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22/03/2012 | FRANCE | N°11/12867

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 22 mars 2012, 11/12867


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 1



ARRÊT DU 22 MARS 2012



AUDIENCE SOLENNELLE



(n° 98 , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 11/12867



Décision déférée à la Cour : Décision de rejet d'une réclamation introduite auprès de M. le Bâtonnier de l'Ordre des avocats à la Cour de Paris, suite à l'adoption d'une résolution à la séance du 12 avril 2011 d

u conseil de l'ordre des avocats du Barreau de Paris







DEMANDEUR AU RECOURS :



LA SELARL DELMAS ET ASSOCIES

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée par Me Laurent ZAR...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRÊT DU 22 MARS 2012

AUDIENCE SOLENNELLE

(n° 98 , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/12867

Décision déférée à la Cour : Décision de rejet d'une réclamation introduite auprès de M. le Bâtonnier de l'Ordre des avocats à la Cour de Paris, suite à l'adoption d'une résolution à la séance du 12 avril 2011 du conseil de l'ordre des avocats du Barreau de Paris

DEMANDEUR AU RECOURS :

LA SELARL DELMAS ET ASSOCIES

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Laurent ZARKA, avocat au Barreau de Montpellier

DÉFENDEUR AU RECOURS :

LE CONSEIL DE L'ORDRE DES AVOCATS DE PARIS

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Hervé ROBERT

Avocat au Barreau de Paris

Toque P 0277

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 26 Janvier 2012, en audience publique sur demande de la Selarl DELMAS ET ASSOCIES, devant la Cour composée de :

- Monsieur François GRANDPIERRE, Président

- Monsieur Patrice MONIN-HERSANT, Président

- Madame Brigitte HORBETTE, Conseiller

- Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller

- Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Conseiller désigné pour compléter la Cour en application de l'ordonnance de roulement du 22 juillet 2011 portant organisation des services de la Cour d'Appel de Paris à compter du 29 août 2011, de l'article R312- 3 du Code de l'organisation judiciaire et en remplacement d'un membre de cette chambre dûment empêché

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Melle Sabine DAYAN

MINISTERE PUBLIC :

L'affaire a été communiquée au Procureur Général, représenté lors des débats par Mme Michèle SALVAT, Avocat Général qui a fait connaître son avis.

DÉBATS : à l'audience tenue le 26 Janvier 2012, ont été entendus :

- M. François GRANPIERRE, en son rapport

- Me Laurent ZARKA, conseil de la SELARL DELMAS ET ASSOCIES, en sa plaidoirie

- Me Hervé ROBERT, avocat représentant le Conseil de l'Ordre des avocats au Barreau de PARIS, en ses observations

- Mme Michèle SALVAT, Avocat Général, en ses observations

- Me Laurent ZARKA, en ses observations, ayant eu la parole en dernier

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, président et par Melle Sabine DAYAN, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

* * *

La Cour

Considérant qu'en sa séance du 12 avril 2011, le Conseil de l'Ordre des avocats au barreau de Paris a adopté une résolution portant sur un « modèle de convention de sous-location à temps partiel avec partage de moyens d'exercice » qui figure désormais en annexe 18 du Règlement intérieur du barreau de Paris ; que cette résolution a été publiée dans le Bulletin du barreau n° 14 du 19 avril 2011 ;

Que, sur la base de cette résolution, l'Ordre des avocats a refusé les contrats de domiciliation passés par la Selarl Delmas & associés, d'une part, et Mme [M] [W], d'autre part, et M. [P] [D], d'autre part encore, avocats, par décisions notifiées l'une le 29 avril 2011, l'autre le 10 mai de la même année ;

Que M. Laurent Zarka, avocat au barreau de Montpellier, représentant la Selarl Delmas & associés, qui s'estime lésée dans ses intérêts professionnels, a saisi M. le Bâtonnier de l'Ordre des avocats d'une demande gracieuse de retrait desdites décisions ; qu'au cours de sa séance du 14 juin 2011 et par délibération notifiée le 16 juin 2001, le Conseil de l'Ordre a décidé de maintenir sa résolution du 12 avril 2011 ;

Que, par l'intermédiaire de M. Zarka, la Selarl Delmas & associés a formé, dans le délai d'un mois, un recours contre la délibération du 14 juin 2011.

Considérant que, par deux mémoires déposés l'un le 22 décembre 2011, l'autre le 25 janvier 2012, dont les termes ont été repris oralement à l'audience, la Selarl Delmas & associés demande :

- que soit annulée la décision du 12 avril 2011 concernant la « convention de sous-location à temps partiel avec partage de moyens d'exercice »,

- que soient annulées les décisions des services de l'Ordre des avocats déclarant non conformes les contrats de domiciliation de Mme [M] [W] et de M. [P] [D],

- que l'Ordre des avocats soit condamné à lui verser la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens ;

