Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FIANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 6
ARRÊT DU 23 FÉVRIER 2012
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/12381
Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Avril 2009 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 07/09748
APPELANTS
Madame [J] [K] épouse [O]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Virginie KOERFER BOULAN (avocat au barreau de PARIS, toque : P0378)
Monsieur [N] [O]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Virginie KOERFER BOULAN (avocat au barreau de PARIS, toque : P0378)
INTIMÉE
SA CRÉDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL DE PARIS, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par la SCP GRAPPOTTE-BENETREAU-JUMEL
Assistée de Me Emmanuel CONSTANT (avocat au barreau de PARIS, toque : C0639)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 03 Janvier 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente
Madame Muriel GONAND, Conseillère
Madame Caroline FEVRE, Conseillère
qui en ont délibéré
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : M. Sébastien PARESY
ARRÊT :
- contradictoire
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente et par Mlle Edwige COLLIN, greffier présent lors du prononcé.
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Vu le jugement rendu le 29 avril 2009 par le tribunal de grande instance de Paris qui a débouté Monsieur et Madame [O] de toutes leurs demandes et les a condamnés solidairement à payer au CIC la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens ;
Vu l'appel interjeté par Monsieur et Madame [O] à l'encontre de ce jugement par déclaration remise au greffe de la Cour le 4 juin 2009 ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 2 décembre 2011 par Monsieur et Madame [O] qui demandent à la Cour d'infirmer le jugement et de :
- condamner le CIC à leur verser la somme de 275.000 euros à titre d'indemnisation, correspondant à l'obligation de restitution par équivalent dont est débiteur le CIC à leur égard, à la suite de la vente sur saisie de leur bien immobilier sis à [Localité 6] en 1994 et ce avec intérêts au taux légal à compter du 10 décembre 1997, date de la mise en demeure adressée au CIC,
- ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1154 du Code civil,
- condamner le CIC à leur verser la somme de 200.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des caractères inutiles et abusifs de la procédure de saisie immobilière qu'il a diligentée et ayant conduit à la vente par adjudication de leur bien immobilier,
- condamner le CIC à verser à Monsieur [O] la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice découlant du maintien abusif de la procédure de saisie de ses rémunérations pendant presque 10 années,
-condamner le CIC à leur verser la somme de 6.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner le CIC aux dépens ;
Vu les dernières écritures signifiées le 19 août 2011 par le CIC qui demande à la Cour:
-de confirmer le jugement et de débouter Monsieur et Madame [O] de leurs demandes,
- y ajoutant de les condamner in solidum à payer au CIC la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens.
SUR CE
Considérant que la société ESSO, propriétaire de divers fonds de commerce de station-service, a confié à la société JAN dont Monsieur et Madame [O] étaient co-gérants, l'exploitation de la station service 'Victor Hugo' située à [Localité 5], dans le cadre d'un contrat de gérance, du 1er octobre 1984 au 28 février 1985, puis de la station-service 'la Maladrerie' située à [Localité 5] à compter du 1er mars 1985 ; que le 18 mars 1987, un avenant de résiliation a été établi entre les parties à effet au 31 mars 1988 mais que durant la période de préavis la société JAN a exprimé des réserves au titre des dispositions de l'article 2000 du Code civil et la société ESSO s'est prévalue de la résiliation du contrat au 9 février 1988 pour des prélèvements impayés ;
Qu'un litige est né entre les parties et que par jugement du 18 décembre 1989 le Tribunal de commerce de Paris a déclaré fondée l'action de la société JAN et a ordonné une expertise ;
