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21/03/2012 | FRANCE | N°11/13328

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 21 mars 2012, 11/13328


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 21 MARS 2012



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 11/13328



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 19 Mai 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/52586





APPELANTES



SIEMP SOCIETE IMMOBILIERE D'ECONOMIE MIXTE DE LA VILLE DE PARIS

Siège administratif :

[

Adresse 6]

[Localité 18]



VILLE DE PARIS venant aux droits de la SIEMP agissant poursuites et diligences de son Maire

[Adresse 10]

[Localité 15]



représentées par la SCP BOMMART FORSTER -...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 21 MARS 2012

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/13328

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 19 Mai 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 11/52586

APPELANTES

SIEMP SOCIETE IMMOBILIERE D'ECONOMIE MIXTE DE LA VILLE DE PARIS

Siège administratif :

[Adresse 6]

[Localité 18]

VILLE DE PARIS venant aux droits de la SIEMP agissant poursuites et diligences de son Maire

[Adresse 10]

[Localité 15]

représentées par la SCP BOMMART FORSTER - FROMANTIN (Me Edmond FROMANTIN) (avocats au barreau de PARIS, toque : J151)

assistées par la SCP NORMAND & ASSOCIES (Me Geneviève CARALP DELION) (avocats au barreau de PARIS, toque : P0141)

INTIMES

SCP [KG] Elle-même représentée par Maître [V] [KG] domicilié en cette qualité audit siège, la SCP ayant été nommée.

Prise en sa qualité de liquidateur du SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU [Adresse 7] dont le siège social est à [Adresse 7], suivant ordonnance de Monsieur RAINGEARD de la BLETIERE, Premier Vice-Président au TGI de PARIS, en date du 20 février 2007.

[Adresse 11]

[Localité 16]

représentée par la SELARL HJYH AVOCATS (avocats au barreau de PARIS, toque L0056)

assistée de Me Stéphane DUMAINE-MARTIN (avocat au barreau de PARIS, toque D0062)

Monsieur [A] [G]

[Adresse 9]

[Localité 23]

Mademoiselle [Y] [Z]

[Adresse 4]

[Localité 17]

Monsieur [F] [WD]

[Adresse 5]

[Localité 13]

Madame [U] [I]

[Adresse 1]

[Localité 24]

Monsieur [R] [D]

[Adresse 21]

[Localité 12]

Monsieur [W] [P]

[Adresse 2]

[Localité 26]

Monsieur [T] [H]

[Adresse 20]

[Localité 14]

Monsieur [K] [B]

[Adresse 7]

[Localité 17]

Monsieur le Directeur des Services Fiscaux de la DNID pris en sa qualité d'administrateur provisoire des successions de Madame [OI] [YW], Monsieur [M] [O] et Madame [MZ] [X] non réclamée de Monsieur [PS] [L], nommé à cette fonction par une ordonnance rendue le 25/05/2005 par le Président du TGI D'EVRY

[Adresse 8]

[Localité 27]

S.A.R.L. CDI - CONSTRUCTION DECORATION INGENIERIE

[Adresse 19]

[Localité 25]

défaillants

PARTIE INTERVENANTE

Maître Jeanne BERTRAND

en qualité de liquidateur de la SARL CDI - CONSTRUCTION DECORATION INGENIERIE

[Adresse 3]

[Localité 22]

défaillante

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 22 Février 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Brigitte GUYOT, Présidente

Mme Maryse LESAULT, Conseillère

Madame Michèle GRAFF-DAUDRET, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Nadine CHAGROT

ARRET :

- PAR DEFAUT

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Michèle GRAFF-DAUDRET, conseillère, la présidente empêchée, et par Madame Nadine CHAGROT, greffier.

FAITS CONSTANTS :

A la suite d'un premier arrêté de péril en date du 20 février 2001 et d'un premier arrêté d'insalubrité remédiable en date du 20 mai 2001, puis d'un second arrêté de péril en date du 24 mai 2004, l'immeuble en copropriété situé [Adresse 7] a fait l'objet, au vu de rapports du service technique de l'habitat de la Ville de [Localité 28], et malgré l'engagement du syndicat des copropriétaires de l'immeuble (le SDC) de faire procéder aux travaux nécessaires, d'un arrêté préfectoral de péril irrémédiable en date du 20 juillet 2005avec interdiction définitive à l'habitation, ouvrant la voie à l'engagement d'une procédure d'expropriation. Cet arrêté précise néanmoins à son article 5 que si les copropriétaires, à leur initiative, réalisent des travaux de nature à rendre cet immeuble salubre, sa mainlevée pourra être prononcée après constatation de l'état de salubrité par l'autorité administrative compétente.

Par arrêté du 10 août 2006, le Préfet de Paris a déclaré d'utilité publique l'acquisition par la Société Immobilière d'Economie Mixte de la Ville de [Localité 28] (SIEMP) de l'immeuble, en vue de réaliser une opération de démolition et de reconstruction de 5 logements sociaux, et déclaré l'immeuble cessible immédiatement en totalité ou en partie au bénéfice de la SIEMP par voie d'expropriation, en application des dispositions de la loi du 10 juillet 1970 dite loi Vivien créant une procédure d'exception liée à l'insalubrité de l'immeuble.

Le SDC a été débouté de ses demandes de suspension des arrêtés du 20 juillet 2005 et du 10 août 2006.

Par ordonnance du 18 décembre 2006, le juge de l'expropriation près le tribunal de grande instance de Paris a déclaré expropriés immédiatement les lots dépendant de l'immeuble.

Cependant, le SDC, aux termes d'assemblées générales en dates des 10 février 2005, 20 juin 2005 et 16 octobre 2006, avait décidé d'engager des travaux de structure pour une somme globale d'environ 425.000 € , travaux qui ont reçu un commencement d'exécution.

La SIEMP a demandé en référé l'arrêt des travaux et la désignation d'un liquidateur du SDC. Par ordonnance du 20 février 2007, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris, au motif que l'immeuble était en partie habitable, satisfaisant, pour le principal et sauf les travaux de structure en cours, aux prescriptions de l'arrêté de péril du 5 mai 2001, et que l'interruption des travaux était susceptible de provoquer un tassement différentiel, a débouté la SIEMP de sa demande d'arrêt des travaux, et a désigné la SCP [KG], en la personne de Maître [V] [KG] , en qualité de liquidateur du SDC, avec mission de veiller à l'exécution du chantier jusqu'à décision juridictionnelle sur sa poursuite, de dresser un état des contrats engageant le syndicat et de procéder à un arrêté des comptes à la date de sa saisine, de dresser un état des créances et des dettes du SDC, en particulier, des dettes des copropriétaires. Cette mission a, depuis, été prorogée à plusieurs reprises, et pour la dernière fois par ordonnance du 21 octobre 2011.

La SIEMP a saisi le juge du fond le 25 mai 2007 d'une demande d'interruption des travaux. Par jugement du 15 septembre 2009, le tribunal de grande instance de Paris a ordonné la cessation des travaux engagés par le SDC. Deux copropriétaires ont interjeté appel de cette décision. L'instance d'appel a fait l'objet d'une ordonnance de radiation.

Parallèlement à ces instances, le SDC a contesté les arrêtés de péril irrémédiable et d'expropriation et, par deux jugements du 4 avril 2008, le tribunal administratif de Paris a rejeté ces recours.

Par arrêt en date du 10 mars 2011, la Cour administrative d'appel de Paris a annulé ces deux arrêtés, au motif qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que les désordres qui affectaient l'immeuble à la date de l'arrêté d'insalubrité irrémédiable, y compris ceux affectant les murs porteurs, exigeaient, pour qu'il y soit remédié, des travaux qui auraient été techniquement irréalisables ou qui auraient pu être regardés comme équivalant à une reconstruction de l'immeuble, ni que les travaux strictement nécessaires pour rendre l'immeuble salubre étaient d'un coût disproportionné par rapport à la valeur vénale de celui-ci.

La SIEMP et la Ville de [Localité 28] ont formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt, devant le Conseil d'Etat.

Par ordonnance du 26 juillet 2007, le juge des référés a ordonné à la SIEMP de laisser à la SCP VALLIOT le libre accès aux parties privatives de l'immeuble. Un jugement du juge de l'exécution du 26 mars 2008, ayant fixé une astreinte pour l'exécution de cette obligation, a été infirmé par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 25 mars 2010.

