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21/03/2012 | FRANCE | N°10/05428

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 21 mars 2012, 10/05428


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 21 Mars 2012

(n° 1 , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/05428-BVR



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 Mars 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS section Activités diverses RG n° 09/05362





APPELANTE

SCP ACADEMIE JULIAN

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Jean François PATOU, avocat au barreau

du VAL DE MARNE, toque PC 176







INTIMÉ

Monsieur [G] [M]

[Adresse 1]

[Localité 4]

comparant en personne, assisté de Me Paul BOUAZIZ, avocat au barreau de PARIS, toque P0215...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 21 Mars 2012

(n° 1 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/05428-BVR

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 Mars 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS section Activités diverses RG n° 09/05362

APPELANTE

SCP ACADEMIE JULIAN

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Jean François PATOU, avocat au barreau du VAL DE MARNE, toque PC 176

INTIMÉ

Monsieur [G] [M]

[Adresse 1]

[Localité 4]

comparant en personne, assisté de Me Paul BOUAZIZ, avocat au barreau de PARIS, toque P0215 substitué par Me Isabelle BORDE, avocat au barreau de PARIS, toque : C0280

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Janvier 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Patrice MORTUREUX DE FAUDOAS, Président

Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Conseillère

Madame Claudine ROYER, Conseillère

Greffier : Mme Evelyne MUDRY, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Conseillère suite à l'empêchement du Président, et par Evelyne MUDRY, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

Par jugement du 24 mars 2010, auquel la cour se réfère pour l'exposé des faits, de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Paris a :

- dit que monsieur [G] [M] avait la qualité d'enseignant mais qu'aucune heure ne lui était due,

- dit que les manquements étaient imputables à la SCP Académie Julian et en conséquence, déclaré le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamné la SCP Académie Julian à verser au salarié les sommes suivantes:

. 7.945 euros : indemnité de préavis outre les congés payés afférents

. 48.000 euros : dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse

. 10.000 euros : dommages et intérêts pour manquements au titre des articles 1134 et 147 du code civil.

La SCP Académie Julian a régulièrement interjeté appel de ce jugement .

Vu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile et les conclusions des parties régulièrement communiquées, oralement soutenues et visées par le greffe à l'audience du 23 janvier 2012, conclusions auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé de leurs demandes, moyens et arguments.

******

Il résulte des pièces et des écritures des parties les faits constants suivants :

Monsieur [G] [M] a été engagé, suivant contrat à durée indéterminée du 1er novembre 1992, en qualité d'infographiste, responsable de l'enseignement et du département informatique par la SCP Académie Julian, établissement d'enseignement, gérant l'école supérieure d'art graphique et d'architecture intérieure ESAG Penninghen à Paris 6ème.

Les relations entre les parties étaient régies par la convention collective nationale de l'enseignement privé hors contrat.

Monsieur [M], soumis à un horaire mensuel de 151,67 euros, a perçu en dernier lieu un salaire mensuel de 3.972 euros.

En septembre 2007, une discussion s'est engagée entre les parties au sujet des heures d'enseignement effectués par le salarié.

A compter du 19 novembre2007, ce dernier a fait l'objet d'arrêts maladie renouvelés.

Le 22 septembre 2008, il a été convoqué à un entretien préalable puis licencié le 25 septembre suivant pour 'nécessité de remplacement compte tenu de la durée de l' absence perturbant la bonne marche du service'.

Le 27 avril 2009, il a saisi le conseil de prud'hommes pour revendiquer d'une part la qualité d'enseignant et un rappel de salaires afférents, d'autre part une indemnisation de son préjudice moral consécutif aux manquements de l'employeur à son égard, enfin pour contester son licenciement.

