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21/02/2012 | FRANCE | N°10/06953

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 1, 21 février 2012, 10/06953


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 1



ARRET DU 21 FEVRIER 2012



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 10/06953 (Jonction avec RG n° 10/24658)



Décision déférée à la Cour : Recours sur la sentence partielle rendue à Paris le 16 février 2010, par le tribunal arbitral composé de MM. [K] et [S], arbitres et de M. [T], Président et sur un 'Addendum à la sentence partielle sur la com

pétence du 16 février 2010" rendu le 27 septembre 2010, dans la même instance arbitrale, par le même tribunal arbitral



DEMANDEUR AU RECOURS E...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 1

ARRET DU 21 FEVRIER 2012

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/06953 (Jonction avec RG n° 10/24658)

Décision déférée à la Cour : Recours sur la sentence partielle rendue à Paris le 16 février 2010, par le tribunal arbitral composé de MM. [K] et [S], arbitres et de M. [T], Président et sur un 'Addendum à la sentence partielle sur la compétence du 16 février 2010" rendu le 27 septembre 2010, dans la même instance arbitrale, par le même tribunal arbitral

DEMANDEUR AU RECOURS EN ANNULATION :

ETAT DU CAMEROUN

pris en la personne de Monsieur le Ministre des Forêts et de la Faune

[Adresse 3]

[Localité 4]

CAMEROUN

représentée par la SCP MONIN - D'AURIAC (Me Patrice MONIN), avocat postulant du barreau de PARIS, toque : J 71

assistée de Me Eric TEYNIER, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : J 53

DEFENDERESSE AU RECOURS EN ANNULATION :

SPRL PROJET PILOTE GAROUBE société de droit belge

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Adresse 1]

BELGIQUE

représentée par la SCP BOLLING - DURAND - LALLEMENT (Me Didier BOLLING), avocat postulant du barreau de PARIS, toque : P 480

assistée de Me Maurice LANTOURNE, avocat plaidant au barreau de PARIS, toque :

J 003

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 17 janvier 2012, en audience publique, le rapport entendu, devant la Cour composée de :

Monsieur PERIE, Président

Madame GUIHAL, Conseillère

Madame DALLERY, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame PATE

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur PERIE, président et par Madame PATE, greffier présent lors du prononcé.

Le 14 novembre 2001 a été conclu entre l'ETAT DU CAMEROUN (le CAMEROUN) et la SARL de droit camerounais PROJET PILOTE GAROUBE un contrat d'affermage portant sur un élevage de faune sauvage dans une zone protégée d'intérêt cynégétique de 40.000 ha au Nord du Cameroun.

A la suite de modifications de son capital, la SARL PROJET PILOTE GAROUBE a été transformée en SPRL de droit belge PROJET PILOTE GAROUBE (GAROUBE) et son siège social transféré en BELGIQUE.

Le 13 novembre 2007, GAROUBE, invoquant la résiliation abusive de la convention d'affermage et les entraves mises par le CAMEROUN à l'évaluation de son fonds de commerce et de ses actifs, a introduit auprès de la Chambre de commerce international une demande d'arbitrage fondée sur la clause compromissoire stipulée par le contrat du 14 novembre 2001.

Par une sentence partielle rendue à Paris le 16 février 2010, le tribunal arbitral composé de MM. [K] et [S], arbitres et de M. [T], Président, a écarté les différentes fins de non-recevoir, admis la continuité de la personnalité juridique de la société GAROUBE, constaté l'existence d'une clause compromissoire liant les parties, retenu sa compétence et, à la majorité, condamné le CAMEROUN à payer à GAROUBE la somme de 157 990, 13 euros au titre des frais exposés à ce stade de la procédure, outre les intérêts.

Le CAMEROUN a formé un recours contre cette sentence le 26 mars 2010 (enregistré sous le n° 10/06953).

Par conclusions du 6 janvier 2012, il en poursuit l'annulation et sollicite la condamnation de GAROUBE à lui payer la somme de 20.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Il fait valoir que le tribunal arbitral était irrégulièrement constitué (article 1520 2° du code de procédure civile), qu'il s'est déclaré à tort compétent (article 1520 1° du code de procédure civile), qu'il a méconnu les termes de sa mission (article 1520 3° du code de procédure civile) et violé le principe de la contradiction (article 1520 4° du code de procédure civile), enfin, que la reconnaissance ou l'exécution de la sentence est contraire à l'ordre public international (article 1520 5° du code de procédure civile).

