Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 1
ARRET DU 14 MARS 2012
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/15338
Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Juillet 2010 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2008083036
APPELANTE
SA DES GALERIES LAFAYETTE agissant poursuites et diligences en la personne de son Président du Directoire et tous représentants légaux
dont le siège social est [Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat postulant au barreau de PARIS (L0034)
assistée de Maître Yves REPIQUET, avocat au barreau de Paris plaidant pour la SCP JEANTOT ET ASSOCIES, avocats associés
INTIMEES
SOCIETE INLEX IP EXPERTISE venant aux droits de la SA INLEX CONSEIL
dont le siège social est [Adresse 2]
[Adresse 2]
SOCIETE EN ACT prise en la personne de son Président
dont le siège social est [Adresse 2]
[Adresse 2]
représentées par Maître Nadine CORDEAU, avocat postulant au barreau de PARIS (B0239)
assistées de Maître Benoît DENIAU, avocat au barreau de Paris (E 291)
COMPOSITION DE LA COUR :
Après le rapport de Monsieur Charles DE RAIGNAC, élève avocat stagiaire, dans les conditions de l'article 785 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Février 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Didier PIMOULLE, Président
Madame Brigitte CHOKRON, Conseillère
Madame Anne-Marie GABER, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Monsieur Gilles DUPONT
ARRET :
- contradictoire
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Didier PIMOULLE, Président et par Monsieur Gilles DUPONT, Greffier
* * *
LA COUR,
Vu l'appel relevé par la s.a. Les Galeries Lafayette du jugement du tribunal de commerce de Paris (19ème chambre, n° de RG : 2008083036 ), rendu le 2 juillet 2010 ;
Vu les dernières conclusions de l'appelante (27 mai 2011) ;
Vu les dernières conclusions (26 septembre 2011) de la s.a.s. Inlex IP Expertise, venant aux droits de la société Inlex Conseil, et de la s.a.s. En Act, intimées et incidemment appelantes ;
Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 6 décembre 2011 ;
* *
SUR QUOI,
Considérant que la société Inlex Conseil, aux droits de laquelle est venue la société Inlex IP Expertise (ci-après : la société Inlex) conseil en propriété industrielle, et la société En Act, créée pour gérer des noms de domaines, estimant que la société Les Galeries Lafayette avait rompu abusivement, en mai 2008, les relations commerciales établies entre elles en demandant le transfert de l'ensemble de son portefeuille de marques et de noms de domaine à un autre cabinet de conseil en propriété industrielle, ont assigné cette société en paiement de dommages-intérêts, en réparation de leur préjudice économique et de leur préjudice moral, sur le fondement de l'article L.442-6, I, 5° du code de commerce ; que la société Inlex a par ailleurs réclamé la condamnation de la défenderesse à lui payer deux factures ;
Que le tribunal, ayant retenu que la société Les Galeries Lafayette, en ne respectant pas un préavis suffisant pour permettre aux sociétés Inlex et En Act de s'adapter à la situation créée par la demande de transfert immédiat du portefeuille de marque et de noms de domaine, avait causé à ces sociétés un préjudice économique qu'elle devait réparer, a partiellement fait droit aux prétentions des demanderesses, les a déboutées de leurs demandes au titre d'un préjudice moral et condamné la société Les Galeries Lafayette au paiement des factures litigieuses ;
Considérant que, pour conclure à l'infirmation du jugement, l'appelante conteste le caractère commercial de ses relations avec les sociétés Inlex et En Act et soutient que l'article L.442-6, I, 5° du code de commerce n'a pas vocation à s'appliquer en la cause ; qu'elle prétend par ailleurs que les factures dont le paiement est réclamé ne sont pas dues;
Considérant que les intimées concluent à la confirmation du jugement sauf sur le montant des dommages-intérêts alloués ;
Sur la rupture des relations avec la société Inlex :
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L.442-6, I, 5° du code de commerce que « Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers [...] de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ;
Considérant que l'article L.422-12 du code de la propriété intellectuelle dispose que « La profession de conseil en propriété intellectuelle est incompatible : 1°) avec toute activité de caractère commercial, qu'elle soit exercée directement ou par personne interposée » ;
Que, même si l'article L.422-7 du même code, qui prévoit que « Lorsque la profession de conseil en propriété industrielle est exercée en société, elle peut l'être par une société civile professionnelle, par une société d'exercice libéral ou par une société constituée sous une autre forme », n'exclut pas que cette profession puisse être exercée en société commerciale par la forme, comme en l'espèce la s.a.s. Inlex, cette hypothèse ne peut être regardée comme offrant une possibilité de déroger au principe d'incompatibilité entre l'exercice de la profession de conseil en propriété industrielle et toute activité commerciale quelle qu'elle soit ;
