RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 2
ARRET DU 15 Mars 2012
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/01359
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Octobre 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS - RG n° F0806032
DEMANDERESSE AU CONTREDIT
SA MCS GROUPE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Jean-Charles GUILLARD, avocat au barreau de PARIS, toque : E1253
DEFENDEUR AU CONTREDIT
Monsieur [K] [O]
[Adresse 2]
[Adresse 2] (BELGIQUE)
représenté par Me Emmanuelle BOMPARD, avocat au barreau de PARIS, toque : D1252
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 janvier 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Irène LEBÉ, Président, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Irène LEBÉ, Président
Madame Catherine BEZIO, Conseiller
Madame Martine CANTAT, Conseiller
GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par Madame Irène LEBÉ, Président
- signé par Madame Irène LEBÉ, Président et par Madame FOULON, Greffier présent lors du prononcé.
**********
La Cour statue sur le contredit régulièrement formé par la SA MCS Groupe à l'encontre du jugement rendu le 29 octobre 2010 par le conseil de prud'hommes de Paris, section Encadrement , chambre 6, qui s'est déclaré compétent pour connaître du litige l'opposant à M.J. [O] .
Vu les conclusions remises et soutenues à l'audience du 25 janvier 2012 par lesquelles la SA MCS Groupe demande à la Cour :
- de dire que le conseil de prud'hommes de Paris est incompétent au profit du Tribunal de Commerce de Paris pour connaître du litige l'opposant à M.J. [O] ,
en conséquence,
- d'infirmer le jugement déféré ,
- de débouter M.J. [O] de l'ensemble de ses demandes,
- de le condamner à lui verser la somme de 2.500 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile .
Vu les conclusions remises et soutenues à l'audience du 25 janvier 2012 par lesquelles M.J. [O] demande à la Cour :
- de constater la préexistence d'un contrat de travail , préalablement à sa nomination en qualité de mandataire social au sein de la SA MCS Groupe , le 13 avril 1994 ,
- de constater le caractère inopérant du contredit diligenté par la SA MCS Groupe,
en conséquence:
- de dire et juger le contredit de la SA MCS Groupe infondé,
- de confirmer le jugement déféré,
- de renvoyer la présente affaire près le conseil de prud'hommes de Paris,
en tout état de cause ,
- de condamner la SA MCS Groupe à lui verser la somme de 3.000 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ,
- de condamner la SA MCS Groupe aux entiers dépens .
SUR CE, LA COUR :
Faits et procédure
Considérant que M.J. [O] a saisi le 27 mai 2008 le conseil de prud'hommes qui a rendu le jugement entrepris afin de se voir reconnaître la qualité de salarié de la SA MCS Groupe et de voir celle-ci condamnée à lui verser une indemnité de départ à la retraite de 23.735 Euros, ainsi qu'un rappel de participation et d'intéressement, outre une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à lui remettre un certificat de travail et une attestation Assedic conformes ;
Considérant que la SA MCS Groupe a soulevé in limine litis l'incompétence de la juridiction prud'homale au moyen que les demandes formées par M.J. [O] relevaient de la compétence du Tribunal de Commerce de Paris , en invoquant la nullité du contrat de travail de l'intéressé comme postérieur à sa nomination en qualité d'administrateur au sein de l'entreprise car intervenue le 13 avril 1994 ;
Que c'est dans ces conditions que le conseil de prud'hommes de Paris , par le jugement déféré , s'est déclaré compétent au motif que le contrat de travail initialement conclu entre M.J. [O] et la société Aster le 3 septembre 1990 avait été transféré à la SA MCS Groupe le 1er janvier 1993 en application des dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail et que l'intéressé était en conséquence devenu à cette date salarié de la SA MCS Groupe ;
Que le conseil de prud'hommes a jugé qu'en l'absence de rupture de son contrat de travail avec la SA MCS Groupe , qui ne résultait pas de ce qu'il était devenu salarié de la société Defimo en janvier 1993 dans la mesure où celle-ci était une filiale de la SA MCS Groupe , le contrat de travail de M.J. [O] était en conséquence antérieur à sa nomination en qualité d'administrateur de la SA MCS Groupe le 13 avril 1994 et était donc valide ;
Que le conseil de prud'hommes a en outre considéré que le lien de subordination entre l'intéressé et la SA MCS Groupe était démontré par les pièces produites, les responsabilités de M.J. [O] et notamment le congé sabbatique qu'il avait pris ; qu'il avait en conséquence la qualité de salarié de la SA MCS Groupe à la date de son départ à la retraite ;
Que c'est dans ces conditions que la SA MCS Groupe a formé le contredit dont la Cour est régulièrement saisie .