Par conclusions du 12 janvier 2012, GAROUBE demande à la Cour de déclarer 'l'appel/annulation' irrecevable pour tardiveté, et faute d'articulation de l'une des causes limitativement énumérées par l'article 1520 du code de procédure civile, de constater que le moyen relatif à l'indépendance du tribunal arbitral a été formé hors délai, d'écarter des débats les pièces du recourant numérotées 3, 5, 11, 12, 19, 22, 27 à 29, 31, 33, 71, 91, 93, et 94, d'écarter des débats diverses allégations des conclusions adverses qualifiées de diffamatoires, subsidiairement de dire le recours mal fondé, plus subsidiairement, de réduire l'annulation à un membre de phrase du paragraphe 28 du dispositif de la sentence et, en toute hypothèse, de condamner le CAMEROUN à lui payer les sommes de 50.000 euros en réparation du préjudice causé par des imputations calomnieuses, 30.000 euros d'indemnité pour procédure abusive et 40.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 27 septembre 2010, dans la même instance arbitrale, le tribunal arbitral composé de MM. [K] et [S], arbitres et de M. [T], président, a rendu un 'Addendum à la sentence partielle sur la compétence du 16 février 2010" qui a fait l'objet d'un recours en annulation formé par le CAMEROUN le 20 décembre 2010 (enregistré sous le n° 10/24658).

Par conclusions du 6 janvier 2012, le CAMEROUN sollicite l'annulation de cet addendum ainsi que la condamnation de GAROUBE à lui payer la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par des conclusions du 12 janvier 2012, GAROUBE reprend les demandes et moyens développés dans les écritures prises à l'égard de la sentence partielle et sollicite subsidiairement la limitation de l'annulation au paragraphe 28 du dispositif de l'addendum, et plus subsidiairement à la résolution n° 28 de cet addendum.

SUR QUOI :

Considérant qu'il est dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice de joindre les recours enregistrés sous les numéros 10/06953 et 10/24658;

Sur la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté des recours :

Considérant que les voies de recours dont une décision juridictionnelle est susceptible sont régies par les textes en vigueur à la date de celle-ci; qu'il s'ensuit que les dispositions gouvernant les délais de recours contre la sentence partielle rendue le 16 février 2010 ne sont pas celles de l'article 1519 du code de procédure civile en vigueur depuis le 1er mai 2011, mais celles de l'article 1505 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 81-500 du 12 mai 1981, aux termes duquel : 'Le recours en annulation prévu à l'article 1504 est porté devant la cour d'appel dans le ressort de laquelle la sentence a été rendue. Ce recours est recevable dès le prononcé de la sentence; il cesse de l'être s'il n'a pas été exercé dans le mois de la signification de la sentence déclarée exécutoire';

Considérant que la sentence partielle a été déclarée exécutoire par une ordonnance du 10 mars 2010; que le recours formé le 26 mars 2010 n'est donc pas tardif; qu'au surplus, il n'est pas allégué que la sentence revêtue de l'exequatur ait été signifiée, de sorte que le délai précité n'a pas même commencé à courir, peu important la notification faite aux parties par le secrétariat général de la Cour internationale d'arbitrage de la Chambre de commerce international;

Considérant que l'addendum n'ayant pas été exequaturé, le délai de recours n'a pas davantage couru contre lui;

Que la fin de non-recevoir ne peut donc qu'être écartée à l'égard des deux recours;

Sur la demande tendant à ce que soient écartés des débats certains passages des conclusions du CAMEROUN :

Considérant que les extraits des conclusions du CAMEROUN incriminés par GAROUBE consistent dans l'imputation de manoeuvres frauduleuses; que la fraude constituant un cas d'ouverture du recours en annulation, ces mentions, qui n'excèdent nullement la liberté d'expression qui s'attache à l'exercice des droits de la défense, ne sauraient être censurées;

Sur le moyen tiré de l'irrégularité de la constitution du tribunal arbitral (article 1502 2° du code de procédure civile) :

Le CAMEROUN allègue le défaut d'indépendance et d'impartialité de M. [K], arbitre désigné par GAROUBE.

