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06/03/2012 | FRANCE | N°10/03884

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 06 mars 2012, 10/03884


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRÊT DU 06 MARS 2012



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/03884



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Janvier 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS - RG n° 09/01564





APPELANTE

Madame [C] [X]

[Adresse 2]

[Localité 4]

comparant en personne

assistée de Me Xavier CHILOUX, avocat au barreau de PAR

IS, toque : B0377





INTIMÉE

SA ADI CONSEIL ANCIENNEMENT ADI

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Christophe PLAGNIOL, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : NAN701 en prés...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRÊT DU 06 MARS 2012

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/03884

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Janvier 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS - RG n° 09/01564

APPELANTE

Madame [C] [X]

[Adresse 2]

[Localité 4]

comparant en personne

assistée de Me Xavier CHILOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : B0377

INTIMÉE

SA ADI CONSEIL ANCIENNEMENT ADI

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Christophe PLAGNIOL, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : NAN701 en présence de Mlle [Z] [N], directeur administratif et financier adjoint de l'entreprise, en vertu d'un pouvoir spécial

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Novembre 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Guy POILÂNE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Elisabeth PANTHOU-RENARD, présidente,

Madame Michèle MARTINEZ, conseillère,

Monsieur Guy POILÂNE, Conseiller,

Greffier : Madame Violaine GAILLOU, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Madame Elisabeth PANTHOU-RENARD, Présidente et par Mademoiselle Claire CHESNEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE :

[C] [X] a été engagée par la société ADI SA, le 1er septembre 1999, en qualité d'assistante de gestion, cadre, puis, en dernier lieu, gérant suivant un contrat de travail à durée indéterminée.

Par lettre du 25 novembre 2008, remise en main propre, la société ADI, inscrivant sa démarche dans le cadre du licenciement collectif incluant [C] [X] et de l'établissement d'un Plan de sauvegarde de l'emploi, propose huit postes divers de reclassement dans le Groupe MATMUT (50,5% du capital d'ADI) présentant tous une rémunération annuelle de 41 000 €.

Ces propositions sont refusées par la salariée.

Suivant une lettre recommandée du 8 décembre 2008, [C] [X] est licenciée dans le cadre d'un licenciement collectif pour motif économique motivé ' par la nécessaire réorganisation d'ADI en raison de ses importantes ire difficultés économiques résultant de la crise financière déclenchée par l'effondrement des crédits hypothécaires (subprimes) et aggravé par la faillite de la banque Lehman Brothers'. La société ADI fait ensuite une analyse des circonstances ayant provoqué un accroissement de ses pertes et poursuit : ' ainsi et compte tenu de l'ampleur du repli d'activités auquel est confrontée la société, le trading doit être réduit proportionnellement à la réduction des actifs des fonds. L'activité monétaire sera supprimée dans notre gamme compte tenu de ses mauvaises performances et la gestion de la trésorerie des OPCVM sera restructurée en conséquence. Votre poste de Gérant est donc supprimé'.

[C] [X] a accepté le congé de reclassement qui lui était proposé.

Contestant la légitimité de son licenciement, [C] [X] va saisir, le 3 février 2009, la juridiction prud'homale, de diverses demandes.

Par jugement contradictoire en date du 27 janvier 2010, le conseil de prud'hommes de Paris a débouté [C] [X] de toutes ses demandes.

Appel de cette décision a été interjeté par [C] [X] , suivant une lettre recommandée postée le 4 mai 2010.

Par des conclusions visées le 30 novembre 2011 puis soutenues oralement à l'audience, [C] [X] demande à la cour de condamner la société ADI à lui payer :

* 70 000 € indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 20 000 € non-respect de la priorité de réembauche,

outre les intérêts au taux légal et l'octroi de la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par des conclusions visées le 30 novembre 2011 puis soutenues oralement lors de l'audience, la société ADI S.A. demande à la cour de déclarer l'appel mal fondé et de confirmer le jugement entrepris ; en conséquence, de débouter l'appelante de l'intégralité de ses demandes, outre l'octroi de la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS :

Sur le licenciement :

La lettre de licenciement adressée à [C] [X] par la société ADI, le 8 décembre 2008, fixe par les motifs économiques qu'elle énonce les limites de ce litige.

