Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 9
ARRET DU 01 MARS 2012
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/11978
Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Mai 2010 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2009001432
APPELANTE:
SA D'EXPLOSIFS ET DE PRODUITS CHIMIQUES
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée et assistée de la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050 et de Maître Daniel VILLEY, avocat au barreau de PARIS Toque : R 170
INTIMEES:
S.A.S. FINANCIERE CONSTRUCTEAM
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée et assistée de Maître Frédéric INGOLD, avocat au barreau de PARIS
Toque : B 1055 et de Maître Cédric DE POUZILHAC, avocat de la SCP BERSAY ET ASSOCIES au barreau de PARIS Toque : P 485
Société anonyme DG CONSTRUCTION
ayant son siège [Adresse 1]
[Localité 4]
représentée et assistée de la SELARL DELSOL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, Toque P513
et de Maître Stéphane PERRIN, avocat au barreau de PARIS Toque : P 513
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 12 Janvier 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Patrice MONIN-HERSANT, Président
Monsieur Edouard LOOS, Conseiller
Monsieur Gérard PICQUE, Conseiller
qui en ont délibéré,
Un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Edouard LOOS, conseiller, dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de procédure civile,
Greffier, lors des débats : Monsieur Daniel COULON,
ARRET :
- contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Monsieur Patrice MONIN-HERSANT, Président, et par Madame Marie-Claude HOUDIN, Greffier présent lors du prononcé.
FAITS ET PROCEDURE
La SA D'EXPLOSIFS ET DE PRODUITS CHIMIQUES (la société EPC ci-après), société cotée holding du groupe EPC, dont le directeur général est Monsieur [U], opère dans le secteur de la production et de la vente d'explosifs à usage industriel et du forage-minage ainsi que dans le secteur des travaux publics par le biais de ses filiales. Son pôle 'déconstruction-environnement' (le pôle DECONSTRUCTION d'EPC ci-après), dont la société-mère est la société DEMOKRITE, était constitué de la société DEMOSTEN et de ses filiales, dont la société STIPS TI qui a été mise en liquidation judiciaire le 15 octobre 2008.
La SAS FINANCIERE CONSTRUCTEAM (la société FC) est une société holding constituée en 2000, présidée par Monsieur [X], qui a pour unique actif sa participation dans le capital de la société DG CONSTRUCTION (ci-après la société DGC) à hauteur de 49,997% dont Monsieur [X] est le président -directeur général et agissant, par le biais de ses filiales, dans le secteur des travaux publics comprenant le démantèlement d'unités industrielles, la déconstruction et la réfection de hauts fourneaux (la société DGC DEMANTELEMENT), le traitement de l'amiante, du plomb et de la dépollution des sols (la société SIGENCI) et la réalisation de travaux de génie civil (la société CHAGNAUD CONSTRUCTION). Le restant du capital de la société DGC est principalement détenu par la société PIRSON MONTAGE.
A l'automne 2006, des contacts sont pris entre Monsieur [X], président de la société FC et président - directeur général de la société DGC, et Monsieur [U], directeur général d'EPC, en vue de l'acquisition du groupe DGC par le groupe EPC.
Le 4 avril 2007, la société DEMOKRITE, filiale du groupe EPC, et les principaux actionnaires de DGC ont signé une lettre d'intention dans laquelle la société DEMOKRITE indique son intérêt pour l'acquisition des actions du groupe DGC, fixe un prix d'acquisition (10 000 000 d'euros) et prévoit un audit des sociétés FC et du groupe DGC.
Un audit est donc intervenu et, parallèlement, les représentants du personnel du groupe DGC ont été informés et consultés quant au projet d'acquisition. Ils ont émis un avis favorable.
Le 14 juin 2007, suite aux conclusions de l'audit, le groupe EPC a informé Monsieur [X] qu'il mettait fin aux négociations en renonçant à l'acquisition du groupe DGC.
Au début de l'année 2008, des échanges interviennent de nouveau entre Monsieur [X] et Monsieur [U] afin d'envisager de constituer le pôle commun, non plus par l'acquisition de DGC, mais par la création d'une société commune détenue par la société FC et, majoritairement, par la société DAMOKRITE.