Cette dernière rétorque que ce moyen est irrecevable pour avoir été présenté dans des conclusions du 5 octobre 2011, nouvelles et hors délai; que la décision de la Cour internationale d'arbitrage du 28 juillet 2011 accueillant la demande de récusation de M. [K] ne saurait avoir d'effet rétroactif sur une sentence rendue antérieurement et qu'il n'existe aucun élément antérieur à la sentence partielle permettant de suspecter l'indépendance de cet arbitre; que le manque d'indépendance d'un arbitre survenu prétendument plusieurs mois après la sentence ne saurait s'analyser en une irrégularité de la constitution du tribunal arbitral et constituer un cas d'ouverture du recours contre la sentence; qu'il suffit pour que le tribunal arbitral soit régulièrement constitué qu'il l'ait été conformément à la convention des parties et au règlement d'arbitrage auquel elles se sont référées, ce qui est le cas en l'espèce; que la question de l'indépendance d'un arbitre ne peut être soulevée pour la première fois devant la cour d'appel sans avoir été préalablement soumise à la Cour internationale d'arbitrage, conformément au règlement d'arbitrage de la Chambre de commerce international, puis, le cas échéant, au juge d'appui; qu'en vertu du principe de l'estoppel, le CAMEROUN est réputé avoir renoncé à se prévaloir d'un moyen qu'il n'a pas invoqué au cours de l'instance préalable à la sentence; que les faits invoqués à l'appui de l'allégation de partialité, à savoir, la constitution de Me [M] comme avocat de GAROUBE en mai 2011 et un courrier de M. [K] du 24 août 2010 sont insusceptibles de causer un grief concernant la sentence partielle; qu'en toute hypothèse, il suffisait pour que la sentence soit rendue qu'elle l'ait été par le président du tribunal arbitral; que celui-ci a d'ailleurs attesté de l'impartialité de ses collègues; que la tardiveté de l'allégation de manque d'indépendance fait grief; que la déclaration d'indépendance de M. [K] concernant Me [M] et son cabinet ne comportait pas d'omission substantielle; que les commentaires de M. [K] sur des arguments et des pièces du recours en nullité concernaient exclusivement des critiques le concernant personnellement; que les différents courriers cités par le CAMEROUN, concernant notamment les frais d'arbitrage, ont été dénaturés; que le prétendu manque d'indépendance et d'impartialité n'est donc pas établi.

Considérant, en premier lieu, qu'aucun texte ne fait obligation au recourant de formuler l'ensemble de ses moyens d'annulation dans un mémoire unique présenté avant l'expiration du délai de recours contre une sentence arbitrale; que, dès lors, le recours formé par le CAMEROUN n'étant pas lui-même tardif, la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté du grief d'irrégularité de la composition du tribunal arbitral ne peut qu'être écartée;

Qu'au surplus, ce moyen d'annulation ayant été présenté dans des écritures déposées le 5 octobre 2011, trois mois avant la clôture prononcée le 12 janvier 2012, et ayant d'ailleurs donné lieu à des répliques circonstanciées de GAROUBE le 19 décembre 2011 et le 12 janvier 2012, il ne peut être soutenu qu'une atteinte ait été portée au principe de la contradiction;

Considérant, en deuxième lieu, que si tout grief invoqué à l'encontre d'une sentence au titre de l'article 1502 2° du code de procédure civile doit, pour être recevable devant le juge de l'annulation, avoir été soulevé, chaque fois que cela est possible, au cours de la procédure d'arbitrage, l'ignorance d'une cause de récusation pendant cette procédure ne saurait avoir pour effet de priver une partie de la faculté de l'invoquer ultérieurement devant le juge de la régularité de la sentence auquel appartient le contrôle de l'exigence d'indépendance et d'impartialité des arbitres, nonobstant les règles procédurales de récusation fixées, le cas échéant, par le règlement d'arbitrage;

Considérant, en troisième lieu, que l'indépendance d'esprit est indispensable à l'exercice du pouvoir juridictionnel, quel qu'en soit la source, et qu'elle est l'une des qualités essentielles des arbitres;

Considérant qu'en l'espèce, GAROUBE a adressé le 28 juillet 2010 à la Cour internationale d'arbitrage une lettre qui, d'une part, contestait la capacité du président du tribunal arbitral à instruire la cause dans des délais raisonnables et sollicitait son remplacement, d'autre part, demandait qu'il soit sursis à toute décision de nouvelle provision à sa charge; que la Cour internationale d'arbitrage a invité les membres du tribunal arbitral à formuler leurs observations sur cette lettre; que M. [S], arbitre désigné par le CAMEROUN, s'est borné à constater que les longueurs de la procédure étaient imputables aux nombreux incidents provoqués par les parties et qu'elles justifiaient la fixation d'une provision complémentaire qui devait être imputée conformément aux prévisions du règlement d'arbitrage; que, pour sa part, M. [K], arbitre choisi par GAROUBE, s'est exprimé dans les termes suivants dans une lettre du 2 août 2010 :

'Le tribunal arbitral doit veiller en l'espèce :

- à l'égalité des armes, le déséquilibre entre les deux parties étant flagrant : d'un côté, un Etat qui dispose de moyens considérables sur les plans financier, administratif et juridique, de l'autre une petite ou moyenne entreprise,

- à l'accomplissement des actes de la procédure dans les délais impartis.

