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14/03/2012 | FRANCE | N°11/12961

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 14 mars 2012, 11/12961


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1- Chambre 2

ARRET DU 14 MARS 2012

(no, pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 12961

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 08 Juin 2011- Tribunal de Commerce d'AUXERRE-

APPELANTE

SARL MG GRANULES représentée par son gérant
les grosse terres
89160 ARGENTEUIL SUR ARMANCON

représentée par la SCP REGNIER-BEQUET-MOISAN (Me Bruno REGNIER) (avocats au barreau de PARIS, toqu

e : L0050)
assistée par Me Florence BOSSÉ de la SCP BERGERET-BOUILLERET, avocat au barreau de DIJON

INTIMEE

SARL REKA FRAN...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1- Chambre 2

ARRET DU 14 MARS 2012

(no, pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 12961

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 08 Juin 2011- Tribunal de Commerce d'AUXERRE-

APPELANTE

SARL MG GRANULES représentée par son gérant
les grosse terres
89160 ARGENTEUIL SUR ARMANCON

représentée par la SCP REGNIER-BEQUET-MOISAN (Me Bruno REGNIER) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0050)
assistée par Me Florence BOSSÉ de la SCP BERGERET-BOUILLERET, avocat au barreau de DIJON

INTIMEE

SARL REKA FRANCE prise en la personne de son gérant
18 rue du Fort
78250 MEULAN

représentée par la SCP BOMMART FORSTER-FROMANTIN (Me Edmond FROMANTIN) (avocats au barreau de PARIS, toque : J151)
assistée par la SELARL DE GAUDRIC (Me Bénédicte DE GAUDRIC) (avocat au barreau de HAUTS DE SEINE, toque PN 725)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 Février 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Brigitte GUYOT, Présidente
Mme Maryse LESAULT, Conseillère
Madame Michèle GRAFF-DAUDRET, Conseillère
qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Nadine CHAGROT

ARRET :

- CONTRADICTOIRE
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Brigitte GUYOT, président et par Madame Nadine CHAGROT, greffier.

FAITS CONSTANTS :

La SARL MG GRANULES (MG) a pour activité la production de granulés pour le chauffage.

Selon devis du 30 août 2007, elle a commandé à la SARL REKA FRANCE (REKA) une installation de fabrication de granulés, au prix de 339. 000 € HT.

L'installation de l'ensemble a été effectuée le 18 décembre 2007 et l'intégralité du prix a été payé le 19 décembre 2007. La facture no 78073 du 19 décembre 2007, conforme au devis, précise que la presse " Sprout Matador Type M700 a une capacité avec une filière qui produit des granulés de bois de 6mm de diamètre, de 2. 500 à 3. 000 kg par heure avec du sapin ou du pin. Capacité réduite avec du hêtre ou du chêne ".

Par lettre recommandée avec accusé de réception de son conseil en date du 1er octobre 2009, MG a indiqué à la REKA que la production ne dépassait pas les 1. 200 à 1. 300 kg par heure, que les interventions des techniciens de REKA n'avaient pas pu remédier à cette difficulté qui était extrêmement pénalisante puisqu'aboutissant à un doublement des frais de production, et qu'à défaut de trouver une solution amiable au litige, elle solliciterait la désignation d'un expert en référé.

REKA a répondu le 3 décembre 2009 qu'elle transmettait cette réclamation à son usine danoise, puis, le 19 février 2010, qu'elle contestait toute responsabilité, au motif qu'aucun dysfonctionnement n'avait été signalé entre la date de l'installation " faite par vos soins et le moment où vous avez démonté la totalité de la ligne à granulation, pour refaire cette installation par vous-même dans un autre bâtiment ".

Par acte du 18 mars 2011, MG a assigné en référé REKA aux fins d'expertise sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile.

Par ordonnance contradictoire entreprise du 8 juin 2011, le juge des référés du tribunal de commerce d'Auxerre, au motif que les premières difficultés étaient apparues le 18 décembre 2007, que l'action en garantie des vices cachés ne pouvait être intentée que dans le délai de deux ans de la découverte du vice, et que dès lors l'action au fond était prescrite,
- a débouté MG de sa demande d'expertise
-l'a condamnée à payer la somme de 1. 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à REKA, ainsi qu'aux dépens
-a rejeté pour le surplus des demandes.

MG a interjeté appel de cette décision le 11 juillet 2011.

La clôture est du 8 février 2012.