Que la société ESSO ayant interjeté appel de cette décision, la Cour dans un arrêt du 5 décembre 1991, a infirmé le jugement, a débouté la société JAN de ses demandes, l'a condamnée à payer à la société ESSO la somme de 28.624,93 euros outre intérêts et a condamné le CIC au paiement des sommes précitées, solidairement avec la société JAN, dans la limite de son engagement de caution ;
Que la société JAN a formé un pourvoi en cassation ;
Que cependant la société ESSO a obtenu l'exécution de l'arrêt et que le CIC a réglé la somme de 30.489,80 euros ès qualités de caution de la société JAN ;
Que par jugement du 8 septembre 1992 le Tribunal de commerce de Meaux a condamné Monsieur [O] à payer au CIC la somme de 30.489,80 euros outre intérêts au taux légal à compter du 4 juin 1992 ;
Que le CIC, qui avait procédé à une inscription d'hypothèque provisoire, a bénéficié d'une hypothèque définitive sur les biens immobiliers dont Monsieur et Madame [O] étaient propriétaires à [Localité 6] ;
Que par jugement du 25 mars 1993 le CIC s'est fait subroger au COMPTOIR DES ENTREPRENEURS afin de poursuivre la saisie immobilière et que la vente a eu lieu sur adjudication en mars 1994 pour 73.937,77 euros ;
Que le CIC n'ayant rien perçu sur cette somme, a engagé une procédure de saisie sur les rémunérations de Monsieur [O] qui a été autorisée par le Tribunal d'instance d'Ivry sur Seine le 7 novembre 1996 ;
Que le 19 novembre 1996 la Cour de Cassation a cassé l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 5 décembre 1991 et a renvoyé l'affaire devant la Cour d'appel de Versailles ;
Que la Cour d'appel de Versailles a statué par un arrêt du 21 septembre 1999 confirmant le jugement du 18 décembre 1989 déclarant la société JAN fondée dans le principe de sa demande d'indemnisation et ordonnant une expertise puis par un arrêt du 19 mars 2002 condamnant après expertise la société ESSO à payer à la société JAN la somme de 5.848,06 euros ;
Que c'est dans ce contexte que Monsieur et Madame [O] ont assigné le 10 juillet 2007 le CIC devant le Tribunal de grande instance de Paris qui a rendu le jugement déféré ;
Considérant que Monsieur et Madame [O] prétendent que l'arrêt de la Cour de Cassation a eu pour effet l'annulation de toutes les décisions et actes d'exécution postérieurs à l'arrêt du 5 décembre 1991 et notamment du jugement du Tribunal de commerce de Meaux du 8 septembre 1992 qui a été utilisé comme titre exécutoire à leur encontre ;
Qu'ils estiment, qu'au visa de l'article 625 du Code civil, ils doivent être replacés dans la situation antérieure à l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 5 décembre 1991 et qu'ils sont fondés à solliciter la restitution de la valeur du bien situé à Lognes vendu par adjudication en 1994, faute pour le CIC de pouvoir restituer ce bien ;
Qu'ils ajoutent qu'ils démontrent le caractère abusif et inutile de la saisie immobilière, compte tenu du montant de la créance du CIC au regard de la valeur du bien et du non recouvrement de sa créance à la suite de l'adjudication ;
Que Monsieur et Madame [O] font en outre valoir que le CIC a commis un abus de droit en laissant perdurer la saisie des rémunérations de Monsieur [O] durant près de dix années alors que son titre exécutoire n'avait plus d'effet à compter de l'arrêt de Cassation du 19 novembre 1996 ;
Considérant qu'en réponse le CIC soutient que l'obligation de restitution par équivalent supposerait qu'il a reçu paiement de sa créance aux termes de la saisie immobilière alors qu'il n'a rien perçu ; que subsidiairement il affirme que Monsieur et Madame [O] ne sauraient tirer partie de leur propre carence pour solliciter une indemnisation d'un montant de 275.000 euros qui est au-delà de toute réalité ; qu'il ne peut lui être reproché d'avoir diligenté une procédure de recouvrement de sa créance étant titulaire d'un titre exécutoire et étant souligné qu'il n'est pas à l'origine de la procédure de saisie immobilière; qu'enfin cette procédure a permis de désintéresser le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS ;
Considérant que l'article 625 du Code civil dispose que :
'Sur les points qu'elle atteint, la Cassation replace les parties dans l'état où elles se trouvaient avant le jugement cassé.
Elle entraîne, sans qu'il y ait lieu à nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire' ;
Considérant que les condamnations pécuniaires mises à la charge de la société JAN et du CIC par l'arrêt du 5 décembre 1991 sont ainsi annulées par l'arrêt de Cassation du 19 novembre 1996 et qu'il en est de même de la décision du tribunal de Meaux du 8 septembre 1992 qui a été obtenue par suite de l'exécution de l'arrêt du 5 décembre 1991 par le CIC ;
Considérant que l'obligation de restitution mise à la charge du CIC, dont le titre du 8 septembre 1992 se trouve annulé du fait de la cassation de l'arrêt du 5 décembre 1991, ne peut porter que sur les fonds obtenus par le CIC en exécution du jugement précité ;
Considérant qu'il est établi que le CIC n'a perçu aucun fonds suite à la procédure de saisie immobilière et que la somme à distribuer à la suite de l'adjudication a été attribuée au COMPTOIR DES ENTREPRENEURS à hauteur de 457.863,32 francs ;
Considérant que Monsieur et Madame [O] sont donc mal fondés en leur demande de restitution par équivalent et doivent être déboutés de cette demande ;
Considérant que Monsieur et Madame [O] soutiennent également que le recours à la procédure de saisie immobilière a été inutile et abusif ;
Considérant cependant que le CIC n'est pas à l'origine de la procédure de saisie immobilière qui a été initiée par le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS suivant commandement délivré le 5 septembre 1990 ;
Que dans le jugement du 25 mars 1993 par lequel le CIC a été subrogé au COMPTOIR DES ENTREPRENEURS, il est mentionné que le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS n'a pas donné suite aux poursuites initialement engagées par lui et qu'il s'en rapportait à justice sur la demande de subrogation du CIC qui pouvait dès lors croire se trouvait en rang utile pour être désintéressé ;
Considérant que, devant le tribunal de commerce de Meaux, Monsieur [O] ne s'est pas opposé à la demande du CIC malgré le pourvoi en cassation formé par la société JAN mais qu'il a seulement sollicité des délais qui lui ont été accordés et qu'il n'a pas respectés ;
Qu'il ne peut être reproché dans ces conditions au CIC titulaire d'un titre exécutoire de tenter de recouvrer sa créance ;
Considérant que la procédure de saisie immobilière ne peut être qualifiée d'inutile puisqu'elle a permis de rembourser la dette de Monsieur et Madame [O] à l'égard du COMPTOIR DES ENTREPRENEURS, créancier hypothécaire de premier rang ;
Considérant en conséquence que Monsieur et Madame [O] ne démontrent pas que le CIC a commis une faute en diligentant la procédure de saisie immobilière et qu'ils doivent être déboutés de leur demande de dommages et intérêts de ce chef ;
Considérant que Monsieur [O] reproche enfin au CIC d'avoir maintenu la saisie de ses rémunérations malgré l'arrêt de la Cour de Cassation du 19 novembre 1996;
Considérant que le bien fondé de la saisie des rémunérations opérée par le CIC à compter du 7 novembre 1996 a été remis en cause par l'arrêt de la Cour de Cassation du 19 novembre 1996 ;
Qu'il ressort du jugement du 6 avril 2006 du Tribunal d'instance d'Ivry sur Seine ordonnant la main levée de la saisie que le tribunal a été saisi par requête de Monsieur [O] reçue le 31 mai 2005 ;
Considérant qu'en laissant perdurer la saisie des salaires de Monsieur [O] durant plus de neuf ans malgré l'arrêt de Cassation du 19 novembre 1996 et l'absence d'effet de son titre exécutoire, le CIC a commis une faute dont Monsieur [O] est fondé à demander réparation ;
Considérant toutefois que Monsieur [O] qui a obtenu le remboursement des sommes saisies avec intérêts au taux légal à compter du 31 mai 2005, ne communique aucun élément à l'appui de sa demande; qu'il ne rapporte donc pas la preuve d'un préjudice autre que celui déjà réparé par les sommes allouées par le Tribunal d'instance ;
Qu'il doit dès lors être débouté de sa demande de dommages et intérêts ;
Considérant que le jugement déféré sera en conséquence confirmé ;
Considérant que Monsieur et Madame [O] qui succombent supporteront leurs frais irrépétibles et les dépens d'appel ;
Considérant que l'équité ne commande pas l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit du CIC en appel; que la demande formée de ce chef doit être rejetée ;
Qu'en revanche il convient de confirmer la condamnation prononcée par le tribunal en ce qu'il a condamné solidairement Monsieur et Madame [O] à payer au CIC la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu en appel à l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne Monsieur et Madame [O] aux entiers dépens qui seront recouvrés par la SCP GRAPPOTTE BENETREAU JUMEL dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT