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14/03/2012 | FRANCE | N°10/01149

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 14 mars 2012, 10/01149


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 14 Mars 2012

(n° 2 , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/01149-CR



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 Septembre 2009 par le conseil de prud'hommes de PARIS section Encadrement RG n° 08/11499





APPELANTE

Madame [V] [U]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

comparant en personne assistée de Me Pascale GUYARD, avocat au barreau

de PARIS, toque : C0547







INTIMÉE

SA SANOFI AVENTIS GROUPE

siège social :[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Jean Pierre LEFOL, avocat au barreau de PARIS, toq...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 14 Mars 2012

(n° 2 , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/01149-CR

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 Septembre 2009 par le conseil de prud'hommes de PARIS section Encadrement RG n° 08/11499

APPELANTE

Madame [V] [U]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

comparant en personne assistée de Me Pascale GUYARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C0547

INTIMÉE

SA SANOFI AVENTIS GROUPE

siège social :[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Jean Pierre LEFOL, avocat au barreau de PARIS, toque : E.1308

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Janvier 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Claudine ROYER, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Patrice MORTUREUX DE FAUDOAS, Président

Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Conseillère

Madame Claudine ROYER, Conseillère

Greffier : Mme Evelyne MUDRY, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Conseillère suite à l'empêchement du Président, et par Evelyne MUDRY, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

Par jugement du 14 septembre 2009 auquel la Cour se réfère pour l'exposé des faits, de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de PARIS a :

- débouté la demanderesse de l'ensemble de ses demandes,

- condamné Madame [V] [U] aux dépens.

Madame [V] [U] a relevé appel de ce jugement par déclaration parvenue au greffe de la cour le 9 février 2010.

Vu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile et les conclusions des parties régulièrement communiquées, oralement soutenues et visées par le greffe à l'audience du 16 janvier 2012, conclusions auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé de leurs demandes, moyens et arguments ;

* * *

Il résulte des pièces et des écritures des parties les faits constants suivants :

Suivant contrat à durée indéterminée du 20 décembre 1990, la SA RHONE-POULENC RORER a engagé Madame [V] [U] à compter du 1er mars 1991 en qualité de cadre coefficient hiérarchique 550 pour remplir les fonctions d'Assistant Directeur de recherche clinique [4] et Enregistrement de RHONE-POULENC RORER SA à [Localité 3].

A la suite de différentes fusions, l'employeur de Madame [U] est devenu AVENTIS, puis AVENTIS PHARMA, puis SANOFI AVENTIS.

Au fil des ans, la situation de Madame [U] et sa rémunération ont régulièrement évolué:

Son coefficient est passé à 770 à compter du 1er octobre 2000. Sa rémunération annuelle brute forfaitaire à été portée à 108000 euros à compter du 1er novembre 2002. Elle est devenue à compter du 1er avril 2004 « Senior Director Medical Affairs Oncology Business Unit Europe » avec un salaire annuel brut de 124850 euros, outre bonus et stock options. Le 1er janvier 2005 son salaire annuel brut a été fixé à 131093 euros et sa rémunération variable à 25 % du salaire en cas d'objectifs atteints. Le 1er janvier 2006 sa classification a été modifiée après la fusion SANOFI AVENTIS pour devenir : groupe 10 coefficient 700. Son salaire de base annuel brut a été porté à 137619 euros .

Dans un contexte de réorganisation des affaires médicales en Europe, SANOFI AVENTIS a décidé de réorganiser les aires thérapeutiques en 3 pôles :

- Cardio-thrombose / métabolisme

- Système nerveux central

- Médecine interne (rhumatologie, anti-infectieux) et oncologie

Dans cette nouvelle organisation, SANOFI AVENTIS a proposé à Madame [U] de prendre la responsabilité du troisième pôle (Médecine interne et Oncologie), et notamment de travailler en étroite collaboration avec les différents responsables marketing des différentes aires thérapeutiques de ce pôle, pour définir les axes stratégiques clés pour l'Europe tenant compte des spécificités des pays, avec des objectifs à préciser en adéquation avec les objectifs 2006 déjà communiqués, d'exercer une mission d'expertise .

