RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 11
ARRÊT DU 15 Mars 2012
(n° 8 , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/04797
S 10/05228
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Février 2010 par le conseil de prud'hommes de Paris RG n° 08/07574
APPELANTE
SARL LAMAD
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Dominique GAUTHERAT, avocat au barreau de PARIS, toque : A0245 et par Mme [U] [X], Gérant
INTIMÉE et appelante incidente
Madame [F] [I] épouse [Y]
[Adresse 5]
[Localité 4]
comparante en personne, assistée de Me Patrick ARAPIAN, avocat au barreau de PARIS, toque : D 1525
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2010/57437 du 07/02/2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 12 Janvier 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, Président
Madame Evelyne GIL, Conseillère
Madame Isabelle DOUILLET, Conseillère
qui en ont délibéré
GREFFIÈRE : Mademoiselle Céline MASBOU, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, Président et par Mademoiselle Céline MASBOU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA COUR,
Vu l'appel formé le 1er juin 2010 par la société LAMAD contre un jugement du conseil de prud'hommes de PARIS en date du 12 février 2010 ayant statué sur le litige qui l'oppose à son ancienne employée, [F] [I] épouse [Y], appel enregistré sous le numéro 10/04797.
Vu l'appel formé le 14 juin 2010 par [F] [O] [I] épouse [Y] contre le même jugement du conseil de prud'hommes de PARIS du 12 février 2010 ayant statué sur le litige qui l'oppose à son ancien employeur, la société LAMAD SARL, appel enregistré sous le numéro 10/05228.
Vu le jugement déféré ayant :
- constaté la rupture aux torts de l'employeur à la date du 18 juin 2008,
- fixé à 253,20 € la moyenne des trois derniers mois de salaire,
- condamné la SARL LAMAD à payer à [F] [I] épouse [Y] les sommes de :
658,30 € à titre de rappel de salaire du 1er avril au 18 juin 2008,
65,83 € au titre des congés payés afférents,
253,20 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
25,32 € au titre des congés payés afférents,
avec intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation,
6 076,80 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,
avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
700 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- débouté [F] [I] épouse [Y] du surplus de sa demande,
- condamné la société LAMAD aux entiers dépens.
Vu les conclusions visées par le greffier et développées oralement à l'audience aux termes desquelles :
La société LAMAD, appelante principale, poursuit :
- l'infirmation du jugement entrepris,
- le débouté de [F] [Y] de l'ensemble de ses demandes,
- sa condamnation à lui payer la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
[F] [I] épouse [Y], intimée et appelante incidente, conclut :
- à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a constaté la rupture du contrat de Travail du fait de l'employeur,
- à la condamnation de la société LAMAD à lui verser les sommes de :
253,20 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
25,32 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
253,20 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement,
6'076,80 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
379,80 € au titre des congés payés afférents aux salaires d'avril 2008 à juillet 2009,
ainsi que le salaire jusqu'au délibéré,
- à la condamnation de l'employeur à lui remettre un certificat de travail, des bulletins de paye, une lettre de licenciement et une attestation destinée aux ASSEDIC, sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter du prononcé de la décision,
- à la condamnation de la société LAMAD à lui payer la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, sous réserve de l'application des articles 37 et 75 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La société LAMAD qui appartient au réseau ADHAP SERVICE est spécialisée dans les services à la personne.
Suivant contrat de travail à durée indéterminée signé le 27 août 2007, elle a engagé [F] [Y], à compter de cette date, en qualité d'assistante de vie, moyennant une rémunération brute mensuelle de 168,80 € pour 20 heures de travail par mois.
La salariée a exercé ses fonctions d'assistance auprès de madame [E] [L], âgée de 90 ans, qui résidait au domicile de son fils, [H] [R], jusqu'au 26 mars 2008.
Par lettre du 27 mars 2008, [H] [R] s'est plaint du comportement de l'assistante de vie s'occupant de sa mère.
[F] [Y] n'est pas retournée travailler à son domicile après le 26 mars 2008.
Le 7 avril 2008, elle a récupéré les effets personnels qu'elle avait déposés dans les locaux de l'entreprise et a adressé à la directrice le courrier recommandé suivant :
' Le 27 mars à mon déplacement à l'agence de l'ADHAP services à [Adresse 1], l'hors de notre RV à 11 15, je vous ai signalé d'être le sujet de refus de mes services auprès de MME [L], l'un de vos cliens, par son fils MR [R] R. dont le comportement ' lunatique ' d'après votre propre expression m'a causé un préjudice important, harcèlement moral et d'autres genres pendant sept mois de mon travail à son domicile IRRÉPROCHABLE d'après lui et vous.
Votre solidarité l'hors de notre RV du 27.03.08 avec lui dans ses exigences d'ordre non professionnelles d'exécuter tout de même, m'a bouleversée et j'ai conclu d'être licenciée de l'agence même et je suis parti sans une nouvelle proposition d'emploi.
Votre silence persistante jusqu'au le 07.04.08 (puisque vous connaissiez bien mes coordonnées (teleph., adresse...) et l'absence totale d'une nouvelle proposition d'emploi de votre part viennent confirmer mes doutes.
Or, de votre part vous essayez de mettre en cause mon 'comportement préjudiciable' à l'agence, un fait qui exige une décision PRUD'HOMMALE minimum !
En attendant je vous demande de me faire part les documents qui me viennent de droit
- Attestation destinée à l'ASSEDIC
- CERTIFICAT de travail
- Solde de tout compte...'