Motivation
Considérant que M.J. [O] soutient qu'il a été embauché le 3 septembre 1990 , par contrat de travail verbal, en qualité de consultant , statut cadre, par la société Aster , filiale de la SA MCS et que, devenu directeur le 1er janvier 1991 , son contrat de travail a été transféré à la SA MCS Groupe , en application des dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail , lors de la fusion de celle -ci avec la société Aster en fin d'année 1992 , à compter du 1er janvier 1993;
Que la SA MCS Groupe a pour activité la prestation de conseils en organisation, notamment dans le domaine financier et de services spécialisés dans les traitements de recouvrement de créances masse de crédit, locations - vente, et crédit bail , conseil d'entreprise , opérations commerciales, industrielles , financières , mobilières et
immobilières se rattachant à l'activité de la société ;
Qu'il expose que ses fonctions initiales de consultant consistaient dans l'élaboration du cahier des charges et le développement du logiciel Aster afin de doter les agents de la société d'outil informatique ;
Qu'en tant que directeur , à compter du 1er janvier 1991, il assurait la réorganisation , l'optimisation des moyens , la poursuite de la mise en place de l'informatique, ainsi que le développement d'actions en régie chez des clients comme Defimo et Petrofigaz;
Qu'il déclare que si , tout en continuant à travailler en janvier, février et mars 1993 au sein de la SA MCS Groupe , il a rejoint comme salarié le 1er janvier 1993 la société Defimo, filiale de la SA MCS Groupe, dans laquelle il travaillé jusqu'au 30 septembre 1994;
qu'il soutient que cependant son contrat de travail avec la SA MCS Groupe n'a jamais été rompu dans la mesure où il était susceptible de travailler indifféremment pour les différentes sociétés faisant partie du groupe MCS comme la société Defimo ;
qu'à tout le moins , son contrat de travail initial avec la SA MCS Groupe n'a été que suspendu durant la période pendant laquelle il était salarié de la société Defimo;
Qu'il en conclut que son contrat de travail était antérieur à sa nomination comme administrateur de la SA MCS Groupe le 13 avril 1994 ,qu'il a rejointe le 1er octobre 1994, en étant nommé directeur général adjoint de la SA MCS Groupe le 4 octobre 1994 dans laquelle il déclare avoir exercé des fonctions salariées ,distinctes de celles de son mandat social , attestées par les pièces qu'il produit ;
Qu'il soutient que c'est en conséquence à tort que le SA MCS Groupe a refusé de lui régler l'indemnité de départ à la retraite qu'il a sollicitée le 15 janvier 2008, la SA MCS Groupe contestait alors sa qualité de salarié pour refuser de lui verser les indemnités de départ à la retraite et lui remettre les documents administratifs nécessaires ;
Considérant que la SA MCS Groupe ne conteste pas que M.J. [O] est devenu salarié de l'entreprise le 1er janvier 1993 à la suite de la fusion intervenue entre elle - même et la société Aster au sein de laquelle il était salarié depuis le 3 septembre 1990 ;
Qu'elle soutient cependant que le contrat de travail la liant à M.J. [O] a été rompu à compter du 1er janvier 1993 , date à laquelle il est devenu salarié de la société Defimo , sans garder de lien salarial avec elle , et ce jusqu'au 30 septembre 1994 , et n'a plus exercé de fonctions effectives au sein de la SA MCS Groupe , son salaire perçu en janvier et février 1993 ne correspondant pas à un travail effectif au sein de la SA MCS Groupe ,en invoquant un contrôle interne en ce sens ;
Qu'elle soutient que le contrat de travail initial de l'intéressé n'a de même pas été suspendu , ce cas de figure correspondant à celui d'un salarié devenu mandataire social , ce qui n'est pas le cas de l'intéressé ,selon elle;
Qu'elle en déduit qu'il ne pouvait pas voir son contrat de travail transféré de la société Defimo à la SA MCS Groupe puisqu'il avait été nommé administrateur de la SA MCS Groupe dès le 13 avril 1994 donc antérieurement à ce transfert, prétendument intervenu le 1er octobre 1994 ;
Que la SA MCS Groupe en conclut que , dans la mesure où la condition d'antériorité du contrat de travail par rapport au mandat social litigieux doit s'apprécier à la date de celui-ci, soit le 13 avril 1994 ,M.J. [O] n'était plus salarié de la SA MCS Groupe à cette date et que son contrat de travail en tant que directeur général adjoint de l'entreprise à compter du 4 octobre 1994 était en conséquence nul, de nullité absolue , en application des dispositions de l'article L.225-22 du code de commerce .
