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01/03/2012 | FRANCE | N°10/04927

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 01 mars 2012, 10/04927


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRET DU 01 Mars 2012

(n° 7 , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/04927



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 Avril 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS Section Encadrement RG n° 09/01227





APPELANT

Monsieur [C] [M]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Pascale CALVETTI, avocat au barreau de PARIS, toque : E

1367





INTIMEE

CROIX ROUGE FRANCAISE

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Thibaut CAYLA, avocat au barreau de PARIS, toque : C2417 substitué par Me Pascale LOUVIGNE,...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRET DU 01 Mars 2012

(n° 7 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/04927

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 Avril 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS Section Encadrement RG n° 09/01227

APPELANT

Monsieur [C] [M]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Pascale CALVETTI, avocat au barreau de PARIS, toque : E1367

INTIMEE

CROIX ROUGE FRANCAISE

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Thibaut CAYLA, avocat au barreau de PARIS, toque : C2417 substitué par Me Pascale LOUVIGNE, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Janvier 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Jean-Marc DAUGE, Président, chargé d'instruire l'affaire et de M. Bruno BLANC, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Marc DAUGE, Président

Monsieur Bruno BLANC, Conseiller

Madame Marie-Antoinette COLAS, Conseiller

Greffier : Madame Laëtitia CAPARROS, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Jean-Marc DAUGE, Président, et par Melle Laëtitia CAPARROS, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Par contrat à durée indéterminée en date du 26 juillet 2000, à effet du 1er août 2000, M. [C] [M] a été engagé par la Croix-Rouge Française en qualité de secrétaire général de la délégation départementale du Val-de-Marne. À ce titre, il lui était confié la gestion administrative et financière des activités associatives et des établissements de son secteur.

Dans le dernier état des relations contractuelles, M. [C] [M] était classé position en 13-palier1 de la convention collective du personnel salarié de la Croix-Rouge française et percevait une rémunération mensuelle brute de 5110,75 €.

Par lettre remise en main propre contre décharge en date du 5 décembre 2008, M. [C] [M] était convoqué à un entretien préalable à son licenciement, avec mise à pied conservatoire. L'entretien se déroulait le 16 décembre 2008.

Puis, par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 22 décembre 2008, M. [C] [M] était licencié pour faute grave.

Contestant son licenciement, M. [C] [M] a saisi le conseil de prud'hommes le 2 février 2009 afin d'entendre condamner la Croix-Rouge Française à lui payer les sommes suivantes:

* 3669,10 € à titre de rappel de salaire correspondant à la mise à pied conservatoire du 5 au 22 décembre 2008,

* 366,91 € au titre des congés payés afférents,

* 305,76 € à titre de rappel sur la prime de fin d'année,

* 16979,25 € à titre d'indemnité de préavis,

* 1697,92 € au titre des congés payés afférents,

* 48420,55 € à titre d'indemnités de licenciement,

* 135 834 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par M. [C] [M] du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris le 2 avril 2010, qui, après les avoir dit son licenciement fondé sur une faute grave, a ordonné la rectification des documents sociaux à la date réelle de fin de contrat soit le 22 décembre 2008, l'a débouté du surplus des ses demandes et condamné aux dépens.

Vu les conclusions en date du 19 janvier 2012, au soutien de ses observations orales, par lesquelles M. [C] [M] demande à la cour:

- d'infirmer le jugement déféré,

- de juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

en conséquence:

- de condamner la Croix-Rouge Française à lui payer les sommes suivantes:

* 3669,10 € à titre de rappel de salaire correspondant à la mise à pied conservatoire du 5 au 22 décembre 2008,

* 366,91 € au titre des congés payés afférents,

* 305,76 € à titre de rappel sur la prime de fin d'année,

* 16979,25 € à titre d'indemnité de préavis,

* 1697,92 € au titre des congés payés afférents,

* 48420,55 € à titre d'indemnités de licenciement,

* 67917 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- de dire que les sommes allouées porteront intérêt au taux légal avec capitalisation des intérêts,

- de condamner la Croix-Rouge Française à lui remettre son certificat de travail conforme à la décision intervenir,

- de condamner la Croix-Rouge Française aux dépens.

Vu les conclusions en date du 19 janvier 2012, au soutien de ses observations orales, par lesquelles la Croix-Rouge Française demande à la cour la confirmation du jugement déféré.

SUR CE :

Considérant que la lettre de licenciement, à laquelle il est expressément fait référence, qui fixe les limites du litige, lie les parties et le juge qui ne peut examiner d'autres griefs que ceux qu'elle énonce, est ainsi motivée :

«... Nous avons été alertés par la direction des affaires sanitaires et sociales de l'existence d'irrégularités dans la tenue de la comptabilité relative des financements publics.

À ce titre, des retards, des et une mauvaise irrégularités et une mauvaise tenue de la comptabilité, notamment à [Localité 5] , ont été relevés par la direction des affaires sanitaires et sociales.

