RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 6
ARRET DU 14 Mars 2012
(n° 12 , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/05401-CR
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Mai 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS section Commerce RG n° 08/01255
APPELANT
Monsieur [H] [H]
[Adresse 3]
[Localité 5]
comparant en personne, assisté de M. [M] [M] (Délégué syndical dûment mandaté)
INTIMÉE
SAS S. HOTEL
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Sophie UETTWILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0261 substituée par Me Agathe LEMAIRE, avocat au barreau de PARIS
PARTIE INTERVENANTE :
Syndicat CGT HPE
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par M. [M] [M] (Délégué syndical ouvrier dûment mandaté)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Janvier 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Claudine ROYER, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Patrice MORTUREUX DE FAUDOAS, Président
Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Conseillère
Madame Claudine ROYER, Conseillère
Greffier : Mme Evelyne MUDRY, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Conseillère suite à l'empêchement du Président, et par Evelyne MUDRY, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES
Par jugement de départage du 27 mai 2010 auquel la Cour se réfère pour l'exposé des faits, de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Paris a :
- dit justifiée la rupture du contrat de travail de Monsieur [H],
- condamné la SAS S HOTEL à payer à Monsieur [H] [H] les sommes de
* 1425,55 euros à titre d'indemnité forfaitaire de rupture,
* 450 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- débouté Monsieur [H] du surplus de ses demandes,
- condamné la société S HOTEL aux dépens.
Monsieur [H] [H] a relevé appel de ce jugement par déclaration parvenue au greffe de la cour le 18 juin 2013.
Vu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile et les conclusions des parties régulièrement communiquées, oralement soutenues et visées par le greffe à l'audience du 16 janvier 2012, conclusions auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de leurs demandes, moyens et arguments ;
Vu l'intervention volontaire du syndicat CGT-HPE aux côtés de Monsieur [H] [H] ;
* * *
Il résulte des pièces et des écritures des parties les faits constants suivants :
Suivant contrat de travail à durée indéterminée du 27 juillet 2001, faisant suite à un contrat à durée déterminée du 6 février 2001, la SAS S HOTEL exerçant sous l'enseigne commerciale [Adresse 6] a engagé Monsieur [H] [H] en qualité de commis de salle tournant.
Le 13 décembre 2007, Monsieur [H] a été licencié pour faute grave après convocation à un entretien préalable ayant eu lieu le 6 décembre 2007, pour avoir fourni de faux papiers lors de son embauche et ensuite pour conserver son emploi, faisant ainsi encourir à son employeur un risque pénal .
Contestant son licenciement, Monsieur [H] a saisi le conseil de prud'hommes de PARIS qui a rendu la décision déférée, à l'issue d'une procédure de départage.
* * *
MOTIFS
Sur le bien-fondé du licenciement
Monsieur [H] prétend que lors de son embauche, il a été contraint de présenter une fausse carte de résident afin d'être embauché ; qu'il a donné satisfaction en plus de 6 ans de services et n'a jamais reçu la moindre sanction ; que les reproches sur ses papiers sont de façon troublante intervenus lorsqu'il s'est plaint de ses conditions de travail, et a demandé la suspension de son contrat de travail dans l'attente de la réponse de la préfecture ; qu'il a finalement obtenu une autorisation provisoire de séjour le 1er octobre 2008 grâce à la demande d'un autre employeur plus respectueux des droits humains élémentaires ; que si le Préfet avait à l'origine refusé de procéder à la vérification de sa carte de séjour, il appartenait à l'employeur de vérifier la nationalité de son salarié en lui demandant notamment copie d'un extrait d'acte de naissance ou de son passeport.
La SAS S. HOTEL demande confirmation du jugement déféré en ce qu'il a retenu la faute grave. Elle rappelle que la préfecture lors de l'embauche a refusé de vérifier le titre de séjour, et qu'en l'absence de doute sérieux sur les éléments matériels et objectifs, il y avait lieu de tenir le document pour authentique ; qu'elle a donc embauché le salarié et demandé à nouveau la vérification de son titre de séjour lors du renouvellement de la carte de résident ; que c'est à ce moment que la Préfecture lui a indiqué que le document fourni était un faux.
Il convient d'observer que les parties n'apportent en cause d'appel aucun élément nouveau de nature à remettre en cause la décision du juge départiteur, lequel, par des motifs pertinents que la cour fait siens, a retenu les manquements invoqués à l'encontre du licenciement du salarié en considérant que :
- la présentation d'un faux document relatif à l'identité et à la permission de travailler sur le territoire national, d'ailleurs non contestée par le salarié, constituait une faute d'une gravité évidente puisqu'elle faisait courir un risque à l'employeur de poursuites pénales pour emploi illégal ;
- le salarié ne pouvait faire disparaître sa faute en arguant que l'employeur n'avait pas procédé à des vérifications sur la véracité des documents présentés dès lors qu'il avait communiqué les pièces à la Préfecture de police au moment de l'embauche et avait procédé à cette embauche au vu de la réponse de l'administration, le salarié ne justifiant pas que l'employeur disposait d'un élément lui permettant de douter de façon objective et évidente de la véracité des documents soumis au contrôle.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la faute grave à l'encontre de Monsieur [H] [H] .
Sur les demandes de Monsieur [H]
Se fondant sur les dispositions des articles L.8252-1 et L8252-2 du code du travail dont il réclame l'application, Monsieur [H] demande le paiement :
- d'un préavis ou d'une indemnité équivalente à un préavis de 2 mois, soit 2851,10 euros,
les congés payés afférents,
- une indemnité conventionnelle de licenciement ou d'une indemnité équivalente, soit 4989,35 euros pour 7 ans d'ancienneté,
- une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou une indemnité pour perte de chance de régularisation de 15000 euros.
La SAS S.HOTEL s'oppose à ces demandes en faisant observer que les dispositions des articles L.8252-1 et L8252-2 du code du travail ne s'appliquent qu'en cas de méconnaissance par l'employeur des dispositions de l'article L.8251-1 du code du travail prescrivant que « nul ne peut directement ou indirectement embaucher, conserver à son service, ou employer pour quelque durée que ce soit, un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France » ; qu'il n'a pas, en ce qui le concerne, méconnu ce texte et n'a pas eu connaissance de la situation irrégulière de Monsieur [H] ; qu'il ne disposait d'aucun élément objectif lui permettant de douter de façon objective et évidente de la véracité des documents soumis au contrôle ; que l'indemnité prévue par les dispositions de l'article L 8252-2 du code du travail ne peut être accordée .
Subsidiairement, la SAS S.HOTEL estime erroné le quantum de l'indemnité de licenciement revendiquée par M. [H] sur la base d'un protocole d'accord du 28 avril 1982, lequel n'a jamais été appliqué au sein de l'hôtel ; que seules sont applicables les dispositions d'un accord collectif du 24 juin 2010 ne comportant aucune disposition spécifique relative à l'indemnité de licenciement, et s'appliquant parallèlement aux dispositions de la convention collective HCR et SGIH, sans cumul des avantages ayant le même objet ; qu'en tout état de cause, l'indemnité de licenciement ne saurait être supérieure à 2116,55 euros pour 6 ans d'ancienneté.
Aux termes de l'article L.8252-1 du code du travail, « le salarié étranger employé en méconnaissance du premier alinéa de l'article L 8251-1 est assimilé, à compter de la date de son embauche, à un salarié régulièrement engagé au regard des obligations de l'employeur définies par le présent code (...) » , notamment :
« 4° pour la prise en compte de l'ancienneté dans l'entreprise. (...) »
L'article L.8252-2 -2° du code du travail précise quant à lui que « le salarié étranger a droit au titre de la période d'emploi illicite,( ...)en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à un mois de salaire, à moins que l'application des règles figurant aux articles L.1234-5, L 1234-9, L.1243-4 et L.1243-8, ou des stipulations contractuelles correspondantes ne conduisent à une situation plus favorable.
Il résulte de ces dispositions que l'indemnité ou les sommes revenant au salarié étranger en application de l'article L.8252-2 précité, ne sont dues en cas de rupture de la relation de travail, que si ce salarié a été employé en méconnaissance du premier alinéa de l'article L 8251-1 du code du travail.
Or en l'espèce, la société S HOTEL, justifie que lors de l'embauche, elle a employé Monsieur [H] après avoir demandé à la Préfecture de Seine et Marne de vérifier la carte de résident de l'intéressé et après la réponse préfectorale du 5 décembre 2000 refusant ce contrôle en lui indiquant que « ces vérifications n'étaient utiles que dans la mesure où le document présenté par l'étranger suscitait un doute sérieux fondé sur des éléments matériels et objectifs tels que photographie non ressemblante, titre altéré, maquillé ou d'apparence inhabituelle » et que « dans le cas contraire, il y avait lieu de le tenir pour authentique ».
Compte tenu de ces éléments, il ne peut être soutenu que la SAS S HOTEL a embauché ou conservé à son service Monsieur [H] en méconnaissance du premier alinéa de l'article L 8251-1 du code du travail. Et pas plus en appel qu'en première instance, le salarié n'établit que l'employeur disposait d'éléments matériels et objectifs lui permettant de douter sérieusement du titre présenté par le salarié lors de son embauche. En présence d'un titre en apparence régulier, il n'était tenu à aucune vérification particulière.
L'employeur justifie que c'est uniquement lors de la demande de confirmation de régularité effectué après renouvellement du titre de séjour, qu'il a été informé que la carte de résident présentée par Monsieur [H] était une fausse carte ; qu'il a alors aussitôt convoqué le salarié à un entretien préalable avec mise à pied conservatoire puis licencié ce dernier pour faute grave pour avoir fourni un faux titre de séjour .
Dès lors qu'il est établi que l'employeur n'a pas fait travailler Monsieur [H], « en méconnaissance du premier alinéa de l'article L 8251-1 » du code du travail, le recours à la procédure de licenciement pour faute grave dès la découverte de la fraude du salarié était justifié, ce qui avait pour effet de priver ce dernier des indemnités de rupture (préavis et indemnité de licenciement).
Dans ce contexte, et en l'absence de comportement fautif de l'employeur, le salarié ne pouvait pas non plus prétendre, ainsi que le soutient à juste titre la SAS S HOTEL, à l'indemnité forfaitaire visée à l'article L. 8252-2 du code du travail, ni à des indemnités plus favorables de préavis et de licenciement .
Il y a donc lieu d'infirmer la décision déférée en ce qu'elle a alloué à monsieur [H] une indemnité forfaitaire de 1425,55 euros et de débouter le salarié de ses demandes au titre du préavis et de l'indemnité de licenciement, mais aussi au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur les demandes du syndicat CGT -HPE
Compte tenu des motifs qui précèdent, il n'est pas établi que l'employeur a employé Monsieur [H] en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L8251-1 du code du travail, et enfreint les dispositions d'ordre public sur la rupture du contrat de travail d'un étranger en situation irrégulière.
Le préjudice grave porté à l'intérêt collectif des salariés n'est donc pas établi.
Il y a lieu dans ces conditions de rejeter l'intégralité des demandes du syndicat CGT-HPE
Monsieur [H] [H] qui succombe supportera les entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a retenu la faute grave,
L'infirme pour le surplus,
Déboute Monsieur [H] [H] de l'intégralité de ses demandes,
Déboute le syndicat CGT-HPE de toutes ses demandes,
Condamne Monsieur [H] [H] aux entiers dépens.
LE GREFFIER POUR LE PRESIDENT,