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20/03/2012 | FRANCE | N°10/06232

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 20 mars 2012, 10/06232


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 20 Mars 2012

(n° 13 , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/06232



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 01 Juillet 2010 par le conseil de prud'hommes de BOBIGNY section encadrement RG n° 09/02092





APPELANTE

Madame [R] [S]

[Adresse 3]

[Localité 2]

comparant en personne, assistée de Me Virginie MONTEIL, avocat au ba

rreau de PARIS, toque : P0071







INTIMÉE

SAS HÔPITAL [5] anciennement dénommée [5] Clinique Hôpital

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Bénédicte GIARD, avocat au ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 20 Mars 2012

(n° 13 , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/06232

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 01 Juillet 2010 par le conseil de prud'hommes de BOBIGNY section encadrement RG n° 09/02092

APPELANTE

Madame [R] [S]

[Adresse 3]

[Localité 2]

comparant en personne, assistée de Me Virginie MONTEIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0071

INTIMÉE

SAS HÔPITAL [5] anciennement dénommée [5] Clinique Hôpital

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Bénédicte GIARD, avocat au barreau de PARIS, toque : P312

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Février 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Catherine COSSON, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Brigitte BOITAUD, président

Madame Marie-Aleth TRAPET, conseiller

Madame Catherine COSSON, conseiller

Greffier : Monsieur Polycarpe GARCIA, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par Madame Brigitte BOITAUD, Présidente

- signé par Madame Brigitte BOITAUD, Présidente et par Monsieur Polycarpe GARCIA, greffier présent lors du prononcé.

Madame [R] [S] a été engagée en tant que chef comptable par l'hôpital [5] à compter du 20 novembre 2002. Le 1er juin 2004, il lui a été confié les fonctions de directeur administratif et financier. En 2005, les actionnaires de cet établissement privé qui avait connu d'importantes difficultés financières et de fonctionnement, ont cédé la majorité du capital au groupe italien Villa Maria.

Par lettre du 23 avril 2009, Madame [S] a été mise à pied à titre conservatoire et convoquée à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement le 5 mai 2009.

Par lettre, datée du 23 avril 2009, Madame [S] a été licenciée pour faute grave.

Par jugement du 1er juillet 2010, le conseil de Prud'hommes de Bobigny a dit que le licenciement de Madame [S] reposait sur une cause réelle et sérieuse, a alloué à l'intéressée diverses sommes au titre de salaire sur la mise à pied, d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents, d'indemnité conventionnelle de licenciement avec intérêts de droit à compter du 22 juin 2009, ainsi qu'au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par lettre du 15 juillet 2010, Madame [S] a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de conclusions visées par le greffier à l'audience du 6 février 2012, elle demande à la cour de dire que son licenciement ne repose ni sur une faute grave, ni sur une cause réelle et sérieuse, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné l'hôpital [5] à lui payer diverses sommes, y ajoutant de lui allouer 170.000 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'hôpital [5], anciennement dénommé [5] Clinique Hôpital, ci-après l'hôpital [5], développe à l'audience ses conclusions visées le même jour par lesquelles il sollicite d'une part qu'il soit dit que le licenciement de Madame [S] repose sur une faute grave, d'autre part son débouté de toutes ses demandes et sa condamnation à lui payer la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR QUOI, LA COUR

Considérant qu'il est constant que par lettre, datée à la suite d'une erreur du 23 avril 2009, Madame [R] [S] a été licenciée pour les motifs suivants :

Vous êtes directeur administratif et financier de l'hôpital [5]; ce poste à très grandes responsabilités, nécessite engagement, initiative et autonomie.

Or, depuis près d'un an vous développez une attitude de refus systématique de travail en équipe de direction marquant un désaccord profond et public avec la direction de l'hôpital et son Président.

Vous avez refusé de produire le bilan de l'entreprise en temps et en heure suffisants pour que les chiffres soient expliqués et compris devant l'actionnaire majoritaire sans d'ailleurs avoir alerté sur le montant catastrophique des résultats.

