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20/03/2012 | FRANCE | N°10/21886

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 20 mars 2012, 10/21886


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRET DU 20 MARS 2012

(no 92, 4 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/21886

Décision déférée à la Cour :

Arrêt du 4 novembre 2010 -Cour de Cassation de PARIS - Civ 1

DEMANDEUR à la SAISINE

Monsieur Michel X...

...

39190 BEAUFORT

représenté par la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN (Me Bruno REGNIER) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0050)
r>assisté de la SCPA MC NICHOLAS / LEFEVRE (Me Muriel HUMBERT) (avocats au barreau de PARIS, toque : E 1041)

DÉFENDEUR à la SAISINE

Monsieur AGEN...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRET DU 20 MARS 2012

(no 92, 4 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/21886

Décision déférée à la Cour :

Arrêt du 4 novembre 2010 -Cour de Cassation de PARIS - Civ 1

DEMANDEUR à la SAISINE

Monsieur Michel X...

...

39190 BEAUFORT

représenté par la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN (Me Bruno REGNIER) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0050)

assisté de la SCPA MC NICHOLAS / LEFEVRE (Me Muriel HUMBERT) (avocats au barreau de PARIS, toque : E 1041)

DÉFENDEUR à la SAISINE

Monsieur AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR

6 rue Louise Weiss

Bâtiment Concordet TELEDOC 353

75703 PARIS CEDEX 13

représenté par Me Frédéric BURET (avocat au barreau de PARIS, toque : D1998)

toque : D1998

assisté de Me Jean-marc DELAS (avocat au barreau de PARIS, toque : A0082)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 31 janvier 2012, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :

Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre

Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller

Mme Marie-Hélène GUILGUET-PAUTHE, Conseiller venu d'une autre chambre pour compléter la cour en application de l'ordonnance de roulement portant organisation des services de la cour d'appel de PARIS à compter du 2 janvier 2012, de l'article R 312-3 du Code de l'organisation judiciaire et en remplacement d'un membre de cette chambre dûment empêché

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Noëlle KLEIN

MINISTERE PUBLIC

Madame ARRIGHI de CASANOVA, avocat général, a fait connaître ses conclusions écrites

ARRET :

- contradictoire

- rendu publiquement par Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, Président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

******************

A la suite de la plainte déposée le 29 février 1996 par les époux Philippe Y... pour des faits d'agression sexuelle commis en juin 1995 à Quiberon sur la personne de leur fils mineur Julien, par un arrêt en date du 7 décembre 1999, confirmatif d'un jugement en date du 28 avril 1999 du tribunal correctionnel de Lons-le-Saunier, la cour d'appel de Besançon a condamné M. Michel X..., instituteur et directeur de l'école primaire de Beaufort, pour des faits d'atteinte sexuelle sur mineur de quinze ans, le pourvoi formé contre cet arrêt a été rejeté le 8 novembre 2000.

Par assignation en date du 10 mai 2005, M. X... a recherché devant le tribunal de grande instance de Paris la responsabilité de l'Etat pour fonctionnement défectueux du service public de la justice pour la faute lourde commise par les experts dans le cadre de l'exécution de leur mission relevant du service public de la justice, faisant valoir qu'il avait appris, tardivement, que les experts ayant examiné l'enfant, notamment le docteur Daniel Z..., expert psychiatre, de même que le docteur Paul E..., également psychiatre et la psychologue Mme Isabelle F..., avaient des liens professionnels avec le père de la victime, M. Philippe Y..., principal animateur de l'association " Passerelle 39" assurant notamment l'accompagnement judiciaire de toxicomanes, ce qui permettait de mettre en cause leur indépendance et leur impartialité.

Par jugement du 24 janvier 2007, le tribunal de grande instance de Paris, recevant l'exception soulevée, in limine litis, par l'Agent Judiciaire du Trésor au visa de la loi du 31 décembre 1968 qui déclare prescrites au profit de l'Etat toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de 4 ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis, a déclarée prescrite l'action en responsabilité engagée par M. X... contre l'Etat, condamnant M. X... aux dépens.