MOYENS ET PRETENTIONS DE MG :

Par dernières conclusions du 1er février 2012, auxquelles il convient de se reporter, MG fait valoir :
- que la réponse, tardive, du 10 février 2010, de REKA, est mensongère, car celle-ci est intervenue plusieurs fois pour tenter de remédier au problème de sous-production rencontré depuis l'origine, en lui facturant chaque fois du matériel supplémentaire,
- que la ligne de granulation n'a pas été " refaite " mais seulement transportée de quelques mètres, en septembre 2008, que REKA est intervenue lors de ce déplacement,
- qu'une expertise est nécessaire, que le premier juge a préjugé des résultats de l'expertise sollicitée et de la nature des désordres en les qualifiant de vices cachés, anticipant à tort le fondement juridique de sa future action en justice,
- qu'elle dispose d'un motif légitime à voir ordonner l'expertise, que l'article 145 du code de procédure civile ne pose aucun délai de prescription, que REKA ne conteste pas les dysfonctionnements, mais sa responsabilité, que la sous-production invoquée ne procède pas d'un fait unique, mais de l'incapacité persistante de REKA à mettre fin aux dysfonctionnements
-que le moyen, nouveau en appel, tiré de l'absence de mise en cause de la société FRECHOT, transporteur, n'est pas fondé, que cette mise en cause peut être faite par REKA, que les opérations d'expertise peuvent, le cas échéant, être étendues à cette partie,
- qu'elle n'a pas contracté avec la société danoise REMCO, qui est le sous-traitant de REKA, et que là encore c'est à celle-ci, le cas échéant, de mettre en cause son sous-traitant.

Elle demande à la cour :
- de réformer l'ordonnance entreprise, et statuant à nouveau
-de désigner un expert, avec la mission énoncée dans ses conclusions,
- de débouter REKA de ses demandes, de la condamner à lui verser la somme de 1. 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et de statuer ce que de droit sur les dépens.

MOYENS ET PRETENTIONS DE REKA :

Par dernières conclusions du 1er février 2012, auxquelles il convient de se reporter, REKA fait valoir :
- que ce n'est que trois ans après la mise en route de la machine, et sur le fondement de la seule attestation de l'un de ses salariés, que MG a demandé une expertise judiciaire,
- que, lorsque le défaut invoqué s'analyse à la fois en un vice caché et en un manquement à l'obligation de délivrance, seule l'action en garantie des vices cachés peut être intentée,
- que, l'action étant prescrite, MG ne justifie pas d'un motif légitime,
- qu'à titre subsidiaire, elle souligne qu'elle conteste formellement toute responsabilité dans l'existence des désordres, d'autant que la société FRECHOT, transporteur qui a effectué le démontage et le remontage de la machine, n'est pas en la cause ; que ce moyen, certes nouveau en appel, est recevable, à la différence d'une demande nouvelle, que l'absence de mise en cause de la société FRECHOT rend irrecevable la demande d'expertise de MG,
- que c'est la société danoise KEMCO qui a conçu, livré et installé le matériel, qu'elle ne voit pas pourquoi elle devrait, quant à elle, la mettre en cause.

Elle demande à la cour :
- de confirmer l'ordonnance entreprise
-de dire que l'action au fond est prescrite, et que la demande d'expertise est irrecevable faute de mise en cause de la société FRECHOT,

- de débouter en conséquence MG de sa demande d'expertise,
- subsidiairement, de lui donner acte de ses protestations et réserves, et de donner à l'expert éventuellement désigné la mission de dire, en cas de désordres avérés, si ceux-ci proviennent d'une faute commise lors du démontage et du remontage de la ligne de granulation par la société FRECHOT à la demande de MG,
- de condamner MG à lui payer la somme de 3. 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, et de lui accorder le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

SUR QUOI, LA COUR :

Considérant qu'en vertu de l'article 145 du code de procédure civile, toute personne disposant d'un motif légitime peut obtenir du juge des référés la désignation d'un expert pour rechercher et établir la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un procès éventuel, sauf lorsque la mesure n'est pas de nature à améliorer la situation probatoire du demandeur, ou que l'action au fond qui motive la demande d'expertise est manifestement vouée à l'échec ;

Que, ni l'urgence, ni l'absence de contestation sérieuse, ne sont des conditions d'application de ce texte, qui ne prévoit, par ailleurs, aucun délai d'action ;

Qu'il suffit que le demandeur justifie d'éléments rendant crédibles ses suppositions, et que les preuves obtenues soient de nature à alimenter un procès ; que le demandeur n'a pas à démontrer l'existence des faits qu'il invoque, puisque la mesure demandée est justement destinée à les établir ;

Que REKA soutient que l'action au fond, que serait susceptible d'engager MG, ne peut être fondée que sur la garantie de vices cachés et que, l'assignation en référé ayant été délivrée plus de deux ans après la découverte de ces vices, soit le 18 décembre 2007, cette action serait prescrite ;

Mais considérant que, ce faisant, elle dénature les conclusions de MG, qui n'a pas limité à la garantie des vices cachés le fondement juridique sur lequel elle envisage d'engager son action future à l'encontre de REKA, et qui a précisé que la sous-production de la machine ne procédait pas d'un fait unique datant de la mise en route de l'installation, mais de l'incapacité persistante de REKA à remédier aux dysfonctionnement constatés ;