Les 3 lettres d'intention suivantes ont été ensuite signées:
- le 20 juin 2008, une lettre d'intention datée du 2 juillet 2008, a été signée. Elle prévoit que 'les termes de la présente lettre constituent un engagement ferme pour ses signataires, ayant force obligatoire' et rappelle le projet de création d'une société commune fixant notamment la répartition du capital entre EPC et FC, et prévoyant que 'EPC veillera aux besoins de trésorerie du Pôle commun, en procédant, directement et/ou par le biais de l'une de ses filiales, à des apports en compte courant et/ou en faisant ouvrir, sous ses garanties, des crédits bancaires.',
- le jour même, une seconde lettre d'intention, datée également du 2 juillet 2008, a été signée, par laquelle EPC confirme son intention de permettre, dans le cadre de l'opération, de souscrire globalement 2% du capital de la société commune à la valeur nominale, et de consentir une option de vente à un prix leur permettant de réaliser une plus-value d'un montant total maximum de 1 450 000 euros,
- une dernière lettre, datée également du 2 juillet 2008, mais dont la date de signature est contestée (date de signature : 20 juin 2008 selon EPC), prévoit, après la cession des actions détenues dans la société DGC par la société PIRSON MONTAGE à la société FC, le rachat par EPC des actions de DGC détenues précédemment par la société PIRSON MONTAGE. Le jour même, cette lettre s'est accompagnée de la signature d'un contrat de cession par la société PIRSON MONTAGE à la société FC des actions qu'elle détenait dans la société DGC.
Le 25 juin 2008, EPC qui découvre les difficultés de la société STIPS TI (chiffres d'affaires à fin 2008 de STIPS TI comprenant 4,7 millions d'euros de factures à établir), filiale de DEMOSTEN, diligente un audit approfondi et, le 27 juin 2008, en informe Monsieur [X].
Par lettre en date du 3 juillet 2008, Monsieur [U] informe Monsieur [X] des réticences d'EPC à signer les documents en raison de la découverte d'anomalies substantielles dans la gestion et la tenue des comptes de la filiale STIPS TI.
Plusieurs courriers ont alors été échangés entre les parties visant à une renégociation de l'opération envisagée. Ces négociations ont abouti à un rapprochement par l'acquisition des filiales de DEMOSTEN à l'exception de la société STIPS TI par la société FC pour un montant de 6 millions d'euros, offre que EPC a considérée comme insuffisante.
Le 24 octobre 2008 puis le 29 décembre 2008, FC et DGC mettent en demeure EPC d'exécuter la lettre d'intention puis de leur régler la somme de 1,45 millions d'euros. EPC soutient alors que cette mise en demeure, rompant les négociations entamées le 22 septembre 2008, est injustifiée dès lors que les opérations prévues par les lettres d'intention du 2 juillet 2008 sont devenues irréalisables.
Se prévalant de l'inexécution fautive des engagements résultants de la lettre d'intention, DGC et FC, ont fait assigner la société EPC le 30 décembre 2008 devant le tribunal de commerce de Paris en paiement de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1147 du code civil.
* * *
Vu le jugement prononcé le 31 mai 2010 par le Tribunal qui a :
- dit que la société EPC n'a pas exécuté les obligations mises à sa charge aux termes de la lettre d'intention du 2 juillet 2008,
- dit qu'elle n'a pas agi de mauvaise foi,
- condamné la société EPC à payer à la société DGC la somme de 660 000 euros, avec intérêts au taux légal,
- condamné la société EPC à payer à la société FC la somme de 100 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
- condamné la société EPC à payer à la société FC et à la société DGC la somme totale de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, les déboutant pour le surplus,
- ordonné l'exécution provisoire, sans constitution de garantie,
Vu l'appel déclaré le 9 juin 2010 par la société EXPLOSIFS ET DE PRODUITS CHIMIQUES,
Vu les dernières conclusions déposées le 5 avril 2011 par la société EXPLOSIFS ET DE PRODUITS CHIMIQUES,
Vu les dernières conclusions déposées le 23 mars 2011 par la société FINANCIERE CONSTRUCTEAM et la société DG CONSTRUCTIONS, intimées et appelantes incidentes,
SUR CE, LA COUR :
Considérant que la société EPC demande à la cour d'infirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de DGC et FC; que l'appelante soulève une fin de non recevoir portant sur de défaut de qualité à agir des sociétés DGC et FC au titre d'un prétendue responsabilité contractuelle; qu'en toute hypothèse elle prétend que ne sont aucunement prouvés tant les manquements contractuels ou quasi délictuels que le lien de causalité avec des préjudices réparables; qu'elle sollicite en conséquence la condamnation des intimées à lui verser 100.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 200.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
Considérant que les intimées sollicitent la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité d'EPC pour inexécution des termes de la lettre d'intention 'binding' et de l'engagement de rachat des actions de Pirson Montage; qu'elles reprochent à EPC de ne pas avoir fait le nécessaire pour couvrir les besoins de financement des sociétés STIPS TI, U2C, et Hydrau Leca Services, d'avoir unilatéralement suspendu puis interrompu l'opération, d'avoir invoqué de mauvaise foi des anomalies comptables et juridiques des sociétés STIPS TI, U2C, et Hydrau Leca Services et enfin d'avoir violé les termes de l'engagement en ne rachetant pas les actions Pirson Montage; qu'elles sollicitent l'infirmation du jugement sur montant des préjudices, réclamant la condamnation de la société EPC aux paiements suivants:
* 4.900.000 euros à la société DGC. ou subsidiairement 2.450.000 euros à FC pour non exécution de ses engagements contractuels,
* 1.534.500 euros à DGC pour non exécution de ses engagements contractuels,
* 2.000.000 euros à DGC pour non exécution de ses engagements contractuels,
* 375.000 euros à FC pour non exécution de ses engagements contractuels,
* 200.000 euros aux deux sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Considérant que les 3 lettres d'intention du 2 juillet 2008, au vu desquelles la société FINANCIERE CONSTRUCTEAM et la société DG CONSTRUCTIONS présentent leurs réclamations sur un fondement tant contractuel que quasi délictuel se présentent ainsi qu'il suit:
* une lettre d'intention datée du 2 juillet 2008, relative au projet de création d'une société commune, sur papier à en tête du groupe EPC, signée entre la société EPC représentée par M. [N] [U] et M. [G] [C] [X], M. [S] [D] et M. [J] [P],
* un courrier daté du 2 juillet 2008, ayant pour objet 'actions de Pirson Montage' comportant engagement d'EPC d'acquérir les 49.999 actions DGC, sur papier à en tête du groupe EPC, signée entre la société EPC représentée par M. [N] [U] et M. [G] [C] [X], M. [S] [D] et M. [J] [P],
* un courrier daté du 2 juillet 2008 ayant pour objet 'options croisées', relative au projet de création d'une société commune, sur papier à en tête du groupe EPC, signée entre la société EPC représentée par M. [N] [U] et M. [G] [C] [X], M. [S] [D] et M. [J] [P],
Considérant que la société appelante fait justement valoir que si M. [X], PDG de la société DGC et président de la société FC , avait qualité pour représenter les deux sociétés auprès de tiers, telle n'était pas la situation de M. [D], directeur général d'une filiale de DGC et de M. [P], directeur général délégué de DGC, sans qualité pour représenter FC; que par ailleurs, contrairement à M. [U] qui a signé les trois lettres avec la mention 'pour EPC', les trois personnes physiques ont signé en ne mentionnant aucunement qu'elles intervenaient pour le compte de FC et DGC; que, s'il est indiqué dans la première lettre d'intention que 'Pour les besoins de la présente lettre, EPC et Financière Constructeam seront ci-après dénommées collectivement les 'parties' et individuellement 'une partie', il n'en résulte aucunement que FC soit partie à cet engagement quant bien même se trouve-elle concernée par son objet; que, par ailleurs, si le conseil d'administration de la société DGC du 24 avril 2008 a donné pouvoir à son président, en l'occurrence M. [X], pour rechercher des investisseurs susceptibles de prendre des participations, il ne s'en déduit aucunement que la société DGC aurait qualité à se prévaloir de tous les actes ultérieurement conclus par M. [X] à titre personnel; qu'enfin, contrairement à ce qui a été retenu par les premiers juges, la société EPC n'a aucunement reconnu, avant la délivrance de l'assignation introductive d'instance, avoir souscrit des engagements auprès de DGC dont elle a ensuite dénoncé la qualité à agir dès ses premières conclusions déposées devant le tribunal de commerce le 22 juin 2009;
Considérant qu'il se déduit de ce qui précède que la société EPC est bien fondée à soutenir que les sociétés FC et DGC n'ont pas qualité à agir sur le fondement des lettres d'intention signées le 2 juillet 2008 entre elle même représentée par M. [N] [U] et MM. [C] [X], [D] et [P], ces derniers étant intervenus à titre personnel en qualité d'actionnaires ; que cette fin de non recevoir est opposable aux demandes présentées sur le fondement contractuel; que, sur le terrain quasi délictuel, en dehors des mêmes références, les communiqués de presse et correspondances échangées entre les parties postérieurement au 2 juillet 2008 sont insusceptibles de créer de nouvelles obligations puisqu'ils ne font que renvoyer aux engagements du 2 juillet 2008;
Considérant que le jugement déféré doit ainsi être infirmé en toutes ses dispositions; que les sociétés FC et DGC doivent être déclarées irrecevables en leurs demandes présentées sur le fondement contractuel et mal fondées sur le terrain délictuel;
Considérant qu'il n'ait pas prouvé que les intimées abusivement agi en justice avec intention de nuire; que la demande de dommages et intérêts présentée à ce titre par l'appelante doit être rejetée; que, par contre, une indemnisation doit lui être allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement déféré;
Dit que les demandes des sociétés FINANCIERE CONSTRUCTEAM et DG CONSTRUCTIONS sont irrecevables sur le fondement contractuel et mal fondées sur le terrain délictuel;
Condamne in solidum les sociétés FINANCIERE CONSTRUCTEAM et DG CONSTRUCTIONS à verser à la société EXPLOSIFS ET DE PRODUITS CHIMIQUES la somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
Rejette toutes autres demandes;
Condamne in solidum les sociétés FINANCIERE CONSTRUCTEAM et DG CONSTRUCTIONS aux entiers dépens de première instance et d'appel ; dit que ces derniers pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
M.C HOUDIN P. MONIN-HERSANT