Considérant que c'est dès lors à juste titre que la société les Galeries Lafayette soutient que l'article L.442-6, I, 5° du code de commerce, qui s'inscrit dans un ensemble de dispositions prohibant les pratiques anticoncurrentielles ou discriminatoires dans le secteur de la distribution de produits ou services, n'a pas vocation à recevoir application en la cause ;
Considérant, en réalité, que la profession réglementée de conseil en propriété industrielle est une profession libérale qui s'exerce dans le cadre juridique du mandat, ainsi qu'il ressort, non seulement du règlement intérieur de la compagnie nationale des conseils en propriété industrielle, approuvé par arrêté du 29 juillet 1994, mais encore des conditions générales de vente de la société Inlex qui précisent : « Le Client a la faculté de dessaisir à tout moment lnlex des prestations pour lesquelles il l'avait mandaté. [...] Quel que soit le motif de du dessaisissement, Inlex remet au Client ou au nouveau mandataire de celui-ci tous documents dont il est dépositaire » ;
Considérant que la société Inlex tente vainement de faire valoir que sa prestation au profit de la société Les Galeries Lafayette ne se limitait pas à la représentation, mais s'accompagnait d'une activité de conseil et d'assistance, laquelle ne peut s'inscrire dans le cadre du mandat et que de tels services, exécutés dans le temps, ne peuvent s'interrompre en cours d'exécution ; que l'article L.422-1 du code de la propriété intellectuelle, qui définit, dans son alinéa 1, la profession de conseil en propriété industrielle, vise expressement le conseil, l'assistance et la représentation, tandis que l'alinéa 2 du même article précise que ces services comprennent la consultation juridique et la rédaction d'actes sous seing privé ; qu'il n'y a donc pas lieu de distinguer, entre les activités de la société Inlex, entre celles qui s'exerceraient dans le cadre du mandat et d'autres qui relèveraient d'un autre régime ;
Considérant qu'il résulte des dispositions des articles 2003 et 2004 du code civil que « Le mandat finit par la révocation du mandataire » et que « Le mandant peut révoquer sa procuration quand bon lui semble » ;
Considérant toutefois que la révocation abusive est susceptible d'engager la responsabilité du mandant ; que la société Inlex estime que l'abus est caractérisé en l'espèce dès lors que la société Les Galeries Lafayette a refusé le moindre entretien et dessaisi l'intimée de tous les dossiers en cours ;
Mais considérant que, si la société Les Galeries Lafayette a en effet notifié à la société Inlex, par lettre du 23 mai 2008 qui n'avait été précédée d'aucun avertissement, ni sur la qualité de la prestation, ni sur le montant des honoraires, de transmettre l'ensemble du portefeuille des marques et noms de domaine à un autre cabinet, cette rupture n'a cependant pas eu les conséquences radicales dénoncées par la société Inlex, n'étant pas contesté que la société Les Galeries Lafayette lui a laissé le soin de procéder à l'ensemble des renouvellements de marques confiés au fur et à mesure de leur échéance, de sorte que la société Inlex a réalisé les renouvellements jusqu'à la fin de l'année 2008 et que 18 factures ont encore été émises par la société Inlex après la notification de la résiliation le 23 mai 2008, dont 16 ont été réglées et seulement deux contestées ; que ces circonstances témoignent du maintien d'un courant d'affaires, même réduit, et de la poursuite de relations qui conduisent à écarter le caractère brutal allégué de la rupture ;
Considérant, par ailleurs, que la société Inlex n'apporte aucun élément de preuve à l'appui de ses allégations suivant lesquelles la société Les Galeries Lafayette auraient décidé de rompre les relations en cédant au démarchage d'une ancienne salariée qui l'avait elle-même quittée pour rejoindre le même cabinet que celui auquel il était demandé de transmettre les dossiers ;
Considérant que le caractère brutal et vexatoire de la rupture tel qu'invoqué par la société Inlex n'est donc pas démontré ; que le jugement déféré sera en conséquence réformé et la société Inlex déboutée de toutes ses prétentions ;
Sur la rupture des relations avec la société En Act :
Considérant que la société En Act créée en 2003 par les dirigeants de la société Inlex pour exercer l'activité de surveillance de marques et développer une activité de surveillance de noms de domaine expose que la société Les Galeries Lafayette a rompu le contrat qui les liait sans même l'en informer, se bornant à demander à la société Incom, titulaire des noms de domaine, de changer de gestionnaire ;
