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15/02/2012 | FRANCE | N°10/06787

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 1, 15 février 2012, 10/06787


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 1



ARRET DU 15 FEVRIER 2012



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 10/06787



Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Février 2010 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG n° 04/07710









APPELANT



Etablissement L'INSTITUT NATIONAL DE L'AUDIOVISUEL (INA) venant aux droits de

la SOCIETE INA ENTREPRISE pris en la personne de son représentant légal

ayant son siège : [Adresse 2]



représenté par la SCP BERNABE-CHARDIN-CHEVILLER, avoués à la Cour,

assisté de Maître Yv...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 1

ARRET DU 15 FEVRIER 2012

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/06787

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Février 2010 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG n° 04/07710

APPELANT

Etablissement L'INSTITUT NATIONAL DE L'AUDIOVISUEL (INA) venant aux droits de la SOCIETE INA ENTREPRISE pris en la personne de son représentant légal

ayant son siège : [Adresse 2]

représenté par la SCP BERNABE-CHARDIN-CHEVILLER, avoués à la Cour,

assisté de Maître Yves BAUDELOT, avocat au barreau de Paris (P 0216) plaidant pour la SCP BAUDELOT COHEN-RICHELET POITVIN, avocats associés

INTIMEES

SOCIETE CIVILE DE PERCEPTION ET DE DISTRIBUTION DES DROITS DESE ARTISTES INTERPRETES DE LA MUSIQUE ET DE LA DANSE (SPEDIDAM) agissant poursuites et diligences de son Président

ayant son siège : [Adresse 3]

représentée par la SCP FISSELIER CHILOUX BOULAY, avoués à la Cour,

assistée de Maître Cécile TORDJMAN, avocat au barreau de PARIS ( R 058) plaidant pour la SELARL IWAN et Maître Isabelle WEKSTEIN, avocats associés

SOCIETE UNIVERSAL PICTURES VIDEO FRANCE

ayant son siège : [Adresse 1]

représentée par la SCP BASKAL CHALUT-NATAL, avoués à la Cour,

assistée de Maître Matthieu BOURGEOIS, avocat au barreau de Paris (K 110) plaidant pour la SELAFA KGA AVOCATS, avocats associés

COMPOSITION DE LA COUR :

Après le rapport oral de Madame Brigitte CHOKRON, Conseillère, l'affaire a été débattue le 06 Décembre 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Didier PIMOULLE, Président

Madame Brigitte CHOKRON, Conseillère

Madame Anne-Marie GABER, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Anne BOISNARD

ARRET :

- contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Didier PIMOULLE, président et par Monsieur Gilles DUPONT, greffier

* * *

Vu l'appel interjeté le 25 mars 2010 par la société INA ENTREPRISE (SA), du jugement contradictoire rendu par le tribunal de grande instance de Créteil le 16 Février 2010 ;

Vu les dernières conclusions de l'Institut national de l'audiovisuel, ci-après INA, venant aux droits de la société INA ENTREPRISE, signifiées le 21 novembre 2011 ;

Vu les dernières conclusions de la Société civile de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes de la musique et de la danse, ci-après la SPEDIDAM, intimée, signifiées le 22 novembre 2011 ;

Vu les dernières conclusions de la société UNIVERSAL PICTURES VIDEO FRANCE (SAS), ci-après la société UPV, intimée, signifiées le 22 novembre 2011;

Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 22 novembre 2011 ;

SUR CE, LA COUR :

Considérant qu'il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, au jugement entrepris et aux écritures, précédemment visées des parties;

Qu'il suffit de rappeler que suivant contrat du 25 avril 1995, la société INA ENTREPRISE, aux droits de laquelle vient aujourd'hui l'INA, et la société POLYGRAM, VIDEO, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société UPV, ont conclu un accord de co-production portant sur une oeuvre audiovisuelle dédiée au chanteur [B] [N], constituée d'extraits d'émissions de télévision provenant du fonds d'archives de l'INA et d'enregistrements du catalogue POLYGRAM, et destinée à être exploitée sous forme de vidéogramme du commerce ;

Que la société POLYGRAM a édité le vidéogramme en 1995 sous le titre initial '[B] [N], le chanteur', puis sous le titre '[N], l'essentiel' ;

