppose à son ancien employeur, la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (SACD).
Vu le jugement déféré ayant débouté [O] [N] de ses demandes et l'ayant
condamnée au paiement des entiers dépens.
Vu les conclusions visées par le greffier et développées oralement à l'audience aux termes desquelles :
[O] [N], appelante, poursuit :
- l'infirmation du jugement entrepris,
- la condamnation de la SACD à lui payer les sommes de :
25'000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et ce, avec intérêts légaux à compter du jour de l'introduction de l'instance, à titre de réparation complémentaire,
3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des entiers dépens.
LA SOCIÉTÉ DES AUTEURS ET COMPOSITEURS DRAMATIQUES (SACD), intimée, conclut :
- à la confirmation du jugement déféré,
- au mal fondé en son appel de [O] [N],
- à sa condamnation à lui payer la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en sus des entiers dépens.
FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (SACD) est une société civile à but non lucratif ayant pour activité la gestion collective des droits des auteurs et compositeurs dramatiques.
Suivant contrat de travail à durée indéterminée signé le 24 janvier 2002, elle a engagé [O] [N], à compter du 4 février 2002, en qualité d'assistante, moyennant une rémunération brute mensuelle de 1 754 € servie sur 13 mois, pour 151,45 heures de travail par mois. En son dernier état, le salaire brut mensuel de base s'élevait à 1 974,60 € augmenté d'une prime d'ancienneté de 39,37 €.
[O] [N] a été placée en arrêt de travail pour cause de maladie à partir du 19 juin 2006. Son arrêt maladie a été prolongé le 27 juillet 2006 jusqu'au 27 août 2006.
La SACD l'a convoquée à se présenter le 24 juillet 2006 à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement envisagée pour faute grave.
Le 31 juillet 2006, elle lui a notifié son licenciement dans les termes suivants :
'Au cours de l'entretien qui a eu lieu le lundi 24 juillet 2006... nous vous avons reproché d'avoir procédé de manière régulière au cours des mois de mai et juin 2006 à de faux enregistrements d'horaires et ce malgré une première mise en garde adressée par vos responsables hiérarchiques en début d'année 2006.
Nous avons noté en réponse des affirmations inexactes, contradictoires et non crédibles.
.....................................................................................................................................................
La répétition avérée des faux renseignements, la contradiction entre vos prétendues omissions de pointage et la constance avec laquelle vous régularisez votre pointage de fin de pause trente minutes après le début de pause, nous convainquent que la durée réelle de vos pauses déjeuner excèdent la durée des pauses que vous déclarez et donc que la SACD vous rémunère pour un nombre d'heures de travail que vous n'effectuez pas.
La perte de confiance générée par la poursuite des faux renseignements malgré la demande expresse de votre hiérarchie de cesser ce procédé et la dissimulation d'horaires que vous effectuez au travers de ce procédé constituent de graves manquements à vos obligations contractuelles qui nous contraignent à vous notifier votre licenciement.
Cette mesure deviendra effective au terme d'une période de préavis de deux mois qui débutera à compter de la première présentation de la présente lettre à votre domicile.
Nous vous dispensons d'effectuer ce préavis. Pendant cette période, votre salaire sera versé aux périodicités normales de paye.
À l'issue de cette période, vous ne ferez plus partie des effectifs de la Société.'
Par lettre recommandée du 28 septembre 2006, [O] [N] a contesté les griefs invoqués par son employeur. Elle a saisi le conseil de prud'hommes le 14 décembre 2006.
Les parties ont développé à l'audience leurs moyens et présenté leurs demandes, tels que formulés dans leurs conclusions respectives.
SUR CE
- Sur la qualification du licenciement et ses conséquences
Aux termes de sa lettre du 31 juillet 2006, la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (SACD) motive le licenciement de [O] [N] par sa persistance à procéder à de faux enregistrements de ses pauses de déjeuner, la durée réelle de ces pauses excédant leur durée déclarée et cette dissimulation d'horaires ayant pour conséquence la rémunération d'un nombre d'heures de travail non effectuées et la perte de confiance qui en résulte.
À l'appui de son grief, la SACD produit les récépissés de caisse du restaurant d'entreprise fournis par le prestataire de services ' Toques et Prestige ' indiquant les dates et heures de passage en caisse de la salariée au cours de la période du 2 mai au 19 juin 2006.
Il n'y a pas lieu de déterminer, ainsi que le sollicite l'appelante, si ce moyen de preuve est illicite et implique nécessairement une atteinte à sa vie privée injustifiée eu égard à son caractère disproportionné par rapport aux intérêts légitimes de l'employeur, dès lors qu'en l'espèce, ce moyen est inopérant pour apporter la preuve de l'absence de sincérité des enregistrements d'horaires opérés par la salariée dans la mesure où les enregistrements de la période du 12 mai au 19 juin 2006 ne sont pas versés aux débats et où leur absence de production ne permet en conséquence aucune comparaison avec les horaires portés sur les tickets de caisse du restaurant.
Dans sa lettre du 28 septembre 2006, [O] [N] reconnaît qu'après l'entretien informel qu'elle a eu avec ses supérieurs hiérarchiques le 12 janvier 2006, il lui était encore arrivé, comme à ses collègues, d'oublier d'enregistrer sur le logiciel prévu à cet effet son départ à l'heure de sa pause déjeuner et explique que, dans ces cas là, elle a enregistré sa pause à l'heure de son retour pour la durée exacte de son absence, contestant formellement la dissimulation d'horaires qui lui est reprochée. Cet aveu ne peut être retenu pour justifier son licenciement puisque les oublis admis par la salariée ne sont pas datés et qu'aucun élément n'établit que les régularisations d'horaires litigieuses ont été effectuées dans les deux mois précédant l'engagement de la procédure de licenciement.
Dans ces conditions, le grief articulé par la SACD n'étant pas démontré, il apparaît que le licenciement de [O] [N] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
En considération de l'ancienneté de la salariée, des circonstances de son licenciement et au vu des éléments de préjudice versés au dossier, la cour estime devoir fixer à 12'500 € la réparation du dommage causé par le licenciement prononcé sans cause réelle ni sérieuse.
- Sur l'application d'office de l'article L. 1235-4 du Code du travail en faveur du PÔLE EMPLOI
[O] [N] ayant plus de deux années d'ancienneté et la SACD occupant habituellement au moins onze salariés, il convient d'ordonner le remboursement par l'employeur fautif des indemnités de chômage payées à la salariée licenciée du jour de son licenciement dans la limite de six mois en application de l'article L. 1235-4 du Code du travail.
- Sur la charge des dépens et les demandes d'indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
La SACD succombant à l'issue de l'appel sera condamnée aux dépens. Elle devra verser en outre à [O] [N] une indemnité de 1 500 € en remboursement des frais non taxables que l'appelante a exposés à l'occasion de la présente procédure prud'homale et qu'il serait inéquitable de lui laisser supporter. Il convient également de rejeter sa demande formée sur le même fondement.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Infirme le jugement déféré ;
Statuant à nouveau,
Condamne LA SOCIÉTÉ DES AUTEURS ET COMPOSITEURS DRAMATIQUES (SACD) à payer à [O] [N] les sommes de :
12'500 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et ce, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette le surplus des demandes ;
Condamne la SACD à rembourser au PÔLE EMPLOI les indemnités de chômage payées à la salariée licenciée à compter du jour de son licenciement et dans la limite de six mois ;
La condamne aux dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT