Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 6
ARRÊT DU 1er MARS 2012
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/03717
Décisions déférées à la Cour :
Arrêt de la Cour de Cassation du 19 Juin 2008, RG N° 715 F-D
Arrêt de la Cour d'Appel de Paris du 5 avril 2007, 15ème Chambre Section B, RG N° 05/22296
Jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris du 28 Septembre 2005, 9ème Chambre 2ème Section, RG N° 04/10372
DEMANDEUR A LA SAISINE
Monsieur [G] [P]
demeurant : [Adresse 2]
représenté par Me Frédéric INGOLD, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055,
assisté de Me Xavier CAZOTTES, avocat au barreau de PARIS, toque : K 170, plaidant pour la SELARL PARDO BOULANGER & ASSOCIES,
DÉFENDEUR A LA SAISINE
SA CRÉDIT INDUSTRIEL DE L'OUEST- CIC BANQUE CIO, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
ayant son siège : [Adresse 1]
représentée par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN , avocat au barreau de PARIS, toque : L0034,
assistée de Me Gaëlle CHOTARD DE KEGHEL de la SCP MOLAS LEGER CUSIN & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : C1858,
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 10 Janvier 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente
Madame Caroline FEVRE, Conseillère
Madame Muriel GONAND, Conseillère
qui en ont délibéré
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Anne BOISNARD
ARRÊT :
- contradictoire
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Paule MORACCHINI, présidente et par Monsieur Sébastien PARESY, greffier présent lors du prononcé.
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Par acte du 21 décembre 1990, le CREDIT INDUSTRIEL DE L'OUEST-CIO- a consenti un prêt de 2.500.000 francs sur sept ans à la société WEST COAST INVEST.
Par acte du 7 janvier 1991, Monsieur [P], associé majoritaire de la société WEST COAST INVEST, s'est porté caution solidaire à hauteur de 2.000.000 francs.
Par acte du 21 janvier 1991, les parts de la société JACQUES FRANCE ont été acquises par la société WEST COAST INVEST, à l'exception de deux parts acquises par Monsieur [O] et Monsieur [P].
Par avenant du 23 janvier 1993, la durée du prêt consenti par le CIO à la société WEST COAST INVEST a été portée à 10 ans et le montant de l'engagement de caution de Monsieur [P] a été augmenté à 2.440.000 francs le 24 février 1993.
Le 24 mars 1997 Monsieur [P] et Monsieur [O] ont conclu un accord de reprise des sociétés WEST COAST INVEST et JACQUES FRANCE avec la société SYNERGIE.
Par acte du 3 avril 1997, Monsieur [P] a substitué à son engagement de caution du 24 février 1993 un engagement de 1.826.969 francs pour une durée de cinq ans.
La société WEST COAST INVEST a cessé de rembourser le prêt et le CIO a prononcé la déchéance du terme et mis Monsieur [P] en demeure de respecter son engagement de caution, les 11 mars et 13 septembre 2002.
Par jugements du 13 septembre 2001et du 3 janvier 2002, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard, respectivement, de la société JACQUES FRANCE et de la société SYNERGIE, procédure étendue, le 11 juillet 2002, à la société WEST COAST INVEST.
Le CIO a déclaré sa créance au passif de la société WEST COAST INVEST.
Par acte d'huissier du 3 juin 2003, le CIO a assigné Monsieur [P] en paiement.
Par jugement rendu le 28 septembre 2005, le tribunal de grande instance de Paris a condamné Monsieur [P] à payer au CIO la somme de 98.252,83 euros avec intérêts au taux légal à compter du 11 mars 2002, a condamné le CIO à payer à Monsieur [P] la somme de 60.000 euros, à titre de dommages et intérêts, a ordonné la compensation entre ces sommes, a débouté les parties du surplus de leurs demandes, a ordonné l'exécution provisoire et fait masse des dépens à supporter pour les deux tiers par le CIO et pour un tiers par Monsieur [P].
Par déclaration remise au greffe de la Cour le 15 novembre 2005, le CIO a interjeté appel de la décision.
Par arrêt du 5 avril 2007, la Cour :
- a confirmé le jugement en ce qu'il a condamné Monsieur [P] au paiement des sommes dues au titre de son engagement de caution,
-y ajoutant a ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du Code civil, la première demande ayant été faite le 3 juin 2003,
- a infirmé le jugement en ce qu'il a condamné le CIO à des dommages et intérêts,
- statuant à nouveau a rejeté les demandes de Monsieur [P],
- a condamné Monsieur [P] à payer au CIO une somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- a condamné Monsieur [P] aux dépens de première instance et d'appel.