À la même date du 7 avril 2008, la directrice de l'ADHAP services a adressé à [F] [Y] une lettre recommandée avec avis de réception en ces termes :
' Vous avez abandonné votre travail depuis le 27 mars 2008 sans justification.
Vous êtes revenue aujourd'hui pour récupérer votre bulletin de salaire, pour repartir aussitôt sans reprendre votre travail.
Votre comportement est très préjudiciable au fonctionnement de notre entreprise et nous vous demandons de reprendre votre travail ou de justifier de votre absence le cas échéant.'
Le 14 mai 2008, elle lui a écrit de nouveau :
' Ne pouvant vous joindre par téléphone depuis votre courrier du 7 avril, nous vous adressons la présente lettre pour clarifier la situation.
Vous écrivez avoir $gt; mais cela ne correspond pas à la réalité, car d'une part, le fait de mécontenter un client ne justifie pas automatiquement un licenciement, et d'autre part, vos qualités professionnelles peuvent très bien être utilisées au bénéfice d'autres clients.
Nous pensons qu'il serait dommage de rompre votre contrat alors que nous recherchons du personnel qualifié.
C'est pourquoi nous avons attendu votre reprise du travail, ou, au minimum un contact téléphonique ou une visite pour nous entendre sur la poursuite de notre collaboration.
À moins que, travaillant ailleurs, vous ne souhaitiez pas poursuivre votre contrat de travail avec nous.
Quelle que soit votre décision, nous vous remercions de nous en faire part dès que possible, car la durée de votre absence injustifiée n'est pas acceptable.'
[F] [I] épouse [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de PARIS, le 18 juin 2008, de sa demande tendant au paiement de ses salaires depuis le mois d'avril 2008 et des indemnités consécutives à la rupture de son contrat de travail ainsi que de sa demande tendant à la remise sous astreinte des documents sociaux de fin de contrat.
Par lettre recommandée du 2 juillet 2008, la directrice de l'ADHAP services lui a confirmé qu'elle n'avait pas été licenciée et que la société n'avait pas recherché la rupture de son contrat de travail.
Les parties ont développé à l'audience leurs moyens et présenté leurs demandes, tels que formulés dans leurs conclusions respectives.
SUR CE
- Sur la jonction
Les instances inscrites au rôle de la cour d'appel sous les numéros 10/04797 et 10/05228 présentent entre elles un lien de connexité évident, il convient d'en ordonner la jonction.
- Sur la rupture du contrat de travail et ses conséquences
La société LAMAD rappelle qu'elle n'a pas licencié l'assistante de vie, que celle-ci a pris acte de la rupture de son contrat de travail dans sa lettre du 7 avril 2008 et que l'employeur n'ayant commis aucune faute, les réclamations de [F] [Y] doivent être rejetées.
Celle-ci soutient qu'elle n'a pas démissionné, que l'employeur n'a pas tiré les conséquences du prétendu abandon de poste qu'il allègue, qu'en s'abstenant de faire cesser le harcèlement dont elle était victime et de lui proposer une nouvelle affectation, il l'a licenciée verbalement et que la rupture du contrat de travail résulte en conséquence de son fait.
Sa lettre du 7 avril 2008 aux termes de laquelle elle reproche à son employeur sa non-intervention auprès du fils de sa cliente et l'absence d'une nouvelle proposition d'emploi et réclame la remise des documents sociaux qui sont délivrés en fin du contrat doit s'analyser comme une prise d'acte de la rupture de son contrat de travail.
Au cours de l'exécution de son contrat de travail auprès de madame [L], [F] [Y] ne s'est jamais plainte du comportement de son fils jusqu'au 26 mars 2008 et elle ne produit aucun élément, ni aucune précision sur le harcèlement moral et sexuel dont elle prétend avoir été victime de la part de [H] [R]. À cet égard, les assistantes de vie qui lui ont succédé auprès de madame [L] ont attesté que son fils avait toujours eu un comportement correct envers elles.
[F] [Y] ne justifie pas avoir sollicité une nouvelle affectation, notamment après le conflit survenu avec [H] [R] le 26 mars 2008.
Dès lors, aucune violation manifeste de ses obligations par la société LAMAD n'est établie et il apparaît que la rupture est imputable à la salariée, son contrat de travail étant rompu à la date de la prise d'acte. Ses demandes d'indemnisation consécutive à un licenciement sans cause réelle et sérieuse doivent être rejetées. En revanche, la société LAMAD devra lui remettre un certificat de travail et une attestation destinée au PÔLE EMPLOI conforme au présent arrêt, la fixation d'une astreinte ne paraissant pas en l'état nécessaire à l'exécution de cette obligation.
- Sur la charge des dépens et les demandes d'indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
[F] [Y] succombant en son appel sera condamnée aux dépens.
En considération des circonstances de la cause, il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais non taxables qu'elles ont exposés chacune pour leur part à l'occasion de la présente procédure prud'homale.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Ordonne la jonction des instances inscrites au rôle sous les numéros 10/ 04797 et 10/05228 ;
Infirme le jugement déféré ;
Statuant à nouveau,
Dit que la lettre de [F] [I] épouse [Y] en date du 7 avril 2008 constitue une prise d'acte de la rupture de son contrat de travail ;
Constate l'absence de faute de la société LAMAD ;
Dit que l'employeur devra remettre à la salariée un certificat de travail et une attestation destinée au PÔLE EMPLOI conformes au présent arrêt ;
Déboute [F] [Y] du surplus de ses demandes et la société LAMAD de sa demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Condamne [F] [Y] aux dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT