rosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 11
ARRET DU 17 FEVRIER 2012
(n°56, 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/08585
Décision déférée à la Cour : jugement du 24 mars 2010 - Tribunal de commerce de PARIS - 3ème chambre - RG n°2009047798
APPELANTE
S.A.R.L. MAISON GOIXART & FILS, agissant en la personne de son gérant domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 5]
[Localité 4]
représentée par la SCP DUBOSCQ - PELLERIN, avoué à la Cour
assistée de Me Pierre CHEVALIER, avocat au barreau de PARIS, toque P 228 substituant Me SIMON, avocat au barreau de NARBONNE
INTIMEES
S.A.S. ETABLISSEMENTS PIERRE HARINORDOQUY, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 7]
[Localité 8]
représentée par la SCP BERNABE - CHARDIN - CHEVILLER, avoué à la Cour
assistée de Me Florian DE MASCUREAU plaidant pour la SEP LACHAUD - LEPANY - MANDEVILLE, avocat au barreau de PARIS, toque W 06
S.A.R.L. CHAREX FRANCE, prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 6]
assignée à personne habilitée et n'ayant pas constitué avoué
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 17 novembre 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :
Renaud BOULY de LESDAIN, Président
Bernard SCHNEIDER, Conseiller
Françoise CHANDELON, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Carole TREJAUT
Bernard SCHNEIDER a préalablement été entendu en son rapport
ARRET :
Réputé contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
Signé par Renaud BOULY de LESDAIN, Président et par Carole TREJAUT, Greffier, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
La société MAISON GOIXART & FILS a reçu la livraison par la société ETABLISSEMENTS PIERRE HARINORDOQUY de trois commandes en provenance de Roumanie destinées à la revente :
- le 17 novembre 2008 : 529 agneaux, facturés, compte tenu d'une perte, 46 964,04 €,
- le 24 novembre 2008 : 530 agneaux, facturés, après réclamation, compte tenu de cinq agneaux manquants, 47 965,47 €,
- le 1er décembre 2008 : 532 agneaux dont la facture correspondante s'élevait à 49 559,60 € ;
En raison du désaccord sur la conformité de la troisième livraison au regard de la commande passée, l'ensemble des factures a été remis en cause et le tribunal de commerce de Paris a été saisi de la demande en paiement par la société ETABLISSEMENTS PIERRE HARINORDOQUY de 144 488,77 € ;
Par jugement prononcé le 24 mars 2010, le tribunal a fait droit à la demande en allouant les intérêts au taux conventionnel de 5,21 % à compter de la mise en demeure du 24 février 2009 et statuant sur une instance parallèle qui a été jointe, a rejeté la demande de la société MAISON GOIXART & FILS dirigée contre son fournisseur en paiement d'une somme de 20 467 € que sa cliente, la société CHAREX FRANCE, ne lui a pas payée faute d'avoir été livrée par ETABLISSEMENTS PIERRE HARINORDOQUY ;
Ayant relevé appel, par dernières conclusions signifiées le 1er septembre 2010 à la société ETABLISSEMENTS PIERRE HARINORDOQUY, par acte du palais, et le 16 septembre 2010 par voie d'assignation à la société CHAREX FRANCE qui n'a alors pas constitué avoué, la société MAISON GOIXART & FILS demande de :
- lui donner acte qu'elle s'engage à verser la somme de 61 950 € pour solde de tout compte,
- condamner la société CHAREX FRANCE à lui payer la somme de 20 467 €,
- lui donner acte qu'elle ne s'oppose pas à la désignation d'un expert afin de vérifier les dires de ses clients et chiffrer la valeur vénale de la marchandise livrée,
- débouter la société ETABLISSEMENTS PIERRE HARINORDOQUY de ses demandes,
- condamner cette dernière à lui payer 7'000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens de première instance et d'appel et de condamner sur le même fondement la société CHAREX FRANCE à lui payer 3000 € ;
