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29/02/2012 | FRANCE | N°10/00957

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 29 février 2012, 10/00957


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 29 Février 2012

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/00957



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 Décembre 2009 par le conseil de prud'hommes de PARIS Commerce RG n° 08/06150





APPELANT

Monsieur [V] [L]

[Adresse 4]

[Localité 2]

comparant en personne, assisté de M. Philippe MALLEGOL (Délégué syndical ouvr

ier)







INTIMÉE

SNCF en la personne de son représentant légal Etablissement d'Exploitation Voyageurs Paris Nord

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Pascale BOYAJEAN PER...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 29 Février 2012

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/00957

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 Décembre 2009 par le conseil de prud'hommes de PARIS Commerce RG n° 08/06150

APPELANT

Monsieur [V] [L]

[Adresse 4]

[Localité 2]

comparant en personne, assisté de M. Philippe MALLEGOL (Délégué syndical ouvrier)

INTIMÉE

SNCF en la personne de son représentant légal Etablissement d'Exploitation Voyageurs Paris Nord

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Pascale BOYAJEAN PERROT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1486

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Janvier 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Monique MAUMUS, Conseillère, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Christine ROSTAND, Présidente

Monsieur Benoît HOLLEAUX, Conseiller

Madame Monique MAUMUS, Conseillère

Greffier : Véronique LAYEMAR, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Christine ROSTAND, Présidente et par Monsieur Philippe ZIMERIS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

M. [L] [V] a été engagé en mai 1998 par la SNCF (Etablissement Exploitation Voyageurs de Paris Nord) en qualité d'agent d'accueil à la position B.1.5 selon les écritures du salarié.

Il a été recruté au cadre permanent au 1er août 1999 à la qualification B, niveau 1, position de rémunération 4 (B.1.4) selon les écritures de la SNCF qui indique qu'il a atteint la qualification B.1.5 au 1er avril 2001.

Au 1er avril 2003, il a accédé à la position B.1.6.

Estimant qu'il était victime d'une discrimination syndicale dans l'évolution de sa carrière, il a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 30 mai 2008 qui, par jugement du 24 décembre 2009, l'a débouté de toutes ses demandes.

Par lettre recommandée avec avis de réception postée le 28 janvier 2010 et reçue au greffe de la présente juridiction le 1er février 2010, M. [L] a fait appel de ce jugement.

A compter du 1er avril 2010, il est passé à la position B.2.7 selon les informations fournies par la SNCF.

Aux termes de ses écritures visées par le greffier le 3 janvier 2012 et soutenues oralement à l'audience, M. [L] demande à la cour :

- d'infirmer le jugement,

I ) - de condamner la SNCF pour violation de l'article L.2141-5 du code du travail

interdisant la discrimination syndicale,

à titre principal,

- de le reclasser à la qualification 'C' à une date comprise entre le délai moyen pour un tel avancement tel qu'il résulte des documents internes SNCF, à savoir 6 ans et son ancienneté sur la qualification inférieure ('B') à la date du litige, à savoir 10 ans,

sachant qu'il a été recruté au 1er mai 1998, il demande donc à être reclassé à la qualification C, niveau 1, position de rémunération 9 au 1er avril 2006,

- de condamner la SNCF au paiement des arriérés de salaires correspondant et à délivrer les bulletins de salaires,

- de condamner la SNCF au paiement de la somme de 7 500 euros de dommages-intérêts au titre de la discrimination syndicale,

subsidiairement,

- de condamner la SNCF à lui payer la somme de 15 000 euros de dommages-intérêts au titre de la discrimination syndicale et de la perte de chance qui en est résultée,

II) - d'annuler les sanctions disciplinaires suivantes :

- blâme avec inscription du 13 août 2002,

- blâme sans inscription du 26 mai 2004,

- blâme sans inscription du 15 avril 2005,

- avertissement du 22 novembre 2006,

- blâme sans inscription du 25 juin 2007,

- blâme sans inscription du 8 octobre 2007;

III)- de condamner la SNCF pour non-respect de l'obligation prévue par les articles

L.4121-1 et suivants du code du travail sur l'obligation de résultat de veiller à la santé des travailleurs,

- de la condamner à lui verser :

- la somme de 1 000 euros pour le préjudice personnel subi au titre de ce non-respect,

