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21/03/2012 | FRANCE | N°11/17673

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 21 mars 2012, 11/17673


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 21 MARS 2012



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 11/17673



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 06 Septembre 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/56356





APPELANTE



SAS SYBILLE ACCESSOIRES agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliÃ

©s audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]



représentée par Me Frédérique ETEVENARD (avocat au barreau de PARIS, toque : K0065)

assistée de Me Maxime VIGNAUD (avocat au barreau de PA...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 21 MARS 2012

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/17673

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 06 Septembre 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/56356

APPELANTE

SAS SYBILLE ACCESSOIRES agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Frédérique ETEVENARD (avocat au barreau de PARIS, toque : K0065)

assistée de Me Maxime VIGNAUD (avocat au barreau de PARIS, toque : P 248)

INTIMES

SA CINQ HUITIEMES agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Pascale FLAURAUD (avocat au barreau de PARIS, toque : D1527)

assistée par la SCP CABINET GREFFE (Me Laure PAUDRAT) (avocats au barreau de PARIS, toque : E617)

Monsieur LE DIRECTEUR GENERAL DES DOUANES ET DROITS INDIRECTS

[Adresse 3]

[Localité 5]

Rep/assistant : M. [U] [G], inspecteur des douanes, agent poursuivant à l'Agence de poursuites de la Direction Nationale du Renseignement et des Enquêtes Douanières, en vertu d'un pouvoir spécial

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 21 Février 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Brigitte GUYOT, Présidente

Mme Maryse LESAULT, Conseillère

Madame Michèle GRAFF-DAUDRET, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Nadine CHAGROT

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Michèle GRAFF-DAUDRET, conseillère, la présidente empêchée et par Madame Nadine CHAGROT, greffier.

FAITS CONSTANTS :

La SA CINQ HUITIEMES, créée en 1988, a pour activité la création et la fabrication de lignes de vêtements et d'accessoires qu'elle commercialise sous les marques suivantes :

- la marque figurative représentant un noeud papillon stylisé, déposé à l'INPI le 19 mars 2010 sous le numéro 103722956 pour désigner notamment des housses pour téléphone, des étuis et pochettes pour téléphones portables, des articles de maroquinerie, des sacs à main, des portefeuilles, des porte-cartes, des bourses, des porte-monnaie,

- la marque figurative représentant également un noeud papillon stylisé, déposé à l'INPI le 3 février 2005 sous le numéro 05 3 338 690 pour désigner notamment des vêtements et des chaussures,

- la marque figurative représentant un noeud papillon stylisé, déposé à l'INPI le 11 octobre 2002 sous le numéro 023188436 pour désigner notamment des vêtements et des chaussures.

Au mois de juin 2011, les services des douanes de Roissy ont averti la société CINQ HUITIEMES qu'ils avaient découvert des articles de maroquinerie susceptibles de contrefaire son logo.

Le 10 juin 2011, lesdits services ont ainsi procédé à la retenue de 2201 articles litigieux. Cette retenue a été notifiée à la société CINQ HUITIEMES, qui a été informée que le destinataire des marchandises litigieuses, qui venaient d'Inde, était la SAS SYBILLE ACCESSOIRES (SYBILLE), exerçant sous l'enseigne 'Petite Mendigote'. La société CINQ HUITIEMES a porté plainte, pour contrefaçon de marque, auprès du Procureur de la république, le 24 juin 2011. Les douanes ont ensuite dressé un procès-verbal de saisie des articles litigieux, le 28 juin 2011.

Le 28 juin 2011, les douanes ont procédé à la retenue d'autres produits, en l'occurrence 1090 paires de ballerines référencées TIFFANY. Cette retenue a été notifiée le 4 juillet 2011 à la société CINQ HUITIEMES, qui a été informée que le destinataire de ces marchandises, d'origine indienne, était la société SYBILLE.

La société CINQ HUITIEMES a déposé une nouvelle plainte auprès du Procureur de la république, pour contrefaçon de marque, le 15 juillet 2011. Les douanes ont dressé procès-verbal de saisie des chaussures litigieuses le 19 juillet 2011.

La société SYBILLE a saisi le juge des référés, afin que soit ordonné la mainlevée des saisies douanières.

