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15/03/2012 | FRANCE | N°10/02274

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6- chambre 12, 15 mars 2012, 10/02274


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6- Chambre 12

ARRÊT DU 15 Mars 2012

(no, pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/ 02274 LL

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Janvier 2010 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de MELUN RG no 08-00247/ M

APPELANTE
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE SEINE ET MARNE (CPAM 77)
Rue des Mulets
Rubelles
77951 MAINCY CEDEX
représentée par Mme Sandrine Y... en vertu d'un pouvoir spécial >
INTIMÉE
Société TOTAL RAFFINAGE MARKETING
Tour Total
24 Cours Michelet
92800 PUTEAUX
représentée par Me Jean-benoît LHO...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6- Chambre 12

ARRÊT DU 15 Mars 2012

(no, pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/ 02274 LL

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Janvier 2010 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de MELUN RG no 08-00247/ M

APPELANTE
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE SEINE ET MARNE (CPAM 77)
Rue des Mulets
Rubelles
77951 MAINCY CEDEX
représentée par Mme Sandrine Y... en vertu d'un pouvoir spécial

INTIMÉE
Société TOTAL RAFFINAGE MARKETING
Tour Total
24 Cours Michelet
92800 PUTEAUX
représentée par Me Jean-benoît LHOMME, avocat au barreau de PARIS, toque : A1005

Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale
14, avenue Duquesne
75350 PARIS CEDEX 07
non représenté

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Février 2012, en audience publique, les parties représentées ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Jeannine DEPOMMIER, Président
Monsieur Louis-Marie DABOSVILLE, Conseiller
Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller
qui en ont délibéré

Greffier : Mlle Christel DUPIN, lors des débats

ARRÊT :
- contradictoire
-prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Jeannine DEPOMMIER, Président et par Mademoiselle Christel DUPIN, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

La Cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la Caisse primaire d'assurance maladie de Seine et Marne d'un jugement rendu le 12 janvier 2010 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Melun dans un litige l'opposant à la société Total France devenue Total Raffinage Marketing ;

LES FAITS, LA PROCÉDURE, LES PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard ;

Il suffit de rappeler que M. X..., employé par la société Total France en qualité d'inspecteur à la raffinerie de Grandpuits, a demandé, le 20 août 2007, la reconnaissance d'une maladie professionnelle en déclarant être atteint d'une intoxication par des produits chimiques, solvants, H2S, benzène ; qu'un certificat médical daté du 15 juin 2007, constatant l'apparition le 13 juin précédent de maux de tête, vertiges, insomnie et autres troubles, était joint à cette déclaration ; que le caractère professionnel de la maladie a été reconnu par la caisse primaire au titre du tableau no 12 des maladies professionnelles ; que la société Total a contesté l'opposabilité de cette prise en charge devant la commission de recours amiable et a saisi la juridiction des affaires de sécurité sociale ;

Par jugement du 12 janvier 2010, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Melun a déclaré inopposable à la société Total France la prise en charge de la maladie déclarée par M. X... et a débouté les parties du surplus de leurs demandes.

La Caisse primaire d'assurance maladie de Seine et Marne fait déposer et soutenir oralement par sa représentante des conclusions invitant la Cour à infirmer le jugement et déclarer opposable à la société Total France la décision de prise en charge de la maladie professionnelle de M. X... en date du 15 juin 2007.

Elle fait valoir que, selon l'enquête administrative, le salarié, qui était amené à se déplacer aux divers endroits de la raffinerie, était exposé aux risques provoqués par la présence sur le site de produits chimiques dangereux et que les troubles décrits dans le certificat médical correspondent à la maladie (syndrome ébrieux) désignée au tableau no 12 des maladies professionnelles dans sa version applicable antérieurement au décret du 10 juillet 2007. Elle estime, en effet, que c'est la date de la constatation médicale de la maladie qui détermine le cadre légal d'appréciation des conditions de prise en charge et non celle de la demande de reconnaissance de la maladie. S'agissant du délai de prise en charge, elle indique qu'il s'agit du délai écoulé entre la date de première constatation médicale et la cessation de l'exposition au risque. En l'espèce, elle considère que le délai de 7 jours prévu par le tableau no12 est respecté puisque M. X... a cessé de travailler le 12 juin 2007 et que sa maladie a été constatée dès le lendemain, selon le certificat médical initial. Enfin, elle prétend qu'il ne lui était pas nécessaire de saisir le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles dès lors que le salarié remplissait toutes les conditions du tableau. Elle souligne que la liste des travaux mentionnés dans le tableau no 12 est indicative et qu'il importe peu que seuls certains produits chimiques et non tous ceux auxquels le salarié s'est trouvé exposé fassent partie de la liste des agents nocifs.

