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27/03/2012 | FRANCE | N°11/08526

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 7, 27 mars 2012, 11/08526


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 7



ARRÊT DU 27 MARS 2012



(n° 40, 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 2011/08526



Décision déférée à la Cour : rendue le 17 Février 2011

par L'AUTORITÉ DES MARCHES FINANCIERS





DEMANDEUR AU RECOURS :



- M. [K] [U]

Né le [Date naissance 3] 1960 à [Localité 5]

Nationalité :

Française

Conseil d'entreprise indépendant

Demeurant : [Adresse 2]



représenté par Maître Cyrille MAYOUX,

avocat au barreau de PARIS,

toque : P0261

UGGC & ASSOCIES

[Adresse 4]





EN PRÉSENCE DE : ...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 7

ARRÊT DU 27 MARS 2012

(n° 40, 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 2011/08526

Décision déférée à la Cour : rendue le 17 Février 2011

par L'AUTORITÉ DES MARCHES FINANCIERS

DEMANDEUR AU RECOURS :

- M. [K] [U]

Né le [Date naissance 3] 1960 à [Localité 5]

Nationalité : Française

Conseil d'entreprise indépendant

Demeurant : [Adresse 2]

représenté par Maître Cyrille MAYOUX,

avocat au barreau de PARIS,

toque : P0261

UGGC & ASSOCIES

[Adresse 4]

EN PRÉSENCE DE :

- L'AUTORITÉ DES MARCHES FINANCIERS

[Adresse 1]

représentée à l'audience par M. [N] [B], muni d'un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 février 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :

- M. Christian REMENIERAS, Président

- Mme Pascale BEAUDONNET, Conseillère

- Mme Sylvie MESLIN, Conseillère

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : M. Benoît TRUET-CALLU

MINISTÈRE PUBLIC :

L'affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par M. François VAISSETTE, qui a fait connaître son avis.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Christian REMENIERAS, président et par M. Benoît TRUET-CALLU, greffier.

* * * * * * * *

La cour est saisie d'un recours en annulation et en réformation formé par M. [K] [U] contre une décision de l'Autorité des Marchés Financiers, ci-après AMF, qui le 17 février 2011 a prononcé à son encontre une sanction pécuniaire de 35 000 euros pour avoir en violation de son obligation d'abstention, utilisé courant septembre 2008 une information privilégiée et ainsi enfreint les dispositions des articles 621-1 et 622-2 du règlement général de l'AMF outre celles des articles L.621-14 et L.621-15 du code monétaire et financier.

Les circonstances de fait rappelées dans cette décision sont les suivantes.

La société anonyme Oberthur Technologies est une société spécialisée dans les cartes à puces et dans l'impression de documents fiduciaires : ses actions ont été négociées sur le compartiment B d'Euronext [Localité 6] jusqu'à leur retrait de la cote, mi-novembre 2008.

Le groupe Oberthur a annoncé par communiqué de presse le 23 septembre 2008 que la holding familiale François-Charles Oberthur Fiduciaire qui détenait 71, 21 % d'Oberthur Technologies, venait de déposer un projet d'offre publique d'achat simplifiée concernant les titres de cette dernière société en application de l'article 233-1 1° du règlement général de l'AMF en vue d'un retrait de ces titres des négociations sur Euronext : le prix unitaire proposé pour ces actions - 6, 70 euros - représentait par comparaison avec celui du cours de clôture de la veille, une prime de 33, 7 % ;.

Les négociations d'Oberthur Technologies un temps suspendues en raison de l'annonce de l'offre publique d'achat simplifiée, ont repris le 1er octobre 2008.

Le service de la surveillance des marchés de l'AMF ayant relevé des transactions anormales sur le marché des actions concernées dans les jours ayant précédé l'annonce du dépôt du projet précité, le secrétaire général de cette autorité à décidé le 21 novembre 2008 d'ouvrir une enquête sur ce marché ' à compter du 1 janvier 2008 ".

