Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRET DU 15 FEVRIER 2012
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/03062
Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Janvier 2010 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 09/00451
APPELANTS
Monsieur [G], [O], [Z] [H]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Madame [Y], [B] [D] épouse [H]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par la SCP REGNIER-BEQUET-MOISAN, avoués à la Cour
assistés de Me Etienne PÉTRÉ plaidant pour la SELARL CABINET PÉTRÉ, avocat au barreau de PARIS, toque : L 116
INTIME
Monsieur [V] [X]
[Adresse 1]
[Localité 5]
représenté par la SCP GRAPPOTTE BENETREAU et PELIT JUMEL, avoué à la Cour
assistée de Me Josiane CARRIERE JOURDAIN de la SELARL CARRIERE JOURDAIN (avocat au barreau de PARIS, toque : E0055)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 2 novembre 2011, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame BARTHOLIN, Présidente chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame BARTHOLIN, Présidente
Madame BLUM, Conseiller
Madame REGHI, Conseiller
Greffier, lors des débats : Madame BASTIN.
ARRÊT :
- contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Madame BARTHOLIN, Présidente, et par Madame BASTIN, greffier, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
*************
EXPOSE DU LITIGE
Faits et procédure :
Suivant acte sous seing privé en date du 27 septembre 1994, les époux [X] ont donné à bail aux époux [H] des locaux ( une boutique et ses dépendances et au sous sol deux caves, formant les lots 1, 24 et 25 du règlement de copropriété et représentant les 134/1000 des parties communes) situés [Adresse 3] pour y exercer un commerce de 'boucherie, triperie, volailles, comestibles, crémerie, vin et spiritueux à emporter, à l'exclusion de tout autre commerce ' , le bail prenant effet à compter du 1° octobre 1994 pour une durée de trois, six, neuf années entières et consécutives, par périodes triennales .
Les époux [H] avaient acquis le fonds des époux [L] le 23 mars 1993 , l'acte de cession du fonds comme l'acte de cession du droit au bail du même jour contenant la même destination que le bail du 27 septembre 1994 .
Le bail été prorogé et au cours de cette tacite prorogation, le bailleur Monsieur [X] a fait signifier aux preneurs le 20 février 2008 deux commandements visant la clause résolutoire :
*l'un d'avoir à justifier de la souscription d'un contrat d'assurances tel que prévu au bail pour les années 2006, 2007 et 2008,
*l'autre d'avoir à payer la somme de 3 509, 28€ représentant les charges impayées de 2001 à 2007, d'avoir à s'acquitter de leur loyer d'avance et au plus tard le 1° du mois alors qu'ils payent leur loyer depuis des années avec retard et enfin, d'avoir à cesser l'activité de charcuterie non prévue au bail, le terme de comestibles n'ayant été convenu que pour la vente de chips et de biscuits apéritifs , ce qui n'est pas répertorié comme un métier et qu'ils prennent toute disposition pour faire disparaître toute référence à cette activité .
Monsieur [X], après y avoir été autorisé, a fait dresser le 25 septembre 2008, constat par huissier à l'effet de démonter que les époux [H] ont poursuivi à l'issue du délai d'un mois à compter de la délivrance du commandement l'activité reprochée .
C'est dans ces conditions que Monsieur [X] a assigné les époux [H] devant le tribunal de grande instance de Paris afin de voir constater la résiliation du bail pour infractions au bail, non régularisées après mise en demeure dans le délai de l'article L 145-41 du code de commerce .
Par jugement du 19 janvier 2010, le tribunal a :
-débouté les époux [H] de leur fin de non recevoir pour défaut de qualité à agir de monsieur [X] .
-dit que l'infraction de dépassement de la destination contractuelle du bail par les époux [H] sans autorisation est constituée .
- constaté la résiliation de plein droit du bail prorogé eu 27 septembre 1994 aux torts des époux [H] à la date du 21 mars 2008.