Il convient de rappeler que la salariée a été engagée le 1er septembre 1999 par la société ADI, filiale de la Matmut, spécialisée dans la gestion d'actifs financiers, plus particulièrement dans le secteur des produits dérivés et des investissements dits alternatifs. Sa fonction dans l'entreprise est celle de gérant (en anglais, trader) d' OPCVM (organismes financiers de placement collectif en valeurs mobilières) et consiste à choisir des investissements sur les 'marchés' de l'épargne prospectée auprès des porteurs de parts, les capitaux ainsi apportés figurant au passif des OPCVM et à l'actif les instruments financiers détenus par eux. La cour en déduit que le poste occupé par l'appelante se situe donc au coeur de l'activité de la société ADI. Cette activité, comme le révèle l'analyse des postes de ce type versée aux débats (pièce 32), est très encadrée dans les secteurs 'trésorerie-change' mais nécessite une formation spécifique et un niveau élevé d'analyse lorsqu'elle concerne le secteur alternatif qui est celui de la stratégie à long et moyen terme sur les actions, de l'évaluation des risques du crédit ou encore de la 'volatilité' qui exige notamment une expertise en mathématique. Il résulte des éléments versés aux débats qu'[C] [X] intervenait dans la gestion de la trésorerie des OPCVM dans un secteur , au vu des éléments fournis par la société ADI, très encadré administrativement.

Le licenciement collectif dans lequel s'inscrit celui d'[C] [X] a concerné (sur un effectif de 119 personnes dont 115 cadres) 65 salariés dont 62 cadres. Le motif de la rupture présenté dans la lettre de licenciement repose sur 'la nécessaire réorganisation d'ADI en raison de ses importantes difficultés économiques résultant de la crise financière déclenchée par l'effondrement des crédits hypothécaires ( subprimes ) et aggravées par la faillite de la banque Lehman Brothers'. Cette réorganisation est destinée, selon l'employeur à remédier aux difficultés économiques rencontrées à la suite de l'obligation dans laquelle la société ADI s'est trouvée d'opérer le rachat des encours dont il est affirmé qu'il serait en baisse de 56% par rapport à ceux de fin 2007. La faillite de la banque Lehman Brothers aurait entraîné l'obligation de dissoudre 5 fonds en raison 'des incertitudes liées à cet événement et à la disparition de la liquidité'. Cette disparition de certains fonds a, selon la société ADI, entraîné une perte de 30% de sa clientèle. Sans s'expliquer quant à la date exacte de la dissolution de ces cinq fonds, la société ADI fait état d'un différentiel d'encours entre octobre 2008 (2 413 M€) et ' ce jour' , soit à la date du licenciement le 8 décembre 2008 (2 042 M€), soit une baisse de 371 M€. A ce stade, il convient de prendre en considération, toujours au vu de la lettre de licenciement, que la nature même des produits financiers traités par la société ADI a provoqué une crise de confiance de sa clientèle et une mise en garde de l'Autorité des Marchés Financiers (AMF) dont il est estimé que ' les contraintes ne seraient plus respectées au cours du premier semestre 2009". L'employeur reconnaît explicitement que les difficultés économiques rencontrées sont la résultante de ses engagements sur des marchés à risques et de son 'positionnement sur des produits et stratégies alternatifs à haute valeur ajoutée , techniques de gestion aujourd'hui fortement décriées sur le marché financier et de l'impact négatif lié à l'image d'ADI '. Ce faisant, l'employeur présente une auto-critique quant à ses choix de gestion des actifs qui lui étaient confiés et sur lesquels les opérations des gérants ( traders ), telle [C] [X] devaient exercer leurs fonctions au regard de leur contrat de travail et sous le contrôle de leur hiérarchie, spécialement présente selon ADI et au vu de l'analyse produite aux débats du poste dans le domaine de la trésorerie des OPCV géré par l'appelante. La matérialité du licenciement économique est ici constituée par la suppression du poste de 'gérant' d'[C] [X] et sa causalité, qui vient d'être analysée, repose sur des phénomènes liés à la dominante aléatoire des options de gestion prises par la société ADI au regard des fonds qui lui étaient confiés, les encours ayant du être prématurément remboursés pour les mêmes raisons . Force est de constater que ce lien causal n'est pas établi et ce quand bien même aurait été supprimée l'activité monétaire et restructurée la gestion de la trésorerie des OPCVM, sans qu'aucune explication sur la nature de cette restructuration ne soit ici fournie.