Le rapport d'enquête établi a été examiné par la Commission spécialisée n° 2 du Collège de l'AMF constituée en application de l'article L. 621-2 du code monétaire et financier lors de sa séance du 26 janvier 2010 conformément à l'article L. 621-15 du code monétaire et financier.

Des griefs ont au vu de ce rapport d'enquête été notifiés contre plusieurs personnes dont, MM. [R] [H], [Z] [X] et [K] [U] : il a ainsi été reproché à M. [R] [H], directeur de la consolidation du groupe Oberthur, d'avoir communiqué à son frère, M. [S] [H] ainsi qu'à un ami M. [Z] [X], l'information privilégiée relative à la circonstance que ' la société François-Charles Oberthur Fiduciaire préparait un projet d'offre publique sur les titres de la société Oberthur Technologies.'. MM. [Z] [X] et [K] [U] se sont pour leur part, vus notifier le grief d'avoir utilisé cette information privilégiée.

La 1ère section de la Commission des sanctions a par décision du 17 février 2011 prononcé les sanctions pécuniaires suivantes : 100 000 euros contre M. [R] [H], 50 000 euros contre M. [Z] [X] et 35 000 euros contre M. [K] [U]. Cette décision a été publiée sur le site internet de l'AMF ainsi que dans le recueil annuel des décisions de la Commission des sanctions dans les conditions propres à assurer l'anonymat de l'ensemble des personnes mises en cause et du titre concerné.

Le 6 mai 2011, M. [K] [U] a formé un recours en annulation et en réformation contre cette décision.

LA COUR

Vu le recours contre la décision de la Commission des sanctions formé le 6 mai 2011 par M. [K] [U] ;

Vu le mémoire déposé par le requérant dès le 6 mai 2011 ;

Vu les observations écrites de l'AMF déposées le 27 septembre 2011 ;

Vu les observations écrites du ministère public mises à la disposition des parties avant l'audience ;

Après avoir entendu à l'audience publique du 9 février 2012 en leurs observations orales, le conseil du requérant mis en mesure de répliquer et ayant eu la parole en dernier ainsi que le représentant de l'AMF et le Ministère Public.

SUR CE

Considérant que M. [K] [U] conclut à titre principal à l'annulation de la décision entreprise pour avoir mis en oeuvre une méthode probatoire portant selon ses dires, atteinte au principe de la présomption d'innocence et subsidiairement, à sa réformation pour défaut de pertinence des indices sur lesquels le manquement d'initié reproché prend appui ;

1. sur la méthode du faisceau d'indices et le respect de la présomption d'innocence

Considérant que le requérant soutient que la Commission des sanctions de l'AMF a fondé le manquement d'initié qui lui est reproché sur de simples conjectures, au mépris de la présomption d'innocence définie par la convention européenne des droits de l'homme puisqu'elle l'oblige à apporter la preuve que les opérations effectuées sont sans lien avec la détention d'une information privilégiée alors que l'autorité de poursuite devait établir un lien causal entre le cumul d'indices spécifiques relevés par elle et l'opération incriminée ;

Qu'il observe qu'en l'absence de preuve ' tangible' de cette infraction, la décision déférée s'est fondée sur des ' indices concordants', en rejetant de facto la nécessité que ces indices soient par surcroît graves, précis et dépourvus de toute équivoque ; que par cette approche, la Commission des sanctions s'est affranchie de toute obligation de caractériser les circonstances dans lesquelles il aurait eu connaissance de l'information privilégiée en cause et a rejeté, sans argumentation véritable, les éléments précis et concordants avancés par lui-même en défense pour combattre les soupçons portés à son encontre ;

Vu les articles 622-1 et 622-2 du règlement général de l'AMF, ensemble les articles 5-2 de la Convention européenne des droits de l'homme et 9-1 du code civil ;

Considérant que les opérations d'initiés se définissent de manière objective pour assurer l'intégrité nécessaire des marchés financiers et renforcer la confiance tout aussi nécessaire des investisseurs en ces derniers ;