Par ordonnance sur requête du 22 juillet 2009, le président du tribunal de grande instance de Paris, saisi par la SCP VALLIOT, a ordonné une expertise confiée à M. [XM] avec mission:

- de décrire l'état actuel du bâtiment, l'origine des désordres, leurs évolutions réelles ou prévisibles, le traitement de ceux ci déjà effectués

- de donner son avis sur le bien-fondé des analyses et programmes de travaux que le SDC a fait établir depuis l'origine avec le concours de M.[E], architecte et de M. [N], syndic, ayant abouti au rapport du cabinet BANCON, ingénieur, qui a servi de document de référence lors de la réalisation des premiers travaux de remise en état de l'immeuble, interrompus par la SIEMP

- d'évaluer le montant des travaux de reprise en structures déjà effectués, et interrompus par la SIEMP, et le montant des travaux restant à réaliser

- de donner son avis sur la qualité des travaux déjà réalisés

- de donner un avis sur le rapport entre le coût total desdits travaux et la valeur de l'immeuble

- de valider les préconisations et projets du maître d'oeuvre, et estimer le temps nécessaire pour l'achèvement des travaux

- de dire si, au terme de la réalisation des travaux envisagés, l'immeuble pourra être stabilisé.

Par arrêt infirmatif du 17 mars 2010, la cour d'appel de Paris a rétracté cette ordonnance, pour violation du principe de la contradiction.

Entre- temps, M. [XM] a déposé son rapport en l'état le 29 mars 2010, concluant, en substance, que l'immeuble était parfaitement réhabilitable à l'été 2006, que cette réhabilitation avait commencé à l'hiver 2006/2007, que malgré les négligences 'plus ou moins volontaires' de la SIEMP et l'abandon aux intempéries, il l'était toujours à un coût raisonnable, compte tenu de la valeur des bienset au regard de sa situation dans [Localité 28], mais que, ayant souffert d'intempéries, il nécessitait peut-être des travaux de confortement supplémentaires.

C'est dans ces conditions que, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, la SCP VALLIOT a demandé en référé la désignation du même expert.

Par ordonnance entreprise du 19 mai 2011, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a désigné en qualité d'expert M. [R] [C], considérant que l'expert [XM] avait outrepassé sa mission et manqué d'impartialité, avec la mission suivante :

-décrire l'état actuel de l'immeuble, l'origine des désordres, donner son avis sur leurs évolutions réelles ou prévisibles, sur les traitements déjà effectués

- donner son avis sur le bien-fondé des analyses et programmes de travaux que le SDC a fait établir depuis l'origine,

- évaluer le montant des travaux de reprise en structures déjà effectués ainsi que le montant des travaux restant à réaliser,

- décrire et analyser les destructions et détériorations opérées dans les parties communes en tentant d'en établir la chronologie,

- déterminer et évaluer le coût des travaux rendus spécifiquement nécessaires du fait de ces dites destructions et détériorations et du fait de la suspension des travaux en cours de procédure,

- décrire et évaluer de manière globale les travaux nécessaires pour parvenir à la réhabilitation totale de l'immeuble,

- valider les préconisations et projets du maître d'oeuvre et estimer le temps nécessaire pour l'achèvement des travaux,

- rapporter toutes autres constatations utiles à l'examen des prétentions des parties.

La SIEMP et la Ville de [Localité 28] ont interjeté appel de cette décision les 6 et 22 juillet 2011 par déclarations adressées en recommandé au greffe de la cour.

La clôture est du 22 février 2012.

MOYENS ET PRETENTIONS DES APPELANTES :

Par dernières conclusions du 20 février 2012, auxquelles il convient de se reporter, la SIEMP et la Ville de [Localité 28] font valoir :

* sur la recevabilité de leurs appels :

- qu'elles sont liées par une convention qui a expiré le 31 décembre 2010, que cependant la SIEMP reste propriétaire de l'immeuble et a donc intérêt et qualité pour faire appel, que la Ville de [Localité 28], subrogée dans les droits de la SIEMP, a également intérêt et qualité pour faire appel

- qu'en raison de la présence de la DNID, elles étaient fondées à formaliser leur appel par déclaration au greffe, selon la procédure orale,

* sur l'exception d'incompétence :

