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28/02/2012 | FRANCE | N°10/05450

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 28 février 2012, 10/05450


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRÊT DU 28 Février 2012

(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/05450



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Mai 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS section encadrement RG n° 07/01787





APPELANTE



Madame [W] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 3]

comparant en personne, assistée de Me Michel HENRY, avocat au barr

eau de PARIS, toque : P0099







INTIMEE



Association Le CENTRE MONCEAU

[Adresse 4]

[Adresse 5]

[Localité 2]

représentée par Me Lise CORNILLIER, avocat au barreau de PARIS, toque...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRÊT DU 28 Février 2012

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/05450

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Mai 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS section encadrement RG n° 07/01787

APPELANTE

Madame [W] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 3]

comparant en personne, assistée de Me Michel HENRY, avocat au barreau de PARIS, toque : P0099

INTIMEE

Association Le CENTRE MONCEAU

[Adresse 4]

[Adresse 5]

[Localité 2]

représentée par Me Lise CORNILLIER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0350 substitué par Me Amélie DU LAU D'ALLEMANS, avocat au barreau de PARIS, toque : D350

En présence de Mme [M] [J] (Directrice administrative et financière)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Janvier 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Dominique LEFEBVRE-LIGNEUL, Conseillère, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente

Madame Anne-Marie DEKINDER, Conseillère

Madame Dominique LEFEBVRE LIGNEUL, Conseillère

Greffier : Mademoiselle Sandrine CAYRE, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente et par Mlle Sandrine CAYRE, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Mme [W] [Y], a été engagée par l'ASSOCIATION MONCEAU, suivant un contrat de travail à durée indéterminée du 31 mars 2002, prenant effet au 1er avril, en qualité de psychologue, statut cadre, pour exercer plus spécifiquement ses fonctions au sein du C.S.S.T. (Centre de soins spécialisés pour toxicomanes) géré par cette association, moyennant une rémunération brute mensuelle qui s'élevait en dernier lieu à 1 603, 79 € pour 75 H 50, les relations contractuelles étant soumises à la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966.

A la suite de la diminution de la dotation globale qui lui était allouée par la Direction des affaires sanitaires et sociales de [Localité 2], l'ASSOCIATION MONCEAU a, par lettre du 30 mars 2006, proposé à Mme [W] [Y] ainsi qu'à tous les thérapeutes du centre à l'exclusion des quatre salariés 'volontaires au départ', une modification de leur contrat de travail pour motif économique, avec notamment une réduction de leur durée de travail de 15% (64 H 30 au lieu de 75 H 50).

Mme [W] [Y], ayant refusé cette proposition par lettre du 6 juin 2006 après avoir sollicité des précisions dans une première lettre du 24 avril, a été convoquée par lettre du 29 mai 2006, à un entretien préalable à son licenciement fixé au 8 juin 2006, puis s'est vu notifier son licenciement pour motif économique le 19 juin 2006 par l'ASSOCIATION MONCEAU.

Quatre autres salariés auxquels la même proposition de réduction de leur durée de travail avait été faite, ont également refusé la modification de leur contrat de travail et ont été licenciés.

Contestant son licenciement, Mme [W] [Y] a saisi le 12 février 2007 le conseil de prud'hommes de Paris, section encadrement, qui, par jugement rendu le 18 mai 2010, en formation de départage, l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes en la condamnant à payer à l'ASSOCIATION MONCEAU la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La cour, saisie de l'appel de cette décision, interjeté le 21 juin 2010 par Mme [W] [Y], est également saisie de l'appel de deux autres salariés licenciés dans les mêmes circonstances.

Par conclusions développées à l'audience du 25 janvier 2012, auxquelles il est référé expressément pour l'exposé des moyens, Mme [W] [Y] demande à la cour d'infirmer le jugement et de condamner l'ASSOCIATION MONCEAU à lui verser les sommes suivantes :

* 24 056, 85 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 5 770, 98 € à titre de rappel de salaire pour indemnité spéciale de sujétion,

* 577, 10 € au titre des congés payés afférents,

* 3 500 € à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions visées par le greffier, reprises et soutenues oralement à l'audience du 25 janvier 2012, auxquelles il est également fait référence pour l'exposé des moyens, l'ASSOCIATION MONCEAU demande à la cour de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, de débouter Mme [W] [Y] de toutes ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE

Sur la demande d'indemnité de sujétion

Soutenant qu'elle était chargée d'une mission particulière, à savoir le démarchage de divers organismes ou institutions susceptibles d'adresser des patients et d'établir une collaboration avec le centre de thérapie familiale MONCEAU qui n'entrait pas dans les attributions d'un psychologue et qu'elle devait également, en raison de la coexistence des différents agréments ou habilitations, des budgets différents et des comptes administratifs distincts, supporter 'une sujétion particulière tenant au respect des règles édictées par les différentes habilitations et à l'adaptation de leurs missions au budget des subventions allouées', Mme [W] [Y] sollicite le paiement de la somme de 5 770,98 € à laquelle s'ajoute celle de 577,10 € au titre des congés payés afférents.

Il convient, par motifs que la cour adopte de confirmer le jugement déféré, Mme [G] [V] ne rapportant pas la preuve qui lui incombe de ce qu'elle supporterait effectivement et personnellement les sujétions dont elle sollicite l'indemnisation.

Sur le licenciement

Il convient de rappeler que la lettre de licenciement, qui fixe les limites du débat judiciaire, doit énoncer, lorsqu'un motif économique est invoqué, à la fois la raison économique qui fonde la décision et sa conséquence précise sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié, étant observé que pour avoir une cause économique, le licenciement, doit, ainsi que le dispose l'article L.1233-1 du code du travail, être prononcé pour un motif non inhérent à la personne du salarié et être consécutif soit à des difficultés économiques, soit à des mutations technologiques, soit à une réorganisation de l'entreprise, soit à une cessation d'activités, que la réorganisation, si elle n'est pas justifiée par des difficultés économiques ou par des mutations technologiques, doit être indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise et que les difficultés économiques invoquées par l'employeur doivent être réelles et constituer le motif véritable du licenciement.

Dans sa lettre du 19 juin 2006 l'ASSOCIATION MONCEAU, après avoir rappelé que le fonctionnement du C.S.S.T., qui n'a pas d'identité propre et dont les activités sont confondues avec celles du centre de thérapie familiale (autre activité de l'association), était financé par une dotation globale de la DDASS de Paris représentant 80% du financement de l'association toutes activités confondues, et qu'à la suite d'une inspection effectuée par leurs 'financeurs publics' dans le courant de l'année 2005, le budget médico-social du C.S.S.T. avait été réduit à hauteur de 56 000 €, indique qu'elle a décidé, pour faire face à cette situation, de mettre en place un certain nombre de mesures et notamment 'une nouvelle durée du travail et une nouvelle répartition des plannings des consultants', se traduisant par 'la suppression du poste de médecin directeur et par la proposition faite aux thérapeutes de diminuer leur temps de travail de manière à faire face à la réduction des moyens dont (elle disposait)', en précisant :

'C'est dans ce contexte que nous vous avons, par courrier en date du 30 mars 2006, proposé de modifier votre contrat de travail. Vous disposiez alors du délai légal d'un mois pour nous faire connaître votre position;

Par courrier en date du 25 avril, vous nous avez indiqué émettre des réserves quant à votre décision et sollicité des précisions complémentaires.(...).

Malgré notre volonté de trouver un arrangement, par la proposition d'horaires de travail plus en adéquation avec les souhaits que vous nous aviez émis, vous nous avez indiqué par courrier en date du 22 mai 2006 refuser les termes de votre nouveau contrat de travail.

Or, les raisons économiques sus-exposées ne nous permettent pas de maintenir votre contrat dans sa version antérieure, ce qui nous a conduit à engager la présente procédure de licenciement.

Par ailleurs, comte tenu de votre refus des nouvelles dispositions de votre contrat de travail et de l'absence de poste actuellement disponible au sein de notre structure, nous vous confirmons être dans l'impossibilité de vous reclasser'.

Il résulte, notamment par la production du rapport daté du 14 juin 2005 de la mission d'inspection conjointe de la direction des affaires sanitaires et sociales de Paris effectuée au C.S.S.T. MONCEAU, de la proposition de modification des prévisions budgétaires 2005 du 6 juillet 2005 et de la décision d'autorisation budgétaire et de tarification 2005 notifiée à l'ASSOCIATION MONCEAU par la Direction des affaires sanitaires et sociales de Paris le 29 juillet 2005, que la dotation globale de financement de l'ASSOCIATION MONCEAU, qui s'élevait à 637 698 € en 2004 a été réduite pour l'année 2005 à la somme de 545 768 € en ce compris une somme complémentaire de 50 000 € en crédits non reconductibles réservés au financement des mesures de restructuration (licenciements et départ à la retraite d'un psychologue), étant précisé que, dans une lettre du 21 février 2006, ce même organisme indiquait à l'association qu'en tout état de cause le budget pour l'année 2006 ne saurait excéder 440 000 €.

Si la réalité des difficultés économiques de l'ASSOCIATION MONCEAU consécutives à cette décision, établie par les documents susvisés, n'est pas contestée par Mme [W] [Y], il convient toutefois d'examiner si le licenciement de cette dernière au sein d'un licenciement collectif avec quatre autres salariés ayant refusé la réduction de leur durée de travail, était justifié par les difficultés économiques de l'entreprise.

Selon les tableaux établis par l'ASSOCIATION MONCEAU, il apparaît que pour obtenir la réduction nécessaire de ses charges salariales de 55 000 €, il convenait, après déduction de l'économie de 32 000 € résultant du licenciement des quatre salariés et de celle de 7 000 € correspondant à la réduction du temps de travail de 15 % des deux thérapeutes ayant accepté la modification de leur contrat de travail, de réduire à nouveau ses charges à concurrence de la somme de 16 000 €.  

La charge salariale de chacun des psychologues ayant refusé la modification de leur contrat de travail devant être estimée à 36 000 € par an, aucune considération ne justifiait que cinq salariés, dont Mme [W] [Y], soit licenciés alors qu'une économie moindre était nécessaire pour permettre à l'ASSOCIATION de poursuivre son activité et ce d'autant que celle-ci a été contrainte de procéder à de nouvelles embauches de psychologues après les licenciements litigieux.

S'agissant de salariés de la même catégorie professionnelle, il appartenait à l'ASSOCIATION MONCEAU, contrairement à ce qu'elle soutient, de ne procéder qu'aux seuls licenciements nécessaires après avoir, conformément aux dispositions de l'article L.1233-5 du code du travail, pris en compte dans le choix du salarié concerné les critères prévus par cet article selon lequel les charges de famille, l'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise, la situation des salariés présentant des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile ainsi que les qualités professionnelles appréciées par catégorie, sont des critères devant être examinés pour déterminer l'ordre des licenciements.

En conséquence il convient d'infirmer le jugement déféré et de dire que le licenciement de Mme [W] [Y] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse

Aux termes des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis, ou en cas de refus par l'une ou l'autre des parties, allouer au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois d'activité complète.

Il sera donc alloué à Mme [W] [Y], qui bénéficiait d'une ancienneté de quatre ans dans l'entreprise, une somme de 13 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur le remboursement des indemnités de chômage aux organismes concernés

Conformément aux dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner le remboursement des indemnités de chômage payées au salarié par les organismes concernés, à compter du jour du licenciement dans la limite de six mois.

Sur les frais et dépens

Les conditions d'application de l'article 700 du code de procédure civile étant réunies au bénéfice Mme [W] [Y] il convient de condamner l'ASSOCIATION MONCEAU à lui payer la somme de 1 000 € à ce titre.

L'ASSOCIATION MONCEAU sera déboutée de sa demande formée sur le même fondement et condamnée aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [W] [Y] de ses demandes de rappels de salaire pour indemnité spéciale de sujétion,

Infirme le jugement en toutes ses autres dispositions et statuant à nouveau,

Dit que le licenciement de Mme [W] [Y] est sans cause réelle et sérieuse,

Condamne l'ASSOCIATION LE CENTRE MONCEAU à verser à Mme [W] [Y] la somme de 13 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Ordonne le remboursement par l'ASSOCIATION LE CENTRE MONCEAU aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à Mme [W] [Y] à compter du licenciement, à concurrence de six mois,

Y ajoutant,

Condamne l'ASSOCIATION LE CENTRE MONCEAU aux entiers dépens et à verser à Mme [W] [Y] la somme de 1 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 10/05450
Date de la décision : 28/02/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-02-28;10.05450 ?
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