Qu'il ne peut, en conséquence, être dit que l'action au fond de MG serait manifestement vouée à l'échec ;

Considérant qu'en l'état des éléments produits, établissant la sous-production de la machine litigieuse, MG justifie d'un motif légitime à voir ordonner l'expertise qu'elle sollicite ;

Que, si l'irrecevabilité de cette demande, tirée de l'absence de mise en cause de la société FRECHOT qui a procédé, en 2008, au déplacement de la machine, constitue, non pas une demande nouvelle, mais un moyen nouveau, recevable en appel, ce moyen doit être rejeté, dans la mesure où il appartiendra à MG, comme à REKA, d'appeler aux opérations d'expertise tout tiers qui serait intervenu dans l'installation, le démontage et le remontage ou le déplacement de la machine litigieuse ; qu'à ce stade de la procédure, l'absence de mise en cause de la société FRECHOT, pas plus que celle de la société danoise KEMCO qui, selon REKA, aurait conçu, livré et effectué le démarrage de la machine litigieuse, n'empêche la désignation d'un expert ;

Considérant qu'il convient en conséquence d'infirmer l'ordonnance entreprise et de désigner un expert dont la mission sera précisée au dispositif du présent arrêt ;

Considérant que REKA conteste, comme c'est son droit, toute responsabilité dans les désordres allégués, qu'il n'y a pas lieu de lui donner acte de ses " protestations et réserves " ;

Considérant que les mesures demandées avant tout procès sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ne sont pas destinées à éclairer la religion du juge qui les ordonne mais le sont au seul bénéfice de celui qui les sollicite ; que les dépens de première instance, incluant les frais d'expertise, seront donc à la charge du demandeur à cette mesure ;

Que les dépens d'appel doivent être mis à la charge de REKA, partie perdante ;

Considérant qu'il serait contraire à l'équité de laisser à MG la charge de ses frais non inclus dans les dépens, exposés dans l'instance d'appel ;

PAR CES MOTIFS :

Infirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a débouté la SARL MG GRANULES de sa demande d'expertise et l'a condamnée à payer à la SARL REKA la somme de 1. 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau :

Ordonne une expertise

Désigne Monsieur Benoît B...
...
...
mobile ...
...

en qualité d'expert, avec mission de :

- prendre connaissance de l'intégralité des pièces contractuelles et des courriers échangés entre les parties

-faire un historique succinct des éléments du litige en indiquant notamment les intervenants à l'opération concernée par le ou les désordres faisant l'objet de l'expertise,

- vérifier si les désordres allégués (la sous-production) concernant l'installation complète de la ligne de granulation existent, et dans l'affirmative :
*les décrire en indiquant leur nature et en produisant dans la mesure du possible des photographies
* en rechercher les causes, l'étendue et leur date,
* dire si les désordres proviennent d'une erreur de conception, d'un vice des matériaux, d'une négligence dans le montage et/ ou le réglage, d'une négligence dans l'entretien ou l'exploitation, ou de toute autre cause et notamment de l'intervention d'un tiers lors d'opérations de déplacement et/ ou de démontage et remontage
* de dire si les désordres constituent une simple défectuosité ou un vice grave, de préciser s'ils sont susceptibles de mettre l'ensemble de l'installation en péril ou de la rendre impropre à sa destination,
* de préciser et évaluer l'importance, la nature, le coût et la durée des travaux de remise en état
* de donner tous éléments permettant à la juridiction qui sera éventuellement saisie, d'apprécier les préjudices de tous ordres entraînés par ces désordres, et proposer leur évaluation

-de donner les éléments techniques et de fait permettant à la juridiction de déterminer les responsabilités encourues

-d'impartir aux parties un délai raisonnable en fonction de la complexité des questions posées, pour leur permettre de présenter leurs dires, auxquels il sera répondu techniquement par l'expert dans le cadre de sa mission et avant la clôture de ses opérations

Dit que l'expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 264 et suivants du code de procédure civile et qu'il déposera son rapport au greffe de la cour dans le délai de quatre mois à compter de la date à laquelle il aura fait connaître son acceptation de sa mission

Fixe à la somme de 3. 500 € la provision pour frais d'expertise que la SARL MG GRANULES devra consigner au greffe de la cour dans le délai d'un mois à compter du présent arrêt, à peine de caducité de la mesure d'expertise

Désigne Madame Maryse LESAULT, conseillère, pour suivre les opérations d'expertise
Déboute la SARL REKA de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Y ajoutant,

Condamne la SARL REKA à payer à la SARL MG GRANULES la somme de 1. 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SARL REKA aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 11/12961
Date de la décision : 14/03/2012
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

ARRET du 22 mai 2013, Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 22 mai 2013, 12-17.579, Inédit

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2012-03-14;11.12961 ?
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