Sur le premier point, le fait que le défendeur soit un Etat le place, par rapport à son contradicteur, dans une situation non pas plus difficile que celle d'un opérateur commercial, mais au contraire de supériorité manifeste : l'Etat du CAMEROUN dispose, comme le tribunal arbitral a pu le constater, d'un nombre important de juristes qualifiés qui connaissent parfaitement le dossier et d'agents susceptibles de procéder à toute sortes d'investigations et de constatations.

Sur le second point, par ordonnance de procédure n° 7 en date du 5 mai 2010, le tribunal arbitral a invité les deux parties à conclure au fond le 15 juin 2010.

A ce stade de la procédure, le défendeur n'avait donc pas à 'répondre' aux conclusions de la demanderesse, mais à exposer les arguments et les moyens dont il entend se prévaloir à l'appui de ses prétentions, les deux parties étant informées de longue date des données du litige.

La demanderesse a exécuté cette décision au plus tard le 23 juin 2010, si l'on ne tient pas compte de la date de dépôt le 15 juin 2010 d'un mémoire qu'elle a ultérieurement retiré, tandis que le défendeur a sollicité 'un délai au 15 octobre prochain pour déposer son mémoire en réponse'.

****

Deux années d'une procédure émaillée de nombreux incidents ont été nécessaires pour aboutir à une sentence partielle en date du 16 février 2010 qui a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par le défendeur, contre laquelle ce dernier a formé un recours en annulation actuellement pendant devant la cour d'appel de Paris.

Le défendeur s'est abstenu pendant deux ans de se prononcer sur le fond et n'a soulevé que des moyens de procédure.

La demande de délai du défendeur pour déposer son mémoire au fond a provoqué un nouvel allongement de la procédure de plusieurs mois, qui va immanquablement compliquer encore le déroulement de celle-ci.

II - AVIS

1 - Il est certain qu'il convient de mettre rapidement un terme aux errements que connaît cet arbitrage.

2 - Le tribunal arbitral a demandé à la Cour internationale d'arbitrage d'inviter le défendeur à communiquer ses conclusions dans le recours en annulation afin notamment de permettre au tribunal arbitral qui a l'obligation d'instruire complètement et objectivement le procès, de déterminer la connaissance que le nouveau conseil du défendeur pouvait avoir de cette affaire lorsqu'il a sollicité un délai de quatre mois pour le dépôt de ses conclusions.

Il y a donc lieu de rappeler cette demande au défendeur, de l'inviter à faire connaître à la Cour s'il a déposé ses conclusions dans le recours en annulation et dans l'affirmative, à les communiquer d'urgence.

3 - Il résulte indiscutablement du courrier échangé les 2, 9, 15 et 16 juillet 2010 par le conseil de la demanderesse et le président du tribunal arbitral, courrier qui a été régulièrement communiqué au conseil du défendeur et aux autres membres du tribunal arbitral que 'le tribunal arbitral, s'il se déclare compétent par première sentence partielle, statuera dans une seconde sentence partielle sur le principe de la responsabilité de la rupture du contrat, de même que sur la qualification de cette rupture et sur les composantes du préjudice'.

Ces dispositions qui sont d'ailleurs d'un usage courant, font partie intégrante de l'acte de mission et doivent sortir leur plein et entier effet.

4 - La demande d'avance complémentaire sur frais destinée à couvrir les honoraires et les débours qui seront dus aux arbitres, est pleinement justifiée.

Si la Cour internationale d'arbitrage ne pouvait pas, en application du règlement, mettre à la charge du défendeur la totalité de cette avance, compte tenu de ce que la condamnation, par la sentence partielle du 10 février 2010 de l'Etat du CAMEROUN à payer à la demanderesse la somme de 155 990 euros, n'a pas été exécutée, en l'absence d'exécution provisoire et si cette avance devait incomber aux deux parties à parts égales, il apparaîtrait équitable, au vu de ce qui précède, d'inviter le défendeur à verser sa quote-part et d'autoriser la demanderesse à surseoir au paiement de la sienne jusqu'au prononcé de l'arrêt de la cour d'appel de Paris, à intervenir dans le recours en annulation.';