- que cette question était en débat devant le premier juge, que l'exception est donc recevable

- que, le juge de l'expropriation ayant été saisi, postérieurement au prononcé de l'ordonnance entreprise, par la SCP VALLIOT, ainsi que par certains propriétaires, aux fins de voir constater la perte de la base légale de l'ordonnance d'expropriation, et ordonner la restitution des biens expropriés, seul ce juge est compétent pour statuer sur la demande d'expertise, par application des articles L 12-5 et R 12-5-4 du code de l'expropriation

* subsidiairement, sur le bien fondé de la mesure d'expertise :

- qu'il ne peut être considéré que la mesure est demandée 'avant tout procès' alors que la chambre des expropriations est saisie et que de multiples procédures, tant administratives que judiciaires, ont été engagées,

- qu'à ce jour, l'immeuble est toujours la propriété de la SIEMP, qu'il n'est pas de la compétence du liquidateur du SDC de solliciter une expertise sur le coût des travaux nécessaires pour réhabiliter l'immeuble, tant que son sort futur dépend de la décision à intervenir du Conseil d'Etat et de la procédure subséquente pendante devant la chambre des expropriations

* très subsidiairement, sur la mission donnée à l'expert,

- que l'expertise ordonnée est sans lien avec la mission actuelle de la SCP [KG], qu'en effet il est demandé à l'expert, non pas de renseigner le tribunal sur l'état du bâtiment lors de l'interruption des travaux, mais de porter une appréciation sur la possibilité de le réhabiliter, alors que la question de l'insalubrité est de la seule compétence de la juridiction administrative,

- que l'expert lui-même s'interroge sur sa mission, que cette mission est en réalité une mission de maîtrise d'oeuvre portant sur une future réhabilitation de l'immeuble, et non une mission d'expertise judiciaire.

Elles demandent à la cour :

- de dire leurs appels recevables,

- d'infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions

- de dire le juge des référés incompétent au profit de la chambre des expropriations du tribunal de grande instance de Paris

- subsidiairement, de débouter la SCP VALLIOT de sa demande d'expertise

- à titre infiniment subsidiaire, de dire que la mission donnée à l'expert ne pourra excéder celle d'un simple constat,

- de condamner la SCP [KG] à leur payer une somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, et de leur accorder le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

MOYENS ET PRETENTIONS DE LA SCP VALLIOT :

Par dernières conclusions du 14 février 2012, la SCP VALLIOT fait valoir :

*sur la recevabilité de l'appel :

- que les déclarations d'appel et l'assignation devant la cour sont nulles pour porter des mentions relatives à l'appel sans représentation obligatoire au visa de l'article 932 du code de procédure civile alors que l'appel est régi par les articles 901 et suivants du code de procédure civile

- que, la convention publique d'aménagement passée entre la Ville de [Localité 28] et la SIEMP ayant expiré au 31 décembre 2010, la SIEMP n'a plus qualité pour agir en justice ni pour suivre les litiges en cours, et que la Ville de [Localité 28], qui n'était pas partie en première instance, n'a pas qualité pour interjeter appel ni pour intervenir volontairement en appel, puisque, par l'effet de l'irrecevabilité de l'appel de la SIEMP, son intervention accessoire doit suivre le sort de l'appel principal

* sur la compétence du juge des référés :

- que l'exception d'incompétence, soulevée pour la première fois en appel, est irrecevable, que si le juge de l'expropriation est compétent, il l'est par nature, avant, comme après, sa saisine,

- qu'aucun texte ne donne au juge de l'expropriation une compétence exclusive pour connaître d'une demande d'expertise d'un immeuble qui a fait l'objet d'une procédure d'expropriation, étant relevé qu'à la date de la saisine du juge des référés, cette voie de droit n'était pas encore ouverte

- que l'exception d'incompétence est d'autant plus mal fondée que le juge des référés est saisi sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile 'avant tout procès' et que le procès dont s'agit est justement celui se déroulant devant le juge de l'expropriation, ce juge ne peut statuer sur une demande d'expertise au visa de 145 en référence à un procès futur devant se dérouler devant lui

- que de plus, ce juge devrait surseoir à statuer tant que le Conseil d'Etat n'a pas statué, que la mesure d'expertise serait considérablement retardée

