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08/03/2012 | FRANCE | N°09/21253

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 9, 08 mars 2012, 09/21253


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 9



ARRET DU 08 MARS 2012



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 09/21253



Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Septembre 2009 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2007069354





APPELANTE:



S.A. VIEL & COMPAGNIE

agissant poursuites et diligences de son représentant légal

[Adr

esse 1]

[Localité 3]



représenté et assistée de la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY , avocat au barreau de PARIS (toque : L 44) et de Maîtres Sébastien PRAT et Jean-Daniel BRETZNER, avocat de ...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9

ARRET DU 08 MARS 2012

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/21253

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Septembre 2009 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2007069354

APPELANTE:

S.A. VIEL & COMPAGNIE

agissant poursuites et diligences de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté et assistée de la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY , avocat au barreau de PARIS (toque : L 44) et de Maîtres Sébastien PRAT et Jean-Daniel BRETZNER, avocat de la AARPI BREDIN PRAT au barreau de PARIS Toque : T 12

INTIMEE:

SAS CDR ENTREPRISES

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée et assistée de Maître Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS

(toque : L 34) et de Maître Frédéric LALANCE, avocat de la SCP RAMBAUD- MARTEL au barreau de PARIS Toque : P 134

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 Février 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Patrice MONIN-HERSANT, Président

Monsieur Edouard LOOS, Conseiller

Monsieur Gérard PICQUE, Conseiller

qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur PICQUE dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de procédure civile,

Greffier, lors des débats : Monsieur Daniel COULON,

ARRET :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Monsieur Patrice MONIN-HERSANT, Président, et par Madame Marie-Claude HOUDIN, Greffier présent lors du prononcé.

Le 29 décembre 2000, la S.A. VIEL & COMPAGNIE (société VIEL) a acquis la totalité des titres sociaux composant le capital de la société 'Nouvelle FINACOR' moyennant le prix de 125 MF (environ 19 M€) en exécution d'un protocole précédemment souscrit le 2 août 2000 avec la SAS CDR ENTREPRISES (société CDR) aux termes duquel cette dernière s'est engagée et s'est portée fort pour ses filiales de constituer la nouvelle société ci-dessus dénommée Nouvelle FINACOR et de lui apporter préalablement le fonds d'intermédiation financière FINACOR de Paris ainsi que les participations de FINACOR dans un ensemble de filiales opérationnelles étrangères dont la société britannique Euro Brokers Finacor Ldt -EBFL-, cette dernière contrôlée à : - 50 % par MONECOR, société britannique détenue à 100 % par FINACOR, elle-même détenue par le CDR,

- 50 % par Euro Brokers Holdings Ltd -EBHL-, société britannique détenue à 50 % par le groupe américain concurrent MAXCOR.

Le CDR s'est aussi engagé, outre une garantie d'actif/passif, notamment à gérer l'ensemble, durant la période intermédiaire entre le protocole d'accord du 2 août 2000 et la réalisation effective de la cession [le 29 décembre 2000], à poursuivre la gestion des affaires en bon père de famille, de manière cohérente avec la gestion antérieure en avertissant immédiatement l'acheteur de tout changement significatif dans l'évolution des affaires et à ne pas consentir de cession d'actifs ni procéder à aucune acquisition, ou contracter aucune obligation ou autre engagement dépassant la gestion courante [article 12, § i et ii].

L'actionnariat de la société britannique EBFL [soit EBHL (du groupe américain MAXCOR) et MONECOR (du groupe français FINACOR détenu par le CDR)] était lié par un pacte prévoyant que chacun des actionnaires s'engage à souscrire, pour sa quote part, aux augmentations de capital qui pourraient s'avérer nécessaires pour permettre à cette société de faire face à ses besoins en capitaux propres prudentiels (requis par l'Autorité britannique de régulation financière), à défaut de quoi l'actionnaire défaillant s'expose à devoir vendre sa participation dans EBFL à son co-actionnaire pour un prix, fortement décoté à titre de sanction, égal à 70 % de sa quote part de l'actif net consolidé non ré-évalué de EBFL, immédiatement avant la libération de l'appel de fonds concerné.