Ainsi, je vous ai demandé à plusieurs reprises quand je pourrai avoir le bilan et l'explication et les justifications des chiffres annoncés alors que l'arrêté des comptes est fixé à la fin du mois de mars.

Je n'ai eu pour toute réponse, qu'un sec 'je fais mon travail'.

Les chiffres ne sont sciemment communiqués que quelques jours avant la réunion avec le Président du Groupe dans le but évident de mettre [5] en grand péril faute d'explication et de préconisations comme le veut le contenu de votre poste.

J'ai tenté de vous faire remettre un courrier que vous sachiez être de ma part pour vous mettre en garde contre cette attitude d'obstruction systématique et en vous réclamant encore le bilan : mais vous avez refusé de le prendre des mains de mon assistante madame [F] ; vous y avez cependant répondu tentant d'arguer de grandes fatigues psychologiques.

Cela fait près d'un an que je vous demande de recruter un adjoint, chef comptable, de bon niveau, capable de vous aider voire de vous remplacer sur certaines tâches de comptabilité ce qui vous aurait permis de prendre la mesure de votre poste et de consacrer plus de temps à l'analyse plutôt qu'à la seule comptabilité.

Vous avez toujours éludé cette question et refusé de procéder à ce recrutement.

Vous n'avez jamais remis en cause votre comportement et vos méthodes de management pourtant décriés notamment par vos interlocuteurs obligés que sont les banquiers dont nous avons pourtant un cruel besoin en raison des pertes importantes de l'exercice.

Vous savez que les financiers italiens du groupe refusent de travailler avec vous non pas en raison du barrage de la langue mais parce que vous refusez de faire le reporting qu'ils demandent légitimement. Vous leur répondez comme à moi-même que vous n'avez pas le temps ce qui est tout à fait inadmissible.

Vous entretenez volontairement un climat de grande inquiétude auprès des membres du comité de direction qui est évidemment relayé ce qui m'oblige régulièrement à communiquer auprès du personnel pour les rassurer et leur confirmer que le groupe n'a pas l'intention de fermer l'hôpital.

Ainsi lors du CODIR du 13 avril vous avez annoncé une perte de chiffre d'affaire mensuelle de plus de 400.000€ pour les services de Réanimation et d'USIC sans en aviser au préalable ni le directeur et sans aucune explication autre que l'application des nouveaux tarifs en vigueur. Or, il s'agit manifestement d'une erreur ce qui ne peut pas vous échapper en raison de votre niveau et du fait que en votre qualité de directeur administratif vous gérez aussi la facturation. A notre stupéfaction et à la suite de notre demande vous avez confirmé à l'oral puis par mail du 15 avril cette 'information' ce qui a obligé le directeur à reprendre tout le travail. Le mail que vous lui avez adressé le 16 avril est inadmissible sur le fond comme sur la forme et montre l'impossibilité de poursuivre le contrat même pendant le préavis.

Je ne peux que m'interroger sur ce comportement de déstabilisation de l'hôpital et du Groupe et j'estime que l'ensemble de ces faits est constitutif d'une faute grave rendant impossible le maintien dans l'entreprise pendant la durée de préavis. ;

Considérant que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis ; que l'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve ;

Considérant que l'hôpital Européen soutient que Madame [S] a refusé de procéder en temps utile à l'établissement du bilan comptable de la société ce qui a nui à la crédibilité du Président-Directeur Général, Monsieur [V], auprès du groupe ; que ce problème récurrent, provenant de la seule mauvaise volonté de Mme [S], lui a été exposé par Monsieur [V] dans un courrier du 19 mars qu'elle a refusé de recevoir ; que l'intéressée a eu à plusieur reprises, comme elle l'a reconnu dans un mail du 18 décembre 2008, un comportement déplacé à l'égard notamment du directeur de l'établissement, Monsieur [N] [O] ; qu'elle a commis des erreurs grossières et a volontairement entretenu un climat de grande inquiétude auprès des membres du comité de direction ;