Monsieur [P] a formé un pourvoi contre cet arrêt.
Par arrêt du 19 juin 2008 la Cour de cassation a cassé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 5 avril 2007 et a renvoyé la cause et les parties devant la Cour d'appel de Paris autrement composée.
Par déclaration remise au greffe le 6 janvier 2009, Monsieur [P] a saisi la cour de renvoi.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 28 mars 2011, Monsieur [P] demande à la Cour:
- vu l'article 1147 du Code civil:
- de dire que son engagement de caution était manifestement disproportionné par rapport à son patrimoine et de confirmer le jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris,
- statuant à nouveau de condamner le CIO à lui verser, soit la somme de 107.042,52 euros, si la Cour fait droit aux demandes du CIO au titre de l'indemnité forfaitaire de 7%, soit la somme de 98.252,83 euros si la Cour confirme le jugement du Tribunal de Grande Instance, outre le paiement des intérêts au CIO au titre de l'engagement de caution,
- vu l'article 1382 du Code civil:
- de dire que le CIO a commis des fautes engageant sa responsabilité lors de l'octroi du prêt à la société WEST COAST INVEST en 1998 et d'infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas considéré que le CIO avait commis des fautes,
- statuant à nouveau de condamner le CIO à lui payer la somme de 60.000 euros à titre de dommages et intérêts, de débouter le CIO de ses demandes et de le condamner à payer la somme de 20.000 euros, TVA en sus, en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- de condamner le CIO aux entiers dépens.
Dans ses dernières écritures signifiées le 6 janvier 2011, le CIO demande à la Cour:
- de confirmer le jugement du 28 septembre 2005 en ce qu'il avait condamné Monsieur [P] à payer la somme de 98.25283 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 11 mars 2002,
- y ajoutant de le condamner à payer la somme de 6.583,76 euros, avec capitalisation des intérêts à compter du 3 juin 2003, date de l'assignation,
- de débouter Monsieur [P] de ses demandes,
- de condamner Monsieur [P] à payer la somme de 15.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et les entiers dépens de première instance et d'appel.
SUR CE
- Sur la créance du CIO:
Considérant que le CIO sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il n'a pas condamné Monsieur [P] au paiement de la somme de 6.583,76 euros au titre de la pénalité de 7% prévue en cas d'exigibilité anticipée;
Considérant que, par acte du 3 avril 1997, Monsieur [P] s'est porté caution solidaire de la société WEST COAST INVEST dans les termes suivants 'Bon pour caution solidaire de 1.826.969 francs en principal, augmenté de tous intérêts décomptés au taux du Pibor 3 mois + 2% l'an maximum 8%- commissions, frais et accessoires selon les énonciations du présent acte et spécialement du paragraphe IV- limitation à 5 ans';
Que le paragraphe IV de l'acte de caution stipule que ' la caution est engagée pour le montant en principal porté sur la mention manuscrite majoré des intérêts et commissions, frais et accessoires aux taux et conditions convenus entre la banque et le cautionné. Les taux et conditions demeureront en vigueur jusqu'à parfait paiement de toutes les sommes dues à la banque';
Que le paragraphe III précise que ' la caution garantit à la banque le paiement de toutes sommes dues par la cautionnée au titre d'un prêt dont les caractéristiques principales sont reprise en tête du présent acte';
Que les caractéristiques principales de l'acte ne font pas référence à l'indemnité de 7%;
Considérant que le prêt ayant été signé le 7 mai 1998, soit 13 mois plus tard, Monsieur [P] ne pouvait avoir connaissance de l'indemnité de 7% lors de son engagement;
Considérant qu'il convient de rejeter la demande du CIO en paiement de cette indemnité et de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné Monsieur [P] à payer au CIO la somme de 98.252,83 euros avec intérêts au taux légal à compter du 11 mars 2002;
Considérant que le CIO demande la capitalisation des intérêts à compter de l'assignation du 3 juin 2003;
Considérant que la capitalisation des intérêts est de droit à compter de la demande judiciaire qui en est formée et dès lors qu'il s'agit d'intérêts dus au moins pour une année entière; qu'il convient d'ordonner cette capitalisation des intérêts à compter du 3 juin 2003, dans les conditions de l'article 1154 du Code civil;
- Sur la disproportion du cautionnement:
Considérant que le CIO soutient que Monsieur [P], caution avertie, n'apporte pas la preuve que la banque aurait eu sur ses charges, ressources et facultés de remboursement prévisibles des informations qu'il aurait ignorées;
Considérant qu'à la date du 3 avril 1997, Monsieur [P] n'était plus gérant ni associé de la société WEST COAST INVEST;
Qu'il n'avait plus aucune participation dans la société WEST COAST INVEST et qu'il ne peut dès lors être considéré comme une caution dirigeante;
Considérant que Monsieur [P] affirme que son patrimoine et ses revenus ne lui permettaient pas d'assurer la charge de la caution souscrite le 3 avril 1997;
Considérant que cet engagement de caution a été consenti par Monsieur [P] dans le cadre d'un protocole de reprise des sociétés WEST COAST INVEST et JACQUES FRANCE par la société SYNERGIE et Monsieur [J], signé le 24 mars 1997;
Que ce cautionnement à hauteur de 1.829.969 francs et pour une durée de cinq ans est venu se substituer à un précédant cautionnement de Monsieur [P] du 24 février 1993 pour un montant de 2.440.000 francs sans limitation de durée;
Qu'aux termes de ce protocole, la société SYNERGIE s'est engagée à se substituer à la caution donnée par Monsieur [P] en couverture de facilité bancaire contractée auprès de trois établissements bancaires pour un montant total de 600.000 francs;
Considérant que le cautionnement du 3 avril 1997 n'aggravait donc pas la situation de Monsieur [P] mais réduisait au contraire son engagement;
Considérant que Monsieur [P] ne prétend ni n'établit que son patrimoine a diminué depuis le 24 février 2003; qu'il était toujours propriétaire au 3 avril 1997 d'un bien immobilier qui sera revendu en avril 2008 au prix de 560.000 francs;
Considérant en conséquence que son cautionnement ne saurait être considéré comme disproportionné et qu'il convient d'infirmer le jugement sur ce point;
- Sur les autres fautes alléguées par Monsieur [P] lors de l'octroi du prêt du 7 mai 1998:
Considérant que Monsieur [P] soutient que le CIO a commis des fautes en ne faisant pas réaliser une étude de faisabilité relatif au projet de Monsieur [J], en ne le conseillant pas lors de son engagement de caution et en ne sollicitant pas la caution de Monsieur [J];
Considérant cependant que le prêt de 1998 avait le même objet que le prêt initial du 21 décembre 1990 et constituait un prêt de restructuration, ne nécessitant donc pas d'étude de faisabilité;
Que le CIO n'avait pas d'obligation particulière de conseil à l'égard de la société WEST COAST INVEST et qu'il n'est pas établi que, lors de l'octroi du prêt, la banque disposait d'informations sur la société WEST COAST INVEST que cette dernière aurait ignorées;
Qu'en outre le premier incident de paiement non régularisé s'est produit le 10 janvier 2002, soit plus de trois ans après la signature du prêt et qu'il n'est dès lors pas démontré que la situation de la société WEST COAST INVEST était compromise en 1998;
Considérant enfin que le choix des garanties appartient au créancier et qu'il ne peut être reproché au CIO de ne pas voir recueilli la caution de Monsieur [J], dès lors que Monsieur [P] n'en a pas fait une condition de son engagement;
Considérant en conséquence que le jugement doit être confirmé en ce qu'il débouté Monsieur [P] de sa demande de dommages et intérêts de ce chef;
Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge du CIO les frais irrépétibles exposés et qu'il convient de condamner Monsieur [P] à lui payer la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile;
Considérant que Monsieur [P], qui succombe, supportera les dépens de première instance et d'appel;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné Monsieur [P] à payer au CIO la somme de 98.252,83 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 11 mars 2002 et en ce qu'il a débouté le CIO de sa demande en paiement de la somme de 6.583,76 euros.
Y ajoutant, ordonne la capitalisation des intérêts dus pour une année entière, à compter du 3 juin 2003, dans les conditions de l'article 1154 du Code civil.
Infirme le jugement en ce qu'il a condamné le CIO à des dommages et intérêts et en ce qu'il a partagé les dépens .
Et statuant à nouveau,
Rejette les demandes de Monsieur [P].
Condamne Monsieur [P] à payer au CIO la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Condamne Monsieur [P] aux dépens de première instance et d'appel, comprenant ceux de l'arrêt cassé, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Le Greffier
La Présidente