Que la SPEDIDAM ayant fait sommation à l'INA, le 5 janvier 2004, de lui communiquer les autorisations écrites des artistes-interprètes dont les prestations ont été reproduites sur le vidéogramme, l'INA a répliqué, le 9 février 2004, en lui délivrant à son tour une sommation de justifier de sa qualité à agir ;

Que, dans ces circonstances, la SPEDIDAM a, suivant acte du 16 juillet 2004, assigné la société INA ENTREPRISE devant le tribunal de grande instance de Créteil, aux fins d'obtenir, au fondement des dispositions de l'article L.212-3 du Code de la propriété intellectuelle, paiement de dommages-intérêts en réparation d'une part, de l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession qu'elle représente, d'autre part, en réparation du préjudice subi personnellement par les 65 artistes-interprètes dont les prestations ont été illicitement reproduites ;

Que la société INA ENTREPRISE ayant, suivant acte du 1er mars 2005, assigné en intervention forcée et en garantie la société UPV, les deux instances ont été jointes le 2 mars 2005 ;

Que le tribunal, par le jugement dont appel, a écarté les fins de non-recevoir opposées par la société INA ENTREPRISE, tirées du défaut de qualité à agir de la SPEDIDAM dans l'intérêt personnel des artistes-interprètes qui ne sont ni ses membres, ni ses mandants, ainsi que des artistes-interprètes décédés, a retenu la participation des 65 artistes-interprètes pour le compte desquels agit la SPEDIDAM à l'enregistrement des titres reproduits sur le vidéogramme en cause, a relevé que la rémunération supplémentaire revenant aux artistes-interprètes, selon les dispositions de l'article L.212.4 du Code de la propriété intellectuelle, pour chaque mode d'exploitation de l'oeuvre, n' a été reconnue en son principe et payée par l'INA que très tardivement, qu'un tel retard, préjudiciable tant aux artistes-interprètes personnellement qu'à l'intérêt collectif de la profession ouvre droit à réparation à concurrence de l'allocation, respectivement, des sommes de 12.900 euros et 2.000 euros, a rejeté les demandes de la SPEDIDAM pour résistance abusive, aux fins de publication et d'affichage, a débouté enfin, l'INA, condamné in solidum avec la société UPV, de son appel en garantie contre cette dernière ;

Sur la recevabilité à agir de la SPEDIDAM,

Considérant que la recevabilité à agir de la SPEDIDAM pour la défense des intérêts collectifs de la profession n'a pas été discutée en première instance et ne l'est pas davantage en cause d'appel ;

Que, s'agissant par contre des intérêts personnels, l'INA et la société UPV maintiennent que la SPEDIDAM est irrecevable à agir pour 9 artistes-interprètes qui ne sont ni ses adhérents ni ses mandants et pour 5 artistes-interprètes décédés dont les ayants-droit ne lui ont pas donné le mandat de les représenter en justice et poursuit la réformation du jugement entrepris de ce chef ;

Considérant que la SPEDIDAM indique agir pour le compte personnel de 65 artistes-interprètes dont les noms sont énoncés en pages 23 et 24 de ses dernières écritures et reconnaît que 9 d'entre eux, à savoir [C] [K], [X] [E], [A] [N], [I] [D], [G] [O], [H] [L], [T] [W], [A] [V], [S] [Y], ne sont pas adhérents ;

Qu'elle prétend néanmoins que l'article 3 de ses statuts, auquel renvoie l'article L.321-1 du Code de la propriété intellectuelle, n'opère aucune distinction selon que les artistes-interprètes pour lesquels elle agit sont ou non ses adhérents, et partant, ne limitent pas sa qualité à agir à ses seuls membres, et ajoute qu'aucune disposition légale ne subordonne son droit d'agir à la production d'un mandat spécial ;

Mais considérant que les statuts de la SPEDIDAM énoncent à l'article 3 précité, que la société civile de gestion collective n'a été constituée qu'entre les membres fondateurs et tous les artistes-interprètes qui seront admis à y adhérer et, s'ils indiquent qu'elle a qualité pour ester en justice tant dans l'intérêt individuel des artistes-interprètes que dans l'intérêt collectif de la profession pour faire respecter les droits reconnus aux artistes-interprètes par le Code de la propriété intellectuelle (...), ils précisent qu'elle a pour objet la défense des intérêts matériels et moraux de ses membres ou de leurs ayants droit, lesquels membres, selon l'article 2 des statuts, lui font apport, du fait même de (l')adhésion (...) du droit d'autoriser ou d'interdire la reproduction, la communication au public de sa prestation (...) ;