Qu'à défaut de preuve directe ou tangible, la détention par la personne poursuivie d'une information privilégiée et la circonstance que cette personne savait ou aurait du savoir que précisément cette information était privilégiée, peuvent être démontrées par un faisceau d'indices graves, précis et concordants si le rapprochement de ces indices établit ces faits sans équivoque, tout doute profitant aux personnes poursuivies ; que si cette méthode probatoire ne requiert pas la démonstration préalable de l'impossibilité d'obtenir une preuve matérielle de la transmission ou de l'exploitation de l'information privilégiée, elle n'exclut pas en effet le fait que les justifications avancées par les personnes poursuivies puissent permettre de neutraliser les soupçons et indices motivant les poursuites exercées du chef de l'utilisation d'une telle information ;

Considérant que dans les circonstances de la présente espèce, la Commission des sanctions a usé d'un faisceau d'indices et ne s'est pas contentée de conjectures pour motiver les termes de sa décision ; qu'en ce qui concerne la situation du requérant, elle souligne au point 2.3.3. de cette décision que ' de l'ensemble de ces éléments [ci-dessus analysés], il résulte que seule la détention d'une information privilégiée peut expliquer les interventions litigieuses de M. [K] [U] qui savait ou aurait dû savoir qu'il s'agissait d'une information privilégiée ; que le manquement d'utilisation d'une information privilégiée est ainsi caractérisé en tous ses éléments constitutifs à l'encontre de M. [K] [U], qui a méconnu l'obligation prévue aux articles 621-1 et 622-2 du règlement général de l'AMF ' (soulignements ajoutés) ;

Que partant, l'obligation de motivation à laquelle était tenue la Commission des sanctions apparaît avoir été respectée puisqu'il est de principe que cette obligation de motivation n'impose pas qu'il soit répondu à l'intégralité des arguments invoqués;

Considérant que sur ces constatations et pour l'ensemble de ces raisons le moyen d'annulation tiré de la violation de la présomption d'innocence bénéficiant au requérant sera écarté, la Commission des sanctions n'ayant pas fait peser sur le requérant une présomption irréfragable de culpabilité de sorte que les droits de la défense ont été préservés ;

2. sur la réalité du manquement reproché

Considérant que M. [K] [U] prie la cour d'écarter les indices sur lesquels la décision de sanction prononcée contre lui prend appui, ces indices étant notamment tirés de la concomitance entre les échanges téléphoniques relevés entre lui et M. [Z] [X] lequel venait lui-même de procéder à des opérations financières de même nature après avoir été en contact avec un initié primaire (M. [R] [H]) ; qu'il soutient plus particulièrement que la simple chronologie des événements est de nature à lever les soupçons dirigés à son encontre ;

2.1. quant à la thèse du requérant

Considérant que M. [K] [U] explique entretenir des liens d'amitié anciens avec M. [Z] [X] censé lui avoir fourni l'information privilégiée dont il se serait servie et être pour cette raison, en contact régulier avec ce dernier depuis plusieurs années et l'avoir donc naturellement été, avant comme depuis septembre 2008 ; que les appels téléphoniques relevés par les enquêteurs ont été moins nombreux au cours du mois de septembre 2008 pendant lequel le manquement d'initié qui lui est reproché aurait été commis que lors des deux mois précédents ; que quoi qu'il en soit, lui-même et M. [Z] [X] avaient courant septembre 2008 des raisons objectives de communiquer, tant par nécessités professionnelles du fait de la nouvelle activité de directeur général de la société Gérard Mulot exercée par cet ami qu'en raison du fait que lui-même cherchait une maison de retraite pour sa mère et que son ami était en mesure de lui apporter un soutien dans cette recherche ; que 10 jours se sont écoulés entre le premier achat de M. [Z] [X], le 5 septembre 2008 et son propre achat, le 15 septembre suivant, chacun se voyant reprocher d'avoir été à ces dates, en possession d'une information privilégiée alors que seuls quatre contacts téléphoniques ont pu être identifiés entre eux les 6, 7, 11 et 14 septembre ; que la thèse de la Commission des sanctions revient à dire qu'il se serait abstenu d'agir entre le 6 et le 15 septembre 2008 bien que détenteur d' une information précise et certaine sur l'OPA à venir ; que 7 jours séparent les deux décisions d'investissements qu'il a lui-même réalisées les 15 et 22 septembre 2008, alors qu'il a été en contact avec M. [Z] [X] à cinq reprises entre le 18 et le 21 septembre ;