Par deux ordonnances (N°RG 11/56355 et RG 11/56356) du 6 septembre 2011, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris, aux motifs que, la demande de mainlevée de la saisie douanière, alors qu'a été notifiée la commission d'un délit douanier relevait des tribunaux correctionnels, et qu'il y avait lieu, en application de l'article 96 du CPC, de renvoyer la société demanderesse à mieux se pourvoir, et qu'en toute hypothèse, seule l'existence d'une voie de fait ou encore d'un trouble manifestement excessif serait de nature à permettre une mainlevée de la saisie douanière qui a été opérée, mais que les services des douanes avaient respecté la procédure de retenue puis de saisie des marchandises susceptibles d'être contrefaisantes, et que dès lors, il n'y avait eu aucune violation évidente d'une règle de droit et que, par ailleurs, il n'existait aucun trouble manifestement excessif :

- a mis hors de cause la société FLANKER,

- a reçu M. Le Directeur Général des douanes et droits indirects en son intervention volontaire,

- s'est déclaré incompétent pour connaître de la demande de mainlevée de la saisie,

- a renvoyé la demanderesse à mieux se pourvoir,

- a dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du CPC,

- a laissé les dépens à la charge de la société SYBILLE.

La société SYBILLE a interjeté appel de ces deux ordonnances le 30 septembre 2011 (RG 11/56356) et le 3 octobre 2011 (RG 11/56355). Les deux procédures ont été enregistrées respectivement sous les n° RG CA 11/17673 et 11/17712 et ont été jointes sous le premier de ces numéros.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 février 2012.

PRETENTIONS ET MOYENS DE LA SOCIETE SYBILLE :

Par dernières conclusions du 8 février 2012, auxquelles il convient de se reporter, la société SYBILLE fait valoir :

- que, s'agissant de la saisie des produits de maroquinerie par procès-verbal du 28 juin 2011, la plainte a été classée sans suite le 13 septembre 2011, le parquet considérant que l'infraction n'était pas suffisamment caractérisée, qu'il en est de même de la saisie des ballerines (procès-verbal du 19 juillet 2011), plainte classée sans suite le 27 janvier 2012,

- sur la compétence du juge des référés,

que l'administration des douanes a soulevé in limine litis l'incompétence du juge des référés, en se fondant sur l'article 357 du code des douanes, qui opère la répartition des compétences sur les questions douanières entre le tribunal correctionnel et le tribunal d'instance, mais qu'en l'espèce, il ne s'agit pas d'une action au fond, mais d'une action en référé, pour laquelle, selon la jurisprudence et la doctrine, le juge des référés est pleinement compétent pour statuer sur une demande de mainlevée de saisie douanière en cas de voie de fait ou de trouble manifestement illicite, que l'objet de la présente procédure n'est pas de contester la validité des opérations de saisie mais d'en obtenir la mainlevée,

- sur le bien-fondé de ses demandes,

A titre liminaire, sur l'irrégularité des opérations de saisie et ses conséquences,

. que les opérations de saisie sont irrégulières, ce qui constitue une violation évidente d'une règle de droit, donc un trouble manifestement excessif et une voie de fait,

. que l'article L. 716-8, alinéa 4, du code de la propriété intellectuelle (CPI), prévoit que 'la mesure de retenue est levée de plein droit à défaut, pour le demandeur, dans le délai de dix jours ouvrables, à compter de la notification de la retenue des marchandises, de justifier auprès des services douaniers soit de mesures conservatoires décidées par la juridiction civile compétente, soit de s'être pourvu par la voie civile ou la voie correctionnelle, et d'avoir constitué les garanties destinées à l'indemnisation éventuelle du détenteur des marchandises au cas où la contrefaçon ne serait pas ultérieurement reconnue',

. que les dispositions de cet article L. 716-8 n'ont pas été respectées à plusieurs titres :

1/ une simple dépôt de plainte devant le procureur de la république ne répond pas aux exigences de ce texte

2/ en tout état de cause, CINQ HUITIEMES s'est abstenue de constituer les garanties exigées par ce texte, comme elle l'a reconnu devant le juge des référés, qui n'a cependant pas statué sur cette question,

. que, quoi qu'il en soit, les classements sans suite précités justifient que soient prononcée la mainlevée sur ces deux lots dans la mesure où l'action pénale n'a pas été actionnée, pas plus que l'action civile,

. que c'est à tort que l'intimée soutient que les douanes peuvent agir indépendamment de la volonté du titulaire des droits, dès lors que le délit de contrefaçon constitue le délit douanier d'importation de marchandises prohibées, car une telle thèse reviendrait à considérer que le législateur aurait pris la peine d'entourer la procédure de saisie douanière de modalités d'exercice, dont le non-respect ne serait pas sanctionné,

. que la levée de plein droit de la mesure est expressément mentionnée comme la sanction de non respect de ces garanties,

En toute hypothèse, sur le trouble manifestement illicite résultant de l'absence de risque de contrefaçon,

. que les noeuds papillon figurant sur les produits contrefaisants ne peuvent pas être assimilés au noeud papillon du logo EDEN PARK , au sens notamment des articles