Au vu de la gravité des faits, un audit, confié à un cabinet extérieur a immédiatement été diligenté par la Croix-Rouge française.

Cet audit a confirmé des retards, des irrégularités et une mauvaise tenue des comptes sur des financements publics. L'audit a confirmé que des comptes non sincères ont été produits aux autorités de tutelle.

Ces faits traduisent des agissements fautifs rendant impossible votre maintien au sein de la Croix-Rouge française.

Étant donné la gravité des faits qui vous sont reprochés, cette mesure de licenciement prendra effet immédiatement à la date de présentation de cette lettre, sans préavis, ni indemnités de licenciement.

La période de mise à pied conservatoire notifiée par lettre remise en main propre contre décharge du 5 décembre 2008, ne vous sera pas rémunérée... »;

Considérant que, pour infirmation, M. [C] [M] soutient qu'il était certes destinataire des documents comptables mais qu'il ne lui appartenait pas de les établir, ce travail relevant de la mission du comptable; que les procédures de contrôle internes sur les budgets prévus et leur exécution ont été mises en 'uvre ; qu'il incombait, au surplus, au trésorier départemental d'assurer le suivi de la gestion financière mais que ce poste est resté vacant dans le Val-de-Marne pendant sept ans ;

Que concernant les comptes rendus financiers 2007, non finalisés selon la DDASS, il fait valoir que ceux-ci ont été établis, à la suite du courriel de l'autorité de tutelle le 27 octobre 2008, les 30 et 31 octobre 2008; qu'il avait, par ailleurs, alerté sa hiérarchie sur des incohérences avec les chiffres avancés par la DDASS avant que cette dernière n'alerte la Croix-Rouge française;

Que, s'agissant des rapports d'audit [E] et KPMG, aucune anomalie grave n'a été constatée et que seules des recommandations ont été émises concernant la présentation des comptes à effectuer par le service comptable sous la responsabilité de son chef M. [H];

Qu'à aucun moment, ni ses responsabilités ni ses missions n'ont été mises en cause dans ces deux rapports;

Que s'agissant du rapport KPMG de décembre 2009, il ne permet pas, en raison de son caractère postérieur au licenciement, de caractériser les fautes qui lui sont reprochées au jour du licenciement;

Qu'en conséquence, aucun des griefs visés dans la lettre de licenciement n'est établi et, qu'en réalité, la Croix-Rouge française avait l'intention de supprimer le poste pour faire, par le biais d'un licenciement pour motif personnel, l'économie du versement des indemnités de rupture;

Considérant que, pour confirmation, la Croix-Rouge Française soutient avoir été alertée le 27 octobre 2008 par un courriel extrêmement virulent de la DDASS du Val-de-Marne; qu'à sa réception elle a mandaté le cabinet [E] afin qu'il dresse un rapport sur le suivi et l'élaboration des comptes rendus financiers à destination de la DDASS par la délégation départementale du Val-de-Marne au titre des subventions de l'année 2007 ;que ce rapport, adressé le 19 novembre 2008, a mis en évidence d'importantes anomalies;

Que par courrier du 25 novembre 2008, la directrice de la DDASS du Val-de-Marne écrivait au secrétaire régional d'Île-de-France de la Croix-Rouge française pour l'interpeller sur le suivi de l'utilisation des fonds publics par la délégation départementale du Val-de-Marne de la Croix-Rouge française;que, dans ces conditions, elle mandatait, à nouveau, le cabinet [E] afin qu'il dresse un rapport relatif aux travaux d'arrêté de comptes au 30 juin 2008 des unités gérées par la délégation départementale du Val-de-Marne de la Croix-Rouge française;que ce rapport a pointé également d'importantes anomalies ainsi qu'une absence totale de méthodologie et de rigueur budgétaire;

Que devant la gravité des faits, elle confiait au cabinet KPMG une émission destinée à valider la bonne imputation des dépenses sur les subventions reçues de la DDASS du Val-de-Marne pour l'exercice civil 2007; que le rapport déposé concluait à ce que seules 88 % des subventions publiques consenties par la DDASS pouvaient être justifiées comptablement; que dès lors cette situation était de nature à altérer durablement la confiance consentie par l'organe de tutelle, principal bailleur de fonds des activités sociales de la Croix-Rouge française dans le département;

Que, contrairement à ce que soutient M. [C] [M], il lui appartenait de superviser la comptabilité des établissements et de contrôle et l'exécution des budgets prévisionnels de sa délégation, tels qu'ils les avaient négociés avec la tutelle; qu'en toute hypothèse le trésorier départemental n'avait pas vocation à se substituer à M. [C] [M] dans l'accomplissement de ses fonctions ; qu'enfin le fait que le salarié ait été licencié au cours d'une période de restructuration de la Croix-Rouge française est sans incidence sur les faits qui lui sont reprochés;