Par dernières conclusions signifiées le 17 novembre 2010, la société ETABLISSEMENTS PIERRE HARINORDOQUY, au visa de l'article 1134 du Code civil, demande la confirmation du jugement et le paiement de 7'000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Elle fait valoir que les deux premières livraisons ont été acceptées et qu'il convient de leur appliquer le prix convenu après la déduction du prix de cinq agneaux pour la seconde, la première n'ayant donné lieu aucune contestation. En ce qui concerne la troisième livraison, elle relève que l'appelante s'est bornée à indiquer sur le bon de livraison du 1er décembre 2008 que la marchandise ne correspondait pas en poids et en qualité à la commande, sans autre précision, et qu'elle s'est néanmoins empressée de vendre les marchandises de telle sorte qu'il lui a été impossible d'effectuer ses propres constatations ;
Qu'ultérieurement, en réponse à la demande en paiement des factures, aucune réclamation n'a été précisée par elle sur la nature des défauts des marchandises livrées ; qu'elle est donc bien fondée en sa demande en paiement de l'ensemble du prix soit 144 601,64 € TTC ;
Elle ajoute que, de surcroît, elle convient de ce que l'appelante a fait figurer sur le troisième bon de livraison litigieux, portant le n°35877, la mention manuscrite 'marchandise non conforme en qualité et poids commandé,'mais que :
- les réserves ainsi faites sont particulièrement vagues,
- les réserves n'obéissent pas aux formes requises par les conditions générales de vente,
- contrairement aux dispositions de l'article 4.3 de ces conditions, s'agissant d'un défaut de conformité, il appartenait impérativement à la cliente de tenir la marchandise à la disposition de la venderesse dans le respect des 'règles de conservation' ; que tout au contraire, elle s'est empressée de céder les agneaux à ses clients de sorte que les constatations n'ont pu être faites par le vendeur ;
Elle demande d'écarter l'argumentation de l'appelante selon laquelle les modalités des réclamations ne s'imposent pas et selon laquelle les agneaux devaient être livrés avant le 8 décembre dans la mesure où ils étaient réservés à la fête de l'Aïd El Kébir, impliquant
une mise à disposition rapide pour la revente, et des bêtes de bonne qualité et en bonne santé pour être consommées dans une fête religieuse ; elle ajoute que contrairement à ce qui est soutenu, elle était en mesure de dépêcher sur place facilement un de ses salariés, plusieurs d'entre eux ayant la capacité d'aller constater sur place le bon état des bêtes ;
Elle observe, qu'en effet, la Direction Générale de l'Alimentation avait accordé 24 heures de délai après la fête pour que les animaux non vendus soient abattus et qu'ainsi la société MAISON GOIXART & FILS disposait d'un temps suffisant pour respecter les termes de la procédure conventionnelle de réclamation ;
Elle conteste la portée des attestations versées tardivement, rédigées par les acheteurs 'finaux' ; enfin, elle oppose le fait que la provenance des agneaux estimés non conformes n'est pas établie avec certitude et, en dernier lieu, le fait que les vices allégués constituaient des vices apparents qu'il fallait opposer immédiatement au livreur par des mentions précises sur le bon de livraison ;
SUR CE
Considérant, en premier lieu, que les conditions générales de vente concernant la dénonciation des défauts de livraison contiennent des dispositions conventionnelles précises, notamment l'envoi d'une LRAR immédiate, reprenant les mentions du bon de livraison, et le maintien à disposition du fournisseur de la marchandise livrée ;
Considérant, toutefois, que ces dispositions ne peuvent constituer, en l'espèce, un préalable à la prise en considération de la réclamation et ne constituent que des règles de forme n'étant pas susceptibles d'avoir une incidence directe sur l'établissement de la preuve ;
Que contrairement à ce qui est soutenu, leur inobservation ne peut être sanctionnée qu'au travers l'appréciation d'ensemble des éléments de preuve, lesquels n'étaient pas limités par les règles formelles conventionnelles invoquées ;
Considérant qu'en l'espèce, le bon de livraison - plus précisément une lettre de voiture internationale - signée par le destinataire le 1er décembre 2008, comporte la mention, au-dessus de la signature «marchandise non conforme en qualite et en poids con[sommee]» ;