Considérant par ailleurs que si les dispositions de l'article L.321-1 du Code de la propriété intellectuelle, reconnaissent aux sociétés de gestion collective régulièrement constituées, telle la SPEDIDAM, la qualité pour ester en justice pour la défense des droits dont elles ont statutairement la charge, elles se gardent d'instituer au bénéfice de ces sociétés une adhésion obligatoire et ne sauraient en conséquence leur conférer un droit d'agir pour défendre les intérêts d'artistes-interprètes qui n'auraient pas adhéré à leurs statuts ou qui ne leur auraient pas confié le mandat exprès de les représenter en justice, ce qui reviendrait à accepter que ces sociétés puissent gérer les droits d'un artiste-interprète contre sa volonté et au mépris de la libre disposition de ses prérogatives ;

Qu'il s'ensuit que la SPEDIDAM n'est pas fondée à s'emparer de sa qualité de société de gestion collective pour revendiquer des droits dont elle n'est pas titulaire et s'arroger de manière universelle le droit de poursuivre, à la place de tout artiste-interprète victime supposée d'une atteinte à ses droits, l'indemnisation du préjudice subi par l'artiste-interprète concerné du fait de cette atteinte ;

Et que, si la SPEDIDAM peut se prévaloir, s'agissant de la défense d'intérêts dont elle a statutairement la charge, d'une atteinte à ses intérêts propres ou d'une atteinte à l'intérêt collectif de la profession, elle ne peut agir, en ce qui concerne le préjudice souffert personnellement par l'artiste-interprète, qu'au nom de ceux qui ayant adhéré à ses statuts, lui ont fait apport de leurs droits, ou encore de ceux qui, s'ils ne sont pas ses membres, lui ont donné le mandat exprès de défendre leurs droits ;

Considérant que la SPEDIDAM n'est pas recevable, en définitive, à agir dans l'intérêt individuel des 9 artistes-interprètes précédemment nommés qui ne sont ni ses adhérents ni ses mandants ; que le jugement déféré sera réformé sur ce point ;

Considérant que le décès de 5 des artistes-interprètes pour lesquels la SPEDIDAM entend agir, [R] [J] le 9 septembre 1984, [Z] [F] le 3 mai 2000, [P] [IV] le 4 mars 1998, [U] [UI] le 1er novembre 2007, [XZ] [M] le 3 novembre 2008, est établi au vu des courriers de la société de protection sociale AUDIENS en date des 29 janvier et 19 mars 2009 ;

Considérant que la SPEDIDAM prétend avoir qualité à agir dans l'intérêt personnel des adhérents décédés ;

Qu'elle soutient à cet effet que le décès d'un adhérent n'est pas de nature à affecter l'apport de ses droits à la société de gestion collective et qu'il suffit pour en justifier, de se référer à ses statuts qui précisent, à l'article 14, que en cas de décès d'un associé, les rémunérations continueront à être versées à ses ayants-droit ainsi qu'à son règlement général qui énonce à l'article 7.1, que en cas de décès d'un ayant-droit, les droits lui revenant seront versés par les soins de la SPEDIDAM à ses héritiers identifiés ;

Mais considérant que la référence à ces dispositions, qui ont pour objet de prévoir que la SPEDIDAM doit payer aux héritiers de ses adhérents décédés les sommes qu'elle continue de percevoir pour leur compte, est sans pertinence en l'espèce où il est question, non des conditions de répartition des rémunérations perçues ou dues à des artistes-interprètes, mais d'action en justice aux fins d'obtenir le paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice personnel souffert par chaque artiste-interprète faute par l'INA de s'être assuré de son autorisation préalablement à l'exploitation de sa prestation sur le vidéogramme [N], l'essentiel ;

Considérant que le droit d'agir en justice est une liberté fondamentale qui appartient à chacun et qui ne peut être exercée, dans son propre intérêt, que par chacun et par personne d'autre, sauf disposition expressément et exceptionnellement prévue par la loi ;