Considérant que la direction de l'hôpital [5] n'a pas subitement découvert les mauvais résultats de l'établissement puisque des comptes prévisionnels étaient réalisés tous les trois mois par Mme [S] ;

Considérant qu'il ressort des courriels échangés entre fin février et début mars par Monsieur [O] et Mme [S] que cette dernière travaillait à cette époque sur le bilan comptable, demandant des instructions sur divers points au directeur de l'établissement ; que lors du comité de direction du 10 février 2009, elle a réclamé à deux de ses membres, Monsieur [Z] et Madame [C], l'état de leurs stocks pour fin février ; que Madame [C] a répondu qu'elle n'aurait sans doute pas le temps de les faire ; qu'il n'est pas démontré que le directeur de l'hôpital ait fait état de l'urgence qui s'attachait à la production d'informations pour la réalisation de ce document ;

Considérant que la seule pièce qui fait état de la nécessité de faire parvenir ce bilan pour le 25 mars 2009, est une lettre datée du 19 mars précédent, adressée à Mme [S] et signée de Monsieur [V], PDG ; que ce courrier présente comme particularités d'une part de faire suite à une entrevue ayant eu lieu le même jour entre les intéressés, au cours de laquelle Mme [S], à tort ou à raison, a compris que son licenciement avait été décidé et annoncé quelque temps auparavant au cours d'une Assemblée Générale dont il ne peut être nié qu'elle a eu lieu puisque Monsieur [V] y a fait expressément référence, d'autre part d'avoir été porté par la secrétaire de Monsieur [V] à Mme [S] qui a refusé de le prendre, et donc de le lire ;

Considérant qu'au regard de ces circonstances particulières, ce refus n'est pas fautif ; qu'en l'absence d'une part de toute instruction écrite antérieure fixant la date à laquelle le bilan comptable devait être présenté, d'autre part de preuve que ce document n'a effectivement pas été présenté en temps utile, le grief n'est pas réel ;

Considérant que les excuses présentées par courriel à Monsieur [O] par Mme [S] le 18 décembre 2008, ne constituent pas une cause sérieuse du licenciement, s'agissant d'un incident dont la nature est inconnue, ancien, n'ayant donné lieu à l'époque à aucune sanction, à supposer qu'il y ait eu matière à sanction ; qu'il ne peut en être déduit que cet écrit reflète le comportement habituel de Mme [S] et pas davantage que cette dernière aurait toujours été en désaccord avec l'équipe de direction ;

Considérant qu'il n'est établi ni qu'il avait été demandé à Mme [S] de recruter un adjoint chef comptable afin de lui permettre de se consacrer à des tâches d'analyse ni qu'elle a refusé de le faire ;

Considérant qu'aucune pièce n'est communiquée relative aux méthodes de management de Mme [S] et au fait que celles-ci auraient été décriées notamment par les banquiers avec qui elle était en relation ;

Considérant que le refus allégué des financiers italiens du groupe de travailler avec Mme [S] en raison de son refus de faire le reporting, n'est pas démontré ; qu'ainsi, celle-ci ne peut être tenue pour responsable de l'interdiction qui lui a été faite en octobre 2008 de faire parvenir un compte économique prévisionnel en Italie ou encore des erreurs dans la transmission des courriels aboutissant à des retards dans les réponses apportées ;

Considérant que le 14 avril 2009 a eu lieu un comité de direction dont le compte rendu n'est pas versé aux débats ; que cependant il n'est pas contesté que lors de ce comité, Mme [S] a communiqué le chiffre d'affaires prévisionnel par pôle des mois de janvier, février et mars 2009 ; qu'en ce qui concerne le pôle USIC-REA (unité de soins intensifs cardiaques-réanimation), elle a fait état pour le mois de mars d'un chiffre de 79.219 €, soit une perte par rapport à l'année précédente de 392.000 € ; qu'elle a attribué cette perte à l'application des nouvelles règles de facturation décidées par les pouvoirs publics et entrées en vigueur le 1er mars 2009 ;