- sur le bien fondé de la mesure d'expertise :

-que la SCP [KG] ayant reçu mission de poursuivre les travaux initiés par le SDC, il est normal qu'elle se fasse assister par un homme de l'art, et, compte tenu du litige, par un expert judiciaire, que, si l'expertise ordonnée sur requête a été interrompue à la suite de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 17 mars 2010, le bien fondé intrinsèque de cette mesure n'a pas été remis en cause, que la demande s'inscrit donc dans le droit fil de la mission de la SCP VALLIOT, que, dans l'intérêt du SDC, ce mandataire judiciaire doit envisager l'hypothèse d'une action en responsabilité à l'encontre de la SIEMP pour avoir laissé l'immeuble, alors sous sa garde, se détériorer, que de même, les copropriétaires, qui ont vocation à recouvrer la propriété de leurs lots, pourraient avoir intérêt à demander l'extension de l'expertise, qui ne vise que les parties communes, à l'examen de leurs lots privatifs

- que ce n'est pas parce que l'immeuble a été examiné dans le cadre d'une procédure administrative, qui ne présente aucune des garanties attachées à une procédure d'expertise judiciaire, qu'une telle expertise est inutile, la divergence profonde entre les rapports issus de l'administration et les rapports des experts, justifiant, au contraire, une telle mesure.

Elle demande à la cour :

- à titre préalable, de dire la SIEMP et la Ville de [Localité 28] irrecevables en leur exception d'incompétence au profit du juge de l'expropriation, à défaut, de les en débouter,

- à titre principal, de prononcer la nullité des déclarations d'appel et de l'assignation du 31 octobre 2011 délivrée à la SCP [KG], de dire en toute hypothèse la SIEMP et la Ville de [Localité 28] irrecevable en leurs appels et intervention, de constater en conséquence le caractère définitif de l'ordonnance entreprise,

- à titre subsidiaire, de débouter la SIEMP et la Ville de [Localité 28] de toutes leurs demandes, et de confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, de condamner la SIEMP et la Ville de [Localité 28] à payer au bénéfice du SDC la somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

MOYENS ET PRETENTIONS DE LA DNID :

Par dernières conclusions du 7 février 2012, le Domaine, représenté par la direction nationale d'interventions domaniales, ( la DNID), ès-qualités d'administrateur provisoire des successions non réclamées de M [M] [O], de Madame [OI] [YW] et de Madame [MZ] [X] épouse [SB], fait valoir que depuis sa désignation la SCP VALLIOT n'a pu rendre compte au tribunal de manière précise des conditions dans lesquelles se sont déroulés les travaux, ni de l'état exact du bâtiment lors de l'interruption des travaux et encore moins de son éventuelle dégradation du fait que celui-ci est ouvert aux intempéries, que la responsabilité professionnelle de la SCP [KG] peut être engagée, que la demande d'expertise s'inscrit ainsi dans le droit fil de la mission de ce mandataire judiciaire.

Elle demande à la cour de lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur le mérite des prétentions des 'demandeurs'.

M. [G] [A], ( selon acte délivré dans les formes de l'article 658 du code de procédure civile), Madame [I] [U] (selon acte délivré à sa personne), M. [P] [W] (selon acte délivré à domicile), Maître [S] [J], liquidateur de la SARL CDI ( selon acte délivré à sa personne), M. [R] [D] ( selon acte délivré à domicile), Madame [Y] [Z] (selon acte délivré à domicile), M.[F] [WD] , M. [T] [H], M. [K] [B] ( selon actes délivrés dans les formes de l'article 658 du code de procédure civile) ont été assignés par la SIEMP et la Ville de [Localité 28], et n'ont pas constitué avocat.

SUR QUOI, LA COUR :

- Sur la procédure devant la cour :

Considérant que selon l'article R 162 du code des domaines de l'Etat, 'toute instance à laquelle le service des Domaines ...est ...partie, se fait par simples mémoires. Devant les juridictions judiciaires, le ministère d'avoué n'est pas obligatoire et les parties ont le droit de présenter des explications orales par elles-mêmes' ; que la procédure suivie dans la présente instance, à laquelle le service des domaines est partie, doit donc être, à l'égard de toutes les parties, celle de la procédure sans représentation obligatoire ; que la procédure suivie par la SIEMP et la Ville de [Localité 28] est donc régulière ;

- Sur la recevabilité des appels de la SIEMP et de la Ville de [Localité 28] :

Considérant que la convention publique d'aménagement signée le 30 mai 2002 entre la Ville de [Localité 28] et la SIEMP est arrivée à son terme le 31 décembre 2010 ; que, selon l'article 3.4.3 intitulé 'conséquences juridiques de l'expiration de la convention', 'dans tous les cas d'expiration de la présente convention, pour quelque motif que ce soit, à terme ou avant terme, la Ville de [Localité 28] est, du seul fait de cette expiration, subrogée de plein droit dans les droits et obligations de la SIEMP, selon les modalités suivantes : ...sur l'ensemble des autres biens de l'opération ...la Ville de [Localité 28] exerce ses droits de reprise et/ou de retour. Les parties signent dans les meilleurs délais un acte authentique constatant le transfert de propriété ... la Ville de [Localité 28] est tenue de reprendre, pour l'avenir, l'exécution de la totalité des engagements pris.. La Ville de [Localité 28] doit se substituer à la SIEMP, qui n'a plus qualité ni pour agir en justice, ni pour suivre les litiges en cours' ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions, d'une part, que la SIEMP, qui n'est plus propriétaire des biens, est dépourvue de qualité à agir depuis le 1er janvier 2011, et n'avait pas qualité pour interjeter appel de l'ordonnance entreprise, d'autre part, que la Ville de [Localité 28], qui n'est pas partie intervenante mais appelante principale de l'ordonnance entreprise, subrogée dans les droits de la SIEMP, a intérêt et qualité pour interjeter appel ;

Qu'il convient, en conséquence, de déclarer irrecevable l'appel interjeté par la SIEMP et recevable l'appel interjeté par la Ville de [Localité 28] ;

- Sur l'exception d'incompétence au profit du juge de l'expropriation :

Considérant que selon l'article 74 du code de procédure civile, les exceptions de procédure doivent, à peine d'irrecevabilité, être présentées avant toute défense au fond ;

Considérant que la SIEMP n'est pas fondée à soutenir qu'elle a présenté, en première instance, une exception d'incompétence du juge des référés au profit du juge de l'expropriation, alors qu'il ressort de l'ordonnance entreprise qu'elle a seulement estimé que la demande d'expertise se heurtait à une contestation sérieuse qui n'était pas de la 'compétence', au sens des pouvoirs, du juge des référés, et qu'elle a subsidiairement demandé que la mission de l'expert soit limitée à un simple constat ; que, si elle a fait valoir que les litiges éventuels consécutifs à l'annulation des arrêtés de péril et d'expropriation, relevant de la compétence exclusive du juge de l'expropriation, ne pouvaient être engagés qu'une fois les décisions administratives devenues définitives, c'est au soutien, non pas d'une exception d'incompétence, mais du moyen tiré du défaut de motif légitime de voir ordonner une expertise ;

Qu'elle n'est pas davantage fondée à soutenir qu'elle ne pouvait pas présenter l'exception d'incompétence du fait que le juge de l'expropriation n'a été saisi que postérieurement à la saisine du juge des référés par les anciens copropriétaires aux fins de voir constater l'absence de base légale de l'ordonnance d'expropriation, circonstance inopérante ;

Considérant que, soulevée pour la première fois en appel, l'exception d'incompétence présentée tardivement doit être déclarée irrecevable ;

- Sur la mesure d'expertise demandée par la SCP VALLIOT :

Considérant que selon l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ;

Considérant que la condition de mise en oeuvre de ce texte, tenant à la nécessité de solliciter une mesure d'instruction avant tout procès, s'appréciant à la date de la saisine du juge des référés, il est inopérant pour les appelants d'invoquer la saisine postérieure du juge de l'expropriation ;

Que, si de multiples procédures ont opposé les parties avant la saisine du juge des référés, elles ont concerné le libre accès de l'immeuble, l'arrêt des travaux entrepris par le SDC, et la légalité des arrêtés d'insalubrité irrémédiable et d'expropriation, mais qu'aucune d'elles n'a porté sur les responsabilités respectives de la SCP [KG] en sa qualité de liquidateur du SDC, et de la SIEMP en sa qualité de gardienne de l'immeuble ;