Considérant que l'appelante verse aux débats un fax daté du 1er décembre 2008 du même jour (pièce n°4) émis à 8h37 par le fax de numéro [XXXXXXXX01], celui correspondant au cachet commercial de l'appelante, et adressé au correspondant de fax n°[XXXXXXXX02], celui de la société ETABLISSEMENTS PIERRE HARINORDOQUY, dont le contenu correspond à la question posée par le vendeur 'merci de nous envoyer le fax avec le prix pour les trois camions' ;
Considérant qu'il convient donc de considérer que la plainte a été immédiate et adressée dans le délai le plus rapide en comportant des précisions suffisantes ;
Considérant, en second lieu, que sont produites également deux factures de transport entre [Localité 11] et [Localité 9] pour l'aller et [Localité 10] et [Localité 11] pour le retour portant sur un camion semi-remorque transportant des agneaux vivants correspondant, normalement, à la réexpédition des agneaux sur leur lieu de consommation en Corse ; que la nécessité de cette réexpédition en raison d'une date impérative de fête religieuse justifie que 'la commande' n'ait pas été maintenue à disposition de la société ETABLISSEMENTS PIERRE HARINORDOQUY sur le lieu de livraison ;
Considérant, par ailleurs, qu'il apparaît de l'examen et de la lecture des six attestations produites, valant pour le moins éléments de renseignements, que les agneaux livrés et réexpédiés en Corse pour être revendus, présentaient un mauvais état général, étaient mal tondus et d'un poids trop faible de sorte que les clients ont manifesté du mécontentement auprès des revendeurs, entraînant un remboursement intégral ; qu'un compromis a été trouvé avec le fournisseur, la société RIOLACCI ;
Considérant que la dernière attestation établie par M. [M] [P], président d'un groupement de défense sanitaire (GDSB) confirme cette réception d'animaux en mauvais état sanitaire, maigres, mal tondus et d'aspect chétif ;
Considérant qu'eu égard à l'ensemble des pièces produites, il apparaît que non seulement la troisième livraison litigieuse n'était pas conforme à la commande mais qu'en raison de la nécessité d'assurer une revente correspondant à des commandes anciennes et fermes, la société MAISON GOIXART & FILS, après avoir fait les réserves et fait connaître l'état de la livraison, a dû cependant la réexpédier en vue de sa vente et de sa consommation sur place ; que cette revente a entraîné des protestations et des remboursements ;
Considérant que dans ces conditions, la société MAISON GOIXART & FILS a été fondée à refuser d' acquitter le prix de la troisième livraison ; que le jugement doit, par conséquent, être infirmé en ce qu'il a condamné l'appelante à payer la somme de 49 559,26 € en principal outre les intérêts au taux conventionnel ;
Considérant, en revanche, que la décision sera confirmée en ce qu'elle a rejeté, faute de preuves, la demande de dommages-intérêts relative à une demande en paiement exercée vainement contre la société CHAREX FRANCE, laquelle doit être mise hors de cause ;
Considérant que le jugement étant infirmé également en ce qui concerne la condamnation prononcée au titre de l'article 700, il convient de condamner la société ETABLISSEMENTS PIERRE HARINORDOQUY à payer à la société MAISON GOIXART & FILS la somme de 7'000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile et de l'intimée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement en ce qu'il a fait droit à la demande en paiement de 49 559,26 € au titre de la troisième facture et 5'000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Le confirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau,
Condamne la société ETABLISSEMENTS PIERRE HARINORDOQUY à payer à la société MAISON GOIXART & FILS la somme de 7'000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société ETABLISSEMENTS PIERRE HARINORDOQUY aux dépens de première instance et d'appel à l'exception de ceux afférents à la mise en cause de la société CHAREX FRANCE ;
Dit qu'il sera fait application de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Président