Considérant qu'en effet , dans la mesure où l'existence d'un contrat de travail suppose celle d'un lien de subordination entre les parties , une telle convention n'est valide, conformément en outre aux dispositions de l'article précité L.225-22 du code de commerce, qu'à la condition qu'elle soit est antérieure au mandat d'administrateur détenu par M.J. [O] au sein de la SA MCS Groupe ;
Mais considérant qu' il revient cependant à la SA MCS Groupe de démontrer que M.J. [O] a perdu la qualité de salarié de l'entreprise dans la mesure où elle ne conteste pas que le contrat de travail détenu par M.J. [O] au sein de la société Aster depuis le 3 septembre 1990 lui avait été transféré , dans la même qualité de directeur , à compter du 1er janvier 1993 ,avec reprise de son ancienneté antérieure, dans le cadre de la fusion intervenue entre elle - même et la société Aster , à cette date, en application des dispositions de l'article L.122-12 du code du travail ,devenu l'article L.1224-1 du même code ;
Or considérant que , comme l'a exactement jugé le conseil de prud'hommes , la seule circonstance que M.J. [O] soit devenu parallèlement salarié de la société Defimo, à compter du 1er janvier 1993 , ne saurait valoir rupture du contrat de travail qui liait les parties depuis le 1er janvier 1993 alors que la SA MCS Groupe ne communique aucun élément probant de nature à établir la rupture qu'elle allègue, notamment par remise de documents sociaux de rupture tels que attestation Assedic, reçu pour solde de tout compte et certificat de travail ; qu'en outre il n'est pas contesté que la société Defimo dans laquelle il exerçait des fonctions de directeur était une filiale de la SA MCS Groupe et que l'état récapitulatif de l'exercice 1993 mentionne expressément l'intéressé comme ayant des "employeurs multiples ";
Que de même, la SA MCS Groupe ne communique aucun élément probant de la volonté qu'elle impute à M.J. [O] de démissionner de la SA MCS Groupe alors que la démission ne se présume pas et qu'il n'est pas contesté que M.J. [O] a perçu un salaire de la SA MCS Groupe durant les mois de janvier et février 1993 , quand bien même il a exercé des fonctions salariées au sein de la société Defimo à compter du 1er janvier 1993 ;
Qu'il n'est en outre pas démontré par la SA MCS Groupe que le travail de M.J. [O] au sein de cette entreprise pendant les mois de janvier et février 1993 était fictif; Qu'il n'est en conséquence pas démontré par la SA MCS Groupe que l' affectation qu'elle a elle même décidé de M.J. [O] comme directeur dans sa filiale Defimo , valait en elle même rupture du contrat de travail de M.J. [O] qui lui avait été transféré le 1er janvier 1993 , en l'absence de preuve de démission de la part de M.J. [O] ;
Que dans ces conditions , la nomination de M.J. [O] comme directeur général adjoint par décision du conseil d' administration de la SA MCS Groupe en date du 4 octobre 1994 ne saurait être considérée comme résultant d'un contrat de travail autonome au regard de son contrat de travail initial ,conclu le 3 septembre 1990 avec la société Aster et transféré le 1er janvier 1993 à la SA MCS Groupe et dont il n'est donc pas démontré qu'il a été rompu par les parties antérieurement à la nomination de l'intéressé comme administrateur de la dite entreprise , mais tout au plus comme un avenant lui confiant d'autres fonctions ;
Considérant en outre qu'il n'est pas établi que le contrat de travail dont se prévaut dès lors à bon droit M.J. [O] comme s'étant poursuivi au sein de la SA MCS Groupe, avec reprise de son ancienneté au 3 septembre 1990 , date de son contrat de travail initial ait revêtu un caractère fictif du seul fait de l'exercice parallèle de son mandat social en qualité d'administrateur à compter du 13 avril 1994 ;