Qu'il observe que M. [Z] [X] n'a jamais été poursuivi pour lui avoir communiqué une information privilégiée ni pour lui avoir recommandé l'achat du titre Oberthur alors que lui-même est pourtant supposé avoir été en possession de cette information par le canal de cet ami ; qu'en l'état des éléments soumis à l'appréciation de la cour, aucune pièce ne vient contredire les éléments qu'il verse aux débats sur le contenu allégué des conversations téléphoniques échangées en septembre 2008 ; que la cour doit en tirer les conséquences, considérer que ces échanges n'ont aucune portée et qu'ils ne sauraient donc constituer un indice grave et précis du manquement d'initié qui lui est reproché ;

Qu'il souligne avoir personnellement effectué des recherches, sur les fondamentaux de l'entreprise considérée pour en déterminer le potentiel, sur les forums de discussion pour identifier les consensus existants sur la valeur de cette société, sur le document de référence 2008 concernant l'exercice de l'année précédente ainsi que sur les articles de presse définissant les tendances boursières de cette période et en conclut, justifier par un faisceau d'indices sérieux et concordants avoir pu établir à l'époque des faits incriminés, en tant qu'observateur averti et attentif, un pronostic raisonnable de retrait de la cote du titre Oberthur à plus ou moins brève échéance sans recours aucun à une information privilégiée prétendument reçue ;

Qu'il indique à cette fin, avoir constaté un mouvement de concentration du capital de la société Oberthur en faveur de l'actionnaire majoritaire et dirigeant qu'une recherche de contrôle de la société ou une perspective de maintien en bourse ne pouvaient justifier et en avoir logiquement déduit que ce phénomène pouvait être l'indice fort d'une stratégie de retrait à l'instar de celles mises en oeuvre lors du retrait de la cote d'autres sociétés ; que deuxièmement, l'examen des documents de référence disponibles révélait que le dernier plan d'option de souscription d'actions était daté du 31 mars 2004 alors que ces plans représentant un moyen de rémunération de long terme, tout arrêt d'émission de stocks options peut raisonnablement signifier la sortie à terme d'une cotation en bourse ; que troisièmement, si historiquement la société Oberthur publiait régulièrement ses documents de référence relatifs à l'exercice écoulé au début du mois de juin suivant, chaque exception avait donné lieu à une opération sur la valeur; que faute de publication mi-juin 2008 du document de référence 2007, il était ainsi légitime de s'attendre à une opération sur le titre dans les jours ou semaines suivant la publication à venir de ce document ; qu'il a pu d'autant plus prendre conscience de cette tendance que bien que n'étant pas un praticien régulier il avait par le passé, professionnellement eu l'occasion de participer à l'élaboration du prospectus d'introduction en bourse de deux sociétés (Meetic et MGI Digital Graphic) et était donc sensibilisé à la réglementation se rapportant au mode de transmission, au calendrier et au contenu des informations diffusées dans ce type de documents ; que quatrièmement, la lecture du pacte d'actionnaires conclu le 15 février 2008 entre la holding familiale susvisée et les sociétés SG Capital Développement ainsi que Société Générale Capital Partenaire dont l'existence a été révélée par le document de référence déposé le 15 septembre 2008, induisait logiquement que les parties avaient déjà envisagé le cas où le titre Oberthur Technologies serait retiré de la cote à une échéance relativement brève ;