Considérant que le chiffre annoncé a manifestement posé difficulté puisque Mme [S] a procédé le lendemain 15 avril à une vérification qui l'a conduite à prévenir Monsieur [O], de façon lapidaire, qu'elle le maintenait et s'apprêtait à le communiquer à leurs interlocuteurs italiens ;

Considérant que Monsieur [O] lui a indiqué le 16 avril que les 'explications' fournies ne le satisfaisaient pas et qu'il considérait qu'elle n'avait pas la volonté d'analyser les raisons véritables d'un écart aussi important entre deux exercices ; qu'il a repris le dossier et lui a interdit de communiquer le tableau de bord en Italie et de solliciter ses collaborateurs sur le sujet ;

Considérant que Mme [S] a soutenu que son travail était sérieux, fait part de son émoi devant la mise en cause de son professionnalisme et conclu son courriel de réponse du 16 avril par les mots : je vous plains. ;

Considérant que s'il est exact que Mme [S] a travaillé sur les nouvelles règles de facturation et leur impact, ce travail s'avérant complexe en raison du caractère tardif des informations fournies aux établissements de santé, il n'en reste pas moins que le chiffre annoncé par elle était effectivement inexact puisque le chiffre d'affaires réel s'est avéré être de 401.867 € et non de 79.219 € ;

Considérant que l'hôpital [5] est fondé à reprocher à Mme [S] de ne pas avoir pris la mesure du problème et de ses conséquences pour l'établissement et d'avoir persisté, en dépit des demandes d'éclaircissement, dans son erreur ; que compte tenu de l'importance de celle-ci dans un contexte de difficultés financières récurrentes de l'hôpital, l'intéressée ne peut se contenter d'indiquer que le tableau de bord était sujet à correction avant la fin de l'année ; qu'à supposer que l'erreur provienne ainsi qu'elle le soutient, du paramétrage du logiciel permettant de réaliser le tableau de bord, paramétrage modifié en septembre 2009, il lui appartenait d'envisager cette hypothèse ;

Considérant que l'hôpital [5] souligne avec raison que cette erreur n'était pas la première ; qu'ainsi le compte prévisionnel au 30 juin 2008, envoyé en Italie en août, annonçait une perte pour le premier semestre de 199.047 € alors que celle-ci s'est révélée être de 1.496.233 € ;

Considérant que ce manquement est inacceptable de la part d'un directeur administratif et financier dont la sûreté d'analyse constitue un élément essentiel et déterminant dans le fonctionnement d'une société ; qu'il fonde la cause réelle et sérieuse du licenciement ;

Considérant que Mme [S] avait une ancienneté de 7 ans dans la société et qu'elle n'avait jamais fait l'objet de sanctions ; qu'entre le 16 avril, jour où son désaccord avec Monsieur [O] s'est cristallisé, et le 23 avril, date de la lettre l'informant de sa mise à pied, Mme [S] a continué à travailler à l'hôpital [5] et à communiquer avec son directeur ; qu'il n'est rapporté la survenance d'aucun événement particulier ou regrettable pendant cette période ; qu'il s'ensuit que le maintien de Mme [S] dans la société pendant la durée de son préavis n'était pas impossible ; que le jugement du conseil de Prud'hommes est en conséquence confirmé ;

Considérant que les sommes allouées par le premier juge ne sont pas subsidiairement critiquées ; que le jugement est également confirmé sur ces points ;

Considérant, compte tenu de la solution donnée au présent litige, qu'il y a lieu de dire que chacune des parties conservera la charge de ses dépens ; qu'il n'y a lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice d'aucune d'entre elles ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris,

Y ajoutant,

Rejette les demandes présentées tant par Mme [R] [S] que par l'hôpital [5] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 10/06232
Date de la décision : 20/03/2012

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°10/06232 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-03-20;10.06232 ?
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