- la somme forfaitaire de 3 000 euros au titre du préjudice de salaire, éléments variables de solde perdus et frais divers exposés lors de ses arrêts de travail pour dépression,

- de condamner la SNCF à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses écritures visées par le greffier le 3 janvier 2012 et soutenues oralement à l'audience, la SNCF demande à la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- débouter M. [L] de toutes ses demandes et le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE LA DECISION

Considérant que M. [L] explique qu'il s'est engagé auprès de ses collègues et a participé à un mouvement revendicatif en novembre 2002, cet engagement devenant syndical en 2004 en raisons de conditions de travail de plus en plus difficiles ; qu'il en résultera pour lui de nombreuses tracasseries administratives et disciplinaires, un blocage de déroulement de carrière et une dégradation de son état de santé médicalement constatée ;

Considérant qu'en application de l'article L2141-5 du code du travail 'Il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.';

Considérant que s'il appartient au salarié syndicaliste qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser une atteinte au principe d'égalité de traitement, il n'incombe pas à celui-ci de rapporter la preuve de la discrimination syndicale, mais à l'employeur d'établir que la disparité constatée est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur l'appartenance à un syndicat ;

Considérant que M. [L] soutient en produisant des documents provenant de la SNCF que celle-ci ne conteste pas explicitement, que :

- le délai moyen d'accession au niveau 2 de la qualification B (B.2) est, sur l'établissement Exploitation Voyageurs de Paris Nord de 1789 jours, soit environ 5 ans,

- le délai moyen d'accession à la qualification C est de 2227 jours, soit, 5 ans et demi à 6 ans,

Considérant que M. [L], recruté en mai 1998, a obtenu d'après les informations fournies par la SNCF, la position B.2.7 le 1er avril 2010, c'est à dire après être resté 12 ans à la position B.1 ;

que cette position B.2.7 a été acquise postérieurement au jugement du conseil de prud'hommes du 24 décembre 2009 ;

Considérant qu'il est constant que M. [L] a eu une activité syndicale au sein de la CFDT à compter de 2004 (pièce 9, 25, 27, 42), le salarié indiquant qu'en 2004, il est devenu membre du CHSCT ;

que par courrier du 10 mars 2006 adressé au directeur d'établissement, il a fait part de son étonnement de ne pas être repris 'dans le listing pour l'accès au niveau 2 de la qualification B' et a précisé 'aujourd'hui face au manque de reconnaissance dont on fait preuve à mon égard, je vous demande de bien vouloir revoir ma situation', et a conclu 'ayant besoin de reconnaissance par la notation de mon travail de tous les jours et ce afin de donner un nouveau souffle à ma carrière, je vous transmets ma requête pour l'accès au niveau 2 de la qualification';

Considérant qu'en établissant qu'il a mis plus du double du temps moyen pour obtenir le changement de position de B1 à B2 et ce alors qu'il exerçait pendant cette période une activité syndicale, M. [L] a rempli l'obligation qui consiste à soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser une atteinte au principe d'égalité de traitement ;

qu'il appartient alors à l'employeur d'établir que la disparité constatée est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur l'appartenance à un syndicat ;

Considérant que la SNCF pour ce faire, soutient que M. [L] a été l'objet d'un blâme avec inscription au dossier le 13 août 2002, soit avant son engagement syndical ; que le déroulement de carrière n'est nullement automatique et se base sur les qualités de service de l'agent qui en l'espèce semblent loin d'être totalement satisfaisantes ; qu'au vu de ses fiches d'évaluation, M. [L] éprouve encore quelques difficultés de respect vis-à-vis de sa hiérarchie et ne donne pas entière satisfaction sur la communication avec les clients ;