L. 716-2 et L. 716-3 du CPI, que, 'sauf à conférer à CINQ HUITIEMES un monopole d'exploitation sur tout noeud papillon', il n'existe aucune confusion au sens du CPI et du règlement communautaire n°1383/2003 du 22 juillet 2003, de telle sorte que le délit de contrefaçon n'est manifestement pas constitué, que l'examen des procès-verbaux litigieux, qui font foi, ne permet pas d'identifier précisément une marque,

. que s'il fallait retenir une marque semi-figurative présentant un noeud papillon de couleur rose aux côtés de la mention verbale 'EDEN PARK', l'impression d'ensemble produite par le noeud papillon litigieux n'est pas la même (couleur différente, pas d'inscription pour le noeud litigieux, lignes du logo de la marque arrondies et non droites comme pour le produit litigieux, etc..), que le marché en cause pour ses propres produits est un marché exclusivement féminin et mode, alors que celui des produits labellisés EDEN PARK est un marché masculin sport, que sa marque 'Petite Mendigote' jouit d'une notoriété certaine, si bien que les acquéreurs de ses produits 'Petite Mendigote' ne peuvent pas se méprendre sur l'origine des produits litigieux,

Sur le péril imminent,

que lors de l'introduction de la présente procédure (20 et 28 juillet 2011), il existait un péril imminent puisque les mesures de rétention et saisie s'opposaient à ce que les commandes des marchandises litigieuses puissent être honorées, les livraisons devant être faites en semaine 26 (27 juin 2011 au 3 juillet 2011), ce qui l'exposait à voir son équilibre financier remis en cause et sa crédibilité gravement voire irrémédiablement affectée, notamment à l'égard d'enseignes comme les Galeries Lafayette ou le Printemps,

Sur la demande de provision à valoir sur dommages et intérêts,

que les mesures de rétention et de saisie lui ont causé un préjudice désormais irrémédiable tant au titre des tracas causés que de la perte de crédibilité à l'égard de ses clients qui n'ont pas pu être livrés en temps et en heure, qu'elle détaille son préjudice (perte de chiffre d'affaires distributeurs 101 015 euros HT, perte de chiffre d'affaires boutiques 20 500 euros HT outre le préjudice d'image, frais de procédure, TVA).

Elle demande à la Cour :

- de se déclarer compétente,

- de dire abusives les retenues et saisies en douane sur les produits consignés dans les procès-verbaux des 10 juin 2011, 28 juin 2011 et 19 juillet 2011,

En conséquence,

- d'ordonner la mainlevée des mesures de retenue et de saisie sur les produits consignés dans les procès-verbaux des 10 juin, 28 juin 2011 et 19 juillet 2011 et la libération immédiate des produits objet de cette retenue,

- de condamner la société CINQ HUITIEMES à lui verser la somme de 140 515 euros à titre provisionnel au titre du préjudice subi,

- de condamner la société CINQ HUITIEMES à lui verser la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du CPC, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel,

- de lui accorder le bénéfice des dispositions de l'article 699 du CPC.

PRETENTIONS ET MOYENS DE LA SOCIETE CINQ HUITIEMES :

Par dernières conclusions du 14 février 2012, auxquelles il convient de se reporter, la société CINQ HUITIEMES fait valoir :

Sur l'incompétence du juge des référés,

- que la retenue en douane visée par l'article L. 716-8 du CPI est une mesure administrative et qu'il résulte du code des douanes (articles 356 et suivants) que les juridictions civiles n'ont pas qualité pour apprécier sa régularité, que l'article 357 du code des douanes attribue compétence aux tribunaux correctionnels pour 'toutes les questions douanières soulevées par voie d'exception', peu important qu'il s'agisse d'actions exercées au fond ou en référé, que le juge compétent est le juge répressif, que seule l'existence d'une voie de fait ou la nécessité de mettre fin à un trouble manifestement illicite peut justifier l'intervention des juridictions judiciaires, pour prononcer la mainlevée d'une mesure de retenue ou de saisie douanière,

Sur l'absence de voie de fait ou de trouble manifestement illicite,

- qu'en cas de simple péril imminent, le juge des référés n'est pas compétent pour statuer sur la demande du saisi,

- que SYBILLE ne justifie ni de l'existence d'un trouble manifestement illicite, ni d'une voie de fait,

. que les services des douanes ont respecté la procédure de saisie puis de retenue,

. que le dépôt de plainte avec constitution de partie civile constitue un acte qui permet de 'se pourvoir' valablement par la voie correctionnelle,