-ordonné l'expulsion des époux [H] et de tous occupants de leur chef, dans les fromes légales et avec l'assistance de la force publique si besoin est , faute par eux d'avoir volontairement libéré les lieux sis à [Adresse 6] dans un délai d'un mois après la signification du jugement,
-dit que les meubles et objets mobiliers trouvés dans les locaux litigieux donneront lieu à application des dispositions de l'article 65 de la loi du 9 juillet 1991 et 201 du décret du 31 juillet 1992,
-fixe l'indemnité d'occupation mensuelle qui incombe aux époux [H] au montant du dernier loyer en cours, à compter du 21 mars 2008 et jusqu'à la libération complète des lieux .
-condamné les époux [H] à payer à Monsieur [X] la somme de 2 488, 71€ au titre des charges,
-dit que le dépôt de garantie de 3014, 40€ restera acquis au bailleur ,
-rejette le surplus des demandes,
-condamne les époux [H] aux dépens qui comprendront le coût des commandements de payer du 20 février 2008 et du procès - verbal de constat du 25 septembre 2008 .
Les époux [H] ont interjeté appel de cette décision ; dans leurs conclusions signifiées les 2 septembre et 13 octobre 2011, ils demandent à la cour d'infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Paris sauf en ce qui concerne le montant des charges à payer, de statuer à nouveau et de :
A titre principal, de constater qu'ils ont une activité conforme à la destination prévue au bail du 27 septembre 1994;
A titre subsidiaire, et dans l'hypothèse ou la cour retiendrait un dépassement de la destination contractuelle, au visa de l'article L 110-4 du code de commerce, de dire prescrite l'action en résiliation du bail pour infraction à la destination contractuelle et plus subsidiairement, de constater que l'infraction commise n'est pas suffisamment grave pour justifier l'acquisition de la clause résolutoire,
de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que l'infraction de défaut d'assurance n'était pas constituée .
Au visa de l'article L 145-41 du code de commerce, de donner acte aux époux [H] qu'ils se reconnaissent redevables de la somme de 2 488, 71;€ et leur accorder les plus larges délais de paiement en suspendant la clause résolutoire conformément aux dispositions de l'article L 145-41 du code de commerce,
Dans tous les cas, de condamner Monsieur [V] [X] à leur payer la somme de 5000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens de première instance et d'appel .
Monsieur [V] [X] dans ses dernières conclusions signifiées le 29 décembre 2010 et au visa des articles L 145-1 du code de commerce, 1156 et suivants du code civil, demande à la cour de dire les époux [H] mal fondés en leur appel, de confirmer, le jugement entrepris en ce qu'il a constaté la résiliation de plein droit du bail au motif de la violation de la destination contractuelle du bail, l'absence de règlement de l'arriéré des charges, en ce qu'il a prononcé l'expulsion des preneurs, suivant les modalités habituelles, fixé l'indemnité d'occupation sur la base du dernier loyer exigible, déclaré que le dépôt de garantie est acquis au bailleur .
Il demande de faire droit à son appel incident et de :
-dire que la clause résolutoire se trouve également acquise pour la défaut d'assurance des preneurs pour les années 2006, 2007 et 2008 , le non paiement des charges ainsi que le non paiement des loyers à l'échéance prévue .
-de condamner les époux [H] à lui payer la somme de 2 870, 43€ avec intérêts contractuels au taux de 17% à compter du 17 décembre 2007 soit 17 jours après la mise en demeure du 18 décembre 2007 , reçue le 21 décembre 2007 et capitalisation des intérêts par application de l'article 1154 du code civil ,
-de débouter les époux [H] de leurs demandes,
-de les condamner in solidum à lui verser la somme de 5000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens de première instance et d'appel .
SUR CE,
Sur l'infraction concernant la destination du bail :
Monsieur [V] [X] invoque que, au mépris de la clause du bail qui prévoit que les preneurs ne pourront exercer dans les lieux loués que le commerce de boucherie, triperie, volailles, comestibles , crémerie, vin et spiritueux à emporter, à l'exclusion de tout autre commerce, les preneurs exercent dans les lieux loués l'activité de charcuterie, en dépit des nombreuses lettres recommandées qui leur ont été adressées et d'un commandement visant la clause résolutoire délivré le 20 février 2008 leur rappelant d'avoir à cesser l'activité de charcuterie non prévue au bail .