Considérant qu'au soutien de ses prétentions et après avoir rappelé l'existence et la nécessité de contrats de « domiciliation avec prestations de services », la Selarl Delmas & associés soutient qu'elle a rédigé les deux contrats dont il s'agit en se soumettant aux exigences de la délibération du 15 juillet 2003 relative au domicile professionnel, qui n'a pas été abrogée, notamment en vue de préserver la confidentialité des dossiers et le secret professionnel ainsi qu'aux dispositions de l'article P 31 du Règlement intérieur du barreau de Paris, également relatif au domicile professionnel ; qu'elle en déduit que les conventions qu'elle a conclues sont « en harmonie avec la loi, la déontologie et l'intérêt du client » ;

Que la Selarl Delmas & associés fait encore observer que les conventions litigieuses ne sont pas contraires aux prescriptions de l'article P 48-1 du Règlement intérieur relatives à la location et à la sous-location, qui n'interdisent pas la domiciliation alors que la même disposition proscrit « tous services communs » et que le modèle de convention du 12 avril 2011 autorise le partage de nombreux moyens d'exercice ; qu'elle ajoute que les conventions ne sont pas contraires aux dispositions de l'article 165 du décret du 27 novembre 1991, également relatif au domicile professionnel de l'avocat, qui ne prohibe pas expressément la domiciliation ;

Que la Selarl Delmas & associés conteste le pouvoir que s'attribue l'Ordre des avocats en soutenant qu'il « est impossible de déroger au modèle de convention de sous-location à temps partiel avec partage de moyens d'exercice adoptée par le Conseil de l'Ordre le 12 avril 2011 » alors qu'une telle opinion est contraire au principe de la liberté contractuelle ; qu'elle soutient encore que le contrat de sous-location préconisé par l'Ordre des avocats ne garantit nullement, lorsqu'il est conclu à temps partiel, le droit d'usage exclusif et continu du local, propre au contrat de bail et qu'il ne permet pas, en soi, de le distinguer du contrat de domiciliation de sorte qu'il ne relève pas du régime des baux dont le critère essentiel est l'exclusivité et la continuité de la jouissance ;

Qu'enfin, la Selarl Delmas & associés fait observer que, depuis une décision à caractère normatif du 24 septembre 2011, le Conseil national des barreaux a modifié les règles relatives au domicile professionnel en autorisant la domiciliation même si sa décision est contestable en ce qu'elle n'autorise la domiciliation qu'à titre temporaire ;

Considérant que le Conseil de l'Ordre, qui ne conteste pas la recevabilité du recours, conclut à son rejet ;

Qu'il fait d'abord valoir que, s'agissant du refus opposé à M. [D] et à Mme [W] de procéder à leur inscription à l'adresse du [Adresse 3], il s'agit d'un avis donné à ces deux avocats de se conformer au Règlement intérieur, ce qu'ils ont fait ;

Que, sur la demande d'annulation de la délibération du 12 avril 2011, le Conseil de l'ordre soutient que la sous-location de locaux ne participe pas de l'activité professionnelle de l'avocat de sorte qu'il n'est pas établi que la délibération contestée ait des conséquences sur les intérêts professionnels de la selarl Delmas & associés ; qu'il fait également valoir que la convention-type adoptée par la délibération dont il s'agit n'interdit pas à la selarl Delmas & associés de consentir des sous-locations à d'autres avocats dès lors que les conditions qui y sont prévues sont respectées, notamment quant à la possibilité qui doit être offerte à l'avocat bénéficiaire de cette convention de disposer d'un bureau pour une durée au moins égale à 10 heures par semaine et de pouvoir y entreposer ses dossiers ;

Considérant que Mme l'avocat général conclut au rejet des prétentions émises par la selarl Delmas & associés en développant une argumentation comparable à celle du Conseil de l'Ordre ;

SUR CE :

Considérant que le Conseil de l'Ordre admet expressément que le recours formé par la selarl Delmas & associés est recevable comme ayant été formé dans les délais et conditions prévus par l'article 15 du décret du 27 novembre 1991 ;

Considérant qu'au fond, la selarl Delmas & associés fonde son recours sur les dispositions de l'article 19, alinéa 2, de la loi du 31 décembre 1971 en vertu duquel « peuvent également être déférés à la cour d'appel à la requête de l'intéressé les délibérations ou décisions du conseil de l'ordre de nature à léser les intérêts professionnels d'un avocat » ;

1) Sur la validité de la délibération du 12 avril 2011 portant sur un « modèle de convention de sous-location à temps partiel avec partage de moyens d'exercice » :

Considérant qu'en vertu de l'article 165 du décret du 27 novembre 1991, « sous réserve des dispositions des articles 1er ' III (barreaux périphériques) et 8 ' 1 (bureaux secondaires) de la loi du 31 décembre 1971 précitée, l'avocat est tenu de fixer son domicile professionnel dans le ressort du tribunal de grande instance auprès duquel il est établi » ; que l'article P 31 du Règlement intérieur du barreau de Paris « l'avocat inscrit au tableau de l'Ordre doit exercer effectivement sa profession dans le ressort du barreau et, en conséquence, disposer à [Localité 5] d'un cabinet conforme aux usages et permettant l'exercice de la profession dans le respect des principes essentiels » ;