Qu'il soutient que la conjonction des trois premiers indices l'a donc conduit à considérer qu'un retrait de la cote du titre litigieux pouvait raisonnablement intervenir à brève échéance ; que son investissement à hauteur de 5 000 actions se justifiait d'autant plus que les fondamentaux de la société Oberthur étaient bons et que les avis sur la valeur, très favorables, laissaient augurer à eux seuls une plus-value ;

Qu'il ajoute que l'analyse du document de référence 2007 publié le 15 septembre 2008 lui a permis de renforcer ce premier faisceau d'indices et de pressentir l'imminence d'un retrait du titre Oberthur Technologies de la cote ; que finalement chacun et tous ces éléments ont alimenté une réflexion stratégique globale le menant, compte tenu de son expérience personnelle des marchés financiers, à investir sur le titre Oberthur courant septembre 2008 ; que l'analyse de la gestion de son portefeuille démontre enfin qu'il peut prendre des risques au point d'avoir déjà investi sur un laps de temps très court, une part importante de ses actifs financiers sur le titre Altran, en valeur relative comme en valeur absolue ;

2.2. quant à l'appréciation de la cour

Vu les articles L.621-7 et L.621-15 du code monétaire et financier, ensemble les articles 621-1 à 621-3, 622-1 alinéa 1 et 622-2 du règlement général de l'AMF précisant les personnes tenues de l'obligation d'abstention dont la violation consomme le manquement d'initié ;

Considérant qu'ainsi que le rappelle la Commission des sanctions, il résulte des déclarations concordantes, devant les enquêteurs, du directeur financier du groupe Oberthur, d'une part et de M. [R] [H], directeur de la consolidation du groupe, d'autre part que ce dernier a participé le 3 septembre 2008 au matin à une réunion ayant pour objet de porter à la connaissance des commissaires aux comptes l'opération en préparation ; qu'au cours de cette réunion, le projet de la société dénommé ' Pégase' a été expliqué, la date d'annonce du projet indiquée et le prix qui serait offert aux actionnaires minoritaires précisé ; qu'il est ainsi établi, qu'à compter, à tout le moins du 3 septembre au matin, M. [R] [H] détenait l'information privilégiée ;

Considérant qu'il ressort par ailleurs du dossier que MM. [K] [U] et [Z] [X] se sont appelés le 6 septembre 2008 à 17 H 52 pendant 944 secondes, le 7 septembre 2008 à 13 H 50 pendant 199 secondes et encore, le 14 septembre 2008 à 18 H 50 pendant 38 secondes ; que par surcroît, il reste constant que M. [Z] [X] qui a commencé à acquérir des titres Oberthur le 5 septembre 2008, a été appelé par M. [R] [H] le 3 septembre précédent au soir, autrement dit le jour même où ce dernier avait eu, à raison de ses fonctions, connaissance de l'information privilégiée ; que M. [K] [U] ne conteste pas le caractère privilégié de l'information alléguée à la date du 29 août 2008 ni le fait que celle-ci soit demeurée inconnue du public avant le 23 septembre 2008, date à laquelle elle a fait l'objet d'un communiqué de presse ;