Il fait valoir qu' il a été constaté par huissier de justice que l'activité de charcuterie n'avait pas cessé à la date du constat du 25 septembre 2008 et qu'elle représente une part très importante de l'activité globale , soit environ 50% .
Il invoque encore que l'ajout dans le bail du terme 'comestibles' n'a pas pour effet de permettre aux époux [H] de vendre dans les lieux tous produits pouvant être consommés par l'homme mais uniquement ceux qui se rapportent aux activités contractuellement prévues, comme la vente de chips ou de biscuits apéritifs, que c'est en vain que les consorts [H] font valoir que leurs prédécesseurs dans le fonds exerçaient déjà cette activité alors que le bail n'a pas été modifié lors des cessions successives, que le fonds est identifié au registre du commerce comme un commerce de boucherie et référencé comme tel à l'Institut national de la statistique sans apposition d'une codification relative à une activité de charcuterie, que la façade de la boutique ne comporte aucune mention d'une activité de charcuterie .
Les époux [H] ne contestent pas exercer dans les lieux loués la vente de charcuterie comme le faisaient, selon eux leurs prédécesseurs ainsi qu'en attestent les clients qui ont fourni leur témoignage, tout en précisant que les articles vendus ne sont que des produits finis qu'ils achètent à des fournisseurs sans les fabriquer eux- mêmes .
Le constat d'huissier dressé le 25 septembre 2008 confirme la présence en boutique dans des meubles réfrigérés de ' bacon, roulade alsacienne, saucisson à l'ail et saucisson sec, rosette, andouille de Guémené, andouilles de Troyes chorizo, saucisse de Morteau, différents type de jambon, patés forestier, de campagne, en croute, chipolatas, rillettes d'oie ' ainsi que d'une trancheuse professionnelle, et, dans la chambre froide, et aux cotés de quartiers de viande, de chipolatas, lard, jambons de Paris enveloppés sous cellophane, onze photographies étant jointes au constat .
Or la vente de produits de charcuterie non fabriqués sur place et de façon accessoire à l'activité de boucherie correspond à une évolution des usages commerciaux dans la branche du commerce de la boucherie qui, s'adaptant aux exigences actuelles de la clientèle propose non seulement des plats cuisinés mais aussi des produits de base de charcuterie, tels que pâtés, jambons, saucissons.. . qui sont en rapport étroit avec l'activité principale et s'adressent à la même clientèle, cette évolution des usages coïncidant avec la raréfaction des commerces de détail alimentaires et l'apparition d'une offre de produits industriels de charcuterie.
Il n'est pas démontré, en l'espèce, que la vente de tels produits représentent comme le soutient le bailleur, 50% de l'activité globale du commerce considéré, cette indication ne pouvant ressortir de l'examen des photographies des vitrines ou se mêlent produits de charcuterie et de boucherie et l'huissier n'ayant procédé, en dépit de l'ordonnance le désignant, à aucune indication de la quantité et de la proportion des différentes denrées alimentaires présentes dans la boutique et la chambre froide .
Il s'ensuit que, faute de démontrer que la vente de denrées correspondant à des produits industriels ou semi industriels de charcuterie ont pris une place qui n'est ni accessoire ni annexe dans l'exploitation du commerce, et alors que la vente de tels produits, non fabriqués par les époux [H] correspond à une évolution des usages commerciaux et est donc incluse dans l'activité de boucherie, le bailleur ne fait pas la preuve que les preneurs ont enfreint la clause de destination du bail .
Sur les autres infractions alléguées :
Les époux [H] justifient de la souscription en 1998 auprès de la compagnie d'assurance Mapa d'un contrat d'assurance pour leur activité de commerce de détail boucherie, par la production d'un extrait de ce contrat et, par l'attestation de cette même compagnie, de la permanence de ce contrat d'assurance, encore en vigueur à la date du commandement délivré le 20 février 2008 et modifié en avril 2008 .