Par courriel du 31 octobre 2000 (formalisé par lettre du 6 novembre suivant), soit au cours de la période intermédiaire, la société EBFL a émis un appel de fonds d'un montant de 500.000 £, soit 250.000 £ à charge de MONECOR du groupe CDR, à libérer avant le 30 novembre 2000. La société MONECOR n'ayant pas libéré la totalité de l'appel de fonds correspondant, l'autre actionnaire d'EBHL a adressé, le 28 décembre 2000 (soit la veille du transfert des titres de la société Nouvelle FINACOR à VIEL), au siège londonien de MONECOR, une télécopie prenant acte de la défaillance de MONECOR, dont la part non libérée (150.000 £) a été apportée le 27 décembre par EBHL, lui notifiant l'obligation de lui céder sa participation dans le capital de la société britannique EBFL. Nonobstant la résistance opposée par la société MONECOR, passée sous le contrôle effectif du groupe VIEL à partir du 29 décembre 2000, la participation dans la société EBFL a dû être cédée en exécution d'une condamnation prononcée par décision du 9 mai 2002 de la 'High court of justice' de Londres, confirmée par arrêt du 11 février 2003 de la cour royale (cour d'appel) de Londres.

Le 17 octobre 2007, estimant avoir été victime du fait du cédant, d'une réticence dolosive, ou, à tout le moins, d'une faute inexcusable équipollente au dol, lors de la cession de la société Nouvelle FINACOR, la société VIEIL a attrait la société CDR devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de l'entendre condamner à lui payer 24.734.138 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi de fait de la réticence, ou, subsidiairement en réparation du préjudice subi résultant du caractère fictif de l'apport, à la société Nouvelle FINACOR, des titres de MONECOR détenant EBFL, le montant du préjudice étant alors évalué tant en fonction de l'insuffisance de prix de cession de la participation EBFL (5,6 M€ environ), que de la perte d'opportunité de racheter le concurrent américain MAXCOR (19 M€ environ).

Retenant notamment que :

- les représentants de la société VIEL ont joué un rôle clé dans la défaillance de la société MONECOR à libérer l'appel de fonds émis par la société EBFL,

- l'apport n'était pas fictif, la société MONECOR étant toujours détentrice, au jour de l'apport (29 décembre 2000) de sa participation dans la société EBFL, puisque la notification n'entraînait pas, à elle seule, transfert immédiat de la propriété des titres, lequel ne pouvait intervenir qu'après que les commissaires aux comptes aient arrêté le prix de cession selon les conditions prévues par le pacte,

le tribunal, par jugement contradictoire du 14 septembre 2009, a intégralement débouté la société VIEL de ses demandes et l'a condamnée à verser 50.000 € de frais irrépétibles.

Vu l'appel interjeté le 15 octobre 2009, par la société VIEIL et ses ultimes écritures signifiées le 19 janvier 2012, réclamant 40.000 € de frais non compris dans les dépens et poursuivant implicitement l'infirmation du jugement en demandant la condamnation du CDR à lui verser, 5.655.629 €, correspondant, désormais, au préjudice évalué en fonction de la seule insuffisance de prix de cession de la participation EBFL, majorée des intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2007, date d'évaluation dudit préjudice, et anatocisme ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 30 janvier 2012, par la société CDR ENTREPRISES réclamant 100.000 € de frais irrépétibles et poursuivant la confirmation du jugement ;

SUR CE, la cour :

Considérant qu'aux termes du protocole du 2 août 2000, le CDR s'est notamment engagé :

- article 10.2 : 'à mettre un terme à tous les mandats sociaux ou représentatifs' de personnes de son groupe et/ou désignées par lui 'au sein de FINACOR et de ses filiales et à procéder à leur remplacement [...] dans les meilleurs délais [...], par une ou plusieurs personnes choisies [...] avec l'accord préalable' de VIEL,

