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28/02/2012 | FRANCE | N°10/03488

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 28 février 2012, 10/03488


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRET DU 28 FÉVRIER 2012



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/03488



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Mars 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS RG n° 08/11398





APPELANT

Monsieur [S] [I] [V]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Olivier BONGRAND, avocat au barreau de PARIS, toque : K0136>






INTIMEE

SAS PAPREC ILE DE FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me René FREMY, avocat au barreau de PARIS, toque : P14









COMPOSITION DE LA COUR :



En applicat...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRET DU 28 FÉVRIER 2012

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/03488

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Mars 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS RG n° 08/11398

APPELANT

Monsieur [S] [I] [V]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Olivier BONGRAND, avocat au barreau de PARIS, toque : K0136

INTIMEE

SAS PAPREC ILE DE FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me René FREMY, avocat au barreau de PARIS, toque : P14

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Novembre 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Elisabeth PANTHOU-RENARD, Président, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Elisabeth PANTHOU-RENARD, Présidente

Madame Michèle MARTINEZ, Conseillère

Monsieur Guy POILÂNE, Conseiller

Greffier : Madame Chantal HUTEAU, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Elisabeth PANTHOU-RENARD, Présidente, et par Mademoiselle Claire CHESNEAU, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA COUR,

Statuant sur l'appel régulièrement formé par Monsieur [V] du jugement rendu le 18 Mars 2010 par le juge départiteur du conseil de prud'hommes de Paris -section commerce- qui l'a débouté de ses demandes contre la Société PAPREC ILE DE FRANCE, anciennement PAPREC chantiers,

Vu les conclusions du 23 Novembre 2011 au soutien de ses observations orales du Monsieur [V] qui demande à la Cour, infirmant le jugement déféré, de condamner la Société PAPREC ILE DE FRANCE à lui payer les sommes de 30000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 3500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu les conclusions du 23 Novembre 2011 au soutien de ses observations orales de la Société PAPREC ILE DE FRANCE aux fins de confirmation du jugement déféré et de condamnation de l'appelant au paiement de la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Attendu que Monsieur [V], engagé par la Société PAPREC chantiers le 1er Juin 2003, avec une reprise de son ancienneté depuis le 26 Mars 2001, en qualité de chauffeur 'super lourd', avec une rémunération mensuelle brute de base de 2296,59 euros (ref. Août 2006) était victime en 2003 d'un premier accident du travail avec écrasement du poignet droit ; qu'il reprenait son travail suite à une visite de reprise du 02 Février 2006 au terme de laquelle le médecin du travail le déclarait 'apte à la conduite simple'et préconisait l'absence de manutention du membre supérieur droit et une 'aide à la manutention exceptionnelle' ;

Que le 12 Septembre 2006 Monsieur [V] était à nouveau victime d'un accident du travail entraînant à nouveau des lésions à son poignet droit ;

Que lors d'une première visite de reprise du 21 Juin 2007, le médecin du travail différait son avis dans l'attente de renseignements sur le poste de travail de Monsieur [V], en précisant qu'en attendant il pouvait occuper un poste sans manutentions ni efforts pour le poignet droit ; que le 29 Juin 2007 le médecin du travail demandait un avis spécialisé en précisant qu'en attendant Monsieur [V] 'pouvait reprendre la conduite du véhicule qui avait été aménagé à cet effet, (qu'il) ne pouvait pas faire de la manutention ni d'efforts violents avec son poignet droit', un avis définitif devant intervenir le 29 Juillet ;

Que Monsieur [V] devait à nouveau s'absenter, du 03 Juillet 2007 au 14 Février 2008 au titre d'une rechute de son second accident du travail du 12 Septembre 2006 ; que lors d'une visite du 1er Février 2008 le médecin du travail précisait que Monsieur [V] pouvait reprendre la conduite de son véhicule aménagé mais ne pouvait effectuer les tâches annexes (tirer, soulever, porter, s'agripper à l'échelle, ouvrir les portes quand les mécanismes sont grippés) et précisait qu'une étude de poste était prévue le 11 Février dans l'entreprise, un second examen étant fixé au 18 Février ;

Que lors de la visite du 18 Février 2008, qualifiée de première visite de reprise, le médecin du travail reprenait les termes de son avis précédent et prévoyait une visite pour le 03 Mars ; que le médecin du travail lors de cette troisième visite faisait état d'une étude de poste affectuée le 11 Février 2008, indiquait que Monsieur [V] pouvait conduire son véhicule aménagé et 'occuper tout autre poste ne sollicitant pas les efforts du poignet droit' et rappelait que le salarié ne pouvait effectuer les travaux de force avec le poignet droit, tels que tirer fortement, soulever, se hisser ou s'agripper à l'échelle, forcer sur l'ouverture des bennes ;

Que par courrier du 06 Mars 2008, la Société PAPREC Chantiers demandait à Monsieur [V] de lui indiquer quelles formations il avait suivies et quelles compétences il avait acquises pendant sa vie professionnelle aux fins de rechercher un reclassement dans l'entreprise et l'ensemble du groupe ; que Monsieur [V] ayant mentionné sur une fiche de compétences avoir été chef d'équipe et de chantier, la Société PAPREC Chantiers demandait au médecin du travail si le salarié pouvait exercer les fonctions de chef d'exploitation sur déchetterie, de conducteur de déchargeur et de conducteur de pelle ; que par courrier du 3 avril 2008 en réponse le médecin du travail rappelait que la conduite de véhicules ne devait pas poser problème tout en se disant ' a priori' favorable aux suggestions de la société, le plus important étant pour l'intéressé d'éviter les mouvements en force du poignet droit et une étude ergonomique étant toujours possible ; qu'il indiquait que le salarié 'pouvait aussi occuper des emplois 'plus administratifs', tels agent de bascule ou en exploitation' ; que la la Société PAPREC Chantiers demandait alors au médecin du travail par lettre du 08 Avril 2008 de venir dans l'entreprise le 14 Avril ; que le 29 Avril 2008 les délégués du personnel émettaient un avis favorable à la proposition de reclassement du Monsieur [V] sur un poste d'agent d'exploitation sur le poste de [Localité 4] ; qu'après une visite sur place avec Monsieur [V], la Société PAPREC Chantiers lui proposait par lettre du 18 Mai 2008 un poste d'agent d'exploitation, statut ouvrier avec une rémunération mensuelle brute de base de 1560 euros pour 35 heures, une prime mensuelle d'assiduité de 100 euros, une prime mensuelle de responsabilité de 200 euros et une prime de qualité mensuelle de 200 euros outre une prime de panier ; que les missions proposées devaient constituer, sous la responsabilité du responsable de dépôt, en la réception des déchets, la tenue et la mise à jour du tableau des déclassements, le remplacement ou le complément de poste, à la bascule ou pour la conduite des engins, l'accueil des prestataires et suivi des expéditions et 'toutes tâches nécessaires au bon fonctionnement de l'agence'; que Monsieur [V] était invité à répondre par écrit au plus tard le 22 Mai, étant précisé qu'à défaut de réponse dans ce délai, la société considérerait qu'il refusait cette proposition de reclassement ; que par lettre du 23 Mai 2008, Monsieur [V] s'étonnait qu'on ne lui ait pas proposé un poste de chauffeur alors que la Société disposait de camions avec commande de vitesses semi automatiques, demandait en quoi consistait la 'réception des déchets', s'étonnait de la diminution de sa prime de panier, s'interrogeait sur ses horaires ; que par courrier du 28 Mai 2008 la Société PAPREC Chantiers admettait disposer de camions aménagés mais indiquait que les chauffeurs devaient ouvrir et fermer les bennes, mettre les gilets, ce qui impliquait de monter à l'échelle ; qu'elle précisait que la réception des déchets consistait notamment à contrôler le contenu des bennes par rapport aux bons de livraison et à vérifier que les bennes soient vidées au bon endroit ; qu'elle répondait également aux interrogations de Monsieur [V] sur sa durée de travail et sa prime de panier, celle prévue étant celle des ouvriers travaillant au dépôt et lui demandait de répondre sur la proposition faite avant le 04 Juin 2008 ; que par courrier du 19 Juin 2008 et par courrier du 21 Juillet 2008 la Société PAPREC Chantiers indiquait à Monsieur [V] considérer qu'il avait refusé cette proposition de reclassement puisqu'il n'avait pas répondu et ne pouvoir faire une autre proposition ;

Que la la Société PAPREC Chantiers convoquait par courrier du 25 Juillet 2008 Monsieur [V] à un entretien préalable à son licenciement fixé le 06 Août et le licenciait par lettre du 11 Août 2008 reprenant la chronologie des faits depuis la seconde visite de reprise de Monsieur [V] le 03 Mars 2008, aux motifs suivants :

'...(au cours de l'entretien (du 06 Août 2008), nous avons retracé nos recherches de postes de reclassement et nous avons demandé pour quels motifs vous aviez gardé le silence face à notre proposition de reclassement.

Vous nous avez alors expliqué que sur la proposition écrite, nous n'avions pas précisé quel serait votre statut et que le descriptif de poste tel qu'il était défini ne vous convenait pas.