Il s'ensuit que le grief de défaut d'assurance invoqué dans le commandement du 20 février 2008 n'est pas établi comme l'a justement retenu le premier juge .
Les commandements de payer du 20 février 2008 ne visent aucun retard précis dans le paiement des loyers ; le simple rappel fait aux preneurs de ce qu'ils ont l'obligation de s'acquitter de leur loyer d'avance alors 'qu'ils payent depuis des années en retard', sans que lesdits retards soient énumérés dans les commandements ne saurait suffire à caractériser une infraction aux clauses du bail permettant la mise en jeu de la clause résolutoire .
Les époux [H] se reconnaissent en revanche débiteurs de la somme de 2470, 43€ réclamée par le bailleur correspondant aux charges impayées rappelées dans le commandement du 20 février 2008, déduction faite des charges des années 2001 à 2002 prescrites à la date de la délivrance du commandement, dont ils justifient d'être acquittés mais postérieurement au délai d'un mois du commandement et pour laquelle ils sollicitent un délai de paiement suspendant la clause résolutoire.
Le bailleur s'oppose à cette demande de délai en raison de la mauvaise foi des preneurs qui ne règlent pas selon lui ponctuellement les loyers et charges et ont déjà été condamnés par un jugement du 15 janvier 1998 à s'acquitter de charges impayées .
La preuve que les époux [H] sont actuellement en retard dans le paiement des loyers n'est pas faite, la circonstance démontrée de retards antérieurs ne suffisant pas à établir leur mauvaise foi alors qu'ils ont mis en place récemment un système de prélèvement bancaire destiné précisément à pallier aux retards de paiement .
S'agissant de leur condamnation antérieure pour charges impayées, elle est la conséquence de leur contestation quant à leur obligation de devoir payer d'importants travaux de ravalement des souches de cheminée, considérés selon eux, à tort, comme des grosses réparations devant rester à la charge du bailleur ; cette contestation ne révèle aucune mauvaise foi de leur part .
Il y lieu de constater que les époux [H] ne s'étant pas acquittés de la somme de 2478, 43€ représentant les charges impayées pour la période de 2003 à 2008 dans le délai d'un mois à compter du commandement de payer, la clause résolutoire a trouvé à s'appliquer ; il convient cependant de leur accorder un délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt pour s'acquitter, en outre de la somme en principal de 2470, 43€ qu'ils justifient avoir réglée, les intérêts conventionnels dus sur cette somme au taux de 17% à compter du 31 décembre 2007 avec capitalisation desdits intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil, ce délai suspendant l'application de la clause résolutoire rappelée dans le commandement du 20 février 2008 .
Monsieur [X] supportera les entiers dépens de première instance et d'appel et paiera aux époux [H] une somme de 1500€ par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Réformant le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
Constate l'application de la clause résolutoire rappelée dans le commandement de payer du 19 février 2008, faute par les époux [H] de d'être acquittés des charges impayées et des intérêts,
Suspend les effets de ladite clause et accorde aux époux [H] un délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt pour s'acquitter de la totalité des sommes dues au titre des charges de 2003 à 2008 outre les intérêts conventionnels de 17% l'an à compter du 31 décembre 2007 et capitalisation dedits intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil .
Dit qu'à défaut de règlement dans le délai prescrit, la clause résolutoire sera censée avoir joué, le bail étant résilié et les preneurs seront expulsés des lieux loués dans les conditions prévues au jugement concernant la séquestration du matériel et du mobilier ; les condamne en ce cas, au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du dernier loyer en cours à compter de la date de résiliation et jusqu'à leur parfaite libération des lieux, le dépôt de garantie restant acquis au bailleur .
Déboute Monsieur [X] de sa demande tendant au constat de la résiliation du bail pour les autres infractions alléguées .
Le déboute de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .
Le condamne aux entiers dépens et à payer aux époux [H] une somme de 1500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,