- article 12 § iii : 'à faire en sorte que FINACOR, NEW FINACOR et les filiales' 'n'apportent aucune modification à leur capital ' (a), ni ne 'prennent aucune décision susceptible de modifier leur structure financière' (b), sauf accord écrit de VIEL (sous réserve de ce qui est expressément prévu au protocole) ;

Que le conseil d'administration de la société MONECOR du 8 août 2000 [pièce 39, cote 3 de l'appelante] a accepté les démissions d'administrateurs, dont ceux visés par l'article 10.2 précité du protocole et à désigné Monsieur [Z] [N] en qualité de directeur général ('senior executive officer') ;

Qu'il ressort notamment :

- du curriculum vitae de Monsieur [Z] [N] [pièce 22, cote 3 de l'appelante] et de la liste des mandats d'administrateur de l'intéressé [pièce 38, cote 3 de l'appelante],

que depuis 1986, celui-ci est un cadre dirigeant du groupe VIEL ayant occupé (ou occupant) des postes de hautes responsabilités, y compris des fonctions sociales dans une trentaine de sociétés à travers le monde entier, dont la fonction de représentant de VIEL & Cie au sein de la société FINACOR,

- des lettres recommandées des 20 et 22 novembre 2000 de VIEL à la société NOUVELLE

FINACOR (alors encore sous contrôle du CDR) [pièces 17et 45, cote 3 de l'appelante], du courriel du 16 novembre 2000 de Monsieur [X] [G] (de EBFL) au secrétariat de Monsieur [T] de FINACOR (toujours encore sous contrôle du CDR)[pièce 52, cote 3 de l'appelante], et de la lettre du 29 novembre 2000 de EBFL à MONECOR [pièce 75, cote 3 de l'appelante et 20 de l'intimée], que le groupe VIEL n'entendait pas signer les documents de confidentialité avant (ou concomitamment) le changement de contrôle (à intervenir le 29 décembre 2000) tout en exigeant que ses auditeurs puissent avoir accès aux comptes d'EBFL, alors que les représentants de EBFL estimaient que le pacte liant leurs actionnaires l'imposait d'autant qu'indépendamment du projet en cours de rachat des filiales et participations de FINACOR, le groupe VIEL avait déjà une filiale opérationnelle à Londres concurrente de EBFL,

- de la lettre du 2 novembre 2000 de MONECOR (sous signature de [O]

[M] également cadre dirigeant du groupe VIEL) [pièce 14 de l'intimée], du courriel du 2 novembre 2000 de [X] [G] (de EBFL) à [O] [M] [pièce 15 de l'intimée], du conseil d'administration de MONECOR du 9 novembre 2000 sous la présidence de Monsieur [N] [pièce 18 de l'intimée], de la lettre précédemment citée du 29 novembre 2000 de EBFL à MONECOR (Monsieur [T])[pièce 75, cote 3 de l'appelante et 20 de l'intimée],

que le groupe VIEL n'entendait pas accepter une levée de fonds tant que les comptes de EBFL n'auraient pas été examinés par ses auditeurs,

- des courriels des 30 novembre et 1er décembre 2000 de [J] [S] à Monsieur

[N] [pièces 23 et 24 de l'intimée], du courriels du 5 décembre 2000 de [X] [G] à [Y] [U] avec copie à [Z] [N] [pièce 25 de l'intimée], de la lettre du 10 janvier 2001 de la société ROCANI (nouvelle dénomination de FINACOR après les opérations d'apport à la société NEW FINACOR)[pièce 30 de l'intimée], du conseil d'administration précité de MONECOR du 9 novembre 2000 sous la présidence de Monsieur [N] [pièce 18 de l'intimée],

qu'en sa qualité de directeur général de la société MONECOR, Monsieur [N] s'était seul réservé la décision concernant la libération du solde de 150.000 £ des fonds à envoyer à la filiale EBFL en exécution de l'appel de fonds de cette dernière du 6 novembre 20000 ;

Considérant que VIEL prétend que le CDR a failli à son obligation contractuelle de résultat relative à la gestion des filiales et à la conservation de la valeur de la branche d'activité objet de l'accord du 2 août 2000, et soutient, essentiellement, que le refus du déblocage des fonds litigieux par Monsieur [N], n'a pas constitué un événement irrésistible, imprévisible et extérieur de nature à exonérer le CDR de son obligation ;