Et que, force est de relever que la SPEDIDAM n'est en mesure de justifier d'aucune disposition légale, ni d'aucune disposition statutaire qui lui conférerait la qualité d'agir en justice dans l'intérêt personnel des héritiers, au demeurant non identifiés, de ses adhérents décédés ;

Que le jugement sera en conséquence réformé en ce qu'il a admis la recevabilité à agir de la SPEDIDAM dans l'intérêt personnel des adhérents décédés ;

Sur le fond,

Sur la participation des artistes-interprètes aux enregistrements reproduits,

Considérant que le vidéogramme litigieux regroupe 5 titres, extraits d'émissions de télévision enregistrées en direct et appartenant au fonds d'archives de l'INA (Lady Marlène, La vie ne m'apprend rien, Pour la femme veuve qui s'éveille, Je ne suis pas un héros, Frappe avec ta tête) et 7 titres extraits d'enregistrements appartenant initialement au catalogue BARCLAY, relevant ensuite de POLYGRAM et aujourd'hui d'UPV (Le chanteur, Vivre ou survivre, l'Aziza, Tous les cris les SOS, Mon fils ma bataille, Vendeurs de larmes, Sauver l'amour) ;

Considérant que la société UPV communique en page 7 de ses dernières écritures les noms de 22 artistes-interprètes dont elle admet expressément qu'ils ont participé aux enregistrements issus de son catalogue et reproduits sur le vidéogramme litigieux ;

Considérant que l'INA produit pour sa part les contrats conclus par la société française de production (SFP) avec les artistes-interprètes (au nombre de 35) qui ont participé aux émissions de télévision Champs-Elysées et Les nouveaux rendez-vous , reproduites sur le vidéogramme litigieux ;

Qu'il se prévaut de ces contrats pour revendiquer l'application à son bénéfice des dispositions de l'article L.212-4 du Code de la propriété intellectuelle et soutenir qu'il n'avait pas à rechercher l'autorisation des artistes-interprètes pour une nouvelle exploitation de leur prestation ;

Qu'il ne saurait dès lors sérieusement soutenir que ces contrats ne rapportent pas pour autant la preuve de la participation des artistes-interprètes concernés aux enregistrements

reproduits ;

Considérant que l'INA produit au surplus, pour justifier du paiement aux artistes-interprètes de la rémunération supplémentaire prévue à l'article L.212-4 précité, un document émis en date du 12 octobre 2009 et présentant la liste des 65 artistes-interprètes dans l'intérêt desquels prétend agir la SPEDIDAM avec l'indication du cachet revenant à chacun ;

Considérant qu'il suit de ces éléments que la participation aux enregistrements reproduits des artistes-interprètes pour lesquels la SPEDIDAM déclare agir est établie ;

Sur les autorisations,

Considérant que la SPEDIDAM invoque la violation des dispositions de l'article L.212-3 du Code de la propriété intellectuelle en vertu desquelles sont soumises à l'autorisation écrite de l'artiste-interprète la fixation de sa prestation, sa reproduction et sa communication au public, ainsi que toute utilisation séparée du son et de l'image de la prestation lorsque celle-ci a été fixée à la fois pour le son et l'image.

Cette autorisation et les rémunérations auxquelles elle donne lieu sont régies par les dispositions des articles L.762-1 et L.762-2 du code du travail, sous réserve des dispositions de l'article L.212-6 du présent code. ;

Que l'INA, pour sa défense, lui oppose le bénéfice des dispositions de l'article L.212-4 du Code de la propriété intellectuelle, visant spécialement l'oeuvre audiovisuelle, et selon lesquelles, la signature du contrat conclu entre un artiste-interprète et un producteur pour la réalisation d'une oeuvre audiovisuelle vaut autorisation de fixer, reproduire et communiquer au public la prestation de l'artiste-interprète. ;

Que la société UPV invoque quant à elle les 18 lettres-accords signées entre 2002 et 2004 avec les artistes-interprètes dont elle avait la charge et justifiant du paiement de la rémunération supplémentaire pour la reproduction de leur prestation sur le vidéogramme litigieux ;