Considérant que le fait qu'un blâme ait été prononcé le 13 août 2002, soit avant l'engagement syndical de M. [L] ce qui serait la preuve de ses carences professionnelles est insuffisant pour établir que la disparité constatée entre le temps qu'il a mis pour obtenir un changement de position, soit 12 ans et le temps moyen, soit 5 ans est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur l'appartenance à un syndicat ;

qu'en effet, le blâme prononcé n'est pas une sanction de niveau élevé aux yeux de la SNCF qui n'organise pas de recours contre ce type de sanction et qu'en outre, postérieurement à ce blâme, (prononcé pour un retard à la prise de service et des explications du salarié sur ce retard jugées insatisfaisantes) M. [L] a accédé à la position B.1.6 au 1er avril 2003 ;

que devant la disparité susvisée, il appartient à l'employeur, seul détenteur de ces informations de produire en les rendant anonymes d'autres exemples de déroulement de carrière identiques ou voisins pour des salariés ayant des profils semblables et/ou de démontrer la particulière carence professionnelle de M. [L] ;

que M. [L] indique dans ses écritures qu'il est le seul dans son collectif de travail à se trouver dans une telle situation, à savoir, occuper ce poste d'agent d'exécution depuis dix ans ;

Considérant qu'à la nouvelle réclamation adressée en 2008 par le salarié sur la notation, le directeur d'établissement a répondu par courrier du 24 avril 2008 'malgré des progrès réalisés, ne maîtrise pas encore suffisamment tous les aspects de son poste pour prétendre à un niveau supérieur'(pièce 59) ;

Considérant que pour examiner le profil professionnel du salarié, la cour dispose des évaluations fournies par les parties et des sanctions prononcées à l'encontre du salarié ;

Considérant qu'il convient de constater que l'ensemble des sanctions prononcées sont de celles qui sont les plus légères de sorte qu'elles ne peuvent faire l'objet d'un recours selon la procédure interne à la SNCF ;

Considérant que le salarié ayant formulé une demande nouvelle devant la cour d'annulation de ces sanctions, elles seront examinées dans le cadre de cette prétention spécifique ;

que cependant dans le cadre de l'examen de la discrimination invoquée, il convient d'ores et déjà de constater que si le comportement de M. [L] avait mérité une réelle stigmatisation, l'employeur n'aurait pas manqué de procéder à une gradation dans l'échelle de ces sanctions ;

que par ailleurs la SNCF fonde sa dénégation de la discrimination sur le fait que le déroulement de carrière n'est nullement automatique et non explicitement sur l'existence de ces sanctions dont le courrier de l'employeur du 24 avril 2008 rejetant la réclamation du salarié ne fait pas état ;

que les sanctions infligées à M. [L] ne peuvent donc justifier le fait qu'il n'a changé de position, passant de B1 à B2, que le 1er avril 2010, soit 12 ans après son engagement à la SNCF ;

Considérant qu'il convient d'examiner les évaluations du salarié ;

que la notation du 23 décembre 2004 (pièce 3 de la SNCF ) comporte une majorité de rubriques avec la mention 'V' qui signifie que cet 'item' est maîtrisé, seuls 3 items (concernant la tenue vestimentaire) portent la mention 'R' qui signifie que l'item n'est pas maîtrisé ;

que la notation littérale indique que les points forts sont 'l'expérience' et les points faibles, la 'maîtrise de soi lors des conflits' ;

que pour la notation 2005 (pièce 4 de la SNCF ) la notation littérale indique que les points forts sont la 'gestion en situation perturbée' et les points faibles, la 'gestion des conflits selon le cas' , les rubriques détaillées n'étant pas produites par la SNCF;

que pour la notation 2006 (pièce 38 [L]) aucune rubrique ne comporte la mention 'R' qui signifie que l'item n'est pas maîtrisé , quelques rubriques comportant la mention 'O' qui signifie que l'item est partiellement maîtrisé ;

que la notation littérale (pièce 39) indique que les points forts sont 'la gestion des groupes' et les points faibles, la ' tenue/travail aléatoire (démotivation aucun déroulement de carrière)' ;

que la notation 2007 (pièce 53) peu lisible ne permet pas de faire des remarques précises étant souligné toutefois qu'une seule rubrique est en 'rouge' mais se rapporte à des 'items' tels que 'démarche manageriale' qui semblent peu applicables aux fonctions d'exécution du salarié ;