Par un arrêt du 12 mai 2009, la cour d'appel de Paris a confirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions, déclarant l'action de M. X... prescrite estimant notamment que M. X... se contente d'affirmer avoir recueilli les informations nécessaires à la mise en cause des experts postérieurement au rejet de son pourvoi sans en apporter la moindre preuve.

Par un arrêt en date du 4 novembre 2010, la cour de cassation a cassé en toutes ses dispositions ledit arrêt au visa de l'article 455 du code de procédure civile dès lors qu'en cause d'appel, M. X... avait produit des articles de presse et deux attestations que la cour d'appel n'a pas analysés, renvoyant la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

CELA ETANT EXPOSE, la COUR :

Vu la déclaration de saisine de la cour sur renvoi après cassation en date du 10 novembre 2010,

Vu les conclusions déposées le 25 novembre 2011 par l'appelant qui demande, infirmant le jugement en toutes ses dispositions, de :

- dire que l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 vise les créances certaines, liquides et exigibles, ce qui n'est pas le cas de la créance de M. X... dont l'existence dépend d'un jugement à intervenir, le point de départ de la prescription quadriennale commençant à courir à compter de la décision retenant la responsabilité de l'Etat,

- au visa de l'article 3 de la loi No 68-1250 du 31 décembre 1968, prévoyant que la prescription ne court pas contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance,

- constater que M. X... n'avait aucun contact avec le milieu des professionnels et des usagers des problèmes de drogue et qu'il pouvait légitimement ignorer l'existence de contacts professionnels entre les experts et le père de la victime,

-dire que la créance de M. X... n'est pas prescrite,

sur les fautes lourdes, au visa de l'article L 141-1 du code de l'organisation judiciaire, des articles 234 et 237 du code de procédure civile et de l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme,

-constater que les articles de presse des 10 novembre 1995 et 25 février 1996 font référence aux relations professionnelles entre le père de la victime et le docteur Z...,

-constater que le dépôt de la plainte pénale par les parents remonte au 29 février 1996 pour des faits de 1995,

-dire que le fait que les experts désignés et le père de la victime étaient en relations professionnelles caractérise une déficience traduisant une inaptitude du service public de la justice à remplir sa mission,

-dire l'Etat responsable du fait des fautes lourdes commises d'une part lors de la désignation des experts, malgré la publication d'articles de journaux à la même époque faisant état de relations professionnelles entre les experts et le père de la victime et d'autre part par les experts dans le cadre de l'exécution de leur mission relevant du service public,

en tout état de cause,

-condamner l'agent judiciaire du Trésor pris en sa qualité de représentant de l'Etat français à payer à M. Michel X... la somme de 50 000 € en réparation du préjudice subi, la somme de 10 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à payer les entiers dépens,

Vu les conclusions déposées le 24 octobre 2011 par l'agent judiciaire du Trésor qui demande de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevables, comme prescrites, les demandes de M. X..., à titre subsidiaire au fond, de débouter M. X... de toutes ses demandes et de le condamner aux dépens,

Vu les conclusions déposées le 10 novembre 2011 par M. Le Procureur Général qui demande la confirmation du jugement entrepris.

SUR CE :

Considérant que selon les dispositions de la loi No 68-1250 du 31 décembre 1968, " Sont prescrites au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis" ;

Considérant que M. X..., pour soutenir l'absence de prescription quadriennale de son action, invoque en premier lieu les dispositions de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 visant les créances certaines, liquides et exigibles, pour en déduire que sa créance ne présente pas ces caractères puisque son existence dépend d'une décision à intervenir retenant la responsabilité de l'Etat, laquelle décision constituera le point de départ de la prescription

quadriennale ;