Mais considérant qu'il n'est pas sérieusement contesté que :

- les fonds nécessaires à la libération de l'appel de fonds de EBFL étaient compris dans l'apport de 1,8 M€ effectué par le groupe cédant CDR au profit de FINACOR, holding de MONECOR, cette dernière étant contractuellement débitrice de l'appel de fonds de 250.000 £ appelé par sa filiale EBFL,

- Monsieur [N] a été désigné directeur général de la société MONECOR sur proposition de VIEL et qu'il n'est pas davantage discutable que le directeur général de MONECOR, s'est opposé à la libération de ce solde, tant que les comptes de EBFL n'auraient pas été examinés par les auditeurs désignés par le groupe VIEL ;

Qu'en agissant ainsi, bien qu'il n'avait pas été formellement désigné au sein du conseil d'administration de MONECOR en qualité de représentant du groupe VIEL, il ressort des constatations ci-dessus qu'il n'a, en fait, agi que pour le compte du groupe VIEL qui l'avait fait désigner en usant des prérogatives contractuelles qu'il tenait du protocole du 2 août 2000, ce qui est implicitement confirmé par l'activité de Monsieur [N] au sein du groupe VIEL depuis plus de 14 ans au moment des faits ;

Que même si des collaborateurs du groupe CDR disposaient encore de la signature bancaire sur des comptes de la société MONECOR, ceux-ci ne pouvaient pas l'utiliser en présence d'instructions contraires formelles émanant du dirigeant social en exercice (Monsieur [N]) de la société ;

Qu'il apparaît, dès lors, que le CDR, en libérant les fonds nécessaires a entièrement rempli ses obligations au titre du protocole du 2 août 2000 vis-à-vis de VIEL ;

Que c'est l'action exclusive de cette dernière, au travers de l'action de Monsieur [N] qu'elle avait fait désigner au titre de l'article 10.2 précité du protocole de cession, qui a empêché la société MONECOR de transférer les fonds reçus au profit de la société EBFL, étant observé que si la société MONECOR était encore, à l'époque, formellement détenue par le CDR, la seule position d'actionnaire de ce dernier ne lui permettait pas matériellement, durant la courte période intermédiaire litigieuse restant à courir, de contraindre le dirigeant social, Monsieur [N], de transférer les fonds reçus au profit de la société EBFL ;

Que l'action 'obstruante' de ce dernier, était pour le CDR, imprévisible et irrésistible, en ce que, contrairement au groupe VIEL, il ne disposait pas de moyen de pression pour lui faire exécuter, en sa qualité de dirigeant de la société MONECOR désigné à la demande du groupe VIEL, le transfert des fonds dans les délais requis par le pacte d'actionnaires de EBFL, cette action de Monsieur [N], entièrement extérieure au CDR, étant de nature à exonérer ce dernier de son obligation à poursuivre la gestion des affaires de manière cohérente avec la gestion antérieure résultant de l'article 12 précité du protocole du 2 août 2000 ;

Que le CDR ayant été empêché par le créancier de l'obligation, de faire (ou faire faire) ce à quoi il était obligé, les demandes de la société VIEL ne seront pas accueillies ;

Considérant que succombant, l'appelante ne saurait prospérer dans sa demande d'indemnisation au titre de l'article 700 du code de procédure civile, mais qu'il serait inéquitable de laisser à la charge définitive de l'intimée, les frais irrépétibles supplémentaires qu'elle a dû exposer en cause d'appel ;

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Condamne la S.A. VIEL & COMPAGNIE aux dépens et à verser à la SAS CDR ENTREPRISES quarante mille euros (40.000 €) de frais irrépétibles,

Admet la SCP d'avocats au Barreau de Paris Jeanne BAECHLIN au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 09/21253
Date de la décision : 08/03/2012

Références :

Cour d'appel de Paris I9, arrêt n°09/21253 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-03-08;09.21253 ?
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