Par courriel du 11 mai 2006, Madame [U] a refusé le nouveau poste qui lui était attribué, celui-ci étant de nature selon elle « à la positionner sur une trajectoire de déclin de sa carrière professionnelle au sein du groupe ». Elle a indiqué dans ce courriel que le poste qu'elle occupait, qui couvrait l'ensemble des aires thérapeutiques, se trouvait supprimé pour être remplacé par un modèle où les aires thérapeutiques étaient réaffectées à trois responsables. Dénonçant la réduction de son périmètre et de ses prérogatives et notant qu'elle se retrouvait au même niveau hiérarchique qu'un médecin qui jusque là lui rapportait, Madame [U] a considéré que cette nouvelle organisation ne faisait que concrétiser les différents agissements répétés de déstabilisation qu'elle subissait de la part de son nouveau manager depuis la prise de fonction de ce dernier en octobre 2005.

Par lettre du 26 mai 2006, Madame [U] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 7 juin 2006. Puis elle a été licenciée par lettre du 12 juin 2006 en ces termes :

« A la suite de la réorganisation de la Direction des Affaires Médicales et Relations Scientifiques « Europe », il vous été proposé de prendre en charge la direction des Affaires Médicales du pôle oncologie/médecine interne, avec une responsabilité managériale sur 6 directeurs médicaux et une responsabilité opérationnelle sur 9 produits représentant un enjeu majeur pour le Groupe. Cette réorganisation avait pour objectif d'adapter l'organisation des Affaires Médicales à celle du Marketing, rendant ainsi la structure plus compréhensible et réactive aux yeux de nos clients que sont les filiales.

A ce titre, vous deviez être le garant de l'expertise de votre équipe et travailler en étroite collaboration avec les directions médicales des pays et les franchises.

Le poste proposé n'entraînait aucune remise en cause de votre statut ni de votre niveau de rémunération.

Le délai pris par votre réponse a généré un retard dans la mise en place de la nouvelle organisation. En effet, après avoir longtemps hésité et reporté la date à laquelle vous nous feriez part de votre décision, vous nous avez fait savoir par mail en date du 11 mai votre « désaccord sur le poste qui vous était proposé » estimant que cela représentait pour vous « une trajectoire de déclin de votre carrière professionnelle au sein du groupe. »

Nous vous avons reçue le 18 mai pour un entretien au cours duquel vous nous avez confirmé que vous refusiez la proposition.

Vous aviez par ailleurs entamé une recherche de poste au sein du groupe, mais n'avez pas jugé les propositions qui vous étaient faites conformes à vos ambitions.

Nous avons donc décidé de vous licencier.

Nous vous confirmons que votre préavis d'une durée de trois mois débutera à la date de présentation de cette lettre.

Comme convenu, nous vous dispensons d'effectuer ce préavis qui sera payé aux échéances habituelles (....) »

Contestant son licenciement, Madame [U] a saisi le 29 septembre 2008 le conseil de prud'hommes de Paris pour réclamer, avec exécution provisoire, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (171000 €), des dommages et intérêts pour préjudice moral au titre de la déstabilisation subie (85500€), des dommages et intérêts pour privation d'exercice d'options (43655€), sa part variable 2006 (25500€) et une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile (3000€).

C'est dans ces conditions qu'est intervenu le jugement déféré, déboutant la salariée de l'intégralité de ses demandes.

* * *

MOTIFS

Sur le bien-fondé du licenciement

Madame [U] soutient que dans sa nouvelle définition de poste son employeur a tenté de modifier son contrat de travail en transformant totalement ses attributions et le niveau de ses responsabilités, même si les conditions de sa rémunération et sa classification ne changeaient pas.

Après avoir indiqué l'étendue de son domaine de responsabilités et l'ensemble de ses attributions, Madame [U] soutient en substance que la réorganisation imposée aboutissait à un rétrécissement de périmètre en termes de produits et corrélativement de management, le nouveau périmètre proposé représentant en effet moins d'un tiers de celui qu'elle gérait auparavant ; que le motif développé pour justifier la réorganisation (la nouvelle dimension du groupe) n'était pas celui figurant dans sa lettre de licenciement (adaptation de l'organisation des affaires médicales à celle du marketing, pour rendre la structure plus compréhensible et réactive aux yeux des clients que sont les filiales) ; que la réorganisation présentait en réalité un caractère totalement arbitraire, l'objectif principal étant de l'écarter et de la rétrograder à un niveau de responsabilité inférieur.

La Société SANOFI AVENTIS GROUPE indique que Madame [U] a été licenciée en raison de son refus d'accepter sa nouvelle affectation ; que s'agissant d'un simple changement de ses conditions de travail, sans aucune modification de ses niveaux de qualification, de rémunération et de responsabilité, elle ne pouvait opposer de refus à son employeur sans adopter un comportement fautif justifiant la rupture du contrat de travail ; que l'employeur peut en effet imposer à un salarié un changement de ses conditions de travail ; que l'intéressée a en réalité refusé le poste en raison d'un désaccord personnel l'opposant à sa supérieure hiérarchique directe, Madame [G] ; que la sanction prononcée était parfaitement mesurée dès lors que l'insubordination caractérisée justifiait une rupture immédiate pour faute grave.

La Société SANOFI AVENTIS GROUPE rappelle que la fusion des deux géants de l'industrie pharmaceutique s'est effectuée à périmètre constant, sans aucune suppression de poste et qu'il est inopérant de comparer les anciennes attributions de Madame [U] avec les nouvelles prérogatives qu'elle a refusées ; qu'en effet le qualitatif était dans le nouveau poste plus important que dans le précédent ; qu'il était demandé notamment à la salariée d'être garante de l'expertise médicale dans ses domaines thérapeutiques, d'assurer une étroite collaboration avec les directeurs médicaux des différents pays de la région Europe à laquelle était rattachée l'Europe du Nord dont elle n'avait jamais eu la charge et le Canada .

La question qui se pose en l'espèce est de déterminer si les nouvelles attributions proposées à Madame [U] dans le cadre de la réorganisation consécutive à la fusion opérée entre les deux géants de l'industrie pharmaceutiques aboutissaient à une modification de son contrat de travail (thèse de la salariée) ou n'étaient au contraire qu'un changement des conditions de travail décidé par l'employeur dans l'exercice de son pouvoir hiérarchique (thèse de l'employeur).

Si l'on compare le niveau de qualification et les conditions de rémunération, ils sont identiques dans les deux profils de postes.

En revanche si l'on compare les attributions et le périmètre d'intervention de la salariée, il y a lieu de faire les constatations suivantes :

Lors de la fusion entre AVENTIS et SANOFI SYNTHELABO, Madame [U] en tant que Directeur médical des affaires européennes avait en charge les domaines suivants : Oncologie, anti-infectieux, Rhumatologie, Cardio-thrombose, Métabolisme, système nerveux central, avec une équipe de 13 médecins issus des deux groupes travaillant sous sa responsabilité et s'attachant à la promotion et au développement des médicaments affectés à chacun de ces domaines.

Madame [U] avait notamment pour tâche d'établir les plans médicaux européens de tous les produits commercialisés en Europe, y compris les études cliniques des observatoires sur les maladies et leur traitement, des enquêtes épidémiologiques, de contribuer à définir la stratégie médico-marketing, d'assurer l'expertise médicale dans chaque domaine thérapeutique pour l'ensemble des médicaments commercialisés et pour tous les pays de la zone Europe. Sur le plan hiérarchique, elle dirigeait l'équipe de managers des aires thérapeutiques, établissait et suivait le budget des projets de développement clinique, participait aux discussions sur la gestion du cycle de vie des médicaments, assurait l'interface avec les directeurs médicaux des franchises, revoyait l'adéquation des ressources par rapport à la charge de travail pour son équipe et avec les directeurs médicaux des filiales, contribuait à la gestion de crise et à la gestion des leaders d'opinion. Elle a même assumé jusqu'au 1er novembre 2005 le poste vacant de directeur du domaine « métabolisme » .