Considérant, ceci étant posé, que, s'agissant des émissions de télévision reproduites,

chacun des musiciens a signé, pour l'enregistrement de sa prestation, une feuille de présence sous forme d'un formulaire-type établi à en-tête de la SFP ; qu'il est indiqué sur cette feuille de présence, le nom du réalisateur, le titre de l'oeuvre (titre de l'émission de télévision ) pour laquelle la prestation de l'artiste-interprète est enregistrée, la nature de la prestation (accompagnement du chanteur [B] [N]) et les modalités de réalisation de la prestation (jour, heure, lieu, durée), le montant de la rémunération et, au verso, diverses dispositions relatives aux conditions générales d'engagement des artistes-interprètes ; qu'il est en outre expressément mentionné à l'article 1 des conditions générales d'engagement que la feuille de présence signée par le musicien 'constitue un contrat de travail à durée et à objet déterminés' ;

Considérant qu'il suit de ces éléments que la SFP, en sa qualité de producteur d'une émission télévisuelle consacrée intégralement ou pour partie au chanteur [B] [N] a engagé les musiciens, accompagnateurs du chanteur, pour la réalisation de cette oeuvre audiovisuelle par l'interprétation de sa partie musicale ;

Que force est de relever que l'accompagnement musical n'est aucunement séparable de l'oeuvre audiovisuelle mais en est partie prenante dès lors que son enregistrement est effectué pour sonoriser les séquences animées d'images et constituer ainsi la bande son de l'oeuvre audiovisuelle, ce que n'ignoraient pas au demeurant les musiciens qui étaient parfaitement informés, en signant la feuille de présence, que la fixation de leur prestation était destinée à la réalisation d'une émission télévisuelle mettant en scène le chanteur [B] [N] ;

Considérant que les feuilles de présence produites aux débats constituent en conséquence un contrat conclu entre un artiste-interprète et un producteur pour la réalisation d'une oeuvre audiovisuelle emportant, au sens des dispositions de l'article L.212-4 du Code de la propriété intellectuelle, l'autorisation, au bénéfice du producteur, de fixer, reproduire et communiquer au public la prestation de l'artiste-interprète ;

Que l'INA est en conséquence fondé à invoquer l'application à son bénéfice des dispositions précitées et à soutenir qu'il n'avait pas à requérir une nouvelle autorisation des artistes-interprètes pour l'exploitation de leur prestation sur le vidéogramme [N], l'essentiel ;

Considérant, s'agissant des artistes-interprètes concernés par les enregistrements relevant du catalogue de la société UPV, que les 18 lettres-accords produites aux débats, signées entre 2002 et 2004, établissent la cession par chacun des artistes-interprètes, moyennant une rémunération de 700 à 20.700 euros, des droits de reproduction sur tout support, de communication au public par tout moyen connu ou à découvrir, de mise à la disposition du public par la vente, la location, le prêt, le droit d'utilisation, y compris par extrait, pour la synchronisation de toute oeuvre audiovisuelle ou spectacle vivant, pour la publicité sonore ou visuelle ;

Considérant que ces accords précisent que la cession est consentie pour la durée légale de protection prévue à l'article L.211-4 du Code de la propriété intellectuelle c'est-à-dire, conformément à ce que prévoit ce texte pour les artistes-interprètes, pour une durée de cinquante années à compter du 1er janvier de l'année civile suivant celle de l'interprétation;

Considérant que les accords en cause ont été signés sans la moindre réserve ;

Considérant qu'il n'est pas contesté enfin que les artistes-interprètes signataires n'ignoraient pas l'exploitation de leurs prestations faite en 1995 par la société POLYGRAM VIDEO (aux droits de laquelle vient UPV) sous la forme du vidéogramme du commerce [N], l'essentiel ;

Qu'il suit de ces éléments que la SPEDIDAM est mal fondée à prétendre que les lettres-accords invoquées ne vaudraient que pour le futur et ne couvriraient pas les exploitations passées et, en particulier, l'exploitation litigieuse ;

Sur la rémunération distincte,

Considérant que l'article L.212-4 du Code de la propriété intellectuelle dispose in fine que le contrat conclu entre un artiste-interprète et un producteur pour la réalisation d'une oeuvre audiovisuelle fixe une rémunération distincte pour chaque mode d'exploitation de l'oeuvre ;