... (pourtant le 13 Mai 2008) nous vous avions précisé que votre statut ne serait pas modifié et que le descriptif de poste correspond en tous points à un poste de travail d'agent d'exploitation. Aussi nous ne pouvons pas modifier son intitulé ni supprimer des missions faisant partie intégrante de la fonction, alors que vous êtes médicalement apte à les réaliser. Vous nous avez confirmé que vous refusiez le poste de reclassement que nous vous avions proposé. Malgré la poursuite de nos recherches depuis 2011, nous sommes dans l'impossibilité de vous proposer un autre poste de reclassement compatible avec les préconisations du médecin du travail et adapté à votre profil professionnel...' ;

Que par courrier du 09 Septembre 2008, Monsieur [V] contestait ces motifs et saisissait la juridiction prud'homale le 25 Septembre 2008 après courrier en réponse du 23 Septembre procédant de la Société PAPREC Chantiers ;

Attendu que contrairement à ce que soutient celle-ci ne sont pas applicables en l'espèce les dispositions de L 1226-10 du code du travail, Monsieur [V] n'ayant pas été déclaré inapte à son emploi mais celles de l'article L 1226-8 du code du travail, selon lesquelles lorsqu'à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail constitutives à un accident du travail le salarié a été déclaré apte par le médecin du travail, il retrouve son emploi ou un emploi similaire ;

Que dans ses fiches d'aptitude des 18 Février et 03 Mars 2008, le médecin du travail précise que Monsieur [V] peut conduire un véhicule aménagé en indiquant seulement qu'il ne pouvait effectuer des travaux de force avec le poignet droit, tels qu'effectuer les travaux annexes (tirer fortement, soulever, se hisser ou s'agripper à l'échelle, forcer l'ouverture des portes des bennes ;

Que dans ces conditions la Société PAPREC Chantiers devait proposer en tout premier lieu à Monsieur [V] un poste de chauffeur ; que dans son courrier du 03 Avril 2008 le médecin du travail a rappelé que 'la conduite des véhicules ou d'engins ne devait pas poser problème, ni non plus les petits travaux d'entretien, de balayage, de tri de matières dans les limites de poids raisonnables ;

Que Monsieur [V] n'exerçait pas les fonctions de ripeur nécessitant de se hisser à l'échelle ou d'effectuer des mouvements violents du poignet droit ; que dans son courrier du 28 Mai 2008 la Société PAPREC a admis disposer de camions aménagés ; que si, selon elle, les chauffeurs devaient ouvrir et fermer les bennes, cette circonstance ne la dispensait pas de proposer ce poste à Monsieur [V], le médecin du travail n'ayant limité cette fonction qu'au cas où les mécanismes de ports étaient grippés ou bloqués ;

Qu'en proposant à Monsieur [V] un poste de chef d'exploitation en déchetterie, comportant la réception des déchets, le remplacement ou le complément à la bascule ou la conduite d'engins et 'toutes taches nécessaires au bon fonctionnement de l'agence', la société la Société PAPREC qui, de fait, proposait ainsi à Monsieur [V] de changer de métier, sans démontrer de surcroît qu'il n'aurait pas accompli de mouvements violents de son poignet droit faute d'avoir fait procéder à une étude ergonomique, a violé les dispositions de l'article L1226-8 précité ;

Que Monsieur [V] qui n'a pas retrouvé son emploi ou un emploi similaire ne pouvait légitimement être licencié pour avoir refusé un poste qui ne correspondait pas à ses fonctions antérieures et dont la sécurité, au regard de son état de santé et des préconisations du médecin du travail, n'était pas démontrée ;

Que le licenciement prononcé ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse ;

Que l'appel est fondé ;

Attendu que Monsieur [V] a perdu son emploi alors qu'il avait subi un accident du travail et une rechute emportant pour lui la nécessité de se faire opérer à plusieurs reprises ; qu'il a été licencié alors qu'il était apte à reprendre son poste sans que la Société PAPREC ne recherche à l'aménager ;

Que les circonstances comme les conséquences de la perte de son emploi justifient que soit allouée à Monsieur [V] la somme de 30000 euros qu'il sollicite en application de l'article L 1226-15 du code du travail ;

Attendu que le remboursement des allocations chômage par l'employeur fautif est de droit en application de l'article L1235-4 du code du travail dont les conditions sont réunies en l'espèce ; qu'il doit être ordonné dans la limite légale,

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau,

Condamne la Société PAPREC ILE DE FRANCE à payer à Monsieur [V] la somme de 30000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Lui ordonne de rembourser à POLE EMPLOI les allocations de chômage versées à Monsieur [V] après son licenciement dans la limite de six mensualités,

La condamne aux dépens,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Monsieur [V] la somme de 3000 euros à ce titre.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 10/03488
Date de la décision : 28/02/2012

Références :

Cour d'appel de Paris K3, arrêt n°10/03488 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-02-28;10.03488 ?
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