Considérant qu'il est exact qu'un lien amical entre deux personnes ne suffit pas à établir la réalité d'une communication de l'information privilégiée entre l'une et l'autre de ces personnes ; que s'il est en l'espèce, tout aussi vrai que le grief relatif à une transmission de l'information privilégiée entre MM. [Z] [X] et [K] [U] n'a pas été retenu par la Commission des sanctions, cette dernière a cependant à juste titre décidé que les achats du requérant n'ont pu avoir d'autre explication que la détention et l'utilisation d'une information privilégiée préalablement caractérisées par un faisceau d'indices constitué d'une part, par les contacts téléphoniques entre ce dernier et son ami dès lors que ces échanges téléphoniques ont pu être identifiés comme s'étant produits avant les premiers achats de titres Oberthur par M. [K] [U] et même avant les recherches effectuées par ce dernier sur cette valeur et après l'acquisition de titres par M. [Z] [X] qui avait lui-même été au préalable en contact avec un initié primaire, M. [R] [H], détenteur de l'information privilégiée à raison de ses fonctions de directeur de la consolidation au sein du groupe Oberthur, d'autre part, par le caractère atypique de l'achat réalisé par le requérant au regard de ses habitudes d'investissement et encore, par le fait que le requérant a lui-même admis devant les enquêteurs lors de son audition du 24 août 2009, la réalité de contacts avec un initié secondaire au moment où celui-ci venait d'effectuer une opération sur les instruments financiers se rapportant à cette information [[' J'ai dû discuter avec lui [M. [Z] [X]] d'Oberthur Technologies au début du mois de septembre 2008. Il m'a demandé ce que je pensais de la valeur, comme il le fait de temps en temps quand il a une lubie sur une valeur. Je lui ai répondu que je n'avais pas d'avis sur le moment.' puis ensuite ' Comme je [...] l'ai dit, M. [X] m'a demandé mon avis sur cette valeur. S'il ne m'avait pas sollicité, je ne me serais pas intéressé à la valeur Oberthur en septembre 2008.' ]] ;

Considérant qu'en retenant le premier indice tiré du rapprochement de ces dates et de ces événements qui ne sont pas discutés, la Commission des sanctions a établi à suffisance l'existence d'un circuit plausible de transmission, peu important que le requérant ait eu des raisons objectives d'appeler son ami de longue date à cette période puisque l'un et l'autre admettent avoir à tout le moins évoqué le titre Oberthur début septembre, peu important encore qu'un délai se soit écoulé entre leurs interventions respectives sur le titre Oberthur, qu'ils aient répondu de manière concordante aux questions posées par les enquêteurs de l'AMF et également que M. [Z] [X] n'ait pas fait l'objet de poursuites pour transmission de l'information privilégiée puisqu'il est de principe que l'AMF n'est pas dans l'obligation d'établir avec précision la source qui se trouve être à l'origine de l'information détenue par l'initié fautif;

Que le seul fait d'avoir été interrogé sur une valeur précise par un ami dont il connaissait les habitudes d'investissement ainsi qu'il l'indique lui-même dans son procès-verbal d'audition du 24 août 2009 ('on se connaît depuis une dizaine d'années. Il boursicote de manière importante. De temps en temps, il me parle de ses idées d'investissement...'), n'a pu en effet faire perdre à l'information retenue dans le grief notifié, son caractère privilégié au sens de l'article L.465-1 du code monétaire et financier ; que le requérant a d'ailleurs précisé lors de son audition par les enquêteurs que ' connaissant sa [celle de M. [Z] [X]] psychologie, il est probable qu'il avait déjà investi sur le titre [lors de son appel début septembre]' et encore ' on ne se parle pas de nos investissements financiers, sauf quand il me pose les questions dont je viens de parler car il a besoin d'être rassuré.' ;

Considérant qu'en ce qui concerne le deuxième indice tiré du caractère atypique des transactions litigieuses du requérant, il ressort du dossier que M. [K] [U] a entre les 15 et 22 septembre 2008, massivement acquis 8 000 titres Oberthur pour 38 640 euros à un moment clef ; qu'il a reconnu au cours de l'enquête que c'était la première fois qu'il investissait un tel montant sur un seul titre coté alors qu'il investit en bourse depuis au moins 1985 ; qu'un tel investissement direct ne peut être comparé à l'investissement indirect sur les marchés financiers à travers des OPCVM qu'il avait précédemment effectué ; que si par ailleurs M. [K] [U] a investi en 2005 près de 25 000 euros sur le titre Altran, ces opérations se sont étirées sur une période de cinq mois et non, comme pour les acquisitions concernées par la présente espèce sur 2 jours (les 15 et 22 septembre 2008) ; que chaque achat litigieux a par surcroît été précédé la veille d'un échange téléphonique entre le requérant et M. [Z] [X] ; que l'historique du portefeuille du mis en cause démontre que celui-ci est très peu intervenu sur les sociétés cotées depuis 1997 ; que comparé à cette stratégie habituelle d'investissement du requérant, le caractère atypique des opérations incriminées laissant penser que celles-ci ont été la conséquence de l'utilisation d'une information privilégiée apparaît établi à suffisance ;