MOTIFS

sur la qualité d'enseignant

Considérant que c'est aux termes d'une exacte motivation qui doit être adoptée que les premiers juges ont dit que le salarié était fondé à revendiquer la qualité d'enseignant;

Considérant en effet, tout d'abord, que si monsieur [M] a été engagé en qualité d'infographiste, son contrat de travail indique qu'il était également responsable de l'enseignement et du département informatique ;

Qu'à ce titre, aux termes des pièces produites , fiche de poste et attestations de collègues, il accomplissait 840heures au titre de ses fonctions principales techniques (élaboration et diffusion de la production infographique de l'école, archivage des données et des services de PAO..)mais assurait également en qualité de chargé de cours, des enseignements à raison de 630 heures annuelles;

Qu'il est établi qu'il animait des ateliers soit seul soit avec un autre enseignant, et effectuait environ deux corrections par trimestre, ces corrections étant faites en classe pendant les heures de cours;

Qu'à ce titre d'ailleurs, il figurait sur la liste des professeurs mentionnés sur la liste des enseignants diffusés par l'école dans la matière 'illustrateur scientifique- infographie' et a été également maître de thèse de 3 élèves ;

Que ses fonctions d'enseignant étant établies et d'ailleurs non contestées par l'employeur, il peut prétendre au statut de professeur qu'il revendique ;

Que toutefois il ne peut être suivi dans ses demandes de rappels de salaires pour un montant de près de 70.000 euros sur la période d'avril 2004 à décembre 2007en soutenant que les 630 heures de 'face à face' qu'il accomplissait chaque année lui ouvrait droit au paiement de 666,71 heures induites dont il n'a pas été rémunéré ;

Considérant en effet que les tâches induites, au sens de l'article 4-4-1 de la convention collective nationale de l'enseignement privé hors contrat, s'entendent des activités déployées à l'intérieur ou à l'extérieur de l'établissement durant les semaines de cours ou en dehors de celles ci, comprenant notamment la préparation des cours et le suivi des élèves; que force est de constater qu'il a été rémunéré de ses heures au titre des 840heures qu'il accomplissait au sein de l'établissement en sa qualité de professionnel de l'informatique; que ces fonctions en effet, selon la fiche de poste versée, incluaient la formation, la participation aux réunions, l'aide aux étudiants, la préparation des logiciels et des outils qu'il enseignait aux élèves et servant de support à ses cours, autant de tâches qui constituent les tâches induites revendiquées;

Qu'il sera donc débouté de sa demande de rappels de salaire ;

sur les manquements de l'employeur

Considérant que monsieur [M] soutient que l'employeur est à l'origine de la dégradation de son état de santé en multipliant les pressions et en lui imposant des conditions de travail anormales, notamment en le privant d'un bureau correct et en le surchargeant dans ses tâches;

Mais considérant que non seulement monsieur [M] ne rapporte par la preuve des griefs avancés mais de nombreuses attestations de salariés ayant travaillé avec lui, contredisent ses affirmations;

Considérant en effet tout d'abord que monsieur [M], ancien élève de l'ESAG , a été embauché en 1992; que jusqu'à la fin de l'année 2007, date de sa première plainte, soit pendant 15 ans, il n'a jamais critiqué ses conditions de travail ni davantage saisi les délégués du personnel ou le médecin du travail;

Qu'ensuite pour le seconder dans son travail et répondre à ses sollicitations, l'employeur a en 1998 embauché monsieur [X];

Que s'agissant par ailleurs des conditions matérielles et notamment de son bureau, il ne rapporte pas la preuve qu'il aurait été cantonné dans un bureau sans fenêtre, non climatisé, au rez de chaussée de son école, une attestation du directeur adjoint précisant qu'il a lui même refusé de s'installer dans un bureau qui lui avait été aménagé au 4ème étage de l'école;

Considérant que s'agissant enfin des heures de travail, elles ont toutes été régulièrement payées par l'employeur;

Considérant à cet égard que les différents témoins, salariés de l'école, indiquaient que le dialogue avec la hiérarchie de l'établissement, était quotidien, qu'il était aisé; que monsieur [M] ressentait parfois un malaise au sein de l'école, que progressivement il s'était désintéressé de son travail , qu'il n'a jamais fait preuve d'une coopération active dans les relais que ses collègues proposaient de lui établir, qu'il avait le plus souvent une attitude nonchalante, fuyante, qui l'a isolé du corps enseignant et de sa direction, que son enseignement était confus et en décalage par rapport à ce qui était attendu, qu'il lui avait été conseillé par ses collègues de s'en ouvrir à la direction ;

Que ces témoins ajoutaient n'avoir jamais constaté de pressions ou de tracasseries ou encore de persécussions exercées par la direction sur leur collègue ;