Considérant qu'il résulte des pièces de la procédure que l'INA a payé le 17 mars 2009 des suppléments de cachets à 21 des artistes-interprètes concernés par la procédure ;

Que l'INA précise à cet égard que les suppléments de cachets ont été calculés selon les modalités prévues par les accords collectifs signés en 2005 et 2006 avec les organisations syndicales représentatives destinés à régir spécifiquement les conditions d'exploitation des prestations d'artistes-interprètes issues des fonds d'archives dont il a la charge ;

Considérant que la SPEDIDAM fait toutefois observer, avec raison, qu'à supposer même que les accords collectifs invoqués aient vocation à s'appliquer à des exploitations antérieures, le paiement de la rémunération supplémentaire prévue à l'article L.212-4 du Code de la propriété intellectuelle intervenu en mars 2009, soit quatorze ans après l'exploitation concernée, est manifestement tardive et ouvre droit à la réparation tant du préjudice personnel des artistes-interprètes que de l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la prestation ;

Qu'elle soutient, encore à bon droit, que l'observation qui précède vaut pareillement pour les lettres-accords signées par la société UPV entre 2002 et 2004, soit plus de 7 ans après l'exploitation en cause ;

Qu'elle demande en conséquence la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a, en considération du retard apporté, au mépris des droits des artistes-interprètes, à la reconnaissance du principe de la rémunération distincte et au versement effectif de cette rémunération, condamné in solidum l'INA et la société UPV au paiement d'une somme de 12.900 euros en réparation du préjudice qui en est résulté pour les artistes-interprètes à titre personnel outre au paiement d'une somme de 2.000 euros pour l'atteinte à l'intérêt collectif de la profession ;

Considérant qu'il suit de ces éléments que le tribunal doit être suivi en ce qu'il a par de justes motifs, que la cour adopte, retenu un principe de réparation des préjudices personnels des artistes-interprètes et de l'atteinte à l'intérêt collectif de la profession ;

Considérant, sur ce dernier chef, que le montant de 2.000 euros procède d'une juste appréciation des circonstances de la cause et doit être confirmé ;

Que, s'agissant du montant alloué au titre des préjudices personnels, il doit être réduit, au regard de l'irrecevabilité à agir de la SPEDIDAM pour les 9 artistes-interprètes qui ne comptent pas au nombre de ses adhérents ainsi que pour les 5 artistes-interprètes décédés, à la somme de 10.000 euros ;

Considérant que les sociétés intimées ayant chacune concouru à la réalisation du dommage, c'est à juste titre que le tribunal les a condamnées in solidum au paiement des indemnités réparatrices ;

Considérant, sur les autres demandes de la SPEDIDAM, que le jugement sera encore confirmé en ce qu'il a pertinemment rejeté la demande de publication, les indemnisations allouées étant suffisantes au regard des préjudices subis, qu'il résulte par ailleurs, du sens de l'arrêt, qui fait droit aux fins de non-recevoir opposées par l'INA et la société UPV, que le caractère abusif de la résistance des sociétés intimées n'est pas établi ;

Que l'équité ne commande pas de faire droit aux demandes formées au titre des frais irrépétibles d'appel ;

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a déclaré la SPEDIDAM recevable à agir pour les non adhérents et pour les adhérents décédés et en ce qu'il a fixé à 12.900 euros le montant des dommages-intérêts alloués en réparation du préjudice personnel des artistes-interprètes,

Statuant à nouveau des chefs réformés,

Dit que la SPEDIDAM n'est pas recevable à agir pour les 9 artistes-interprètes non adhérents ni pour les 5 membres-adhérents décédés,

Condamne in solidum l'INA et la société UPV à payer à la SPEDIDAM la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice personnel des 51 artistes-interprètes pour lesquels elle est recevable à agir,

Déboute la SPEDIDAM de sa demande au fondement de procédure abusive,

Dit n'y avoir lieu à indemnité complémentaire au titre des frais irrépétibles,

Condamne in solidum l'INA et la société UPV aux dépens de la procédure d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 10/06787
Date de la décision : 15/02/2012

Références :

Cour d'appel de Paris I1, arrêt n°10/06787 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-02-15;10.06787 ?
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