. que, surtout, les éléments invoqués par l'appelante sont insusceptibles de rendre les mesures de saisie douanière irrégulières, les douanes pouvant parfaitement agir indépendamment de la volonté du titulaire des droits puisque le délit de contrefaçon constitue un délit douanier d'importation de marchandises prohibées,

. qu'il est également indifférent que le parquet ait classé sans suite les plaintes,

. qu'en tout état de cause, elle a saisi le tribunal de grande instance au fond, par acte du 17 novembre 2011, après avoir fait procéder à des saisies-contrefaçon,

. que l'appréciation du risque de confusion n'appartient pas au juge des référés, juge de l'évidence, mais à la juridiction du fond,

. qu'en tout état de cause, le risque de confusion est patent, que ce risque doit être apprécié globalement en se fondant sur l'impression d'ensemble produite par les signes en cause sur un consommateur d'attention moyenne n'ayant pas simultanément les produits sous les yeux,

. qu'il existe incontestablement un risque de confusion entre les noeuds apposés sur les produits SYBILLE et ses propres marques, notoires, d'autant plus qu'elle appose sa marque sous la forme d'un noeud sur la plus grande partie de ses chaussures et de ses articles de maroquinerie, au même endroit qu'elle, que le risque de confusion ne doit pas être apprécié seulement au regard de sa marque communautaire mais de l'ensemble de ses marques,

. que les signes litigieux présentent de très fortes similitudes tant visuelles qu'intellectuelles,

. que les produits sur lesquels SYBILLE appose le signe litigieux sont identiques ou similaires aux produits désignés par ses marques, que le noeud utilisé par SYBILLE n'est pas utilisé à titre d'élément décoratif mais bien comme un signe distinctif pour désigner ses produits, que SYBILLE commercialise ses produits à travers les mêmes circuits de distribution qu'elle (Printemps ou Galeries Lafayette ou boutiques très proches),

. que l'appréciation du risque de confusion doit tenir compte de la facilité avec laquelle le signe peut être associé à la marque et eu égard, notamment, à la connaissance de cette dernière sur le marché, que la haute renommée de ses marques ainsi que leur forte distinctivité qui est en partie due à cette notoriété, ne laisse aucun doute sur le fait que le consommateur puisse se méprendre sur l'origine des produits.

Elle demande à la Cour :

- de confirmer les ordonnances entreprises,

- de débouter, en tout état de cause, la société SYBILLE de l'ensemble de ses demandes,

- de condamner la société SYBILLE à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du CPC,

- de condamner la société SYBILLE en tous les dépens,

- de lui accorder le bénéfice des dispositions de l'article 699 du CPC.

PRETENTIONS ET MOYENS DES DOUANES :

Par conclusions du 15 décembre 2011, les services des Douanes (D.N.R.E.D.) font valoir   :

- qu'il y a compétence exclusive du juge répressif, sur le fondement de l'article 357 du code des douanes, pour connaître des délits douaniers,

- qu'il y a absence de trouble manifestement illicite ou de voie de fait,

. que juger du caractère contrefaisant des marchandises reviendrait à se prononcer sur le fond, que la Cour se déclarera incompétente,

. qu'il y a absence de trouble manifestement illicite ou voie de fait dans le cadre des procédures de mise en retenue puis de saisie douanières, les procédures légales ayant été respectées,

- qu'il y a autonomie des saisies douanières, les agents des douanes disposant d'un pouvoir de saisie qui leur est propre et qui n'est donc pas subordonné à une éventuelle action de la marque lésée (articles 2 du règlement n°450/2008 du 23 avril 2008 et 37 du code des douanes communautaire (règlement du Conseil n°2913/92 du 12 octobre 1992), que SYBILLE ne peut, en conséquence, invoquer l'irrégularité dont serait frappée la saisie douanière, au motif que CINQ HUITIEMES n'aurait pas satisfait aux exigences de l'article L. 716-8 du CPI.

Les services des Douanes (DNRED) demandent à la Cour :

- à titre principal, de confirmer les deux ordonnances entreprises,

- subsidiairement, de rejeter l'ensemble des demandes formulées par la société SYBILLE.

SUR QUOI, LA COUR

Sur la compétence du juge des référés :

Considérant que l'article 357 du code des douanes, selon lequel les tribunaux correctionnels connaissent de tous les délits de douane et de toutes les questions douanières soulevées par voie d'exception, n'exclut pas la compétence des juridictions civiles en cas d'existence d'une voie de fait ou d'un trouble manifestement illicite ;

Que dans cette dernière hypothèse, il résulte de l'article 809, alinéa 1er, du code de procédure civile que, même en présence d'une contestation sérieuse, le juge des référés peut prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;

Sur le trouble manifestement illicite :

Considérant que selon l'article L. 716-8, alinéa 4, du code de la propriété intellectuelle, la mesure de retenue douanière est levée de plein droit à défaut, pour le demandeur, dans le délai de dix jours ouvrables (...), à compter de la notification de la retenue des marchandises, de justifier auprès des services douaniers soit de mesures conservatoires décidées par la juridiction civile compétente, soit de s'être pourvu par la voie civile ou la voie correctionnelle et d'avoir constitué les garanties destinées à l'indemnisation éventuelle du détenteur des marchandises au cas où la contrefaçon ne serait pas ultérieurement reconnue ;

Qu'il est constant qu'il n'a été décidé d'aucune mesure conservatoire par la juridiction civile compétente ;

Que la société CINQ HUITIEMES ne justifie pas s'être pourvue, dans le délai de dix jours ouvrables à compter de la notification des retenues des 10 juin 2011, 28 juin 2011 et 19 juillet 2011, par la voie civile ou correctionnelle, à laquelle ne saurait, pour cette dernière, être assimilé un dépôt de plainte simple devant le Procureur de la république ; qu'elle ne justifie pas davantage, ni même n'allègue, avoir constitué les garanties prévues par ce texte, dont les conditions sont, par ailleurs, cumulatives ;

Considérant que le trouble manifestement illicite résulte du maintien des retenues en cause, alors que les conditions de l'article L. 716-8 n'étaient pas réunies ;

Qu'il y a lieu, en conséquence, d'ordonner la mainlevée immédiate des mesures de retenue et de saisie douanières des produits consignés dans les procès-verbaux des 10 juin 2011, 28 juin 2011 et 19 juillet 2011 ;

Que les ordonnances entreprises seront infirmées ;

Sur la provision :

Considérant qu'en vertu de l'article 809, alinéa 2, du CPC, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier ;

Considérant que la société CINQ HUITIEMES ne conteste pas que les marchandises devaient être livrées au plus tard le 3 juillet 2011, ce qui est attesté par la mention figurant sur les confirmations de commande : ' Semaine livraison/Delivery 2011/26", ces produits se rapportant à la saison 'Hiver 2011" ;

Qu'il résulte des procès-verbaux des 28 juin 2011 et 19 juillet 2011, que la retenue et la saisie douanières ont porté, respectivement, sur 2 201 articles pour une valeur totale de

376 888 euros, et 1 090 articles d'une valeur totale de 115 540 euros ;

Considérant que ces opérations d'immobilisation des marchandises, dans les conditions précitées, ont, de tout évidence, causé un préjudice économique important à la société SYBILLE, constitué tant par l'atteinte au fonctionnement commercial de l'entreprise, s'exerçant dans le domaine de la mode et, donc, soumis à un renouvellement rapide des modèles, résultant de l'obstruction de son approvisionnement et de son impossibilité de satisfaire ses clients dans les délais requis, engendrant nécessairement une perte de chiffre d'affaires, que de l'atteinte à son image ; qu'il y a lieu de lui allouer une provision de

100 000 euros à valoir sur la réparation de ce préjudice, incontestable ;

Sur les autres demandes :

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la société SYBILLE les frais irrépétibles qu'elle a exposés pour la présente instance ;

Considérant que la société CINQ HUITIEMES, qui succombe, devra supporter les dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC ;

PAR CES MOTIFS :

Infirme les ordonnances N°RG 11/56355 et RG 11/56356 du 6 septembre 2011,

sauf en ce qu'elles ont mis hors de cause la société FLANKER et reçu Monsieur le Directeur Général des douanes et droits indirects en son intervention volontaire,

Statuant à nouveau,

Déclare le juge des référés compétent,

Ordonne la mainlevée immédiate des mesures de retenue et saisie douanières consignées dans les procès-verbaux des 10 juin 2011, 28 juin 2011 et 19 juillet 2011,

Condamne la SA CINQ HUITIEMES à payer à la SAS SYBILLE ACCESSOIRES la somme provisionnelle de 100 000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice,

Condamne la SA CINQ HUITIEMES aux dépens de première instance,

Y ajoutant,

Condamne la SA CINQ HUITIEMES à payer à la SAS SYBILLE ACCESSOIRES la sommede 5 000 euros au titre de l'article 700 du CPC,

Condamne la SA CINQ HUITIEMES aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.

LE GREFFIER P/LA PRESIDENTE EMPECHEE

LA CONSEILLERE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 11/17673
Date de la décision : 21/03/2012

Références :

Cour d'appel de Paris A2, arrêt n°11/17673 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-03-21;11.17673 ?
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