Considérant que la société Les Galeries Lafayette explique pour sa part que la société En Act, filiale d'Inlex, procédait en sous-traitance de sa société-mère à des prestations purement matérielles de surveillance de marques et noms de domaine destinées à garantir les antériorités dont elle bénéficiait et ce, de manière accessoire aux prestations réalisées par Inlex ; qu'elle affirme n'avoir jamais eu de relation directe avec la société En Act pour les prestations de surveillance des marques, celle-ci ayant toujours été assurée par Inlex, maison-mère d'En Act, qui en référait aux Galeries Lafayette pour le compte de sa filiale ;
Mais considérant que l'existence de relations commerciales établies entre la société Les Galeries Lafayette et la société En Act est démontrée par une lettre du 13 août 2008 dans laquelle la société Les Galeries Lafayette indique avoir payé à la société En Act une facture de 6.865,04 € qui lui était réclamée, reconnaissant par là même le bien fondé de la réclamation et donc l'existence de prestations valablement facturées accomplies à son profit ; que ces circonstances sont confirmées par une lettre de la société En Act à la société Indom, du 9 juillet 2008, relative aux conditions de la rupture ces relations auxquelles il a été mis fin par la société Les Galeries Lafayette sans aucun préavis ;
Considérant qu'il en résulte que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Les Galeries Lafayette à payer de ce chef des dommages-intérêts à la société En Act ;
Sur les demandes de paiement de factures :
Considérant que la facture n° 5449/08 émise le 11 juillet 2008 par la société Inlex concerne, selon la société Les Galeries Lafayette, des prestations de retransmission et le suivi de travaux réalisés par le correspondant de la société Inlex à Hong Kong dont la réalité n'est pas démontrée ;
Mais considérant que le détail des prestations facturées est décrit dans des lettres que la société Inlex a adressées les 11 et 21 juillet 2008 à la société Les Galeries Lafayette dont cette dernière n'a jamais contesté les termes ; que l'appelante ne peut être suivie dans sa tentative de se soustraire au paiement de cette facture sur la seule allégation d'un prétendu doute sur la réalité des prestations facturées alors qu'un tel doute est exclu au vu des explications précises, concordantes et réitérées fournies par la société Inlex ;
Considérant que la facture litigieuse mentionne expressément qu'elle devait être payée à réception ; que la mise en demeure adressée par la société Inlex du 11 août 2008 n'était donc pas prématurée et a eu pour effet de faire courir les intérêts au taux légal majoré prévu par l'article L.441-6 du code de commerce expressément visé par les conditions générales de vente ;
Considérant que la facture n° 6579/08 du 15 septembre 2008 se rapporte à la transmission en urgence des dossiers au cabinet désigné par la société Les Galeries Lafayette ;
Considérant que les dispositions du règlement intérieur de la compagnie nationale des conseils en propriété industrielle font obligation au conseil en propriété industrielle de transférer les dossiers de son client à un autre mandataire choisi par ce dernier prévoient la possibilité d'une rémunération du travail que nécessite un tel transfert ;
Considérant que le tribunal a justement retenu que cette transmission implique une vérification préalable de chacun des dossiers concernés, voire l'établissement d'un commentaire pour les plus importants, ce que ne conteste pas la société Les Galeries Lafayette qui reconnaît que la transmission devait être assortie d'une note de synthèse (page 27 de ses dernières écritures) relative aux litiges en cours ;
Considérant qu'il en résulte que cette seconde facture émise le 15 septembre 2008 est due pour un montant de 5.000 € HT ; que cette facture mentionne également de façon expresse qu'elle devait être payée à réception ; que la mise en demeure du même jour adressée par la société Inlex n'était donc pas prématurée et a eu pour effet de faire courir les intérêts calculés sur une fois et demi le taux de l'intérêt légal en vigueur expressément visé par l'article 7.3 des conditions générales de vente ;
* *
PAR CES MOTIFS,
CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné la société Les Galeries Lafayette à payer des dommages-intérêts à la société Inlex et sur les intérêts de retard applicables aux sommes dues au titre des factures,
Le RÉFORMANT et STATUANT à nouveau de ces seuls chefs,
DÉBOUTE la société Inlex de ses demandes de dommages-intérêts au titre de la rupture des relations commerciales,
DIT que les sommes dues au titre des factures porteront intérêts calculés, à compter de la mise en demeure de payer chacune d'elles, sur une fois et demi le taux de l'intérêt légal en vigueur conformément aux prévisions de l'article 7.3 des conditions générales de vente,
Déboute les parties de leurs demandes contraires à la motivation,
CONDAMNE la société Les Galeries Lafayette aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile et à payer, par application de l'article 700 du code de procédure civile, 5.000 € à chacune des sociétés intimées.
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,