La société Total Raffinage Marketing fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions tendant à la confirmation du jugement attaqué, en tant que besoin sur le fondement de la nullité de la prise en charge effectuée au regard des mentions du tableau 12 supprimées par le décret du 10 juillet 2007. A titre infiniment subsidiaire, elle conclut à la désignation d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles afin de recueillir son avis sur l'origine de la maladie déclarée par M. X.... En tout état de cause, elle demande la condamnation de la caisse primaire d'assurance maladie à lui verser la somme de 3. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Après avoir rappelé que le tableau no12 des maladies professionnelles a été modifié par le décret du 10 juillet 2007 supprimant précisément le syndrome ébrieux correspondant à la maladie invoquée par son salarié, elle considère d'abord que c'est à tort que la caisse primaire a reconnu le caractère professionnel de cette maladie au vu de l'ancienne rédaction du tableau no 12 alors que la nouvelle rédaction issue du décret précité était applicable au jour de la demande de reconnaissance de la maladie formulée par M. X... le 20 août 2007. Elle soutient que la caisse ne pouvait pas se placer au jour de la première constatation médicale pour apprécier si les conditions de prise en charge étaient réunies, sous prétexte que le droit de l'intéressé prenait naissance à cette date et se prévaut des dispositions de l'article L 461-2 du code de la sécurité sociale aux termes desquelles, les modifications sont applicables aux victimes dont la maladie a fait l'objet d'un certificat médical antérieurement à l'entrée en vigueur du nouveau tableau. Elle prétend ensuite que la maladie déclarée par M. X... ne s'est pas révélée dans le délai de prise en charge de 7 jours, prévu par le tableau no 12 pour le " syndrome ébrieux ", puisque la première constatation médicale a été faite au plus tôt le 13 juin 2007 alors que l'intéressé a été exposé à l'action d'agents nocifs le 1er juin 2007, date de l'incident industriel à l'origine de l'intoxication prétendue, et a cessé de l'être par la suite. Enfin, elle reproche à la caisse primaire d'assurance maladie d'avoir pris en charge la maladie avant de connaître les résultats de l'enquête du CHSCT sur la nature des agents nocifs en cause et d'avoir ainsi fait application de la présomption d'imputabilité sans vérifier que l'affection contractée ait été provoquée par l'un des produits chimiques figurant dans la liste établie dans le tableau no 12. Elle considère qu'en pareil cas, l'avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles devait être recueilli.

Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions ;

SUR QUOI LA COUR :

Sur la date d'appréciation des conditions de prise en charge de la maladie

Considérant le tableau no12 relatif aux " affections professionnelles provoquées par les hydrocarbures aliphatiques halogénés " a été modifié par le décret du 10 juillet 2007 qui a notamment supprimé le syndrome ébrieux de la liste des pathologies désignées ;

Considérant que si cette révision du tableau est immédiatement applicable à compter de la publication du décret au journal officiel du 12 novembre 2007, les dispositions nouvelles n'ont d'effet que pour l'avenir et ne peuvent régir les situations juridiques nées antérieurement ;

Considérant que les dispositions de l'article L 461-2, alinéa 4, du code civil, instituées en faveur des victimes de maladies professionnelles, ne s'appliquent pas au présent litige ;

Considérant qu'en l'espèce, la date de la première constatation médicale figurant dans le certificat médical initial du 15 juin 2007 est antérieure au décret du 10 juillet 2007 et c'est à cette date que s'apprécient les conditions de prise en charge et non à celle de la demande de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie ;

Considérant que c'est donc à juste titre que la caisse primaire d'assurance maladie a instruit la demande de reconnaissance de la maladie professionnelle au regard de l'ancienne rédaction du tableau no 12 applicable au jour de la première constatation médicale de la maladie ;

Sur le délai de prise en charge de la maladie déclarée par le salarié

Considérant que le délai de prise en charge détermine la période au cours de laquelle, après cessation de l'exposition au risque, la maladie doit se révéler et être médicalement constatée pour être indemnisée au titre des maladies professionnelles ;