Considérant que la SCP VALLIOT, désignée le 20 février 2007, a reçu pour mission, notamment, de veiller à l'exécution du chantier jusqu'à une décision juridictionnelle sur sa poursuite ; qu'il est constant que, depuis sa désignation, ce mandataire n'a pu rendre compte des conditions dans lesquelles se sont déroulés les travaux avant leur interruption, ni de l'état exact de l'immeuble à cette date, ni, encore, de son éventuelle dégradation du fait qu'il a été laissé ouvert aux intempéries ; Que, par ailleurs, dans l'intérêt du SDC, la SCP [KG] indique envisager d'engager une action en responsabilité à l'encontre de la SIEMP dans l'hypothèse d'une aggravation de l'immeuble alors qu'il était sous la garde juridique de celle-ci;

Qu'ainsi la demande d'expertise sollicitée par la SCP [KG], s'inscrit, comme l'a exactement relevé le premier juge, dans le droit fil de sa mission ;

Qu'il convient, en conséquence, de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a ordonné une expertise ; que, toutefois, cette expertise ne peut porter sur des travaux de réhabilitation futurs de l'immeuble, l'expert judiciaire ne pouvant se voir confier une mission de maîtrise d'oeuvre ; que la mission de l'expert sera en conséquence limitée à la description des travaux réalisés en exécution des décisions prises par le SDC lors des assemblées générales des 10 février 2005, 20 juin 2005 et 16 octobre 2006, et à leur coût, à la description de l'état de l'immeuble à la date d'interruption des travaux, et dans son état actuel, et à l'analyse des désordres qu'il présente actuellement, de leur historique, de leurs causes, et de leur possible ou probable évolution ainsi que du coût des remises en état ;

Considérant que la SIEMP et la Ville de [Localité 28], qui succombent pour l'essentiel de leurs prétentions, devront supporter la charge des dépens d'appel ;

Considérant qu'il serait contraire à l'équité de laisser à la SCP VALLIOT la charge de ses frais non inclus dans les dépens ;

PAR CES MOTIFS :

Déclare irrecevable l'appel interjeté par la Société Immobilière d'Economie Mixte de la Ville de [Localité 28],

Déclare recevable l'appel interjeté par la Ville de [Localité 28],

Déclare irrecevable l'exception d'incompétence présentée par la Ville de [Localité 28],

Confirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a ordonné une expertise confiée à M. [R] [C],

La réforme du seul chef de la mission donnée à l'expert, et statuant à nouveau, donne à l'expert la mission suivante :

- décrire, en précisant leur coût, les travaux de structure effectués en exécution des décisions prises par le syndicat des copropriétaires du [Adresse 7] lors des assemblées générales des 10 février 2005, 20 juin 2005 et 16 octobre 2006 et ceux restant à effectuer en exécution de ces décisions,

- décrire quel était l'état de l'immeuble à la date d'interruption de ces travaux,

-décrire précisément l'état actuel de l'immeuble, les désordres dont il est affecté, leur historique et leur cause, donner son avis sur leurs évolutions réelles ou prévisibles, en distinguant les désordres existant à la date d'interruption des travaux et ceux survenus depuis cette date,

- décrire et analyser les destructions et détériorations opérées dans les parties communes en tentant d'en établir la chronologie, ainsi que les causes,

- déterminer et évaluer le coût des travaux rendus spécifiquement nécessaires du fait de ces dites destructions et détériorations et du fait de la suspension des travaux en cours de procédure,

Confirme l'ordonnance en toutes ses autres dispositions,

Condamne in solidum la Société Immobilière d'Economie Mixte de la Ville de [Localité 28], et la Ville de [Localité 28] à payer à la SCP [KG] ès-qualités de liquidateur du syndicat des copropriétaires du [Adresse 7] la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum la Société Immobilière d'Economie Mixte de la Ville de [Localité 28], et la Ville de [Localité 28], aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER P/LA PRESIDENTE EMPECHEE

LA CONSEILLERE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 11/13328
Date de la décision : 21/03/2012

Références :

Cour d'appel de Paris A2, arrêt n°11/13328 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-03-21;11.13328 ?
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