Considérant qu'il peut en effet être relevé que lors de son audition du 29 août 2009, M. [K] [U] a, à la question suivante des enquêteurs ' Vous connaissez Oberthur Technologies de longue date. Pour quelles raisons ne vous êtes-vous pas intéressé à cette valeur avant votre contact avec M. [X] ' ' répondu dans les termes suivants : ' Parce que je n'ai pas regardé la valeur plus tôt. Je n'ai pas d'explication plus précise. Je ne suis pas toutes les valeurs côtées. Je restreins mon champ d'investigation aux valeurs qui me sont recommandées par des amis ou dont on me parle. Ce fut le cas, par exemple, en 2005, sur les valeurs Altran (...) qui m'ont été recommandées par un ami, professionnel de la finance.' (soulignements ajoutés) ; que dans ces conditions le précédent opposé par le requérant tiré de l'acquisition massive de titres Altran, ne saurait pouvoir être sérieusement retenu pour caractériser un équivoque permettant de remettre en cause la pertinence du faisceau d'indices retenu par la Commission des sanctions ;

Considérant enfin, au vu des éléments soumis à l'appréciation de la cour, que la concentration de capital dans les mains de la famille [M] était programmée depuis deux ans ; qu'aucune émission de stock-options n'était plus constatée depuis quatre ans ; que le retard de publication d'un document de référence n'est pas en soi significatif d'une sortie de cote ; que la clause du pacte d'actionnaire alléguée par le requérant ne laissait pas nécessairement augurer de l'imminence d'une opération de retrait de cote puisque cette clause concernait une option dont la levée ne pouvait intervenir qu'à compter du 30 septembre 2009 soit un an après les interventions incriminées ; que les recommandations d'achat publiées sur les forums de discussion et les sites Internet de conseils boursiers remontaient à plusieurs mois et étaient, de l'aveu du requérant lui-même (cf. ses déclarations faites aux enquêteurs lors de son audition du 29 août 2009), peu éclairants tandis que les articles de presse évoquant les sorties de cote à venir ne citaient pas précisément le titre Oberthur ;

Qu'aucun des motifs avancés par M. [K] [U] ne permet donc de qualifier les indices relevés par la Commission des sanctions d'équivoques ou d'avoir pu nourrir une croyance certaine à l'imminence d'un retrait de cote au moment clef où l'investissement litigieux a été pratiqué massivement sur un seul titre coté et donc permis la réalisation à bref délai d'une plus-value élevée (15 000 euros) ; que finalement, après mise en balance de l'ensemble des indices retenus et des arguments soumis par la défense, rien ne permet de soutenir que ces acquisitions ont été l'aboutissement d'un engagement ou de recherches antérieurs à la réception et à la détention de l'information privilégiée ou la seule voie possible permettant à M. [K] [U] de faire face à des difficultés insurmontables ;

Considérant enfin que les sanctions prononcées apparaissent respecter le principe de proportionnalité ;

Que sur ces constatations et pour l'ensemble de ces raisons, le recours de M. [K] [U] sera rejeté ;

Considérant que le requérant qui succombe sera subséquemment condamné aux entiers dépens de la présente instance ;

Par ces motifs, la Cour,

Statuant par arrêt contradictoire,

Rejette le recours,

Condamne M. [K] [U] aux entiers dépens.

LE GREFFIER,

Benoît TRUET-CALLU

LE PRÉSIDENT

Christian REMENIERAS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 11/08526
Date de la décision : 27/03/2012

Références :

Cour d'appel de Paris I7, arrêt n°11/08526 : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-03-27;11.08526 ?
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