Son domaine d'intervention couvrait la zone Europe de l'Ouest : Italie, Espagne, Royaume Uni, Irlande, Belgique, Pays-Bas, Norvège, Finlande, Suède, Danemark, Islande, Lettonie, Lituanie, Estonie, Autriche, Grèce, Turquie, Suisse, Slovénie, Slovaquie, Portugal, Pologne, Hongrie, Chypre, Malte et la République tchèque.

Dans le cadre de la réorganisation envisagée, le secteur d'intervention de Madame [U] se trouvait limité au domaine « Médecine interne (rhumatologie, anti-infectieux) et Oncologie regroupant 6 médecins.

Quoi qu'en dise la Société SANOFI AVENTIS GROUPE, le poste proposé dans le cadre de cette réorganisation ne peut être considéré comme une simple modification des conditions de travail puisqu'il aboutissait en réalité à restructurer complètement les contours du poste de Madame [U] lequel se trouvait effectivement amputé du tiers son domaine d'intervention antérieur. L'amplification du « qualitatif » au profit du « quantitatif » ne ressort nullement des pièces produites par l'employeur, observation étant faite que Madame [U] assurait déjà l'expertise médicale dans chaque domaine thérapeutique dont elle avait la charge pour l'ensemble des médicaments commercialisés et pour tous les pays de la zone Europe. L'objectif visé dans la lettre de licenciement « d'adapter l'organisation des Affaires Médicales à celle du Marketing » pour rendre la structure « plus compréhensible et réactive aux yeux des filiales » n'est établi par aucun élément.

Le changement de poste proposé ayant pour effet de modifier radicalement le domaine d'intervention de la salariée, ses prérogatives et ses responsabilités managériales, il s'agissait bien d'une modification de son contrat de travail qu'elle était en droit de refuser.

Son refus d'acceptation dès lors ne peut être considéré comme un acte d'insubordination fautive et le licenciement à caractère disciplinaire prononcé par l'employeur pour ce motif doit être déclaré sans cause réelle et sérieuse.

Il y a donc lieu d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré le contraire.

Sur la demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Compte tenu de l'ancienneté de Madame [U] au moment de son licenciement (15 ans), de son âge (52 ans) , du contexte dans lequel le licenciement est intervenu (mésentente avec sa supérieure hiérarchique), du fait que la salariée n'a pu retrouver un poste comparable dans la société CELGEN intégrée en janvier 2007, il y a lieu de condamner la société SANOFI AVENTIS GROUPE à verser à l'appelante la somme de 171000 euros qu'elle réclame à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

Aux termes de l'article L1152-1du Code du travail, « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »

Selon l'article L1154-1 du même code, en cas de litige relatif à l'application de l'article L. 1152-1, dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu des ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, le juge formant sa conviction après avoir ordonné, en tant que de besoin, toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles

Madame [U] soutient avoir subi un harcèlement de la part de son supérieur hiérarchique Madame [G], qui s'est traduit selon elle par une mise à l'écart sournoise. Elle prétend que cette dernière s'adressait directement à ses subordonnés , la réduisait à un rôle de simple coordinatrice, choisissait ses collaborateurs contre son avis, s'immisçait dans les plans de formation desdits collaborateurs. Elle dénonce une mise au placard insidieuse à un moment où elle se voyait contrainte de lutter contre une grave maladie. Elle réclame une indemnisation de 85000 euros .

Les différents courriels versés aux débats par Madame [U] et commentés de sa main, s'ils établissent bien les directives données par Madame [G] et une demande de grande réactivité attendue de ses collaborateurs, ne peuvent suffire à qualifier des faits permettant de présumer l'existence de harcèlement moral.

Il ressort d'une attestation de Monsieur [O] [Z] (responsable des affaires médicales au niveau Monde) que si des tensions existaient bien entre Madame [U] et Madame [G] au sujet de leurs prérogatives respectives ou de l'idée qu'elles s'en faisaient, ce conflit ne peut être considéré comme révélateur d'agissements de harcèlement moral, mais plutôt d'un défaut de clarification des fonctions de chacune .

Il y a lieu dans ces conditions de débouter Madame [U] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

Sur la privation de la faculté d'exercer les options sur titre

Madame [U] prétend que du fait de son licenciement elle n'a pu lever les options sur titre dont elle était bénéficiaire et qu'elle a perdu notamment la plus-value attendue de la cession de ces actions .