En complément de ce constat d'absence de fondement économique de la rupture, il doit être considéré que la MATMUT (qui présente malgré la 'crise' en 2008 des résultats positifs s'élevant à 71 000 000 € ; pièce 42), présentée comme partenaire 'historique' d'ADI (pièce 1 note économique intimée) a augmenté sa participation au capital de cette société (de 33,7% à 50,19%) en avril 2008, soit huit mois avant le licenciement pour 'consolider les activités de la société ADI et ouvrir à de nouvelles opportunités de croissance externe tout en maintenant ce qui faisait l'une des forces d'ADI, son indépendance opérationnelle. A cet égard, le mode de gouvernance d'ADI ainsi que ses dirigeants n'ont pas changé'. En fait, l'actionnaire MATMUT, devenu majoritaire, a estimé pour sa part que les difficultés rencontrées au moment du licenciement d'[C] [X] ne remettait pas en cause la pérennité de la société ADI. Qui plus est, il résulte de ce même document (pièce 1 ; page 4 ) que la société ADI, dans le même temps, est montée à 100% au capital de sa filiale ADI Participations pour 'renforcer les activités diversifiées du Groupe' opération financée par un concours bancaire de 6 000 000 € (dont ADI s'est portée caution solidaire) ; cet élément conforte la critique de la réalité de la cause économique en accréditant l'idée que la société ADI , en décembre 2008, ne voyait pas remise en cause la pérennité de ses activités de trading et cela malgré les difficultés économiques du Groupe OFI , celles-ci devant être examinées ici au niveau de la seule société employeur ; cependant, la cour relève qu'un communiqué de presse de la société OFI du 20 novembre 2008 (pièce 5 appelante) explique que cette dernière société a entamé une acquisition de la société ADI pour être finalisée au terme de l'année 2008 et il est mentionné que ' le nouvel ensemble gérera près de 20 Mds € d'actifs essentiellement pour le compte d'une clientèle institutionnelle européenne'.

Il résulte de ce qui précède que le licenciement pour cause économique d'[C] [X] ne repose pas sur une cause économique réelle et sérieuse . De ce fait, la question de l'accomplissement par la société ADI de son obligation de reclassement n'a pas à être examinée par la cour en ce qu'elle est absorbée par la déclaration d'illégitimité du licenciement quant à son fondement économique.

Sur l'indemnisation du licenciement illégitime :

Il est réclamé à ce titre la somme de 70 000 €.

La société ADI conclut au débouté de cette demande mais en conteste subsidiairement le montant en insistant sur le fait qu'elle a perçu l'équivalent de sept mois de salaire en indemnisation du licenciement et qu'elle ne justifie d'aucun préjudice.

Il doit être considéré qu'[C] [X] présentait une ancienneté de neuf années et était âgée de 33 ans au moment de la rupture. Elle a bénéficié d'un congé de reclassement et d'une aide personnalisée au reclassement puis a pu, selon l'employeur, retrouver un emploi dans une société ECOFI INVESTISSEMENTS en qualité de gérant-analyste , comme le révèlent les éléments versés aux débats (pièces 47 et 48 intimée) qui ne donnent cependant pas d'indications sur son niveau de rémunération ; [C] [X] ne s'explique pas sur ce point et ne fournit aucun justificatif quant à une éventuelle période de chômage, une des pièces de l'employeur, extraite de la revue Les Echos montre qu'elle aurait ce poste de gérant depuis le 24 septembre 2009. Au vu de ce qui précède, il y a lieu de condamner la société ADI à payer à [C] [X] la somme de 40 000 € sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail.

Sur la priorité de réembauche :

La cour constate tout d'abord que la lettre de licenciement du 8 décembre 2008 mentionne, conformément aux dispositions de l'article L.1233-45 du code du travail, la priorité de réembauche dont bénéficiait [C] [X] en raison du caractère économique de la rupture de son contrat de travail.

Il est relevé ensuite que , contrairement à ce que relève l'appelante, la société n'a pas failli à l'application du texte susvisé au bénéfice d'[C] [X], dans la mesure où l'examen du registre des entrées et sorties du personnel versé aux débats ( pièce 49 intimée) ne montre aucune nouvelle embauche dans le délai de la priorité (un directeur de la gestion en mai 2009 pour un CDD de six mois et quatre stagiaires entre mai et juin 2009) que l'objection de la salariée est levée quant à son 'absence du registre' par la transmission d'un extrait remontant à l'époque de son embauche en 1999 (pièce 46). La demande indemnitaire à ce titre est, en conséquence rejetée.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Infirme la décision entreprise en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,

Condamne la société ADI à payer à [C] [X] la somme de 40 000 € sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail , outre les intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt,

Y ajoutant :

Déboute [C] [X] de sa demande au titre du non-respect de la priorité de réembauche,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail, [C] [X] ayant bénéficié d'un congé de reclassement sur le fondement de l'article L.1233-71 du code du travail,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société ADI SA à payer à [C] [X] la somme de 1 500 €,

Laisse les dépens à la charge de la société ADI.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 10/03884
Date de la décision : 06/03/2012

Références :

Cour d'appel de Paris K3, arrêt n°10/03884 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-03-06;10.03884 ?
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