Que, selon ce même Règlement intérieur, la domiciliation d'un avocat n'est autorisée que dans deux cas : à titre temporaire, lorsqu'un avocat collaborateur ou salarié quitte le cabinet où il exerçait et, avec l'autorisation du Conseil de l'Ordre, lorsqu'un avocat exerçant à l'étranger souhaite maintenir une élection de domicile à [Localité 5] ;

Considérant qu'en l'espèce, par sa délibération du 12 avril 2011, le Conseil de l'Ordre a mis en place un modèle de contrat de sous-location assorti d'une clause de partage de moyens d'exercice dont l'une des caractéristiques prévoit que, si la sous-location est partielle, elle doit être d'une durée supérieure ou égale à dix heures par semaine et conçue de telle façon que l'avocat soit en mesure de pouvoir entreposer ses dossiers, le tout dans des conditions adaptées au respect des règles relatives au domicile et au secret professionnels ;

Considérant qu'il convient d'observer que, statuant en référé, le Conseil d'Etat a, par une ordonnance du 26 décembre 2011, rejeté le recours formé par la selarl Delmas & associés contre la décision normative prise le 24 septembre 2011 par le Conseil national des barreaux, intégrée au Règlement intérieur national et relative au domicile professionnel des avocats et à la domiciliation qui peut être autorisée par le conseil de l'ordre à titre temporaire et pour la durée qu'il fixe ;

Considérant que, quelles que soient les conceptions que développe la selarl Delmas & associés au sujet du domicile professionnel ou de la domiciliation, la sous-location de locaux ne participe pas de l'activité professionnelle de l'avocat au sens de l'article 19 de la loi du 31 décembre 1971 alors surtout qu'en l'espèce, il n'est aucunement démontré que la délibération contestée puisse avoir des conséquences sur les intérêts professionnels de la selarl Delmas & associés qui, en vertu de la convention-type adoptée par le Conseil de l'Ordre, est autorisée à consentir des sous-locations dès lors qu'elle se soumet aux conditions qui y sont exprimées ;

Considérant que la convention-type proposée par l'Ordre n'est pas contraire au principe de la liberté contractuelle dès lors qu'elle adapte aux règles applicables aux baux professionnels les principes énoncés par les lois et règlements régissant la profession d'avocat et qu'en réalité, rien n'interdit à des avocats d'en modifier telle ou telle clause pourvu que les règles et principes dont il s'agit soient respectés ;

Considérant qu'il suit de tout ce qui précède que la délibération prise le 12 avril 2011 par le Conseil de l'Ordre et portant sur un « modèle de convention de sous-location à temps partiel avec partage de moyens d'exercice » est conforme aux textes et principes régissant la profession d'avocat et que la selarl Delmas & associés sera déboutée de sa demande d'annulation de cette délibération ;

2) Sur la validité des refus des contrats de domiciliation passés entre la Selarl Delmas & associés, d'une part, et Mme [W] et M. [D], avocats, d'autre part :

Considérant que, sur la base de la résolution adoptée par l'Ordre des avocats, ont été refusés les contrats de domiciliation passés par la Selarl Delmas & associés, d'une part, et Mme [W] et M. [D], par décisions notifiées l'une le 29 avril 2011, l'autre le 10 mai de la même année ;

Considérant que le refus opposé à M. [D] par le délégué de M. le Bâtonnier est ainsi conçu : « Je vous informe que la convention de domiciliation passée avec la selarl Delmas & associés ne peut être approuvée par le Conseil de l'Ordre. Vous trouverez ci-joint, le modèle de convention de sous-location adopté par le Conseil de l'Ordre le 12 avril 2011 » ; que le refus adressé à Mme [W] par un membre de la commission de l'exercice professionnel est exprimé en termes comparables ;

Qu'il s'agit, non pas de décisions du Conseil de l'Ordre pouvant donner lieu à recours sur le fondement des articles 19, alinéa 2, de la loi du 31 décembre 1971 et 15 du décret du 27 novembre 1991, mais d'avis valablement émis par le Bâtonnier ou son délégué ;

Qu'il y a donc lieu de rejeter le recours formé à ce titre par la selarl Delmas & associés alors surtout que Mme [W] et M. [D] ont finalement produit chacun, une convention de sous-location conformes aux règles de la profession ;

3) Sur l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile :

Considérant que la selarl Delmas & associés, succombant en ses prétentions, sera déboutée de sa demande ;

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Rejette le recours formé par la selarl Delmas & associés et tendant à l'annulation 1°) de la décision du Conseil de l'Ordre des avocats au barreau de Paris en date du 12 avril 2011 concernant la « convention de sous-location à temps partiel avec partage de moyens d'exercice » et 2°) des avis du Conseil de l'Ordre des avocats déclarant non conformes les contrats de domiciliation de Mme [M] [W] et de M. [P] [D], avocats ;

Déboute la selarl Delmas & associés de sa demande d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne la selarl Delmas & associés aux dépens.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 11/12867
Date de la décision : 22/03/2012

Références :

Cour d'appel de Paris C1, arrêt n°11/12867 : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-03-22;11.12867 ?
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