Considérant que les évaluations ne révèlent aucune carence générale dans l'exécution des tâches du salarié, celle de 2006 permettant de comprendre que l'origine des points faibles peut être située dans l'absence de reconnaissance de son travail dont le salarié se plaignait dans son courrier à l'employeur le 10 mars 2006, étant rappelé que les fonctions d'agent d'accueil du salarié occupées pendant de nombreuses années sans espoir d'amélioration de sa position sont de nature à générer une lassitude qui peut se ressentir sur la qualité du travail ;

qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de dire que M. [L] a produit aux débats des éléments sérieux caractérisant une atteinte au principe d'égalité de traitement, et que l'employeur a failli dans la démonstration qui lui incombe que la disparité constatée est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur l'appartenance à un syndicat ;

qu'en conséquence, la demande de reclassement de M. [L] est fondée dans son principe dès lors que la réparation intégrale d'un dommage oblige à placer celui qui l'a subi dans la situation où il se serait trouvé si le comportement dommageable n'avait pas eu lieu ;

que cependant dès lors qu'il existe des évolutions entre des qualifications (telles de B à C) et des évolutions entre des positions dans ces qualifications (telles de B1 à B2), et eu égard au fait que la cour n'est pas en mesure de déterminer si M. [L] est éligible à un changement de qualification ainsi qu'au fait qu'il a obtenu la position B2.7 au 1er avril 2010, il y lieu de dire que cette position B.2.7 devra lui être accordée à compter du 1er avril 2006 et que la SNCF sera condamnée à lui payer les arriérés de salaires correspondants et à lui délivrer les bulletins de salaires, le jugement du conseil de prud'hommes qui l'a débouté de ses demandes étant infirmé en toutes ses dispositions ;

Considérant qu'outre ce dommage consistant dans le blocage de sa carrière, M. [L] a subi un préjudice distinct portant sur son action syndicale qu'il n'a pas pu sereinement exercer ;

qu'en réparation de ce préjudice subi pendant plusieurs années, l'employeur devra lui verser la somme de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Sur les sanctions

Considérant que l'avertissement du 22 novembre 2006 a été adressé à M. [L] au motif qu'il se serait absenté de son poste 'agent mezzanine' pendant 40 mn sans autorisation le 17 octobre 2006 ;

Considérant toutefois que lors de la réunion du CHSCT du 18 octobre 2006, la présidente du CHSCT, représentant de l'employeur dans cette instance, s'était engagée 'à ce qu'aucune sanction ne soit prononcée suite au refus par les agents de tenir le poste mezzanine' en raison des conditions de travail insatisfaisantes dans la 'bulle mezzanine' (pièce 32) ;

que cet engagement n'a pas été respecté à l'égard de M. [L] ;

qu'ainsi, l'avertissement du 22 novembre 2006, n'était pas fondé et sera annulé ;

Considérant que les sanctions suivantes ne seront pas annulées dès lors qu'elles correspondent à un fait réel qui s'est produit, même si le salarié et l'employeur n'en ont pas la même lecture, la cour n'étant pas en mesure, plusieurs années après les faits, d'apprécier la pertinence ni de la sanction, ni de la défense du salarié, s'agissant de sanctions légères ne faisant pas l'objet d'un recours interne et n'ayant pas de conséquence sur la carrière du salarié eu égard au reclassement ordonné ;

qu'il en sera ainsi :

- du blâme avec inscription du 13 août 2002, M. [L] ayant été en retard à la prise de son service,

- du blâme sans inscription du 26 mai 2004, M. [L] ayant été absent un jour en raison d'une erreur de sa part dans la lecture du tableau de service,

- du blâme sans inscription du 15 avril 2005, M. [L] ayant eu un problème de relation avec un client,

- du blâme sans inscription du 25 juin 2007, la SNCF ayant reproché à M. [L] son comportement ( il chantonne, il a les bras croisés),

- du blâme sans inscription du 8 octobre 2007, M. [L] n'ayant pas fourni d'explication au motif qu'il ne savait pas ce qui lui était reproché ;

Sur l'état de santé de M. [L]

Considérant qu'en application de l'article L.4121-1 du code du travail 'L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.';