Considérant qu'aux termes du tableau no 12, dans sa rédaction antérieure à la révision issue du décret du 10 juillet 2007, la maladie désignée sous la dénomination de " syndrome ébrieux " avait un délai de prise en charge de 7 jours ;

Considérant que le point de départ du délai de prise en charge correspond à la date de la cessation de l'exposition au risque de contracter la maladie et non à celle où la maladie a été effectivement contractée qui, à la différence des lésions causées par un accident du travail, demeure inconnue ;

Considérant qu'il n'y a donc pas lieu de fixer au 1er juin 2007, date à laquelle un incident technique est survenu dans les installations de la raffinerie, la date de la cessation du risque auquel était exposé le salarié ;

Considérant qu'il ressort, en outre, de l'enquête administrative que le salarié ne s'est pas trouvé exposé au risque crée par la diffusion d'odeurs de solvant qu'à la date du 1er juin ; qu'il apparaît notamment qu'à la reprise du travail le lundi suivant, M. X... était toujours incommodé sur son lieu de travail ;

Considérant qu'en tout état de cause, l'enquêteur relève que les fonctions de l'intéressé le conduisaient à se rendre dans tous les endroits de la raffinerie et qu'il se trouvait depuis de nombreuses années au contact de produits toxiques présentant un danger pour sa santé ; qu'il était d'ailleurs équipé d'un détecteur permettant de prévenir une surexposition ;

Considérant que, dans ces conditions, c'est à juste titre que la caisse primaire a considéré que M. X... n'avait cessé d'être exposé au risque qu'avec la cessation de son travail dans la raffinerie intervenue seulement le 12 juin 2007, selon l'agenda de travail fourni par l'employeur ;

Considérant que la maladie a donc bien été médicalement constatée dans le délai de prise en charge de 7 jours prévu par le tableau no 12 ;

Considérant que le jugement qui a retenu à tort que ce délai n'avait pas été respecté sera donc infirmé ;

Sur les autres conditions de prise en charge

Considérant que la maladie désignée comme étant le " syndrome ébrieux " dans le tableau no12 n'est présumée d'origine professionnelle qu'à la condition d'avoir été contractée du fait de l'action de certains dérivés chimiques ; que si la liste des travaux susceptibles de provoquer cette maladie est indicative, la liste des produits est en revanche limitative ;

Considérant que sur ce point, la société Total soutient qu'il n'est pas démontré que M. X... ait été soumis à l'action d'un des agents nocifs énumérés au tableau no12 ;

Considérant cependant que la société a établi une notice d'information relative aux divers produits chimiques se trouvant sur le site de la raffinerie de Grandpuits et il ressort clairement de cette notice la présence de perchloréthylène et de trichloro-1-1-1 éthane qui sont des substances nocives figurant en tête du tableau no 12 ;

Considérant que la constatation médicale, dans le délai de prise en charge, d'un syndrome ébrieux chez une personne exposée aux agents chimiques limitativement énumérés par le même tableau no 12 suffit pour que soit reconnu le caractère professionnel de l'affection, sans qu'il soit nécessaire de démontrer de quelle manière le salarié a subi l'action de ces agents chimiques ;

Considérant que c'est donc à bon droit que la caisse primaire a pris en charge la maladie sur le fondement de l'article L 461-1, alinéa 2, du code de la sécurité sociale ; qu'elle n'avait pas à recueillir l'avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles et il appartenait à l'employeur de rapporter la preuve que la maladie avait une cause étrangère à l'exposition du salarié dans le cadre de son activité professionnelle ;

Que la société Total sera donc déboutée de sa demande subsidiaire ;

Considérant que cette société qui succombe en cause d'appel sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

- Déclare la Caisse primaire d'assurance maladie recevable et bien fondée en son appel ;
- Infirme le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau :

- Déboute la société Total Raffinage Marketing de sa contestation ainsi que de sa demande subsidiaire ;

- Déclare opposable à la société Total Raffinage Marketing la prise en charge de la maladie professionnelle de M. X... ;

- Déboute la société Total Raffinage Marketing de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6- chambre 12
Numéro d'arrêt : 10/02274
Date de la décision : 15/03/2012
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2012-03-15;10.02274 ?
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