Considérant que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié , qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail , d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée limitée du préavis sans risque de compromettre les intérêts légitimes de l'employeur ;

Que c'est à l'employeur qui invoque la faute grave et s'est situé sur le terrain disciplinaire et à lui seul de rapporter la preuve des faits allégués et de justifier qu'ils rendaient impossible la poursuite du contrat de travail de M. [C] [M] même pendant la durée du préavis ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que les fonctions de M. [C] [M] comprenaient notamment la gestion administrative et financière des activités associatives et des établissements de son secteur; qu'à ce titre, il devait , selon sa fiche de poste, notamment garantir la bonne gestion de sa délégation, déterminer les objectifs en termes de résultats et le chiffre d'affaires, superviser les comptabilités et la tenue de la trésorerie des établissements, intervenir sur les décisions d'investissement, contrôler la gestion des biens immobiliers et des services généraux, élaborer les budgets prévisionnels de sa délégation, les négocier auprès de la tutelle et en contrôler l'exécution par les services, préparer les comptes d'exploitation et surveiller les résultats, proposer des mesures d'économie et de développement;

Que le 27 octobre 2008, les services de la DDASS ont alerté la Croix-Rouge française sur un ensemble de dysfonctionnements relevant des fonctions de M. [C] [M] en indiquant que les comptes-rendus financiers 2007 de chaque action n'étaient pas finalisés et que cette situation n'était pas compatible avec les exigences fixées par le ministère des finances; que l'attention de la Croix-Rouge est appelée sur le caractère inacceptable de la situation déjà connue lors de la clôture budgétaire 2007; que les comptes-rendus financiers de l'année précédente devraient être créés depuis longtemps et que leur absence interrogeait sur la véracité des comptes-rendus adressés à la DDASS au 30 juin 2008;

Que ce premier courrier a été complété par une lettre de la directrice départementale de la DDASS en date du 25 novembre 2008 qui pointe les carences en matière comptable et relève leur caractère persistants; que l'autorité de tutelle rappelle que, afin d'arrêter le montant des subventions des dispositifs ponctuels ou hivernaux, ses services ont réclamés à plusieurs reprises les comptes de résultat 2007; qu'au moment de finaliser les dossiers, quelques jours avant la date de clôture budgétaire, la Croix-Rouge a fait part de son impossibilité de produire les comptes-rendus financiers arrêtés au 31 décembre 2007, ceci en contradiction avec l'obligation faite à tout organisme recevant des financements publics de présenter ses données

au plus tard six mois après le terme de la Convention;

Que la directrice départementale de la DDASS indiquait dans ce même courrier qu'elle souscrivait pleinement à l'initiative de la Croix-Rouge d'effectuer un audit interne de la délégation au regard des carences relevées ;

Considérant que les deux rapports établis par le cabinet [E] mettent en évidence une absence de comptabilité spécifique par financement, dès lors que plusieurs financements sont regroupés au sein d'une même entité comptable; qu'il en résulte, selon les experts, une impossibilité de contrôler que les subventions de la DDASS ont bien été affectées aux activités auxquelles elles étaient destinées; qu'un manque de méthodologie et de rigueur budgétaire ainsi que de nombreuses irrégularités sont relevées par les rapports précités;

que compte tenu de la situation relatée par le cabinet [E], le cabinet KPMG, mandaté par la Croix-Rouge française, s'est vu confier la mission de valider la bonne imputation des dépenses sur les subventions reçues de la DDASS du Val-de-Marne pour l'exercice civil 2007; qu'il ressort de ce rapport que seuls 88 % des subventions publiques consenties par la DDASS pouvaient être justifié entablement;

Considérant, qu'aux termes de la définition de ses fonctions, il appartenait à M. [C] [M] de superviser la comptabilité des établissements et, plus particulièrement, de contrôler l'exécution des budgets prévisionnels de sa délégation, tels qu'il les avaient négociés avec la tutelle; que M. [C] [M] ne justifie d'aucun contrôle effectué dans ce cadre permettant une traçabilité des fonds publics ; qu'il se trouve ainsi dans l'impossibilité de démontrer qu'ils ont été utilisés conformément à leur objet ;

Considérant que, compte tenu des fonctions exercées, du positionnement dans l'association et du niveau de rémunération, la carence établie de M. [C] [M] constitue une faute grave, qu'il convient donc de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [C] [M] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires afférentes au licenciement;

Considérant que ni l'équité ni la situation économique respective des parties ne justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

CONFIRME, en toutes ses dispositions, le jugement entrepris,

Y ajoutant :

DEBOUTE M. [C] [M] de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [C] [M] aux entiers dépens d'appel,

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 10/04927
Date de la décision : 01/03/2012

Références :

Cour d'appel de Paris K7, arrêt n°10/04927 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-03-01;10.04927 ?
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