Considérant que ce premier moyen sera écarté, dès lors que contrairement à ce qu'affirme l'appelant, le fait générateur de la créance qu'il prétend détenir sur l'Etat ne peut en aucun cas être constitué par la décision qui reconnaîtrait la responsabilité de l'Etat ; qu'en effet, le point de départ du délai de prescription est fixé au 1er janvier qui suit l'année au cours de laquelle le dommage s'est produit, c'est à dire de l'année au cours de laquelle s'est produit le fait reproché à l'Etat ; que par ailleurs lorsque le fait dommageable s'est produit au cours ou au terme d'une action en justice, le point de départ du délai est reporté au jour où cette dernière s'est terminée définitivement ; qu'en l'espèce la chambre criminelle de la cour de cassation a statué sur le pourvoi engagé par M. X... le 8 novembre 2000, la prescription a en conséquence commencé à courir le 1er Janvier 2001 et était donc acquise le 1er janvier 2005 ;

Considérant que M. X... soutient encore qu'il doit bénéficier de l'exception à ce principe, prévue par l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968 qui dispose que " la prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente." ;

Considérant que M. X... fait valoir qu'il était dans l'ignorance de l'absence d'impartialité et d'indépendance des experts, faits dont il n'a découvert l'existence que bien ultérieurement et par hasard, en particulier après les décisions pénales et postérieurement au rejet de son pourvoi ; que pour l'établir, il verse aux débats, des articles de presse ( pièce 8), deux autres articles de presse (pièces 12 et 13) ainsi que les attestations de Mme Annie G... et de M. Bernard H... ( pièces 22 et 23 );

Considérant qu'il s'agit, en pièce 8, d'articles de presse parus en 1995 et 1996, relatifs à l'association de M. Philippe Y..., et en pièces 12 et 13, de deux articles parus dans les numéros du Nouvel Observateur du 10-16 juin 2004 et du 17 juin 2004, relatifs, dans l'affaire d'Outreau, à l'impartialité des experts ;

Considérant d'une part que M. X... a été en mesure de prendre connaissance comme tout un chacun de la presse parue les 10 novembre 1995 et 25 février 1996, dont la lecture lui permettait de connaître les liens professionnels du père du plaignant, que par ailleurs la presse parue en 2004 mais relative à une toute autre affaire est sans aucun lien avec les présentes explications de l'appelant ;

Considérant d'autre part que l'analyse des attestations rédigées par deux collègues de M. X..., retraités de l'Education Nationale, qui relatent s'être rendu, au cours de l'année 2003, aux archives départementales du Jura pour rechercher dans les colonnes du quotidien régional " Le Progrès" les articles et photographies montrant les rapports qu'entretenait M. Y..., père du plaignant, avec les magistrats et les experts auprès du tribunal de Lons-le-Saunier et pour remettre à M. X..., pour l'aider dans sa défense, les articles et photos ainsi découverts, ne font que confirmer la disponibilité dans la presse, lors des faits reprochés à l'appelant, de diverses indications sur le milieu professionnel de M. Y... ; que le simple fait d'en rechercher la teneur, beaucoup plus tard, dans les archives, ne vient en rien contredire la chronologie de leur diffusion ; que d'ailleurs, M. X... ne démontre pas ni même n'allègue que cette recherche ait mis en évidence des éléments nouveaux quant à l'impartialité et l'indépendance des experts ;

Considérant en conséquence que M. X... ne rapporte pas la preuve qu'il puisse légitimement être regardé comme ignorant l'existence de sa créance au sens des dispositions dérogatoires de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968 et que l'action qu'il a engagée est prescrite ;

Considérant que le jugement sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions ; que M. X... sera débouté de toutes ses demandes et supportera la charge des dépens du présent arrêt et de ceux de l'arrêt cassé ;

PAR CES MOTIFS :

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 24 janvier 2007,

Déboute M. Michel X... de toute demande plus ample ou contraire,

Condamne M. Michel X... aux dépens d'appel et aux dépens de l'arrêt cassé, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 10/21886
Date de la décision : 20/03/2012
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2012-03-20;10.21886 ?
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