Considérant que par courrier du 23 octobre 2006, M. [L], à la suite des faits du 17 octobre qui donneront lieu à l'avertissement du 22 novembre 2006, a écrit en ces termes à sa hiérarchie 'vous ayant déjà à plusieurs reprises alerté sur ces mesures que je juge discriminatoires à mon encontre, j'espère que ce nouvel exemple flagrant attirera votre attention, et vous demande Monsieur de part votre fonction d'intervenir au plus vite, car ce genre d'acharnement à mon égard altère ma santé psychologique déjà remise en cause par le médecin d'établissement au cours de ma dernière visite médicale annuelle.';

que par courrier (pièce 42) adressé au secrétaire du CHSCT en date du 22 mai 2007, le salarié écrit 'ces pressions ont maintenant des répercussions sur ma vie privée et ma santé. Je suis suivi par le médecin d'établissement depuis juillet 2006 qui demande à me revoir chaque mois pour une aptitude mensuelle au travail. Mon médecin traitant me suivant également de façon régulière pour les mêmes symptômes (troubles du sommeil, anxiété, stress)';

qu'au terme d'un courrier du 4 juin 2007, au même destinataire, il renouvelle ses remarques sur les méthodes discriminatoires à son encontre qui bloquent son évolution et altèrent sa santé morale et souligne son stress, son anxiété dont il a fait part au psychologue de région ;

que dans un tract reprenant une déclaration de la CFDT au comité d'établissement du 25 mai 2007 sur la souffrance au travail, le cas de M. [L] est très clairement évoqué ;

que par certificat du 19 janvier 2007, le docteur [W] atteste avoir examiné à plusieurs reprises M. [L] 'depuis plusieurs années pour des symptômes divers comme anxiété, trouble du sommeil, stress. Son état de santé nécessite une prise en charge médicale et un suivi au long cours.';

que le docteur [J], médecin du travail indique le 21 mai 2007" avoir eu en consultation, à plusieurs reprises, depuis fin 2006 M. [L] [V], pour troubles anxieux, troubles du sommeil et céphalées nécessitant un suivi médical et adressé, pour ce faire, à son médecin traitant';

que le 17 octobre 2006, le médecin du travail indiquera que le salarié devra être revu le 25 janvier 2007 et que le 28 janvier 2007, il indiquera que le salarié devra être revu dans un mois ;

qu'il en sera de même lors des visites du 4 avril 2007 et du 21 mai 2007, le médecin du travail indiquant à chaque fois que le salarié devait être revu dans un mois puis lors de la visite du 11 décembre 2007, le médecin mentionnait ' à revoir dans deux mois';

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la discrimination dont M. [L] était victime a eu des répercussions sur son état de santé et que l'employeur n'a tenu aucun compte des alertes effectuées tant par le salarié lui-même que par les institutions représentatives du personnel ou les représentants syndicaux et ce alors que l'employeur est tenu envers les salariés d'une obligation de sécurité de résultat qui lui impose de prendre toutes les mesures nécessaires afin d'assurer de manière effective leur sécurité et de protéger leur santé au travail ;

qu'eu égard à la détérioration de l'état de santé du salarié due à la discrimination subie dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail et à la carence de l'employeur pour prendre en compte cet état, la SNCF devra verser à son salarié la somme de 1 000 euros en réparation du préjudice personnel subi ainsi que celle de 1 000 euros au titre du préjudice de salaire et des frais divers exposés par le salarié lors des arrêts de travail imposés par son état de santé ;

Considérant que la SNCF qui succombe sera condamnée aux dépens et à payer à M. [L] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

- Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 24 décembre 2009,

statuant à nouveau,

- Dit que M. [L] doit être reclassé à la position B.2.7 à compter du 1er avril 2006,

- Condamne la SNCF à payer à M. [L] les arriérés de salaires correspondants et à lui délivrer les bulletins de salaires conformes,

- Condamne la SNCF à payer à M. [L] les sommes de :

- 8 000 euros de dommages-intérêts au titre de la discrimination syndicale,

- 1 000 euros de dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait de la dégradation de sa santé,

-1 000 euros au titre du préjudice de salaire et frais divers exposés lors des arrêts de travail,

y ajoutant,

- Annule l'avertissement du 22 novembre 2006,

- Rejette la demande d'annulation des sanctions disciplinaires suivantes :

- blâme avec inscription du 13 août 2002

- blâme sans inscription du 26 mai 2004

- blâme sans inscription du 15 avril 2005

- blâme sans inscription du 25 juin 2007

- blâme sans inscription du 8 octobre 2007,

- Condamne la SNCF aux dépens et à payer à M. [L] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 10/00957
Date de la décision : 29/02/2012

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°10/00957 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-02-29;10.00957 ?
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