L'appelante évalue son préjudice à la somme de 43655 euros pour la perte de plus-value des 2113 actions qu'elle aurait pu percevoir si elle avait vendu ces actions à leur valeur à la date du 1er octobre 2006.

S'il n'est pas contestable que la salariée a perdu une chance de vendre ces actions du fait de son licenciement, elle ne justifie cependant nullement de la hausse de la valeur de ces actions par rapport à la date de leur attribution et ne prouve pas en tout cas la plus-value qu'elle était en droit d'en attendre.

En revanche, il y a simplement lieu d'indemniser la perte de chance de vendre ces actions à un cours plus favorable et d'allouer à l'appelante une somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur le rappel de part variable pour l'année 2006.

Madame [U] réclame 25500 euros au titre de la part variable de sa rémunération, somme qu'elle n'a pu percevoir en 2006 du fait de son licenciement, alors que jusque là elle avait toujours atteint ses objectifs. Elle demande que cette part variable soit évaluée à 9/12ème de la rémunération de la rémunération perçue l'année précédente.

La société SANOFI AVENTIS GROUPE s'oppose à cette demande en indiquant que la salariée a quitté l'entreprise avant son entretien individuel d'évaluation permettant de fixer ses objectifs ; qu'en tout état de cause, cette rémunération variable ne saurait être calculée qu'au temps de présence effectif, soit 6 mois.

Le contrat de travail prévoyait que Madame [U] recevrait une rémunération variable dépendant du niveau de résultats de l'entreprise, évoluant en fonction du degré d'atteinte d'objectifs individuels annuels et de sa contribution à la bonne marche de l'entreprise, lesquels devaient être appréciés lors des entretiens annuels.

Il ressort des pièces produites qu'en 2005, cette part variable avait été fixée à 25% du salaire de base annuel. Elle n'avait pas encore été fixée en 2006 lorsque Madame [U] a été licenciée le 12 juin 2006.

Compte tenu des dispositions contractuelles définissant les conditions de fixation de la rémunération variable, il appartenait à l'employeur de fixer au salarié ses objectifs annuels. Le fait qu'en juin 2006 l'employeur n'ait toujours pas fixé à Madame [U] ses objectifs pour l'année 2006 revient à faire une application déloyale du contrat en privant la salariée d'une partie de sa rémunération .

La salariée, qui n'a pas été licenciée pour insuffisance professionnelle, a affirmé sans être contredite avoir toujours atteint ses objectifs jusqu'à son licenciement. Il n'y a donc aucune raison de la priver de la part variable de sa rémunération jusqu'à son licenciement. Cette rémunération variable n'ayant pas été fixée du fait de l'employeur en 2006, elle sera donc évaluée sur les bases de l'année 2005 (soit 25% du salaire brut annuel) pour la période de janvier à juin 2006.

Le salaire brut annuel de base de Madame [U] étant à la date du licenciement de 137619 euros, sa rémunération variable (25%) sera donc de janvier à juin 2006 de 17202,37 euros.

Il y a donc lieu de condamner la société SANOFI AVENTIS GROUPE au paiement de cette somme qui portera intérêts au taux légal à compter de la date du 14 septembre 2009, date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de jugement.

La Société SANOFI AVENTIS GROUPE qui succombe supportera les dépens et indemnisera Madame [U] des frais irrépétibles exposés par elle en appel à la somme de 2000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Dit le le licenciement de Madame [V] [U] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la SA GROUPE SANOFI AVENTIS GROUPE à payer à Madame [V] [U] les sommes de :

- 171000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de chance de la faculté d'exercer les options sur titre,

- 17202,37 euros au titre de la rémunération variable 2006 avec intérêts au taux légal à compter du 19 septembre 2009,

- 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

Condamne la SA GROUPE SANOFI AVENTIS GROUPE aux entiers dépens.

LE GREFFIER, POUR LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 10/01149
Date de la décision : 14/03/2012

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°10/01149 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-03-14;10.01149 ?
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