Considérant que si le salarié verse aux débats différentes pièces médicales et notamment une attestation rédigée par le docteur [V] docteur en psychologie datée de janvier 2008, force est de constater que cette attestation ne fait que rapporter les dires du salarié et son ressenti dans un établissement où il s'estime être, depuis 2007, dans une impasse , sur fond d'état dépressif accentué par les décès de sa mère en 2006 puis d'un collègue en 2007 ;

Qu'aucun élément objectif ne permet de relier la dépression dont souffre monsieur [M] et qui est également rapporté par le docteur [Y] en ces termes : ' blessures narcissiques profonde face à une technique de déstabilisation et de déconsidération de son travail évoluant depuis 2006, selon ses dires ' à un quelconque manquement de l'employeur dans l'exécution de ses obligations ;

Que dès lors c'est à tort que le conseil de prud'hommes a reconnu l'existence de tels manquement et alloué au salarié une indemnisation qui sera infirmée ;

sur le licenciement

Considérant que monsieur [M] a été licencié pour le motif suivant :

'Vous avez du rompre vos fonctions en raison de votre état de santé depuis le 19 novembre 2007

Nous avons du faire en sorte de procéder à votre remplacement d'une façon temporaire mais il est évident qu'une absence de 120 mois perturbe gravement la bonne marche du service compte tenu du poste occupé et de notre activité spécifique

Nous avons donc été dans l'obligation de procéder à votre remplacement pour l'année scolaire 2008-2009 et ce pour assurer la continuité du service ..

Considérant que si l'article L. 1132-1 du code du travail, faisant interdiction de licencier un salarié notamment en raison de son état de santé ou de son handicap, ne s'oppose pas au licenciement motivé, non par l'état de santé du salarié, mais par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée ou les absences répétées du salarié, celui-ci ne peut toutefois être licencié que si ces perturbations entraînent la nécessité pour l'employeur de procéder à son remplacement définitif par l'engagement d'un autre salarié, lequel doit s'opérer dans l'entreprise qui l'emploie ;

Considérant qu'ne dehors de l'inaptitude définitive, un employeur peut procéder au licenciement d'un salarié absent pour maladie que si son absence désorganise l'entreprise et qu'il est nécessaire de le remplacer définitivement ;

Considérant que c'est aux termes d'une exacte motivation qui doit être adoptée que le conseil de prud'hommes a, d'une part, constaté que la preuve d'un remplacement définitif de monsieur [M] dans ses fonctions n'était pas rapportée à la date du licenciement soit le 25 septembre 2008, le salarié n'ayant été définitivement remplacé que le 1er septembre 2009;

Que d'autre part, il a relevé avec pertinence que les dispositions de l'article 5-2-3 de la convention collective nationale, prévoyant une garantie d'emploi de 12 mois- et non 8 comme le prétend l'employeur- n'avaient pas été respectées; qu'en arrêt de travail à compter du 19 novembre 2007, monsieur [M] ne pouvait en effet, être licencié avant le 19 novembre 2008 ;

Considérant que pour tous ces motifs, il a avec justesse dit que licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Considérant toutefois s'agissant de l'indemnisation de la rupture, que l'ancienneté du salarié et les éléments de préjudice qu'il produit justifient une révision des dommages et intérêts qui seront fixés à la somme de 35.000 euros;

Que monsieur [M] n'est toutefois pas fondé à réclamer le paiement d'une indemnité de préavis dans la mesure où en arrêt maladie, il a été dans l'impossibilité d'exécuter cette période de travail, et l'employeur n'ayant commis aucun manquement à l'origine de son état de santé;

Considérant que la disposition du jugement qui ordonne la remise des documents de fin de contrat sera confirmée ;

Considérant que les éléments de la cause justifient de laisser à chaque parte la charge de ses propres frais non répétibles ;

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Statuant à nouveau sur l'ensemble du litige

Condamne la SCP Académie Julian à verser à monsieur [G] [M] une somme de 35.000 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse avec intérêts de droit à compter du jugement

Déboute le salarié de toutes autres demandes,

Rejette toutes autres prétentions des parties,

Confirme la disposition du jugement qui ordonne la remise des documents de fin de contrat ,

Déboute les parties de toutes autres demandes,

Laisse à chacune d'elles la charge de ses propres frais non répétibles,

Condamne la SCP Académie Julian aux dépens

LE GREFFIER POUR LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 10/05428
Date de la décision : 21/03/2012

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°10/05428 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-03-21;10.05428 ?
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