Qu'au contraire , il ressort des pièces communiquées par M.J. [O] que ses fonctions de directeur général adjoint au sein de la SA MCS Groupe , à compter du 4 octobre 1994 , dans le cadre desquelles il était "en charge du recouvrement à titre opérationnel et de la direction de l'organisation à titre fonctionnel " constituaient des fonctions techniques effectives et distinctes de celle de mandataire social ;
Qu'ainsi il ressort d'un courrier du président directeur général de la SA MCS Groupe , en date du 23 mai 1996 , que celui-ci considérait M.J. [O] comme " un cadre supérieur " de l'entreprise , ce qui corrobore le maintien de sa qualité de salarié ;
Que sa qualité effective de salarié de la SA MCS Groupe est encore corroborée par différentes pièces versées par l'intéressé ;
Qu'ainsi , le fait que l'intéressé a sollicité et obtenu le 20 mars 2007 l'accord de la SA MCS Groupe pour prendre un congé sabbatique du 1er avril 2007 au 31 janvier 2008 confirme qu'il était dans un lien de subordination avec le président directeur général de la SA MCS Groupe ;
Que de même , sont de nature à confirmer la qualité effective de salarié de la SA MCS Groupe de M.J. [O] la note relative à la gestion du personnel que l'intéressé a diffusée dans l'entreprise dans le cadre de ses fonctions , , comme la télécopie et les différents courriels signés de lui , adressés à un conseil de la SA MCS Groupe , relatifs à la procédure de licenciement ou de rupture du contrat de travail de deux salariées de l'entreprise , ou à la souscription d'un contrat de prévoyance pour le personnel non cadre de la SA MCS Groupe ;
Qu'il en est de même de la note adressée par la SA MCS Groupe, à ses "collaborateurs" les informant que l'intéressé se voyait confier la responsabilité d'une entité unique de gestion des Ressources Humaines de l'entreprise , placée sous la direction de Mme A.[Y].., tous ces éléments confirmant le caractère opérationnel des fonctions de directeur général adjoint de M.J. [O] ;
Que dès lors, dans la mesure où le contrat de travail de M.J. [O] au sein de la SA MCS Groupe était largement antérieur à son mandat d'administrateur au sein de cette dernière société , il doit être considéré comme valide ; que M.J. [O] avait en conséquence la qualité de salarié de la SA MCS Groupe lorsqu'il a fait valoir ses droits à la retraite .
Qu'il s'ensuit de ces constatations que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a dit que le conseil de prud'hommes était compétent pour connaître du litige opposant les parties ;
Considérant que les circonstances de la cause et l'équité justifient l'application des dispositions de 700 du code de procédure civile en faveur de M.J. [O] ; que la SA MCS Groupe sera en conséquence condamnée à lui verser la somme de 2.000 Euros à ce titre .
PAR CES MOTIFS
Rejette le contredit formé par la SA MCS Groupe ,
Dit que M.J. [O] était lié à la SA MCS Groupe par un contrat de travail remontant au 3 septembre 1990, donc antérieur à sa nomination comme administrateur de la dite société en date du 13 avril 1994,
Dit que le conseil de prud'hommes de Paris est en conséquence compétent pour connaître du litige opposant M.J. [O] à la SA MCS Groupe ,
Renvoie en conséquence les parties devant le conseil de prud'hommes de Paris pour qu'il soit plaidé au fond sur les demandes de M.J. [O] ;
Condamne la SA MCS Groupe à verser à M.J. [O] la somme de 2.000 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ,
Met les frais du contredit à la charge de la SA MCS Groupe .
LE GREFFIER LE PRESIDENT