Considérant, d'une part, que cet exposé des faits, qui impute au CAMEROUN les lenteurs de l'instance arbitrale, est démenti par l'examen objectif des vicissitudes de la procédure; qu'il résulte, en effet, des énonciations de la sentence que le tribunal arbitral ayant été constitué le 15 avril 2008, GAROUBE a, dès le mois de mai 2008, pris l'initiative de demander aux arbitres de trancher le litige en deux phases et non pas en une seule sentence (§ 17); qu'elle a changé une première fois d'avocat en juin 2008 (§ 22), puis en décembre 2008 (§ 51), qu'en janvier 2009, elle a demandé la récusation du président du tribunal arbitral au motif qu'il tutoyait l'arbitre [O] (§ 59) à la suite de quoi ce dernier a démissionné et a été remplacé en mars 2009 par M. [S] (§ 66), enfin que si le CAMEROUN a déposé ses conclusions avec retard, GAROUBE a multiplié les transmissions d'écritures et de pièces non sollicitées et hors délai (§ 18, 42, 57, 76 et 79);

Considérant, d'autre part, qu'à la suite de la décision de GAROUBE de se faire assister d'un nouveau conseil, Me [M], et de la déclaration d'indépendance complémentaire souscrite à cette occasion par M. [K] le 25 mai 2011, la Cour internationale d'arbitrage a, par une décision non motivée en date du 28 juillet 2011, accueilli la demande de récusation de M. [K] présentée par le CAMEROUN; que le 1er septembre 2011, les honoraires de M. [K] ont été fixés par la Cour internationale d'arbitrage à 23.000 $; que GAROUBE, qui n'avait jusqu'alors cessé de formuler des objections aux demandes de versement d'avances sur les frais d'arbitrage, a, par une lettre du 6 septembre 2011, sollicité l'augmentation du montant des honoraires pour la période allant de la date de la sentence partielle jusqu'au 1er septembre 2011; qu'une telle demande ne pouvait avoir d'autre fin que l'accroissement de la part revenant à M. [K], écarté de la procédure à cette date;

Considérant que le parti pris dont témoigne le courrier de M. [K] du 2 août 2010 et l'empressement de GAROUBE à favoriser les intérêts matériels de l'arbitre qu'elle avait choisi sont de nature à faire naître dans l'esprit du CAMEROUN un doute légitime sur l'indépendance et l'impartialité de ce dernier, peu important, à cet égard le sentiment exprimé par le président relativement à l'impartialité des deux autres membres du tribunal arbitral;

Considérant que si la lettre de M. [K] du 2 août 2010 et celle de GAROUBE du 6 septembre 2010 sont postérieures à la sentence attaquée, elles sont révélatrices de liens préexistants qui justifient qu'elles soient prises en considération pour l'appréciation de la validité de cette sentence;

Considérant, enfin, que la procédure ayant été engagée devant une formation de trois arbitres, celui dont la partialité est suspectée a pu exercer son influence tant sur les conditions de déroulement de l'instance que sur l'opinion de ses collègues au cours du délibéré; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de ce que l'efficacité juridique de la sentence n'est pas subordonnée à l'accord de tous les arbitres et qu'elle pourrait résulter de la seule signature du président est inopérant;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la sentence partielle doit être annulée pour irrégularité de la composition du tribunal arbitral ;

Sur la demande d'annulation de l'addendum :

Considérant que l'annulation de la sentence emporte par voie de conséquence celle de l'addendum - rendu par la même formation - qui a pour objet de l'interpréter et de la modifier;

Sur la demande tendant à ce que des pièces soient écartées des débats :

Considérant qu'il résulte du sens du présent arrêt qu'il n'y a pas lieu de statuer sur cette demande;

Sur la demande de dommages-intérêts au titre des imputations calomnieuses

Considérant qu'une telle demande n'est pas recevable devant la cour d'appel saisie sur le fondement des articles 1502 et 1504 du code de procédure civile;

Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive :

Considérant que le recours en annulation étant accueilli, la demande fondée sur le caractère abusif de ce recours ne peut qu'être rejetée;

Sur les demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile :

Considérant que GAROUBE qui succombe ne saurait prétendre au bénéfice de l'article 700 du code de procédure civile; qu'elle devra payer au CAMEROUN sur ce fondement la somme de 20.000 euros;

PAR CES MOTIFS :

Ordonne la jonction des recours enregistrés sous les numéros 10/06953 et 10/24658.

Déclare les recours recevables.

Annule la sentence rendue entre les parties le 16 février 2010 et l'addendum du 27 septembre 2010.

Rejette les demandes de la SPRL PROJET PILOTE GAROUBE.

Condamne la SPRL PROJET PILOTE GAROUBE à payer à l'ETAT DU CAMEROUN la somme de 20.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la SPRL PROJET PILOTE GAROUBE aux dépens et admet la SCP Monin d'Auriac de Brons au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 10/06953
Date de la décision : 21/02/2012

Références :

Cour d'appel de Paris A1, arrêt n°10/06953 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-02-21;10.06953 ?
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